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lundi, 28 mars 2011

Omoo, XXXII

Dans l'incipit de Salammbô, Flaubert n'a rien inventé :

The first blood shed, in any regular conflict, was at Mahanar, upon the peninsula of Taraiboo.

 

lundi, 14 mars 2011

Sang

" A la suite de disputes au sujet de terres avec des cousines, et pour fuir les commérages, critiques et ragots de la famille, il avait juré de se vider de tout son sang et de s'en transfuser un autre, et de changer son patronyme d'Abad pour celui de Tangarife, qui avait l'air moins juif et plus arabe (menace burlesque qu'il ne mit jamais à exécution). "

(Hector Abad. L'oubli que nous serons, traduction d'Albert Bensoussan.

Gallimard, 2010, p. 90.)

samedi, 19 février 2011

Notes pour Der Fuchs (26 décembre 2010)

 

Herta Müller. Le renard était déjà le chasseur.

Traduction de Claire de Oliveira. Paris : Seuil, 1996. 

 

« Depuis qu’on découpe le renard, dit-elle, mes ongles poussent plus vite. » (p. 214) ::: ::: ::: ::: L’écriture de Herta Müller fait alterner raccourcis et épaississements, courts-circuits et analogies développées. Herta Müller a inventé (tout en l’inventant pas : en l’empruntant à tant d’autres et lui donnant une pâte qui n’est pourtant (partant ?) qu’à elle) le texte brut profond – avec une manière de voir le monde, ou de le percevoir, qui m’a rappelé – dans les premiers chapitres – Kotik Letaiev ou certains Savitzkaya :

« Le soleil est loin au-dessus de la ville. Les cannes à pêche projettent des ombres, l’après-midi s’appuie sur leurs ombres. Quand le jour va basculer, pense Adina, quand il va glisser il creusera de grands sillons dans les champs autour de la ville, le maïs se cassera. » (p. 36)

[J’écris ces notes, recopie ces fragments plus d’un mois après avoir lu le roman de Herta Müller, qui est déroutant, non par sa forme mais vraiment par le récit : que raconte-t-il ? que se passe-t-il ? comment passe-t-on de l’univers de l’enfance à celle du travail sous la dictature des Ceaucescu ? qui est qui ? Tout cela est plus déroutant, car présenté de façon moins chorale, moins torrentielle, moins aiguë que dans les grands textes de Lobo Antunes, par exemple. J’écris aussi ces notes, recopie ces fragments un jour ensoleillé d’après-Noël, influencé par la lecture reprise de Dubuffet, face aux sillons des champs glacés dans la campagne, sous un grand soleil de décembre qui rappelle mes lectures, il y a deux ou trois ans ici aussi à Noël, du poète chypriote de langue anglaise dont le nom m’échappe. « Le directeur devrait retenir ce nom puisqu’il a remarqué que le nom de CONSTANTIN n’allait pas au nain. » (p. 101.)]

 

L’inversion du regard fonctionne comme dans certains films en noir et blanc, que l’on dit d’avant-garde (là, comme jamais, se voient les odeurs, les couleurs) : « Quand Pavel lève la tête, le trottoir tombe du miroir de ses lunettes. Il y a une pastèque écrasée sur les rails du tramway, les moineaux mangent la chair rouge. [… Dans la voiture Pavel rattache sa chaussure, Clara sent ses colchiques. La voiture roule, la rue n’est que poussière, une poubelle brûle. » (p. 61) Tout se lit au ralenti, comme si la récit appelait des gestes mêmes du lecteur une certaine lourdeur. Dans le cadre étrange, quelques détails se muent progressivement en motifs. C’est le cas des peupliers, arbres qui (soit dit en passant) jouent un rôle plus important encore dans La bascule du souffle, non comme éléments du décor mais comme motifs d’étonnement : « Les peupliers sont des couteaux, ils dissimulent leur tranchant et dorment debout. » (p. 160). è « Les peupliers interdisent la chance en hiver, disent les pêcheurs, les peupliers dégarnis dévorent la chance quand ils boivent. » (p. 179)

 

C’est aussi le cas des coings :

« Il faudrait penser à ne jamais laisser la moitié d’un coing parce qu’elle sèche comme une fourrure, se racornit comme un brin d’herbe. Quand on a mangé tout un coing, quand il est dans l’estomac après avoir été dans la main, dit Adina en direction de ses mains sur la table, on devrait pouvoir ouvrir les yeux et être quelqu’un d’autre. Être quelqu’un qui ne mange jamais de coings. » (p. 120) è « Adina prit un coing et dit : non, tu ne l’as pas lavé, il a de la fourrure sur la peau. » (p. 219)

 

Cinéma, peinture – tout un art du visage : « Une ride s’échappa des commissures de ses lèvres et lui entailla la joue. » (p. 19)

 

Les images de soleil brûlant ou glacial rythment les différents épisodes, l’amenuisement de la peau de renard comme une peau de Chardin (la pâte dont Chardin investissait fruits, compotiers, étoffes, préfigura l’art de Herta Müller) : « En août, dans cette ville, il y a des jours où le soleil est un potiron épluché. » (p. 96) Toutes ces notations de couleur, de chaleur, de tonalités complexes n’échappent pas à la subjectivité moralisante (rationalisante ? abstractisante ?) du discours, comme dans une description frappante du drapeau roumain : « Sortant du remblai du stade, une lumière s’échappe vers le ciel comme si la lune s’était perdue. Les Danois, qui c’est ceux-là, les mains des hommes portent le drapeau tricolore, trois raies bien à eux. La pièce rouge famine, la pièce jaune silence, la pièce bleu espion dans le pays coupé du monde. » (p. 187)

 

mercredi, 16 février 2011

Notes pour Atemschaukel :

 

Herta MÜLLER. La bascule du souffle. Gallimard, 2010.

Traduction de Claire de Oliveira.

 

 

Lors de la libération de la Transylvanie par les Soviétiques, se met en place, sous l’égide et à l’initiative du gouvernement roumain, mais sur demande de l’allié soviétique en conformité avec les accords de Yalta, la déportation de certains Allemands vers des camps de travail en U.R.S.S. Dès les premiers brefs chapitres de La bascule du souffle, Herta Müller présente l’itinéraire de « son » protagoniste comme une sorte de malédiction volontaire. Cette malédiction prend souvent la forme d’hallucinations concrètes :

 

« Le ciment m’a rendu malade. Pendant des semaines, j’en ai vu partout : dégagé, le ciel était du ciment lissé ; plein de nuages, c’était un gros tas de ciment. La pluie envoyait des fils de ciment rattachant le ciel à la terre. Ma gamelle en fer-blanc moucheté de gris était en ciment. » (p. 41)

 

L’expérience carcérale porte sur le concret :

« Une pelle en cœur, ça se rode ; ensuite, sa plaque de tôle est bien luisante, avec une soudure semblable à une cicatrice dans la paume – et la pelle entière est une sorte de second équilibre, mais extérieur. » (p. 84)

On songe aux crachats de la Kolyma, que Chalamov décrivait gelant au vol.

