mercredi, 04 septembre 2024
04092024
Un ami m’a prêté Pnin de Nabokov, qu’il vient de lire et a beaucoup aimé. J’en ai lu la moitié ; je n’avais rien lu de Nabokov depuis au moins quinze ans et j’aime beaucoup. C’est très intelligent, mordant, fin ; c’est un campus novel qui dit beaucoup de choses des États-Unis des années 50 comme de la nostalgie et du sentiment de déplacement, d’unbelonging des émigrés russes ; Assez savoureux, bien entendu, le fait que Pnin soit une sorte de double un peu ridicule de Nabokov lui-même, comme, chez Rushdie, les doubles possibles de l’auteur sont généralement l’occasion de faire un pas de côté et de s’imaginer — ou : de se projeter ? — en pire.
Hier soir, un passage du chapitre 3 a retenu mon attention. Pnin se rappelle subitement un vers qu’il n’arrivait pas à se remémorer, et qui provient de la traduction de Hamlet par Andreï Kroneberg. Il indique même qu’en se reportant au texte anglais il n’était jamais aussi ému que par les vers de Kroneberg. Si je dois en croire la Wikipédia russe (mais les auteurs de l’article consacré aux traductions russes de Hamlet ne confondent-ils pas l’auteur et ses œuvres de fiction ? il faudrait vérifier), Nabokov lui-même aimait énormément cette traduction, et jugeait ridicules les traductions de Pasternak.
Or, et c’est à cela que je voulais aboutir, ce sont justement les pièces de Shakespeare traduites par Pasternak qu’André Markowicz citait toujours pour dire que là avait été sa première rencontre avec Shakespeare. Sa mère l’avait initié à Shakespeare via Pasternak.
*
(En faisant quelques recherches, je suis tombé sur cette référence : un article de Lawrence Venuti publié l'an dernier dans la revue PMLA, vol. 138 n° 3, et intitulé “On a Universal Tendency to Debase Retranslations”. Article inaccessible pour le moment. C'est en plein cœur de mon nouveau (gros) projet de recherche.)
14:20 Publié dans 2024, Lect(o)ures, Questions, parenthèses, omissions | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 11 août 2024
11082024
Je reprends ce carnet, interrompu presque cinq mois – hormis deux incursions – et c’est donc peu dire que je n’ai pas du tout tenu mon pari d’essayer d’écrire même quelques phrases chaque jour, et encore moins de tenir le compte de toutes mes lectures.
La raison pour laquelle je reprends le clavier, c’est que, projetant un bref voyage en Seine-Maritime, nous souhaitons visiter le manoir d’Ango, dont j’avais lu fin juin, sur un site Web, que Breton y avait écrit Nadja au cours de l’été 1927. Quand j’en ai parlé à ma mère il y a quelques semaines, elle m’a dit que lors de la visite de la maison de Lise Deharme (l'autrice d'Eve la blonde) à Montfort-en-Chalosse on lui avait dit que c’était plutôt dans cette maison. Il faudra tirer cela au clair, car peut-être que Breton a effectivement écrit d’autres textes (un autre livre semblable à Nadja ?) à Montfort, mais la « Chronologie » du tome 1 de la Pléiade, que j’ai enfin repris sur l’étagère ce matin, indique bien que c’est au manoir d’Ango à Varengeville qu’ont été écrits les deux premiers chapitres de Nadja (et d’ailleurs le texte l’indique clairement, quelques pages après le début).
Me voici donc un peu replongé dans Breton : dans Nadja, que je vais lire pour la troisième fois, et dans Poisson soluble, dont j’aurais pu oublier qu’on en fêtait le centenaire. J’ai toujours eu un gros faible – incompréhensible pour mon professeur de khâgne Michel Boisset, et peut-être incompréhensible pour Breton lui-même – pour Poisson soluble. Bien sûr, c’est aussi le centenaire de la publication du Manifeste du surréalisme, et je n’ai pas l’impression d’avoir vu passer grand-chose à ce sujet.
10:55 Publié dans 2024, Hors Touraine, Lect(o)ures | Lien permanent | Commentaires (1)
dimanche, 05 mai 2024
05052024
Je suis un homme ridicule, qui a deux paires de chaussons identiques, l’une plus usée que l’autre (et tachée de boue) et qui sert pour de brèves incursions dehors, et l’autre pour la maison.
Mais ce n’est pas ça que je voulais écrire. – Ce que je voulais écrire, c’est que je suis un homme ridicule, qui a commencé à lire Praiseworthy d’Alexis Wright il y a trente-deux jours, le mercredi 3 avril 2024, dans le train qui l’emmenait (qui m’emmenait) à l’aéroport de Roissy, et qui a quasiment achevé ce livre ce matin, en se laissant (en me gardant) les douze dernières pages, le tout dernier chapitre, pour plus tard. Bien sûr j’ai lu d’autres livres dans l’intervalle, et ce bien que ce mois n’ait guère été des plus féconds pour la lecture ; par exemple, j’ai lu trois livres de Sindiwe Magona, et ce bien que le nom de cette autrice n’ait guère été plus ou mieux qu’un nom alors que j’embarquais le 3 avril au soir à destination de l’Afrique du Sud. C’est aussi à cela que servent les voyages : voici une « nouvelle » autrice, dont on va découvrir l’œuvre.
Voici la dernière phrase de l’antépénultième chapitre, à la page 706 de l’édition Giramondo (mon exemplaire de papier blanc immaculé désormais grisé façon pelage d’âne), ce croisement improbable ayant plus sa place dans la rubrique Droit de cité de l’autre blog (mais j’assume être ridicule) :
The hauling business stops for no one at a quarter past six in the morning, and a man like Cause knew he could counter bullshit with super bullshit any day of the week as he walked the fields at the slow measured pace of Joshua Bell playing Max Bruch's Scottish Fantasy with the Academy of St Martin in the Fields, and knowing he was nailing it, and would continue working through another hazy day over the ancestral spirit charged ground where the solemn blades of dead grass guessed the next movement in the spirit song of the breeze, and his thoughts never lost the single heartbeat of each donkey in the herd of a thousand he had accumulated across Praiseworthy in the platinum donkey conglomerate transport business.
10:37 Publié dans 2024, Autres gammes, Lect(o)ures, Livres 2024 | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 07 février 2024
Trois livres de Guy Bennett traduits par Frédéric Forte aux éditions de L'Attente
Trois pour (même pas) le prix d’un ——— On s’est demandé s’il fallait placer la parenthèse du titre entre pour et le ou entre le et prix : car ce que j’ai voulu dire, c’est – comme on le voit avec les codes-barres – c’est que ces livres ont été empruntés à la B.U. (Et ce n'est même pas le titre retenu pour le billet de blog. (Pondre ces billets me prend trop de temps. L’exhaustivité prend trop de temps. Même pour gagner du temps sur les vidéos, ces billets me prennent trop de temps. Et tiens, l’alarme sonore indiquant que la lessive est terminée résonne.))
