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lundi, 25 février 2008

Quatre vies, palettes... quatre violons

« Autrefois, on disait octante, mot plus régulier que quatre-vingt, qui est une expression barbare. » (Maurice Lachâtre. Nouveau Dictionnaire Universel [1881]. p. 1190)



 

Tout comme je suis sûr d’avoir déjà lu, dans un autre livre, évoquer le Trille du diable de Giuseppe Tartini – que joue le jeune Federico au cinquième chapitre de Sankt-Petri-Schnee – , je pense n’avoir jamais entendu jouer cette œuvre. Curieusement, le Robert des noms propres (édition 1983, dernier tome, p. 3057) cite plusieurs œuvres de musique de chambre du même compositeur, mais c’est ce Trille du diable, apparemment son coup d’essai, qui est passé à la postérité.

La même édition du Robert des noms propres ignore tout de Leo Perutz, qui fut, de fait, (re)découvert en France dans les années 1980. J’ai grandi près de Tartas ; un dimanche sur deux, quand nous allions en famille voir mes grands-parents à Saint-Pierre du Mont, nous passions près de la papeterie en nous bouchant le nez. Le seul Perutz qui ait droit à une entrée du prestigieux dictionnaire est Max Ferdinand Perutz, Prix Nobel de Chimie 1962. Toujours sur la même double page 3056-7, est reproduite une scène érotique de la Tombe des Taureaux, à Tarquinia : ici même, il y a de cela quelques étés, je lisais Les Petits chevaux de Tarquinia.


 

Brefs feuilletages : je connaissais Tapiès, Tao Chi et Tanguy, mais pas Rufino Tamayo (né en 1899 à Oaxaca). Son guitariste rouge (« Le Chanteur », 1951, Musée National d’Art Moderne, Paris) ressemble à une contrebasse – ses dents à un râtelier de piano – sa main à la pince de Belzébuth.



Michel-Ange et Henry Miller ont tous deux vécu quatre-vingt-neuf ans. Cela, je l’ai appris ce matin.

 

 


[ 13 février 2008 ] 

jeudi, 17 janvier 2008

Eisleriana

Depuis un mois et demi, je ne cesse de tourner autour des Quatorze manières de décrire la pluie de Hanns Eisler. Cet art qui consiste à partir d'une conception illustrative/référentielle/descriptive de la musique pour mieux s'affranchir des conventions mêmes d'une telle conception, c'est ce que l'on retrouve, du point de vue du langage, dans la poésie japonaise contemporaine, et sans doute aussi, quoique dans une moindre mesure, dans l'"école" américaine des L=A=N=G=U=A=G=E poets. Cela revient à démettre en images, en quelque sorte (ce que, dans un article de 2003 paru très récemment, j'avais nommé le dé-scriptif).