 

Dans un texte aussi profondément écrit, aussi souterrainement pensé, rien d’étonnant à ce que le spectre de la faim croise les fantômes du langage :

« Kapousta, c’est le chou en russe, et celui d’une soupe qui, souvent, n’en contient pas. En dehors du russe et de la soupe, kapousta est un mot composé de deux choses qui n’ont rien de commun, sauf le terme en question. Cap, c’est la tête, en roumain, et Puszta la plaine hongroise. On se dit ça en allemand, et le camp est russe comme la soupe aux choux. On veut faire le malin avec ces trucs insensés, or kapousta, une fois décomposé, ne saurait être un mot de la faim. Les mots de la faim sont une carte géographique dont les pays ont des noms culinaires qu’on dit dans sa tête. » (p. 162)

C’est un peu Kafka, et pas du tout. Dans l’entremêlement des sensations, le langage se fraie un chemin complexe (broussailleux – pourtant, les alentours sont déserts) :

« Mais ce ne sont que les marrons d’Autriche-Hongrie des récits de mon grand-père, ils sentaient le cuir frais. Matelot, il en avait décortiqué dans le port de Pula pour les manger avant de s’embarquer sur le voilier Danube et de faire le tour du monde. Mon absence de mal du pays, c’est donc le mal du pays raconté par mon grand-père qui me sert à surmonter celui que j’ai ici. Bref, quand il m’arrive d’avoir un sentiment, c’est une odeur. Celle du mot marrons ou matelots. Avec le temps, chaque odeur verbale s’annule, comme les haricots de Lommer la Cithare. A force de ne plus pleurer, on peut devenir un monstre. Le petit rien qui m’empêche d’être un monstre – à moins que je n’en sois un depuis longtemps –, c’est tout au plus la phrase Je sais que tu reviendras. » (p. 196)

Comment, avec ce rappel de la phrase lancée par la grand-mère avant le départ du déporté, ne pas songer à la trilogie de Charlotte Delbo – à la dernière page d’Aucun de nous ne reviendra ? Et, comme dans le 3ème tome d’Auschwitz et après (comme et différemment) :

« J’avais remis les pieds à la maison depuis plusieurs mois, et personne ne savait ce que j’avais vu. Personne ne me le demandait. Pour pouvoir raconter quelque chose, il faut d’abord s’en dessaisir. J’étais content qu’on ne me pose pas de questions, mais en secret j’étais vexé. » (p. 277)

 

Avec un élan sans cesse réprimé, mais lisible (audible), vers le lyrisme, l’écriture de Herta Müller trouve, pour parler de l’ennui (en son sens le plus pénible, le plus dur), des accents répétitifs qui dessinent en elle une continuatrice un peu contradictoire de l’œuvre de Beckett :

« Il y a l’ennui de la neige fraîchement tombée avec la poussière de charbon, celui de la vieille neige avec la poussière de charbon, l’ennui de la vieille neige avec des pelures de patates, et celui de la neige fraîchement tombée sans pelures de patates. L’ennui de la neige pleine de plis de ciment et de taches de goudron, la laine farineuse sur les chiens de garde, et leurs aboiements à la profondeur de tôle ou aux aigus de soprano. » (p. 213)

Les chiens n’aboient pas comme des pelles, même dans cette neige pesante, pénible, qui n’est pas la neige rouge de Pamuk, ni la folie glaciale de Chalamov. Poussière, pelures, plis ; charbon, farine, goudron. Une écriture matérielle, à l’épreuve du gel.

 

Et, pour la description de l’épuisement, il en va comme de l’ennui. Il a son pendant, la frénésie, qui le précède :

« Nous aimons voir le sang des punaises, parce que c’est le nôtre. Plus il y a de sang, plus nous prenons plaisir à cette opération. Elle fait sortir toute la haine que nous avons en nous. Nous tuons les punaises à coups de brosse, et nous en sommes aussi fiers que si c’étaient des Russes. Puis l’épuisement nous tombe dessus, comme un coup sur la tête. Une fois lasse, la fierté rend triste. Etrillée, elle se rabougrit jusqu’à la fois suivante. » (p. 244)

Excitation, démence, abattement. La leçon de poésie de Herta Müller, en un sens : tout ce qui est ressenti physiquement prend forme d’un déploiement moral.

 

(Note rédigée le 22 ou le 23 décembre derniers.)

 

mercredi, 01 décembre 2010

Des confituriers figurés

 

Mercredi 1er décembre, six heures du matin.

 

Comme C., mais différemment d’elle, j’ai mon confiturier.

Le confiturier, dans notre maison, n’est pas un meuble servant à stocker les confitures, mais le dépositaire des lectures imminentes ou un peu moins qu’imminentes. La table de chevet de C., de son côté du lit conjugal, est un confiturier dans lequel il est possible d’entreposer, et même de ranger, une petite trentaine de livres. Par habitude, c’est là qu’elle garde les livres qu’elle veut lire dans un futur proche (ou moins proche. Ainsi, jetant un œil par hasard, il y a quelques jours, je me suis aperçu qu’au moins l’un des livres qui s’y trouve (trouvent ?) a été acheté il y a deux ans sans doute, ou à peine moins – or, je voulais le lire : il s’agit de La Symphonie du loup).

Et donc, j’ai moi aussi mon, et même mes confituriers… Il y a tout d’abord l’une des étagères du petit meuble qui sert de discothèque et de partition entre le salon et la salle à manger. Nommons-là Confiturier 2. (Le 1er, le vrai confiturier, celui qui sert de table de chevet à C., est d’évidence premier, et hors compétition.) Il y a aussi les deux petites étagères de ma propre table de chevet, une sorte de meuble d’angle en bois de pin, absolument pas fonctionnelle, mais passons… : nommons cela Confiturier 3. Plus subtil, il y a les micro-piles qui se trouvent sur (ou sous le plateau de) mon bureau. Confiturier 4, of course.