Ce fut donc, hier et ce matin, la découverte de Guy Bennett, oulipien et américain. Je sens que je vais toujours le confondre avec Guy Davenport. On n’a pas idée de ne pas être francophone et de se prénommer Guy. J’ai lu ces trois petits livres de Guy Bennett car ils ont été traduits (en fait : co-traduits) par Frédéric Forte, qui m’a demandé en ami il y a quelques jours sur Facebook, sans que je sache trop pourquoi (j’ai lu naguère voire jadis son Dire ouf, mais c’était avant le vlog donc je n’en ai jamais parlé).
Ces trois recueils traduits par F.F. (j’écris ces lignes en écoutant les deux premiers albums de Franz Ferdinand) ont chacun leur couleur :
Poèmes évidents – rose : le plus ludique, le plus abordable sans doute – avec quelques jolies trouvailles.
Ce livre – taupe : le plus expérimental, il « détaille les clés théoriques et techniques de la matière textuelle qui le constitue ». Ou : « où cela mène-t-il le lecteur qui cherche à en découdre avec le présent ouvrage ? » (p. 71 [j’aimerais bien savoir quel verbe anglais est ici traduit par en découdre avec])
Œuvres presque accomplies – rouille : le plus profond et le plus jouissif, selon moi. Mais je ne suis pas objectif : la question des livres que j’ai échafaudés et été trop flemmard pour écrire me taraude continuellement. Il y a deux jours, Milène Tournier a commenté sous un des sonnets que je publie ces jours-ci sur Facebook en disant « ils sont incroyables tes sonnets ». J’étais à deux doigts de lui répondre : personne n’en veut. Et je ne l’ai pas fait car ça aurait été faux. En 2016 j’ai autoédité mes 135 sonnets de la décennie précédente sans les avoir jamais proposés à aucun éditeur. Pour en revenir au livre de couleur rouille de Guy Bennett, car c’est censé être le sujet ou l’objet de ce billet, difficile d’en parler, sinon à faire l’inventaire des projets non réalisés et qui me semblent le plus excitants : bokéogrammes, glissandi, Le Projet des ponts, « Mon contenu » (cette idée, je l’ai eue aussi, et on est nombreuxses à l’avoir eue)… Quel est ce sonnet en anglais de la page 41 dont le titre est le premier vers du sonnet en -yx ? Guy Bennett l’a-t-il écrit par anagrammes de chaque vers du sonnet de Mallarmé ? ai-je été inattentif ? Je juxtapose ce qui s’ajoute et se jouxte. Débrouillez-vous.
J’étais parti pour y passer dix minutes, et ça fait la demi-heure sans faire la rue Michel. D’ailleurs, aucun écrivain anglophone, même oulipien, ne se prénomme Michel.
09:52 Publié dans Comme dirait le duc d'Elbeuf, Le Livre des mines, Lect(o)ures, Livres 2024 | Lien permanent | Commentaires (2)
samedi, 20 janvier 2024
The Promise
C’est le roman qui a valu à Galgut des torrents d’éloges – il n’est que de voir l’insupportable double rabat qui sert de couverture à cette édition de poche Vintage – et le Booker Prize 2021. Malgré les réserves que j’ai formulées, j’ai nettement préféré The Impostor, et je me dis à présent que c’est The Good Doctor qu’il faudrait lire, et – après en avoir parlé avec mon amie M*, qui est spécialiste des littératures sud-africaines, et de Galgut notamment – les premiers romans, car ce qui me retient (beaucoup) dans l’écriture de Galgut, c’est son côté trop maîtrisé, trop abouti, trop parfait en un sens. Il faudrait que je m’explique de ce « trop parfait ».
C’est donc un très bon roman, sans doute, si on s’en tient aux questions de maîtrise formelle et narrative : les changements de point de vue fréquents s’entrelacent de façon subtile à un point de vue omniscient ; le narrateur omniscient, quoique très discret, donne une forme de tonalité morale mais difficile à interpréter ; les notations ironiques succinctes, qu’il est difficile d’attribuer à tel personnage ou à la voix narrative, participent d’un portrait pessimiste de la société sud-africaine.
Mais… mais… mais…
Plus j’avançais dans la lecture, plus je trouvais les personnages factices, creux. La fameuse promesse du titre, dévoilée d’emblée, sert de fil conducteur – en fait, c’est cousu de fil blanc, jusqu’à sa fonction de décryptage des relations entre Blancs privilégiés de la société d’apartheid et Noirs victimes de ségrégation jusque dans les années 2000-2010. De plus, beaucoup de remarques misogynes émanent de la voix narrative principale (cf description, grossophobe pour tout arranger, de la notaire à la p. 280), sans compter un certain nombre de clichés sexistes qui servent d’astuces narratives (le dernier § sur la ménopause est totalement hallucinant pour un roman publié au 21e siècle – j'ai quasiment hurlé en lisant ça).
À force de vouloir dresser un portrait réaliste, sans fioritures de l'Afrique du Sud, le récit est d'un cynisme qui finit par rejoindre le discours suprémaciste blanc sur l'incompétence des Noirs. C’est ce qui m’avait déjà gêné dans The Impostor. Dans The Promise, les Noirs – catégorie homogène, fourre-tout – restent totalement marginalisés, sans voix dans le récit, et même ceux qui expriment une révolte sont ridiculisés, réduits au traumatisme de la prison, comme si l'argument de la confiscation du pouvoir économique par les Blancs était dérisoire : quand Lukas s’insurge contre la bienveillance paternaliste d’Amor, dans le dernier chapitre, je me suis dit que Galgut allait vraiment proposer ce point de vue à contre-courant du reste du roman… mais non… il choisit de raconter cet échange houleux du point de vue d’Amor, et donc d’en conclure que Lukas se trompe de colère et ne comprend pas qu’Amor est du bon côté.
Comme pour The Impostor, je n’ai pas cherché longtemps mais je m’étonne de ne pas trouver d’articles qui analysent ces traits néo-coloniaux qui usent de stéréotypes raciaux au lieu de les déconstruire.
11:36 Publié dans Affres extatiques, Lect(o)ures, Livres 2024, Questions, parenthèses, omissions | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 04 janvier 2024
Que faire des classes moyennes ?