dimanche, 13 janvier 2008

Omégalomanie trombonesque

          Le lecteur sourcilleux, insomniaque, ou peut-être – simplement – attentif et doué d’une bonne mémoire, se souvient peut-être qu’un lointain lundi de blocage, à la suite d’une séance particulièrement longue à battre le pavé de la rue des Tanneurs, pour finir par ne pas voir s’ouvrir l’université en partie saccagée par les insurgés d’opérette, l’auteur de ce carnétoile (lequel avoisine, au bout de trente-et-un mois d’existence, les 2000 textes publiés) s’était retrouvé face à un verre de succulent vin de myrte chez un collègue dont un certain froid par ailleurs le sépare, ce qui est d’autant plus dommage qu’il partage, avec ce collègue, des goûts musicaux, dont la découverte, chez ledit collègue, de l’enregistrement original en vinyl de la longue et belle composition d’André Hodeir Anna Livia Plurabelle n’est pas la moindre. Or, ayant siroté son vin de myrte en suivant le texte de Joyce sur l’exemplaire photocopié que le collègue sus-cité avait tendu à ses invités – l’auteur du carnétoile et une collègue parisienne très gentille –, le héros verdoyant s’en retourna chez lui et commanda illico, via la fière Amazone, la version disponible en CD d’Anna Livia Plurabelle, qui s’avéra être l’enregistrement de septembre 1993 sous la férule de Patrice Caratini (avec du beau monde, certes, Marc Ducret, Denis Leloup et Sylvain Beuf en tête). C’est cette version qu’il écoute en écrivant ces lignes – le temps d’une vaisselle, d’un peu de ménage et d’écrire les deux phrases qui précèdent, c’est déjà le septième des 13 morceaux (‘By earth and the cloudy...’). Il semblerait que la version originale, du début des années 1960, ne soit absolument pas disponible en CD, soit qu’il n’y ait pas eu d’effort commercial en ce sens, soit que la version de 1993 – pilotée aussi, semble-t-il par Hodeir, et qui devait donc bénéficier de son consentement – n’ait évincée la première. Le projet, très clairement énoncé par Laurent Cugny dans le texte du livret, consistait, pour le big band réuni sous la houlette de Patrice Caratini, à reprendre très précisément la partition d’André Hodeir et les arrangements d’origine, soit une démarche assez inhabituelle dans la galaxie jazz, plus habituée aux reprises libres, fût-ce de standards archi-rebattus. (L’auteur de ce carnétoile, qui compose ici à la troisième personne pour saluer le retour, dans la blogosphère, du Vrai Parisien, longtemps disparu sous les traits de l’Amateur, renonce temporairement aux paragraphes, à la manière d’Olivier B.) Ce qui frappe, dans Anna Livia Plurabelle, plus que la prédominance des cuivres et saxophones (et, en particulier des plus mâles d’entre eux : sax ténor, trombone), c’est l’équilibre étonnamment juste entre les deux voix (soprano et contralto) : ici, ce sont Valérie Philippin et Elisabeth Lagneau qui font vibrer le texte de Joyce, peut-être avec moins de clarté dans l’élocution que les deux de la version princeps, Monique Aldebert et Nicole Croisille – mais ce peuvent être aussi les déformations myrtoyantes de la mémoire qui jouent des tours à l’auteur de ces lignes. (Omega s’étant affalé sur le canapé, sans protester pour autant, il fallut aller le remettre d’aplomb, tandis que la partie la plus douce du dixième fragment (‘No more ?’) s’écoulait des baffles. Sur le ventre, bientôt, Omega ne manqua pas d’ajouter ses trilles vibrantes à la jazz cantata, non sans force couinements caoutchouteux de Sophie la girafe.) Accessoirement, tandis que ça scatte frénétiquement, est-il nécessaire de préciser que le héros tourangeau de ces parages s’est trouvé, à l’occasion de cette écoute, replongé dans Joyce – Finnegans Wake et même les occurrences de bun dans Ulysses – ce dont, accaparé déjà par Neige d’Orhan Pamuk, Impératif catégorique de Roubaud et les textes critiques de Lyn Hejinian, il se serait dispensé, si son démon plurabelliste avait pu lui lâcher la grappa.

jeudi, 10 janvier 2008

Jackie McLean, Consequence.

Un quintette solide pour six morceaux de grande tenue. Lee Morgan à la trompette dépasse presque le leader. Impossible de savoir de qui sont les compositions (j’aime beaucoup Tolypso). Il s’agit d’enregistrements du 3 décembre 1965, sortis en album pour la première fois en 1979 seulement (inexplicablement). La musique – comme la photographie de Ron Leighton qui se trouve en couverture – oscille entre l’abstraction chaleureuse et l’éclat glacial de la figuration. Nous sommes dans le même navire des draps dépliés, chiffonnés. L’introduction somptueuse de Harold Mabern (parfait inconnu pour moi) sur Slumber suffit à pousser la note grave de l’insomnie créatrice.