On l’aura compris, mes confituriers sont les lieux où j’entrepose les livres à venir (i), ou en cours de lecture (ii), mais aussi les livres déjà lus mais que je ne veux pas encore ranger dans la bibliothèque (iii), soit que j’en aie besoin pour mon travail (a), soit que je compte écrire une recension à leur sujet (b – ah, ah, j’en ris encore), soit par un scrupule indéfinissable (c). Certains de ces ouvrages sont des emprunts à la Bibliothèque Universitaire ; dans la mesure où j’ai toujours aimé les livres de bibliothèque (à condition qu’ils ne soient pas de poche, et soient dans un bon état) et dispose de conditions d’emprunt assez idéales (20 ouvrages pour 3 mois), il y en a toujours en transit.

Avant de tenter de dresser ici la liste des livres qui se trouvent dans chacun de ces confituriers au sens figuré, je veux dire, à titre d’exemple significatif, que j’ai reçu hier, par la Poste, Summertime, le troisième volet de l’autobiographie de J.M. Coetzee, et que, voulant le lire immédiatement (en dépit des déjà x ouvrages en cours de lecture) je l’ai emporté directement au lit à l’heure du coucher, sans passer par la case confiturier (et sans toucher mes vingt mille balles, il va sans dire). Il est indispensable que j’en commençasse la lecture au plus vite, car C. a commencé à le lire en traduction, et, dans ces cas-là, j’aime bien : i) pouvoir discuter avec elle d’un même livre lu à peu près simultanément  ii) ne pas risquer d’être découragé par elle de l’envie de lire un livre (ce qui s’est produit naguère avec Choir d’Eric Chevillard).

 

 

Confiturier 2.

 

  1. Demeures de l’esprit VI (France III) de Renaud Camus - i
  2. Collected Poems de John Ashbery (American Library) - ii
  3. La convocation de Herta Müller - i
  4. Anglomania - i 
  5. Nils Holgersson de Selma Lägerlof (dans la traduction exhaustive Actes Sud) - iii, c
  6. Amor & Furor de Günter Brus - iii, b
  7. L’Histoire des vers qui filent la Soye de Béroalde de Verville - ii
  8. Le renard était déjà le chasseur de Herta Müller - iii
  9. Le fil des missangas de Mia Couto - iii, b
  10. Homesickness de Murray Bail - i
  11. Steam Pigs de Melissa Lucashenko - i
  12. Récits 1971-1982 de Thomas Bernhard - i
  13. Le Secret de Caspar Jacobi d’Alberto Ongaro - i
  14. The Hours de Michael Cunningham - iii, a
  15. Der Spaziergang de Robert Walser - i
  16. Au nord par une montagne, au sud par un lac, à l’ouest par des chemins, à l’est par un cours d’eau de Laszlo Krasznahorkai - i
  17. Voyage au pays des Ze-Ka de Julius Margolin - i
  18. Les Inachevés de Reinhard Jirgl - i
  19. Renégat, roman du temps nerveux de Reinhard Jirgl - i
  20. Et si les œuvres changeaient d’auteur ? de Pierre Bayard - ii
  21. Paysage et portrait en pied-de-poule de Thierry Beinstingel - iii, b
  22. Les sept fous de Roberto Arlt - iii, b
  23. Sämtliche Werke de Franz Kafka - i (ii)

 

Il est trop tôt dans la journée pour aller farfouiller dans la bibliothèque ou la chambre à coucher et dresser la liste des ouvrages se situant dans les confituriers 3 et 4.

 

mardi, 30 novembre 2010

Lectures d'enfance

(Ce billet promet d'être fort long. Or, il s'agira, je pense, d'un vaste copier-coller******. (Je ne sais jamais si, dans la forme substantive, il vaut mieux utiliser un infinitif ou un participe passé. Préoccupations d'un autre âge.))

 

À la faveur d'un test assez stupide que propose Facebook (Have you read more than 6 of these 100 books?), et que j'ai eu la faiblesse de copier-coller [là, au moins, on est sûr que c'est un infinitif, NDLR] dans mon profil, en ayant soin de mettre en gras les ouvrages que j'ai lus et en italiques ceux que j'ai commencés ou parcourus, je viens d'avoir une conversation très intéressante avec Madame de Véhesse :

GC - Ah ça, Tolkien et C.S. Lewis, faut avouer...

VS -  Guillaume, je ne sais pas ce que tu lisais enfant (si en fait, je sais, Char à douze ans, c'est ça?) mais j'ai toujours placé haut la fidélité à ce qu'on a aimé. Penses-en ce que tu veux, je reste persuadée qu'il y a un rapport étroit entre nos rapports à la littérature et ceux à l'enfance.

GC -  Valérie, tu te méprends. Je reste extraordinairement fidèle à Topaze, à La guerre des boutons (que je viens de reparcourir à la faveur de sa découverte par mon fils aîné), aux Trois Mousquetaires (mais pas à Monte Cristo, que, justement, je n'ai pas pu lire enfant et ai été incapable de lire adulte), ou à L'Île verte de Pierre Benoît.  (Quatre exemples seulement ; j'espère qu'ils achèveront de te convaincre que cette histoire de "Char à dix ans", pour être vraie, ne suffit pas à me résumer.) Ah si, il y a aussi tous les volumes Folio Junior d'anthologies : L'arbre en poésie, La liberté en poésie, etc., dans lesquels j'ai découvert Guillevic, un des grands poètes de ma "formation", entre 18 et 24 ans*******, disons -- et René Char, donc. 

 

J'aurais certainement pu ajouter Mon amie Flicka (et la suite de cette... quoi ? trilogie ?), mais, sur ce coup-là, je ne peux empêcher d'éprouver un peu de honte rétrospective*. Toutefois, à chacun des ouvrages que je viens de citer (Mon amie Flicka inclus), me remontent en mémoire, aux yeux, à l'esprit, les lieux où je les ai lus, les moments, les heures, le détail du grain des pages, la typographie peut-être, le titre de certains chapitres, ou certaines bribes de phrases. Oui, ce que nous lisons dans notre enfance nous structure.

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Or, je m'aperçois à l'instant (car j'ai passé une heure à recevoir deux étudiants puis une secrétaire entre le début de ce billet et maintenant [10 h 36]) que Madame de Véhesse m'a encore répondu :

VS - Guillaume, on ne va se (re)disputer. Char était une pique un peu en dessous de la ceinture, je le reconnais, mais qui voulait surtout souligner qu'on lit enfant en fonction de ce qu'on trouve autour de soi et de ce qu'on vous donne. C'est la différence entre visiter une forêt vierge avec un guide et la visiter tout seul: on met plus longtemps à s'orienter et à repérer les détails de la flore et la faune.

 Lewis : à 7 ans ; Tolkien : à 12, ce qui compte tenu de notre différence d'âge me l'a fait lire bien avant qu'il soit devenu ce qu'il est devenu en France (aux US, c'était le début des jeux de rôle et de donjons et dragons. Je suis très contente d'avoir vu ça naître, comme je suis heureuse d'avoir connu avant/après internet, avant/après les portables, etc.)