Facebook m'a rappelé que je lisais ce livre il y a sept ans, pendant une surveillance d'examen. Ainsi, je suis allé le reprendre et me suis surpris à en relire de larges extraits, dont le chapitre 4 :
Un facteur éprouvant de la vie est que nous perdurons dans l’existence avec l’idée et la vision que nous avions des choses étant enfant, puis adolescent ; cela demeure. C’est ainsi que la vision qu’on a de l’école aujourd’hui est encore marquée par l’école que nous percevons dans la brume et la sourdine des souvenirs, d’une idée de l’école véhiculée par les générations antérieures (quelquefois les grands-parents) ou le cinéma (Les Quatre Cents Coups), que la blouse grise et les plumes Sergent-Major, même si nous n’avons jamais porté de blouse, même si nous avons toujours écrit au Bic, sont inclus dans notre mémoire au même titre que ce que nous avons réellement vécu. Animés de quelques vestiges piquants, nous voulons qu’ils s’incarnent, y compris au détriment des autres : nos enfants porteront des blouses grises s’ils continuent, écriront à la Sergent-Major s’ils continuent. S’ils continuent quoi ? S’ils continuent à ne pas être conformes à nos désirs, c’est-à-dire s’ils continuent à ne pas être comme dans les souvenirs qu’on croit qu’on a, c’est-à-dire s’ils continuent à être réels, et non fictifs. [S’ils continuent = nous punirons le réel.] Punir le réel, c’est ni plus ni moins ce qui fait tenir les classes moyennes debout. Leur rapport à l’école tient (ou en tout cas tenait) en une phrase : si tu travailles à l’école, tu auras une bonne vie (réduit à partir des années 1980 à : tu auras un emploi) – soit à peu près l’équivalent de : si tu te grattes le coude, tu te moucheras plus vite, ou : si tu mets une grenouille sous la table, tu gagneras au Loto.
(pp. 24-26)
16:19 Publié dans Chèvre, aucun risque, Lect(o)ures, Livres 2024 | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 01 septembre 2023
01092023
C’était la rentrée au sens le plus strict : réunions d’accueil des trois années de Licence, dont celle de L1 assurée par moi avec ma nouvelle (et temporaire) casquette de responsable de L1, réunion de département, pot d’accueil des nouveaux collègues au décanat…
A* est bien rentré à Rennes hier soir.
Ambiance passablement morose depuis hier, sans aucun ressort ni goût pour la reprise de la part de C* ou moi, mais le redoux (voire réchauffement) devrait améliorer tout cela.
Abandonné la lecture de The Odd Women de George Gissing, après avoir lu Our Village de Mary Russell Mitford en choisissant les chapitres qui me plaisaient le plus.
21:24 Publié dans 2023, Lect(o)ures, Moments de Tours | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 21 août 2023
21082023 - Johannesburg
Levé à 5 heures, plus d'une heure avant l'heure des mouettes (c'est nouveau ça, l'heure des mouettes, qui remplace l'heure des éboueurs ou l'heure du livreur de journaux), je finis par avoir envie de café au bout de 50 pages, et je ne comprends ni les gens qui dorment ni pourquoi depuis la page 48 de ce roman qui est une réécriture de Mrs Dalloway j'ai en tête la voix de Tracy Chapman - et sa guitare :
I make a fool of myself
In matters of the hea-a-a-art
06:44 Publié dans 2023, Autoportraiture, Autres gammes, Chèvre, aucun risque, Lect(o)ures | Lien permanent | Commentaires (0)
mardi, 15 août 2023
In memoriam Kenneth White (1936-2023)
On vient d'apprendre la mort, il y a quatre jours, de Kenneth White, grand poète et penseur, fondateur de l'Institut International de Géopoétique en 1989, et qui a un peu compté pour moi dans les années 90 (j'ai même été adhérent de l'Institut et correspondu avec K.W.). Il y a un bon moment que je n'avais rien lu de lui, car je trouvais que ses textes et son projet tournaient pas mal en rond, et qu'il y avait un peu trop de spiritualité vaseuse dans les soubassements de son esthétique, mais je vous invite quand même à aller le lire si vous ne connaissez pas du tout.
Il est à noter que, comme il était installé depuis plus d'un demi-siècle en France, il était plus connu de ce côté-ci de la Manche, au point que -- chose rare pour un écrivain anglophone -- l'article que lui consacre la Wikipédia francophone est beaucoup plus détaillé que celui de la Wikipédia anglophone.
Je suis allé dénicher mes 4 numéros des Cahiers de géopoétique, dont je mentirais si je n'admettais pas qu'ils avaient pris la poussière, mais dans lesquels j'ai pris plaisir à me replonger.
Ma sœur m’avait offert, au milieu des années 90, deux recueils de K.W., qu’elle avait fait dédicacer. Les deux volumes, aujourd’hui, vont parfaitement avec le lierre qui souhaite envahir le béton et les trous de mon vieux pantalon noir, signes d’un certain effilochage de la mémoire et du langage poétique, absorbant, lucide autant qu'opacifiant. [Et d'ailleurs, speaking of memory, un échange ultérieur avec Delphine m'a permis de me rappeler qu'elle m'avait offert et fait dédicacer ces recueils il y a trente ans pile, car K.W. faisait le cours d'agrégation sur Lowell à la Sorbonne l'année où elle l'a passée. -- Add. du 16/08]
K.W., poète de l’ouverture et des grands espaces, s’était si bien acclimaté à la Bretagne qu’il signait ses préfaces en précisant qu’il se trouvait dans les « Côtes du Nord » (oui, moi aussi j’ai connu l’époque où le département n’était pas allé pêcher ce ridicule Armor pour l’associer à son nom) et qu’il insérait des vers bretons dans ses poèmes.
15:40 Publié dans 2023, Blême mêmoire, Lect(o)ures | Lien permanent | Commentaires (0)
15082023
Déjà la mi-aou, selon la vieille chanson agaçante (de Ray Ventura, je crois).
Je m’évertue à continuer la lecture d’Umbrella, que je trouve vraiment ardue : huit jours pour lire la moitié, 200 pages, c’est tout à fait anormal, même si j’ai lu d’autres bricoles en parallèle. Avec Will Self c’est un peu comme avec Faulkner, pour moi : à fond ou pas du tout. Au demeurant, je me demande pourquoi je m’obstine : je lis le roman presque comme des chapitres distincts (alors que, comme Phone, c’est un bloc de texte sans saut de page), tentant de trouver les connexions entre les trois périodes du récit, et en me réjouissant des bonheurs d’écriture. – J’ai soixante bouquins sur la pile de livres à lire ; c’est ridicule d’insister ainsi… et tout autant ridicule de me plonger pour une vingtaine de pages dans l’année 1709 des Mémoires de Saint-Simon comme je l’ai fait hier soir.
07:49 Publié dans 2023, Lect(o)ures | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 31 juillet 2023
31072023
D’Emmanuel Ruben j’avais beaucoup aimé, d’une part, Icecolor et Terminus Schengen, parus au Réalgar, et d’autre part Sur la route du Danube (Payot, 2019), dans lequel il raconte son périple à vélo en remontant le Danube de ses estuaires à ses sources.