Gale Ce vinyle du saxophoniste Jackie McLean, je l’ai découvert, comme tant d’autres, depuis la mort de P. Lui qui m’a initié au jazz, ne m’avait, je crois, jamais parlé de ce saxophoniste dont il possédait pourtant deux doubles albums, et celui-ci. Sur les deux premiers solos de Bluesanova, on se dit qu’en matière de splendeur, McLean n’a pas grand chose à envier à Coltrane. (En consultant la vieille édition du dictionnaire du jazz qui se trouve ici, je me dis que j’ai déjà dû croiser la route de McLean, via Mingus toujours. Speaking of which je m’y perds et je découvre aussi que le Mahavishnu Orchestra avait enregistré un album qui s’intitulait Good Bye Pork Pie Hat ; dans la collection des vinyles de P., il y a cet album de Joni Mitchell que je n’ai toujours pas osé écouter, et également consacré à Mingus.)

Le finale de Slumber, dans le dialogue cuivres/section rythmique, emporte loin du navire, sur la mer maintenant refermée des draps qu’aucun ciel n’a froissés.

 

 

                                                                                                      [Hagetmau, 31 décembre 2007]

lundi, 19 novembre 2007

Intrusion d'abstrusion

...... où inabstrus on ne fut .......

 

 

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"Parties", la seconde des Gatsby Etudes de John Harbison, lorgne du côté du jazz, et singulièrement de Cole Porter (Anything Goes), puis va baguenauder dans les soupentes des Bilder keiner Aufstellung.

En écoutant le Trio n° 2 de John Harbison

   L'exemplaire d'un des livres de Bruno Schulz que j'ai emprunté ce matin à la bibliothèque universitaire date des années 1960, et ses pages ne sont pas massicotées ; j'en serai donc le premier lecteur.

   Au retour de la FNAC – où l'employé du service après-vente a commis deux fautes en transcrivant le patronyme de ma compagne, qui ne compte que six lettres et que je lui avais épelé – Les Amours jaunes étai(en)t fermé(es).



   Le premier mouvement énonce les coups d'aile larges et violents des cormorans. Nombreuses conversations de couloir.

   J'ai passé près d'une heure à conseiller une étudiante inscrite tardivement et qui – trop timorée face aux affirmations du service de la Scolarité , où elle s'était entendu dire que rien ne servait de s'inscrire pédagogiquement tant que l'autorisation administrative n'était pas prononcée – n'a pu, en toute bonne foi, encore suivre aucun cours. Je vais la mettre en relation avec les collègues, mais aussi avec des étudiants, pour qu'ils puissent la "dépanner". Je lui ai aussi fait visiter la bibliothèque, et notamment le troisième étage.



   Conversations de travail, encore, nombreuses. Il fait un peu trop chaud dans les bureaux.

   Une chape de nuages gris bas pèse sur la ville. Le second mouvement du Trio est vif, emporté, pareil aux promenades dans l'air glacé.

   Vais encore, après le déjeuner, jouer les taxis, mais avec plaisir, de mon propre chef, pour raccompagner une collègue parisienne.



   Ce que le traducteur d'Alessandro Baricco ne saura jamais, c'est qu'il serait possible d'être schizophrène sans être enragé. (Matthieu MeMo n'en doute pas.) Rumors & Reports : ce que l'on rapporte, à présent, n'est pas le frottis de la vindicte, alors que la notion même de report, en traductologie, m'échappait jusqu'à ce long échange que j'ai eu avec une étudiante d'Angers (merci à Jean Delisle et Yannick Le Boulicaut). Justement, la question du nom propre et de ses traductions (possibles, interdites) me taraude depuis longtemps. L'alto se venge.

   Tout cela va achopper en énigmes, sans les variations.

mercredi, 19 septembre 2007

À la chaîne

J'écoute la Sonate pour luth n° 36 de Weiss, puis je compare les deux versions du Concerto italien de Bach par Brendel et Tharaud respectivement, et, cette nuit, sur le canapé, avant de me rendormir vaguement frigorifié, je peinais à poursuivre ma lecture de Mantra (Rodrigo Fresan), qui me fascine parfois et m'agace prodigieusement depuis le début, et où se trouvent de nombreuses références à Bob Dylan, ce qui suscite évidemment la mémoire des journées de mars et d'avril, et, sur la table de chevet, l'appel de Bob Dylan toujours pas lu (alors que François, lui, me lit).

mardi, 17 avril 2007

Julien Jacob à Jouy-en-Josas

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Ce fut un des jours les plus importants de sa vie. Un public enthousiaste, dans la salle des fêtes, très moderne, de Jouy-en-Josas. Des spectateurs et des spectatrices venus le féliciter de son concert, et de sa démarche musicale.