 Lewis et Tolkien : les deux prêtés par des amis.

 Tu avais plus ou moins des guides, pas moi. Très peu de livres à la maison, tout emprunté à l'instinct (et grâce aux extraits donnés en exemple dans mes livres de grammaire : je ne sais pas comment j'aurais fait aujourd'hui avec les exemples qu'ils donnent !)

 

 

Curieusement, je ne me rappelle pas du tout m'être disputé avec qui que ce soit (et donc pas non plus avec elle) au sujet de Tolkien. Par ailleurs, je ne crois pas que notre différence d'âge soit bien grande, car j'ai vu apparaître, moi aussi, les jeux de rôles (j'étais adolescent), Internet (à Normale Sup' puis dans la société at large) et les téléphones portables (je n'en possède toujours pas).

De plus, je crois que mon admirable interlocutrice surestime un peu mon entourage. Moi aussi, j'ai découvert bien des auteurs grâce aux manuels de grammaire (Nathalie Sarraute en 3ème, par exemple (mais il est vrai que ma mère lisait certes John Irving mais aussi Robbe-Grillet, ce qui me demeure une énigme)). Il y avait beaucoup de livres à la maison, et je voyais ma mère passer des heures à lire, à la plage ou en vacances, mais aussi parfois dans la vie quotidienne. (Mon père, pas du tout. Il était déjà à fond dans son trip associatif (dans l'écologie et la protection de la nature), qui ne le conduisait pas encore, comme aujourd'hui, à Bali, Bruxelles ou Athènes on a nearly monthly basis, mais déjà à Caupenne, Tartas, Puyol-Cazalet, et surtout fait qu'il n'a pas ouvert un livre (de littérature, disons) depuis 35 ans.)

Les lectures de mon entourage n'ont eu qu'une influence modérée sur moi, en fin de compte. Je veux dire : sur mes goûts d'à présent ; sur la longue sédimentation qui a fini par produire mon goût en matière de littérature à ce jour. Face à la lecture, on est finalement toujours seul**.

 

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* De lectures "purement" enfantines, comme les Jojo Lapin d'Enid Blyton, je n'ai absolument pas honte. Alpha n'a pas du tout lu ces livres de la bibliothèque rose à fleurs, mais je me suis surpris, quand ma mère, il y a trois ans, les a remontés d'une armoire du sous-sol pour les mettre dans mon ancienne chambre, à Cagnotte, à les relire, à rechercher tel ou tel passage, vérifier que c'était bien là, dans le premier "roman" jamais lu que j'avais été heurté ou dérouté par les mots pouah et gredin.

** Il y a aussi***, comme moment de cristallisation, mon opération pour une péritonite, à l'âge de quinze ans****, et mon séjour subséquent d'une semaine à l'hôpital puis de deux semaines à la maison, dans l'oisiveté, et, par conséquent, la lecture. Ma grand-mère maternelle m'avait apporté quelques livres, dont L'Eglise verte de Hervé Bazin, et mon camarade, Marc Foglia (qui n'était pas un camarade au sens strict, mais je ne peux entrer ici dans les détails), m'avait apporté La Montagne magique. J'ai été bouleversé par La Montagne magique, que j'ai lu en trois jours, je crois, tandis que je ne pouvais ni me nourrir ni même boire, mais j'ai aussi lu L'Eglise verte. C'est certainement la dernière fois que j'ai lu un livre en me laissant influencer par mon entourage familial*****.

*** Cette note à double astérisque, je l'ajoute après une nouvelle interruption. Je viens de recevoir, pendant une bonne demi-heure, deux étudiantes de l'I.U.T. de journalisme, dont Mlle Géraldine Cornet-Lavau, qui venaient m'interviewer sur la question des enseignements en visioconférence. Le "sujet" passera en janvier dans l'émission Matafac, sur TV Tours.

**** Quinze ans : d'après Renaud Camus, c'est l'âge auquel, en matière de culture, de capacité à se cultiver, tout est joué.

***** L'influence, en soi, n'a rien de péjoratif, n'est pas à proscrire. Je ne cesse d'être influencé. Mais la simple influence ne suffit pas à former le goût.

****** Finalement, la part du copier-coller n'est pas si grande. Et je suis loin d'avoir épuisé le sujet. Sur la question de la fidélité à ses goûts d'enfance, j'aurais, après réflexion, beaucoup plus à dire en matière de musique.

******* Une dernière anecdote : je n'ai jamais pu retrouver, dans aucun des recueils de Guillevic, le premier poème de lui que j'aie lu, grâce à ces anthologies, et que je connais par coeur :

Il se ferait pommier,

Lui, dans l'espace détendu.

 

Il aurait cette frondaison,

Ces pommes, la patience.

(&c.) 

vendredi, 26 novembre 2010

Antiprolepse : génie ou plagiaire

 

The ancient stone steps had been climbed, the wisps of sound had melted away like mist, his new melody, darkly scored in its first lonely manifestation for a muted trombone, had gathered around itself rich orchestral textures of sinuous harmony, then dissonance and whirling variations that spun away into space, never to reappear, and had now drawn itself up in a process of consolidation, like an explosion seen in reverse, funnelling inwards to a geometrical point of stillness; then the muted trombone again, and then, with a hushed crescendo, like a giant drawing breath, the final and colossal restatement of the melody (with one intriguing and as yet unsolved differ­ence) which gathered pace, and erupted into a wave, a racing tsunami of sound reaching an impossible velocity, then rearing up, higher, and when it seemed beyond human capability, higher yet, and at last toppling, breaking and crashing vertiginously down to shatter on the hard safe ground of the home key of C minor.

Amsterdam, V, i

 

mercredi, 24 novembre 2010

Nature sauvage ?

 

Everyone he knew seemed perfectly happy to get by without wilderness - a country restaurant, Hyde Park in spring, was ail the open space they ever needed. Surely they could not claim to be fully alive. Hot, wet, panting, he strained to heave and lever himself onto a grassy ledge and lay there, cooling his face on the turf while the rain beat upon his back, and cursed his friends for their dullness, their lack of appetite for life. They had let him down. No one knew where he was, and no one cared.

After five minutes of listening to the rain rattling on the fabric of his waterproofs, he got to his feet and climbed on up. Anyway, was the Lake District really a wilderness? So eroded by walkers, with every last insignificant feature labelled and smugly celebrated. It was really nothing more than a gigantic brown gymnasium, and this incline just a set of grassy wall bars. This was a work-out, in the rain. More debilitating thoughts pursued him as he climbed towards the col, but as he gained height and the going became less steep, as the rain ceased and a long fissure in the cloud permitted a tiny consolation of diluted sunlight, it began to happen at last – he began to feel good.