D’Emmanuel Ruben je viens de commencer La ligne des glaces, texte un peu antérieur (2013), et ces brefs chapitres aussi impressionnistes qu’imprégnés d’un sentiment géographique du monde me plaisent bien.
17:19 Publié dans 2023, Hors Touraine, Lect(o)ures | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 26 juillet 2023
26072023 - Femmes d’exception dans les Landes
Ma mère a acheté le dernier livre de (en fait, dirigé par) Philippe Soussieux, Femmes d’exception dans les Landes (éditions Kilika, 2023). Signe, un de plus, que l’entreprise de désinvisibilisation des créatrices, ou plus généralement des femmes qui ont eu un rôle majeur au moins à l’échelle régionale, se généralise.
L’ouvrage est imprimé avec soin, richement illustré, et les textes sont globalement de bonne facture, même si on ne comprend jamais trop bien qui sont les auteurices (11 femmes pour 5 hommes) ni à quel titre iels interviennent dans le livre. Certains chapitres sont rédigés avec une neutralité toute encyclopédique, d’autres avec un lyrisme un peu suranné (celui sur Claude Fayet par exemple), ou d’autres encore très subjectifs. On sent la touche et la patte de ce qu’on pourrait nommer l’érudition caractéristique des « historien-nes régionalistes », mais cela rend le livre très vivant, même si ça part un peu dans tous les sens. La majeure partie du livre est consacrée à des chapitres monographiques, et l’autre, plus restreinte mais presque plus intéressante, à une « encyclopédie féminine landaise » répertoriant, dans des notices beaucoup plus succinctes, un nombre plus important de « figures ».
Pour comprendre cette notion de « figures », justement, ce qui est intéressant, c’est la diversité des profils retenus : outre des femmes dont l’importance historique a été notée et approfondie depuis longtemps (Corisande d’Andoins ouvre le bal), le livre invite à découvrir des écrivaines (Christine de Rivoyre et Lise Deharme, bien sûr, mais aussi Henriette Jelinek, Claude Fayet, Valentine Penrose), mais aussi une martyre (Marguerite Rutan), une mystique (Marie Lataste), une conservatrice générale du patrimoine (Bernadette Suau), une peintre (Suzanne Labatut), une « grande bienfaitrice » (Eugénie Desjobert – j’ai enfin compris ce que signifiaient les initiales ED sur le grand pont de Saubusse), une voyante (Madame Fraya), une rescapée du goulag soviétique (Andrée Sentaurens), une aviatrice (Andrée Dupeyron), mais aussi deux sœurs, Cora et Marie Laparcerie, dont l’une fut une grande comédienne et directrice de théâtre, et l’autre chansonnière, journaliste et romancière. De Marie Laparcerie, sa biographe, Ginou Coumailleau, évoque la participation au journal féministe La Fronde dès 1897, mais aussi ses nombreux romans jugés « dangereux » par la presse conservatrice de l’époque, dont un roman au titre pas si transparent que cela, Isabelle et Béatrix, roman du 3e sexe. Je ne suis pas encore allé regarder/écouter la vidéo qu’Azélie Fayolle et Camille Islert viennent de consacrer à l’ouvrage collectif Ecrire à l’encre violette. Littératures lesbiennes en France de 1900 à nos jours, mais voici une autrice (et un texte) qui pourrait bien s’y trouver.
Après un premier parcours – je ne peux me targuer de l’avoir véritablement lu, encore – de cet ouvrage collectif dirigé par Philippe Soussieux, infatigable défricheur et vulgarisateur du patrimoine landaise, j’ai déjà envie d’aller approfondir, en particulier avec les autrices que je ne connaissais pas du tout Valentine Penrose et Marie Laparcerie, et Claude Fayet sans doute également. Parmi les chapitres monographiques, j’ai omis celui que Janine Dupin Capes consacré à Emilie, baronne de Bouglon, qui fut le grand amour ou l’ « Ange blanc » de Barbey d’Aurévilly : en fait, et heureusement, cette propriétaire du château du Prada à Labastide-d’Armagnac mérite de figurer dans l’ouvrage par-delà son association avec Barbey, d’autant que la présence, dans un ouvrage visant à désinvisibiliser des femmes puissantes mais oubliées, de l’auteur des Bas bleus ne laisse pas de paraître quelque peu ironique, sinon contradictoire.
10:52 Publié dans 2023, Hors Touraine, Lect(o)ures | Lien permanent | Commentaires (1)
lundi, 24 juillet 2023
24072023 - mais que lisait la grand-mère de Henry James ?
Et nous voici, le lendemain, et je n’ai pas écrit une ligne de plus. Qu’ai-je fait ? eh bien, j’ai glandouillé : lu des articles du Guardian, attendu de voir si le 5e et dernier jour du 4e test-match entre l’Angleterre et l’Australie allait reprendre, avancé dans le livre de Bill Bryson que je lis en parallèle du dernier Soyinka (expérience assez discontinue), préparé les cadeaux pour ma mère (c’est son anniversaire aujourd’hui – nous le fêterons demain avec elle), vaguement fait la sieste, relu en famille les journaux de voyage écrits par O* puis C* depuis 2014, téléversé sur Flickr les dernières photos et fait un peu de tri dans tout ça, regardé le dernier film de Dupieux à la télé… J’ai aussi préparé ma valise, dans laquelle je n’ai mis que cinq livres, je crois, et pas même celui que je dois commencer à traduire : je sais que je n’y toucherai pas, donc autant assumer les vacances.
Hier, en regardant les photos du 19 (et donc d'Oxburgh Hall notamment), j’ai voulu vérifier ce qu’était A Small Boy and Others de Henry James, et il s’avère que c’est un de ses deux livres autobiographiques, écrit fort tard (1913, je crois). Mais combien a-t-il écrit ? J’ai l’impression d’avoir lu beaucoup de Henry James, pas loin de dix romans, les journaux de voyage, beaucoup de nouvelles, et je découvre encore des titres inconnus de moi… !
J’ai lu le premier chapitre de ce Small Boy and Others (le titre est vraiment étrange), et quand il parle des goûts littéraires de sa grand-mère, il ne parle que d’autrices dont il dit qu’elles sont oubliées, plus du tout lues. Voici la liste :
What she liked, dear gentle lady of many cares and anxieties, was the "fiction of the day," the novels, at that time promptly pirated, of Mrs. Trollope and Mrs. Gore, of Mrs. Marsh, Mrs. Hubback and the Misses Kavanagh and Aguilar, whose very names are forgotten now, but which used to drive her away to quiet corners whence her figure comes back to me bent forward on a table with the book held out at a distance and a tall single candle placed, apparently not at all to her discomfort, in that age of sparer and braver habits, straight between the page and her eyes.