On ne parlera pas de ‘déclic’, car le déclic avait eu lieu bien longtemps avant, quand, humant, fredonnant, éventuellement hurlant, il s’était dit qu’il pourrait un jour faire un disque dans une langue semi-inventée, faite de sons recherchés et d’apparents borborygmes. Un journaliste malin (était-ce des Inrockuptibles ou de L’Echo des Savanes) avait parlé de ‘borborythmes’. C’était un peu idiot, mais assez vrai.

Donc, ce jour-là, dans la salle des fêtes de Jouy-en-Josas, Julien avait fait le plein. Le plein de spectateurs et le plein d’émotions. Un trop-plein, quasiment. Il avait chanté de sa belle voix, plus assurée que jamais, avec Les Messieurs, ses deux acolytes, à ses côtés.

Ce soir-là, il avait choisi de commencer, comme dans le disque (et contrairement aux quelques autres concerts), par l’incantation

Wol wol Wol métil donmé

Ya wol métil don

Wol métil donmé

 

Il avait commencé sans musique, à voix basse, a capella, dans une quasi obscurité, pour capter l’oreille. Et, de là, tout s’était enchaîné comme par enchantement. La musique avait quelque chose de magique. Il se souvint de son père, qui parlait si bien des rites qu’il avait connus enfant. Jamais pourtant il n’avait trépigné. Pour démentir un peu certains propos exagérés entendus ci et là. Il était resté digne, se cantonnant, pour l’envoûtement, aux seules vibrations, aux seules variations de sa voix.

Il avait pensé au premier cri poussé, il y avait juste trente-six ans de cela.

 

G.C., 21 mars 2001.

mardi, 03 avril 2007

Bob Dylan ici, approche en plané

Obsession ? Il ne faudrait pas écouter Tweedle Dee & Tweedle Dum pour la dix-huitième fois en trois jours. Il y a tant d'autres chansons de Bob Dylan que je connais mal, ou pas du tout. Celle que je viens de citer est la première du pénultième album, Love & Theft, qui m'avait d'abord surpris, déconcerté, découragé. En fait, après quelques écoutes, c'est un des plus beaux*.

Ce samedi, ce sera - sans que je perçoive tout à fait comment ça va se dérouler - l'atelier "Traduire Bob Dylan" sous la houlette de François Bon. Finalement, il se trouve quasiment une trentaine d'étudiants motivés pour cette journée pourtant placée au pire moment : un samedi, et sur le week-end de Pâques en sus !

François Bon m'a écrit pour préciser que l'essentiel de nos réflexions porterait sur Ballad of a thin man, Desolation Row, Visions of Johanna, mais aussi les 11 épitaphes (que je ne connais pas (honte à moi !)) et My Life in a stolen moment.

Cette semaine, de toute façon, c'est encore, outre le boulot habituel, la panique : organisation des examens, remplacement d'une collègue malade pour trois de ses cours,  préparation des partiels, préparation de l'atelier, usw. Du coup, je ne pourrai pas prendre le train fantôme à la B.U. cette après-midi et devrai me contenter de ce que le chauffeur-lecteur François en écrira sur son site.

Bien entendu, il y a aussi la pile de livres toujours plus volumineuse qui menace de s'effondrer sur moi dans mon sommeil, les quatre en train (même pas fantôme) et les dix ou douze lus qui me supplient d'écrire quelque chose à leur sujet ici ou dans mon autre carnétoile, oui, de tirer quelques paragraphes des notes jetées tout à trac sur les brimborions de papier glissés entre leurs pages.

 

* De Love & Theft, il faudrait dire, surtout, que le déclic est venu quand j'ai entendu les centaines d'échos nappés à Bo Diddley ou Robert Johnson. Du miel de millefleurs. Honeymoon blues, anyone ?