Amsterdam, III, iii

 

(Episodes : I, II, III.)

 

samedi, 20 novembre 2010

Pourquoi pour moi a des couilles

 

« J’écris des livres anti-patates : la patate y est contenue. »

(Tomates, p. 88)

 

   Le dernier livre de Nathalie Quintane est peut-être son meilleur. (J’ai une véritable affection pour les textes de Nathalie Quintane – même les ratés comme Cavale*. C’est dire.)

   Son titre ? Tomates**.

   Le livre parle de plants de tomates (de purin d’orties, aussi), mais, à la faveur d’une métonymie originelle, dérive vers Tarnac et Julien Coupat. C’est ainsi que le livre finit par devenir (aboutit à) une sorte de poème-essai très beau, très drôle aussi, sur l’insurrection qui vient, Auguste Blanqui (le révolutionnaire, pas le boulevard), les émeutes en banlieue… Texte qui allie à une véritable audace formelle (ce qui signifie qu’il n’est pas constitué d’une suite de petites audaces formelles discontinues) une profondeur philosophique à faire pâlir Walter Benjamin (mettons).

   Poème-essai ? pourquoi ? [« poème-essai » : ce n’est pas Quintane qui le dit, c’est moi qui l’écris.] La langue de Quintane est poétique ; son rapport au langage est de nature poétique. Pas poésie au sens d’invention stylistique, beauté rythmique etc. : « peut-être qu’un livre se juge aussi aux moments où il refuse de faire galoper le petit cheval » (p. 66)  Et ESSAI : par la structure du discours (sauts et gambades) et sa teneur (je donnerai Badiou et tout Minc pour Tomates***).

    Cela faisait bien belle lurette (dit le petit cheval) que je n’avais pas lu un texte aussi bref qui donne autant à réfléchir, et à rire ; pour l’alliance du rire et de la profondeur, je recommande sans conteste les deux pages sur les testicules (pp. 96-97 : « la couille est sans pourquoi »).

 

 

 

* Bien sûr, ce n’est pas Cavale qui est raté. C’est ma lecture de Cavale, au moment où je l’ai lu, qui a achoppé, échoué. Enfin, c’est pour moi un livre raté de Nathalie Quintane. Je conseille plutôt : Chaussure et Début. (Pour commencer.)

** Chez P.O.L., paru en septembre 2010. 144 pages, dont peu blanches, 80 francs pour les nostalgiques.

*** Cela ne m’est pas très difficile : je n’ai aucun livre de ces deux Alain(s ?).

 

samedi, 13 novembre 2010

De Verville à Walser

Le Moyen de parvenir : commencé lundi soir.

Go down, Moses : commencé mercredi soir.

Le renard était déjà le chasseur (en traduction) : commencé jeudi.

Anglomania : commencé jeudi après-midi.

Der Spaziergang : commencé hier.

Il faudrait que j'écrive, en prime ?!

 

lundi, 08 novembre 2010

Coup de rabot

 

"Dans son acariâtre passage l'auto produit l'effet d'un coup de rabot sur la planche de la route d'où les piétons s'épivardent, recroquevillés en boule comme des copeaux, vers les bords et le fossé." (La Randonnée. 1932. Rougerie, 1978, p. 10)

 

 

dimanche, 07 novembre 2010

Pourquoi lire Dantzig ? (pas inspiré, je n'ai pas trouvé mieux, comme titre)

Longtemps, j'ai hésité à lire Charles Dantzig.

Lorsque son Dictionnaire égoïste l'a propulsé au sommet de la gloire, tant ce qui nous était rapporté de sa vision de la littérature que cette soudaine gloriole me semblaient l'identifier à une sorte de Jean-François Zygel de la littérature, ce qui était, déjà, rédhibitoire. Dans la foulée, l'équipe du Magazine littéraire a sollicité le nouvellement fameux pour écrire les Epilogues de plusieurs dossiers spéciaux ; à chaque fois, j'ai trouvé ce qu'écrivait Dantzig soit totalement plat et rebattu, soit franchement démagogique, confirmant ainsi mon premier préjugé.

Jeudi soir, en zappant avant le match de foot sur W9 (cette précision devrait suffire à convaincre Dantzig, s'il tombe sur cette page, que mon point de vue est celui d'un beauf inculte), je suis tombé sur l'émission littéraire La Grande Librairie. Les invités étaient, notamment, Danièle Sallenave et Charles Dantzig. J'avais déjà entendu parler du dernier essai de Dantzig, Pourquoi lire ? Son argumentaire, tel que l'avaient présenté certains médias en insistant sur le côté provocateur et innovant, consistait à démontrer que lire de la littérature ne sert à rien. Comme il s'agit là d'un argument totalement frelaté à force d'être rebattu depuis un demi-siècle, je n'avais pas eu envie d'y voir de plus près. Or, ce que disait Dantzig jeudi soir (sa conviction, ses gestes mesurés, sa distinction, les exemples qu'il donnait) est allé à l'encontre des préjugés que j'avais accumulés à son égard. (Précision annexe pour les amateurs d'événementiel : j'ai aussi écouté Danièle Sallenave et Stanislas Dehaene, et j'ai raté la première demi-heure du match de foot.)

 

Vendredi, à Angers, C. a acheté Pourquoi lire ?

Je l'ai lu hier.

 

Séduit par de nombreux passages, profondément amusé par certaines formules spirituelles et bien trouvées, j'ai passé un moment agréable en compagnie de ces quelque 250 pages. Ce que Dantzig dit de Duras, de Beckett, de la lecture à haute voix, de Stendhal ou des romans de vampires (pour ne citer que quelques exemples) est très fin, très juste aussi. Toutefois, je dois, une fois la nuit passée, constater que ce livre m'a indigné. Va encore pour son côté terriblement superficiel, de bric et de broc : l'absence de structure, la faible cohérence du discours ne sont pas gênantes en soi. Ce qui l'est plus, c'est que Dantzig est très donneur de leçons, d'une manière très adolescente. Or, il est plaisant de recevoir des leçons de quelqu'un qui cite le vers le plus célèbre de Heine (le début de la Lorelei) en l'attribuant à Goethe (p. 31), et ce sans que ni lui ni son éditeur ne se soient aperçus de cet affreux pataquès...!