Ce serait mal me connaître que de penser que je ne suis pas allé vérifier chacune de ces autrices grâce à Wikipédia (oui, j’avoue que je n’ai pas eu le courage de creuser sur la Britannica ni de me connecter à la base Oxford Reference), et j’ai notamment découvert que Mrs Trollope (1779-1863) était bien la mère d’Anthony Trollope (et que nombre de ses livres semblent encore d’un grand intérêt aujourd’hui, à commencer par Jonathan Jefferson Whitlaw, que WP présente comme le premier roman abolitionniste, ce qui me semble étrange) ; que Catherine Hubback (1818-1877), nièce de Jane Austen, a écrit dans l’ombre spectrale de sa tante (qu’elle n’a jamais connue), au point d’écrire son premier roman, The Younger Sister, à partir d’un synopsis de cette dernière et dans un style très imité aussi, autant que je puisse en juger après un survol, d’icelle ; que Grace Aguilar (1816-1847) est surtout connue pour ses poèmes et essais sur la religion et la tradition juives ; que Julia Kavanagh (1824-1877 – tiens, on fêtera le bicentenaire de sa naissance l’année prochaine), romancière irlandaise, a été suffisamment connue de son vivant pour que plusieurs de ses romans soient traduits en français, en allemand, en suédois, en italien, et que la critique contemporaine la redécouvre avec un intérêt prononcé pour les éléments protoféministes de ses romans (le Projet Gutenberg a peu de textes d’elle, et Internet Archive en a beaucoup, mais à chaque fois en 3 volumes dont l’ordre n’est pas indiqué dans la miniature, de sorte que c’est le bazar pour s’y retrouver).
Vous me direz que j’oublie Mrs Gore (Catherine, 1798-1861) et Mrs Marsh (Anne Marsh-Caldwell, 1791-1874 – tiens, on fêtera l’année prochaine le sesquicentennial de sa mort), mais assez pour aujourd’hui. Je noterai seulement qu’il est difficile de savoir si Henry James, hardly the feminist, décourage ici son lectorat de s’intéresser à ces écrivaines en les balayant d’un revers de la main, ou si le seul fait de les avoir énumérées permet à des olibrius dans mon genre de se dire : tiens, et si j’allais creuser un peu tout cela ? Les deux, évidemment.
À l’heure où les questions de canon et de postérité, d’invisibilisation et de marginalisation, occupent, heureusement, le centre des débats (et je recommande notamment la lecture d’Autrices invisibilisées de Julien Marsay ainsi que de suivre le compte Twitter), cette petite recherche m’a une fois encore montré que, même dans les Îles britanniques, qui ont toujours mis au premier plan Jane Austen, Mary Shelley, George Eliot, Elizabeth Gaskell, Christina Rossetti et Elizabeth Barrett Browning, il y a des foultitudes d’écrivaines marginalisées ou invisibilisées, comme l’excellente Mary Elizabeth Braddon dont j’ai lu plusieurs romans ces dernières années, ou encore Rhoda Broughton.
07:38 Publié dans 2023, Lect(o)ures, Questions, parenthèses, omissions | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 10 juin 2023
10062023
Il est arrivé quelque chose de rare aujourd’hui. Levé tôt – en fait, à l’heure habituelle du réveil (6 h 40 (depuis toujours, je suis incapable de me lever franchement plus tard le week-end ou en vacances, ou alors il me faut vraiment plusieurs semaines d’accoutumance ou que je me sois couché très tard)) –, ayant laissé Joseph Anton de Rushdie, commencé hier, à l’étage, je suis allé au salon et j’ai repris Glory de NoViolet Bulawayo, roman commencé il y a plus de deux mois et dont j’avais arrêté la lecture après moins de 50 pages (sur 400), déçu voire agacé, et – pour résumer – n’arrivant pas à « entrer dedans ». En général, quand je fais ça, c’est mort ; je peux toujours retenter quelques jours ou quelques semaines plus tard, mais c’est mort ; encore ces derniers temps, j’ai tenté à deux ou trois reprises de recommencer la lecture de King Lopitos et de Toxique (j’en parle dans la vidéo je range mon bureau n° 099) mais il n’y a rien eu à faire.
Vous me voyez venir : rien de tel avec Glory. Après 1 h 30 j’avais poursuivi jusqu’à la page 140, et ce soir j’ai lu la moitié du roman. Non que les défauts qui m’avaient empêché d’« entrer dedans » ne soient pas là, mais ils sont devenus secondaires. Je crois qu’il a fallu ces neuf ou dix semaines pour qu’inconsciemment je digère la déception d’un roman sans rapport avec le cycle de nouvelles We Need New Names que j’avais beaucoup aimé, et surtout pour que je digère le fait que le roman ne cherche absolument pas à faire des personnages animaliers autre chose que des figures anthropomorphiques dans un roman à clé parfaitement transparent sur l’histoire récente du Zimbabwe. Il y a aussi que le chapitre 8, ‘Returnee’, est particulièrement réussi et offre un angle différent avec des personnages différents.
Sinon, une fois qu’on accepte le caractère totalement plaqué – ou gratuit, ou automatique – du transfert de l’histoire humaine sur des personnages d’animaux, la lecture se trouve facilitée. De même, NoViolet Bulawayo (et cela, c’est très différent de son premier livre) procède régulièrement à des répétitions extrêmement longues, sous forme de collier d’anaphores, ou de formules répétées à l’identique ou presque sur une dizaine de lignes ; réflexion faite, je pense que, comme d’autres éléments un peu dérangeants de l’écriture, cela vient d’une tentative de restituer une forme d’oralité très précise et très codifiée – je ne connais pas les traditions orales des récits ndebele, donc c’est seulement une hypothèse.
20:00 Publié dans 2023, Affres extatiques, Lect(o)ures | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 09 juin 2023
09062023
Ce matin j’ai enregistré la vidéo n° 99 (en fait, la 103 ou 104e je crois) de la série je range mon bureau. Comme j’improvise totalement, il y a toujours des moments d’hésitation, des transitions poussives etc. Cette fois-ci, comme je clôturais sur les 2 livres de Rimbaud en traduction, j’ai choisi de lire Les Corbeaux dans chacune des deux traductions. Je n’avais pas le texte de Rimbaud sous les yeux, et m’interromps à un moment pour remarquer que la traduction allemande ne conserve pas l’oxymore : « toi notre céleste oiseau noir ! » - Cela ne faisait pas deux minutes que j’avais arrêté de filmer que le vrai distique de Rimbaud m’est revenu :
Sois donc le crieur du devoir,
Ô notre funèbre* oiseau noir !