Tout d'abord, Dantzig a l'art de la généralisation abusive : tout en disant continuellement je, et en faisant ainsi comprendre que ce qu'il dit de la lecture relève de sa propre expérience, il n'en tire pas moins des conclusions générales et tout à fait contestables, sur la lecture annotante par exemple. Inversement, il attribue à la lecture de littérature des propriétés qui ne lui sont pas nécessairement propres : ce qu'il écrit de l'isolement dans lequel se plonge un lecteur, et de l'hébétude, la rupture par rapport au monde qui découle d'un certain temps passé à lire, peut tout à fait se transposer au domaine de l'écoute de musique classique, d'opéras, à l'amateur d'art qui sort d'une galerie ou d'une exposition pas trop bondée, etc.

L'exemple le plus cinglant de cette tendance à la généralisation hyper-abusive est ce que Dantzig dit des universitaires. Selon lui, tous les universitaires sont de stériles frustrés vainement fiers de leurs petits scribouillages ennuyeux que personne n'a envie de lire. Pis même, ils se rendent tous coupables, selon lui, de plagiat et de pillage : ils font travailler leurs étudiants pour mettre ensuite leur nom sur les textes qui ne sont pas d'eux. Bien sûr, comme toute généralisation, celle-ci a son fond de vérité. Avant d'entrer à l'Université, j'avais entendu parler des professeurs qui s'approprient le travail de leurs thésards ; en onze ans, tant comme doctorant que comme enseignant-chercheur, j'ai rencontré en tout et pour tout deux cas de cet ordre, soit une infime minorité, fort heureusement.

Dantzig a sans doute des comptes à régler avec telle ou telle institution, avec tels ou tels universitaires. Qu'il les cite, qu'il attaque de manière précise, et qu'il lâche la grappe à l'immense majorité d'universitaires qui n'écrivent rien, ou dont les recherches sont vraiment bien écrites et intéressantes, ou qui savent pertinemment que les écrivains, contrairement à eux, sont des créateurs. Pour ne prendre que mon exemple, j'ai quasiment arrêté toute forme de recherche (ou de mise en forme de mes recherches sous forme écrite) depuis cinq ans car je suis de plus en plus frappé par le caractère absolument vain des publications universitaires, l'absurdité de tout ce cirque "publish or perish ?", la médiocrité de certains collègues qui, après une habilitation à diriger des recherches aussi creuse que prolifique en pages, deviennent des professeurs imbus de leur petit pré carré ; surtout, j'ai mis un frein à mes recherches car mes doutes concernant ce que je peux avoir encore à dire, de la littérature africaine et de la théorie post-coloniale (mon "domaine"), vont croissant. Ainsi, je partage la plupart des analyses de Dantzig ; ce que je ne comprends pas, c'est sa haine des universitaires. Sans doute n'est-elle pas compréhensible, comme toutes les phobies ou toutes les aversions. Même en admettant que Dantzig puisse avoir des raisons personnelles d'en vouloir à l'Université, et donc qu'il insulte tous les universitaires, quelque chose m'a profondément troublé dans son discours.

En effet, Dantzig consacre deux pages aux raisons qui l'ont poussé à refuser de continuer à lire Céline. (Pages 236-238. C'est une argumentation similaire à celle de Laurent Evrard, telle qu'il m'en avait fait part lors d'une conversation en juillet dernier.) De même, il reproche à Orhan Pamuk d'avoir écrit, au sujet de Maxime du Camp, qu'il était "efféminé mais fiable" (p. 219). Dantzig a tout à fait raison de souligner la contradiction scandaleuse entre un écrivain qui se dit "persécuté par les intégristes" et de tels propos homophobes. En revanche, il fait exactement la même chose quand il décrit les universitaires comme "des mites, bouffies, expirant dans l'ombre" (p. 222). Céline, qu'il cite, traitait les Juifs de termites, dans le contexte et avec les conséquences que l'on sait. Dantzig, lui, crache sur les mites universitaires, les "propriétaires de la littérature", ses Juifs à lui. Peut-être n'est-ce pas entièrement délibéré ; dans ce cas, Dantzig n'est pas un salaud à la Céline, mais une sorte de pilier de comptoir qui écrit, au fil de la plume, tout ce qui lui passe par la tête sans prendre garde.

Voyons ces deux hypothèses. Si c'est un salaud à la Céline, et si je suis son argumentation à propos de Céline, je n'ouvrirai plus aucun de ses livres. Si c'est un post-adolescent qui dit n'importe quoi pour épater la galerie, je ne perdrai plus non plus mon temps à le lire : sur ma table de chevet m'attendent Roberto Arlt, Hans Henny Jahnn, Pessoa, d'autres livres encore de Thierry Beinstingel, Balzac, Ian McEwan, Jonathan Frantzen... de vrais écrivains.

 

Charles Dantzig. Pourquoi lire ? Paris : Grasset, 2010.

 

jeudi, 04 novembre 2010

Prolepse, I : adjectifs toponymiques, avaler la ciguë

His proper business in life was to work, to finish a symphony by finding its lyrical summit. What had oppressed him an hour before was now his solace, and after ten minutes he put out the light and turned on his side: there was always work. He would walk in the Lake District. The magical names were soothing him: Blea Rigg, High Stile, Pavey Ark, Swirl How. He would walk the Langstrath Valley, cross the stream and climb towards Scafell Pike and come home by way of Allen Crags. He knew the circuit well. Striding out, high on the ridge, he would be restored, he would see clearly.

 

 He had swallowed his hemlock, and there'd be no more tormenting fantasies now. This thought too was comfort, so that long before the chemicals had reached his brain, he had drawn his knees towards his chest, and was released. Hard Knott, Ill Bell, Cold Pike, Poor Crag, Poor Molly…

 

Amsterdam, I, ii

lundi, 01 novembre 2010

Le ciment, décidément

Ces derniers jours, j'ai lu plusieurs livres, ou achevé la lecture de plusieurs livres qui avaient été "entamés" simultanément. Dans l'un de ces livres, une famille de quatre enfants devenus brusquement orphelins de père, puis de mère, enterre cette dernière sous une chape de ciment, dans la cave de leur maison. Dans un autre, le ciment tient un rôle important, au point de donner son titre à l'un des premiers chapitres ; dans l'un des courts chapitres décrivant la vie, et surtout la survivance et la mort, dans le camp de concentration soviétique qui est le "décor" (mot inapproprié : le cadre ? pas mieux) du roman, une prisonnière est ensevelie sous un flot de mortier.

Suicide ou accident ?

Le ciment n'est pas si souvent motif central d'un texte littéraire. Il donne son titre au roman d'Ian McEwan, The Cement Garden. Il donne son titre - ainsi que je l'ai dit - à l'un des chapitres du roman de Herta Müller, Atemschaukel. Côté français, je ne vois que le roman de François Bon, Décor ciment, et la chanson de Matthieu Boogaerts. (Moins sinistre.)

 

vendredi, 22 octobre 2010

Colons, carons

   She would not say of anyone in the world now that they were this or were that. She felt very young; at the same time unspeakably aged. She sliced like a knife through everything; at the same time was outside, looking on.

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He drove past the flagpole with the banging halyard. The wind was banging the halyard against the pole and it made him weak somehow, the repeated meaning of this noise.

 

vendredi, 15 octobre 2010

Merle-pie (Thierry Beinstingel)

Merle-pie

 

La première fois qu'on voit l'oiseau, passant en rase-mottes au-dessus des rosiers pour disparaître à l'ombre d'un buisson, on a la vision d'une pie en négatif: la tête blanche au lieu d'être noire, mais la même redingote de chef d'orchestre pour le reste des plumes. Les pies, on les connaît cependant. Des effrontées. Pas le genre à passer en coup de vent pour aller se cacher. Plutôt à se poser devant vous, l'œil brillant de colère, le cou déjeté, grattant furieusement le gazon, caquetant, semblant dire : on est chez nous, on vous tolère tout juste. Rien ne les dérange, ni la voiture, ni les mouvements, ni les bruits. La vue du chat les met en rage. Mais ce sont de bonnes gardiennes : pas une fois elles n'auront permis à un corbeau de s'installer dans le jardin. Ce n'est pas négligeable, ils sont nombreux à tourner dans le coin à la recherche d'un nid à occuper, d'un arbre à coloniser. Si on les laisse venir, c'est fini, ils appellent leurs copains, la famille, et ce sont des croassements à n'en plus finir, une ambiance de Toussaint et de pluie incessante à vous foutre le cafard pour le restant de vos jours. Les pies sont hargneuses mais plus discrètes : commérages brefs, chacun chez soi.

 

On revoit le volatile plus tard, toujours de façon fugitive, éclair blanc et noir d'un vol rapide, vite caché dans le fouillis des branches. C'est un oiseau craintif d'abord. On insiste pour l'observer, mais même l'immobilité derrière la vitre le fait fuir. Et puis il s'habitue au fil des jours et du printemps chantant qui s'avance, fait éclater les bourgeons, pousser les jonquilles et les primevères. Un matin, il reste perché sur un rameau devant la fenêtre, à découvert. On a le temps de l'observer : la tête d'une mouette, toute blanche avec un bec jaune, la redingote de la pie, mais comme trop grande pour lui, l'allure et la dimension d'un merle. L'oiseau ne ressemble à rien de connu. On consulte des livres, Internet. On se rend à la bibliothèque. On fouille dans les encyclopédies. Pie-grièche ? Pinson ? Pic épeiche ? Non, vraiment, il ne ressemble à rien. Et puis on oublie, on passe à autre chose dans la valse des jours.

 

Un matin, au moment où l'on sort la voiture du garage, le fils dit : il est là, dans les rosiers. Occupé à fouiller la terre de son bec jaune, il ne pense pas à s'enfuir, ou plutôt, comme les autres, il s'est habitué, il sait qu'ici il ne craint rien quand le chat reste à l'intérieur et ce fainéant de matou ne sort plus guère. Vite, l'appareil-photo. Plus tard on envoie les clichés à la Ligue de protection des oiseaux. On me répond deux jours plus tard, à la manière de l'obstétricien qui pénètre dans la chambre de la jeune accouchée : c'est un mâle, un merle ! On me précise qu'il est atteint de leucysme, un défaut de pigmentation dû à une mauvaise synthétisation de la mélanine contenue dans les plumes et qui provoque cet albinisme partiel. Il paraît que c'est assez fréquent chez les turdidés, mais que le spécimen qui hante mon jardin est particulièrement étonnant avec sa répartition homogène, bien marquée et symétrique entre les zones blanches et noires.

 

On le revoit deux jours plus tard dans le crépuscule propice aux ébats des merles. Il y en a toujours un de perché au faîte d'un toit et qui lance ses trilles incessants dans un ciel épuré des averses de l'après-midi. C'est l'heure tranquille où la pesanteur du travail se laisse choir comme un paquet de linge à laver. On s'accoude à la fenêtre ouverte, désœuvré. Les autres mâles restent au sol, se chamaillent, plastronnent comme de jeunes hommes aux abords d'un bistrot, parlant de foot et de filles. L'albinos est là, sensiblement plus gros que ses frères en livrée noire. Il en impose, roule des mécaniques. À l'ombre des buissons, une merlette couve peut-être ses œufs, futurs petits oisillons en redingote de pie.

 

(Thierry Beinstingel. Bestiaire domestique. Paris : Fayard, 2009, pp. 159-62)

mercredi, 13 octobre 2010

Portrait of the Artist as Houndstooth

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Entrelacements du pied-de-poule : le motif est immanquable, une occupation d'espace. C'est un vertige, la mer élastique qui roule, s'offre, se retire, s'étire en trompe-l'oeil, mailles à l'envers, à l'endroit, en vagues incontournables. Yeux fixés sur la trame pour en percer les secrets : croisillons blancs, crucifix, noirs, pattes velues du tissu, étirements d'araignées sombres, de mouches claires à vinaigre. Eternels recommencements : le dessin pied-de-poule est répétitif, mouvant, en courbes, en ondulations, habité, contenu, nécessaire, superflu, c'est un mirage à force de le fixer, une croyance à force d'illusions.

Thierry Beinstingel. Paysage et portrait en pied-de-poule. Fayard, 2003, pp. 27-8.

 

dimanche, 19 septembre 2010

Fuzzy sets

Dans notre maison, de plus en plus, les piles de livres sont de plus en plus nombreuses, et de plus en plus anarchiques, disséminées, de plus en plus piles. Entre les livres pour préparer certains cours, les livres que j'achète chaque dimanche dans les réderies (encore, ce matin, à Marmoutier : La Mise en scène en G-F, un Nodier original de 1841, Leçons particulières de Hélène Grimaud... et L'Emigré de Brisbane), ceux achetés au Livre et pas encore lus (le tome 2 du Labyrinthe magique de Max Aub, notamment, m'attend avec d'autres sur une des étagères de ma table de nuit), les lectures croisées et frénétiques de la sélection du Goncourt (dont nous nous contrefoutons habituellement, mais cette année C. fait participer sa classe de 1ère L au Goncourt des lycéens, on joue le jeu), les ouvrages empruntés à la B.U. (par moi) ou à la Bibliothèque municipale (par les enfants (leur emplacement habituel se trouve entre la table basse du salon et le canapé)), et enfin les autres (L'art du contresens de Vincent Eggericx, Nils Holgersson, Sols de Laurent Cohen) qui forment, avec d'autres encore, une pile bizarre et toujours s'agrandissant sur mon bureau (pareille en cela aux tours rouges du dernier roman de Maylis de Kerangal, Naissance d'un pont), plusieurs endroits très localisés mais démultipliés se sont faits piles. Pas la moindre photographie ne peut rendre cela, ni y donner du sens. D'ailleurs, ces piles n'ont pas de sens. Tout juste les ai-je prestement écrites, pour meubler un petit creux de dimanche soir.