Ou comment critiquer une traduction sur la base d’un vers de Rimbaud qu’on a soi-même réécrit. Quelle pitié…
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* J’ai dû faire une confusion funèbre > funeste > céleste, d’autant que l’aspect « céleste » est mentionné dès le début du poème, avec la rime cieux / délicieux. Il n’empêche…
12:24 Publié dans 2023, Blême mêmoire, Lect(o)ures | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 28 mai 2023
28052023 : the bone people, 1
13:11 Publié dans 2023, Chèvre, aucun risque, Lect(o)ures | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 24 mai 2023
24052023
Seize jours sans écrire dans ces carnets ; ça devient un gag.
À ce stade ça n’a pas de sens d’essayer d’écrire rétrospectivement des billets – peut-être signaler que nous avons fêté ce week-end, en très bonne compagnie, les 50 ans de C., et aussi les 16 ans d’O. Les premiers amis sont arrivés vendredi, et les derniers sont repartis lundi matin (plus de train dimanche au moment où E* a essayé de réserver ses billets).
Depuis quelques années, les arbres ont tellement poussé dans le jardin, surtout pour la haie entre chez G* et C* et chez nous, que plusieurs pruniers poussent quasiment à l’horizontale ; la bande herbeuse sur laquelle A* faisait des allées et venues entre huit et douze ans n’est quasiment plus accessible. L’immense terrasse de béton est désormais toujours au moins à moitié à l’ombre.
Ces jours-ci, je lis Bouts de bois d’Agnès Stienne.
08:17 Publié dans 2023, Autoportraiture, Lect(o)ures | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 07 mai 2023
07052023
En rentrant d’une petite promenade avec C*, je me suis rendu compte qu’un des érables de la haie côté rue Mariotte était désormais immense, tout en longueur, et qu’il rendait plus ou moins inutile, une fois feuillu, l’éclairage du lampadaire qui lui a certainement servi de tuteur. Entre les coronilles et les petits érables, la haie côté rue Mariotte est assez fournie au printemps et en été, malgré les troènes chétifs, nains et dépenaillés.
Ma mère a passé une journée épuisante chez ma grand-mère, qui est moins autonome que jamais.
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J’ai fini de lire You de Nuala Ni Chonchuir, son premier roman. (J'en ai lu deux autres, Miss Emily et Nora, ainsi que trois recueils de nouvelles.)
Quelle écrivaine fine, subtile, émouvante.
Détail presque sans importance, j’ai appris en lisant ce roman une nouvelle expression pour dire rendre dingue en anglais : it drives me baloobas. [Un site Web au moins donne à l’adjectif le sens de défoncé/murgé/démoli.] Je ne l’emploierai pas car vérification faite, elle a des connotations fortement racistes.
Toutefois, l’histoire, méconnue de moi, est intéressante : après l’indépendance du Congo belge, en 1960, le Katanga chercha à faire sécession ; les rebelles katangais, aidés par des mercenaires européens, multipliaient les escarmouches, y compris contre les Lubas (aussi désignés comme « peuple Baluba »), qui décidèrent de s’organiser et de se défendre ; le 8 novembre 1960, un détachement motorisé de soldats irlandais appartenant aux forces de paix de l’ONU (qui ne s’appelaient pas encore les casques bleus) tomba dans une embuscade, car les Lubas, encore sous le coup de plusieurs raids et massacres, les avaient pris pour des mercenaires européens. Dans le combat qui s’ensuivit, 25 Lubas trouvèrent la mort, ainsi que neuf soldats irlandais, dont les deux chefs d’expédition, massacrés au coupe-coupe lors du premier assaut.
L’adjectif, dérivé d’un ethnonyme, est donc employé comme synonyme d’enragé ou de sauvage. La connotation racialisante est donc du côté de l'animalisation et de l'impossibilité de raisonner. Même si on peut comprendre que l’opinion publique irlandaise se soit fortement émue de ce malentendu tragique, il me semble difficile d’employer l’adjectif une fois qu’on connaît l’histoire. En l’espèce, c’est un très bon – et terrible – exemple des conséquences complexes et désastreuses de l’occupation et de l’assujettissement coloniaux. Comme je ne connais pas du tout cet épisode, et que je suis globalement peu au fait des détails de l’histoire du Congo-Léopoldville, donc de cette période, je me suis appuyé sur quelques sources très rapides, mais je ne peux m’empêcher de constater que la WP anglophone comme d’autres sites que j’ai pu consulter se situent totalement du point de vue irlandais, même quand il y a une vraie tentative de comprendre les motivations des Lubas et les raisons du malentendu. Il faudrait aller regarder du côté des historiens congolais, notamment ; sans doute l’historiographie post-coloniale et décoloniale est-elle compliquée à démêler, comme pour la difficile « neutralité » des historien·nes qui traitent de la guerre civile nigériane, même cinquante ans après.
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Soir : fin de The Good Place. La saison 4 se termine de manière très classique. Toute la saison 4 a d’ailleurs un côté bouclage de boucle parfois un peu lourd.
Dans le dernier épisode, on aperçoit très furtivement la liste des milliers de tâches que souhaite encore accomplir le personnage de Tahani, et grâce à un arrêt sur image j'ai pu voir qu'elle comptait bel et bien battre le record de Graham Gooch de 456 runs en un seul test-match. Du cricket comme accomplissement culturel et sportif ultime pour le personnage de l'aristocrate anglo-indienne... ;-)
Nous avons des problèmes de connexion à Canal+, surtout le soir, malgré l’achat et l’installation d’un répéteur il y a 8 jours. Apparemment plusieurs forums en ligne font état de problèmes similaires au nôtre : la question des connexions simultanées sur 72 heures est assez abstruse, mais nous pensons avoir compris qu’il y a une histoire de nombre d’appareils connectés au cours des 3 derniers jours.
23:04 Publié dans 2023, Affres extatiques, Lect(o)ures, Tographe, Words Words Words | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 29 avril 2023
29042023 (#DMWM)
Ce matin j’ai presque fini de (re)lire Wittgenstein’s Mistress. Mon avis n’a pas varié : c’est une œuvre fondamentale. Par contre je pense que certains aspects plus « problématiques » m’avaient moins frappé lors de ma première lecture.
J’ai très envie de tenir un carnet, non pas de relecture – il est déjà trop tard, à moins de le faire pour une troisième lecture – mais d’analyses, un peu comme j’avais autrefois créé mon premier blog pour accompagner la préparation de mon cours de CAPES et d’agrégation sur The Good Soldier.
Ce carnet pourrait prendre la forme d’un hashtag récurrent sur mon compte Twitter, par exemple et sans originalité : #DMWM. Si j’écrivais, en parallèle du carnet d’analyse, un pastiche – ou fiction dérivative – ce texte pourrait commencer ainsi :
Is it before or after I decided to write a series of analytical texts on Markson’s Wittgenstein’s Mistress that I realized that the first-name Artémise in Nino Ferrer’s famous song Le téléfon must have come from his Italian origins, I cannot fathom.
Though this happened on this very day, on this very Saturday.
Saturday being the day I am writing these lines, and I have decided to write down what I think about Markson’s Wittgenstein’s Mistress.
That phones were never mobile then, and that mainstream technology was mostly cassette decks and typewriters. Back then too.
Now I come to think about it the connection between the first-name Artémise and typewriters is itself unfathomable.
15:41 Publié dans 2023, Ecrit(o)ures, Gertrude oder Wilhelm, Lect(o)ures, WAW | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 23 avril 2023
23042023
Réveillé tôt encore, à Cagnotte ; étrangement, le fait de me tenir davantage éloigné de l’actualité, des mille turpitudes et ignominies qui la peuplent, ne diminue pas mon angoisse. Je pensais, avant de me lever et d’allumer cet ordinateur, que je n’avais pas écrit ici depuis trois semaines, et même depuis fin mars. Or, apparemment, cela ne fait « que » dix-huit jours… Cela a beau faire dix-huit ans que je tiens ces carnets, je n’ai toujours pas compris pourquoi il est si difficile de se tenir à la règle d’un billet par jour au moins, ni comment il est si facile de laisser filer les jours sans écrire, comme si de rien n’était.
Pour ce qui est du sommeil, c’est aussi parce que mes journées sont moins chargées et que j’ai commencé à me reposer, que je me lève ainsi, aussi tôt. Malgré le début de « vacances » passé à régler la question des recrutements d’ATER et les services 2023-24, malgré aussi la fatigue du voyage à Saragosse, je me suis reposé, de fait.
Histoire de noter quelque chose d’un peu plus intéressant, avant de me lancer dans l’écriture de billets a posteriori pour ces 18 journées manquantes : ne parvenant toujours pas à « entrer dans » King Lopitos de Vilma Fuentes (et pourtant ça me plaît), j’ai emprunté hier à ma mère son exemplaire de Wittgenstein’s Mistress, livre primordial pour moi, avec lequel je bassine tout le monde depuis pas loin de vingt ans, mais que je n’ai jamais relu ; j’en ai lu, donc, les 30 premières pages hier soir avant de tomber de sommeil, et c’est vraiment aussi génial que dans mon souvenir. Le livre est au programme de l’agrégation pour l’année prochaine, choix qui m’a surpris (favorablement (même s’il n’y a pas de texte post-colonial)).
06:09 Publié dans 2023, Hors Touraine, Lect(o)ures | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 03 avril 2023
03032023
Je me suis traîné toute la journée ; j’ai quand même enregistré une vidéo autour des autrices mauriciennes.
14:10 Publié dans 2023, Affres extatiques, Flèche inversée vers les carnétoiles, Lect(o)ures | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 25 mars 2023
25032023
Ce matin, j’ai fini de lire L’ange transtibétain de Yoko Tawada, acheté lundi dernier alors que j’ignorais même qu’il y avait (enfin) de nouveaux textes traduits d’elle. La traduction est de mon ancien collègue Bernard Banoun. Je me suis aperçu à cette occasion que cela faisait plus de quinze ans maintenant que j’avais commencé à lire cette écrivaine.
Le titre original est Paul Celan und der chinesische Engel, et le livre a été écrit pendant le premier confinement, en 2020. J’ai appris, en lisant la postface de Sven Keromnes, que le dernier recueil publié par Celan de son vivant, Soleils de fil, qui est au centre des préoccupations du protagoniste (Patrik / le patient), n’a jamais été traduit en entier en français. Moi qui pensais que chaque poème de Celan avait été traduit quatre fois de douze manières différentes, ça me la bâille belle. (Et de me dire que je devrais vraiment faire fi des maisons d’édition et publier en print on demand certaines de mes traductions : je n’ai pas traduit Celan, mais Ausländer et Johanna Wolff, par exemple.)
Le récit de Tawada m’a beaucoup plu, surtout les deux premiers et le dernier chapitres (j’ai eu un peu de mal à suivre certains des enchaînements au milieu), et, alors que j’étais un peu resté sur ma faim avec Histoire de Knut, je suis très heureux de retrouver cette prose complexe, parfois opaque, qui suggère des analogies et des liens étranges et qui interroge malgré tout une certaine réalité humaine. Avant-hier, sur Twitter, je m’étais interrogé sur l’apparition du mot beuchelle, qui désigne un plat typiquement tourangeau ; je me demandais quel pouvait être le plat / mot que Banoun traduisait ainsi. Nicolas Raduget, l’auteur de l’Histoire des vins de l’AOC Touraine, m’a répondu hier qu’en fait ce plat était originaire d’Autriche et que l’étymon de beuchelle serait donc l’allemand Beuschel. C’est ce qu’indique le Wiktionnaire.
11:58 Publié dans 2023, Flèche inversée vers les carnétoiles, Gertrude oder Wilhelm, Lect(o)ures | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 24 mars 2023
24032023
Aujourd’hui ma grand-mère fêtait ses 96 ans. Je l’ai appelée en milieu de matinée, et elle m’a parlé de La Place d’Annie Ernaux, qu’elle a adoré et relu juste après la première lecture, et de la trilogie de Carlos Ruiz Zafon qu’elle lit ; mais elle trouve cela trop long. À propos d’Ernaux, elle a particulièrement aimé le fait que ce soit aussi savamment écrit sans pour autant la moindre emphase ; ma grand-mère est donc plus clairvoyante et meilleure lectrice que tous les birbes du Figaro réunis.
Nous avons aussi parlé de la situation sociale et politique.
Hier j’ai acheté enfin Le Chaos en 14 vers de Pierre Vinclair, anthologie de sonnets en langue anglaise par 14 poètes. Vinclair n’est pas seulement un bon traducteur (et un grand poète), c’est aussi quelqu’un de terriblement intelligent. Très heureux d’y trouver Mary Wroth, Marylin Hacker (qui a traduit Guy Goffette, ce que j’avais étudié lors du colloque consacré à ce poète à Tours) et Joshua Ip.
J’ai passé une bonne partie de la journée à écrire des mails en raison du blocage, et notamment un mail très détaillé afin de répondre aux questions des étudiant-es de Licence, ce afin de « débunker » les rumeurs qui commencent à courir, de stipuler ce qui est déjà certain, et ce qui reste encore imprécis, selon la durée du blocage. En début d’après-midi, j’avais plusieurs rendez-vous en visio, avec une de mes étudiantes de L3 qui se renseigne sur les Masters recherche, avec un étudiant de M1 qui voulait parler de son projet de travail écrit, et aussi avec deux collègues.
Ce lundi, le doyen convoque un Conseil de Faculté exceptionnel.
22:24 Publié dans 2023, Lect(o)ures, WAW | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 13 mars 2023
13032023
Le nouveau livre de Pierre Vinclair, une anthologie de sonnets d’une quinzaine d’auteurices différent-es, n’était pas encore à la librairie, de sorte que j’ai dû le commander. Mais je ne suis pas sorti les mains vides.
J’ai notamment acheté le volume récemment paru d’Ariane Dreyfus en NRF/Poésie, Pensées décoloniales de Philippe Colin et Lissell Quiroz (qui va me servir dès ce jeudi pour le séminaire de master) et ce livre de Stéphanie Garzanti, que je n’aurais pas connu sans la chaîne Un grain de lettres de l’excellente Azélie Fayolle.
18:11 Publié dans 2023, Autoportraiture, Lect(o)ures | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 27 février 2023
27022023
Commencé de lire Matrix de Lauren Groff, dont C* lit en parallèle la traduction française par Carine Chichereau. Ce n’est pas souvent qu’on réussit à se coordonner aussi bien dans nos lectures.
Enregistré et publié ce matin une nouvelle vidéo « je rends des livres », autour notamment de la pentalogie Aujourd’hui de Dominique Meens, dont j’ai parlé mais surtout lu des morceaux choisis pendant 35 minutes. Les posts Facebook et Twitter que j’ai publiés afin de donner le lien de cette vidéo n’ont reçu aucun like ; c’est une première.
Il s’agissait de la 47e vidéo de la série, et elle dure 47 minutes. Dans les propos liminaires avant ma lecture d’un extrait d’Alors Carcasse de Mariette Navarro, j’ai employé le concept de figure plutôt que de personnage, et je m’aperçois que si je faisais mon travail sérieusement, j’aurais parlé de l’essai de Xavier Garnier, L’Eclat de la figure. Dans ma lecture du bref récit de Nimrod, Gens de brume, j’ai passé deux minutes à parler d’une phrase que je trouvais particulièrement belle et à laquelle j’ai failli consacrer un billet ici : « L’azur au-dessus des eaux perd sa glaçure. » (Sur un autre plan, je ne sais pas s’il fallait prononcer Silas à l’anglaise, comme dans le titre du roman de George Eliot, ou à la française comme je m’y suis résolu.)
Comme je l’ai fait remarquer à un moment donné, il faudrait que je constitue un index détaillé des auteurices mentionné-es dans l’ensemble de mes vidéos.
14:41 Publié dans 2023, Flèche inversée vers les carnétoiles, Lect(o)ures | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 25 février 2023
25022023
Levé à 7 h, réveillé peu avant. Je n’aurai pas réussi à recaler un rythme de sommeil différent de celui des semaines de cours, mais après tout, j’y arrive rarement, et cela remonte même à l’enfance et à l’adolescence : tout l’été je me réveillais vers 7 h, parfois 7 h 30 peut-être – tout au plus. – Le chauffage, bruyant dans cette maison (et on n’a rien pu y faire, en quatorze années), se relance à 7 h, donc ce n’est même pas ça.
Je me suis levé avec plusieurs idées de billets pour ce blog, et après avoir envisagé d’écrire un billet en plusieurs parties, je me suis rappelé qu’à l’époque où j’écrivais beaucoup dans ces carnets, au tout début notamment, il n’était pas rare que je publie 4 ou 5 billets par jour, parfois davantage.
On va donc faire comme ça, avec de vrais titres.
* *
*
Je note quand même ici qu’il a pas mal plu hier après-midi (pourvu que ça dure), et que j’ai enfin achevé Phone de Will Self, commencé il y a 3 semaines ½, interrompu par moments, et surtout que je ne lisais que par 5-10 pages pendant toute la semaine du 6 ; or, le bouquin en compte 617, en un seul paragraphe. C’est un roman très complexe, magistralement écrit, d’une ironie mordante, et qui alterne le point de vue (mais pas vraiment le monologue intérieur) de cinq protagonistes, Zack Busner, son petit-fils Ben, l’espion Jonathan De’Ath, le lieutenant Gawain Thomas, mais aussi, plus ponctuellement, la mère de Ben, Camilla/Milla. On sent que Will Self, lassé de voir pléthore de romans polyphoniques dont le narrateur ou la narratrice est explicitement indiqué-e en tête de chapitre, a voulu montrer qu’il saurait écrire un texte polyphonique sans chapitrage ni même retour à la ligne, dans un flux parfois imperceptible : il m’est arrivé de remarquer au bout de deux ou trois pages que le récit avait changé de focalisateur…
Même si le « grand sujet » du roman est la transition technologique des moyens analogiques au tout-numérique (pas seulement pour la téléphonie), le roman problématise et narre, dans sa dernière partie, un épisode de la guerre en Irak, ainsi que le scandale des crimes de guerre de l’armée britannique. Le décalage de départ entre la figure du psychiatre spécialiste des paranoïas mais désormais atteint d’Alzheimer et son petit-fils autiste n’est donc pas le sujet du livre, même si la rupture du soi (de soi ?) est son mode d’expression. Le personnage de Ben reste en grande partie insaisissable, et sert à boucler la boucle, en quelque sorte, entre les 5 personnages, car c’est lui qui s’avère être le dépositaire de la grande valise perdue par De’Ath dit « le Boucher ».
Entre autres raisons de se perdre dans le livre, la langue : mélange des registres, références à des chansons populaires, vocabulaire technique ou rare, argot, néologismes, allitérations, rimes internes – le nombre de fois où je me suis demandé comment traduire ceci ou cela (et où j’ai évité de me mettre à la place du traducteur…)… Je vérifie au moment d’écrire ces lignes, et apparemment les deux premiers volumes de la trilogie (Umbrella et Shark) ont bien été traduits en français, mais pas Phone. Je n’ai lu que ce troisième tome – hasard des bouquinistes de Galway en février dernier (et ça ne pose aucun problème car il ne s’agit pas de récits suivis) – mais ayant lu d’autres livres de Self j’imagine mal que les autres aient été plus faciles. L’explication est peut-être que Parapluie et Requin ont été traduits par Bernard Hœpffner et que personne n’arrive à prendre sa suite. [Il a été question de Hœpffner jeudi dernier lors du séminaire avec Marguerite Capelle et Laurent Vannini. Je me demande si j’ai déjà écrit à son sujet dans ce blog. Par contre j’avais déjà commencé la série de vidéos je range mon bureau quand j’ai lu son livre paru à titre posthume Portrait du traducteur en escroc.]
07:49 Publié dans 2023, Lect(o)ures, Nathantipastoral (Z.) | Lien permanent | Commentaires (0)