 

jeudi, 09 septembre 2010

Ténèbres à midi

"Des herbes poussent ça et là, et nous avançons en zigzag."

(Ténèbres à midi, p. 112)

 

Vous sentez le sol se dérober sous vos pieds. Tapis vert, et le pont Wilson, pavoisé multicolore, n'a jamais été aussi prêt de chuter encore sur ses piles.

Après Sols de Laurent Cohen (texte très fort sur lequel il faudrait écrire (voilà bien une rengaine de ces carnets)), j'ai lu le dernier roman de Théo Ananissoh, Ténèbres à midi, avant d'enchaîner sur "le Mathias Enard". Théo Ananissoh est écrivain en résidence à Neuvy-le-Roi, of all places. Notre équipe de recherche va peut-être le rencontrer, lui faire tenir une ou deux conférences d'ici décembre (cela reste à confirmer).  J'avais lu Lisahohé lors de sa sortie, en 2005, et avais été frappé par ce ton quelque peu nostalgique, à la Naipaul, et décalé, atypique, dans la production littéraire africaine, essentiellement politisée ou sociale, encore aujourd'hui il faut bien le dire.

Ténèbres à midi est plus fort encore, d'une certaine manière. Il s'agit d'un récit en deux parties : le narrateur, Togolais vivant en Allemagne (et double ambigu de l'auteur), rencontre un conseiller du président avec qui il sympathise le temps d'une soirée parce que, contre toute attente, cet Eric Bamezon, fraîchement rentré d'Europe lui aussi, se confie à lui, et tient des propos pleins d'amertume sur la mauvaise gestion politique d'une Afrique qu'il qualifie de "dégueulasse". Dans la nuit qui suit, Eric Bamezon se suicide, et la deuxième partie consiste, non en une enquête, mais en un approfondissement, par le narrateur, de la figure du suicidé -- notamment lors d'une visite impromptue et magnifiquement décrite à la cour du roi Béhanzin.

Ce bref roman laisse une impression de malaise, car il met les lecteurs européens habitués à lire des textes postcoloniaux face à leurs contradictions en insistant sur le désir de fuite et de migration des Africains, lié à l'incapacité gestionnaire des élites post-coloniales ; le discours impliqué n'est pas loin de redorer le blason de l'époque coloniale, tout en faisant porter la culpabilité principale de l'ère esclavagiste sur les rois africains eux-mêmes... On est donc à cent lieues des discours habituels ou convenus sur la responsabilité de l'Europe, sur les demandes de réparations financières, ou sur les peuples colonisateurs qui ont entravé l'accès à l'indépendance... Selon toute vraisemblance, Théo Ananissoh, à qui demeure la possibilité de se draper derrière le fait que les avis égrénant le roman sont des propositions idéologiques portées par des personnages, n'a pas que des amis dans le milieu littéraire (et au-delà) des expatriés.

Lorsque le narrateur rend visite à la veuve, il demande à voir la bibliothèque d'Eric Bamezon, où deux rayonnages entiers sont consacrés aux oeuvres de Naipaul (cf supra). Pour qui avait déjà lu Lisahohé (cf supra, re), cela n'a rien d'étonnant. Et c'est peut-être dans la volonté affichée, mais pourtant à peine esquissée dans Ténèbres à midi, d'écrire les paysages que l'ombre du grand V.S. Naipaul porte le plus :

Au temps de Guezo ou de Glèlè, il n'y avait pas d'écrivain pour regarder la nature -- les hommes et les paysages ; j'écris donc ce récit avec le désir conscient de suppléer un peu  à l'exceptionnelle indigence des ancêtres. (p. 110)

 

Que penser alors, du point de vue des stratégies narratives et de leur sens, de ce texte qui reste si allusif sur les lieux et les paysages, dans leur chair même ?

 

Théo Ananissoh. Ténèbres à midi. Paris : Gallimard, "Continents noirs", 2010.

 

mercredi, 28 juillet 2010

Boulevards de ceinture, 104

Nous nous consolions, elle et moi, en nous assurant mutuellement qu’il existait encore des fanatiques de Pierre Hamp ou de Jean-José Frappa et qu’un jour, tôt ou tard, les frères Fischer sortiraient du purgatoire.

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jeudi, 15 juillet 2010

Grand débordement d'activité, I

Vendredi 9. Incapable de conduire le trajet entier – en fait, C. a conduit tout du long, sauf autour de Bordeaux (j’aurais pu m’endormir près de Moustey).

[Ferré et Thiéfaine sont les deux chanteurs que je connais qui parlent du Chambertin.]

Arrivée à Hagetmau, divers rangements, ménage etc.

 

Samedi 10. La Ceinture de jade d’Anatoli Kim. Jackie McLean. Déjeuner sous les arbres.

6 h du soir, course d’Audignon (Deyris) aux arènes de St Sever, aux 9/10 vides (avec Richard). Marty vainqueur, belle prestation du local Plassin, frères Vergonzeanne décidément en déclin. Courtiade use du coudrier sur le cuir des dames. Lalanne pas veinard sur la sans corde. Du beau linge dans le callejon, dont la Zahia des coursayres (Mme Vincent Muiras, il semble). Pointeur débutant archinul, maintes broncas vers la pitrangle.

Soir, petite finale.

 

Dimanche 11, anniversaire d’A. 10 à table, parents, grands-parents, Mamie J. et V.

Matin, ballons et tronçonneuse. Midi, sangria infecte mais le reste impeccable. Cadeaux en nombre pour A., « yes ! » à chaque coup ! Discussions post-prandiales et vaisselle.

5 h, course de St-Cricq (Dargelos), très moyenne (euphémisme), arènes mi-pleines. Bien placés, presque pas au soleil. Même pointeur gamin nul que la veille, en progrès sauf au moment de la comptabilisation finale individuelle (Lapoudge, 19 écarts globalement convenables, totalement oublié, même derrière Dumecq). Lendresse vainqueur. Frères Deyris suprêmes, surtout J.-F. muselant la sans corde après tumade sur Dumecq. Un tourniquet parfait de Lapoudge, capturé sur vidéo.

Soir, finale lamentable à la télé avec bocadillos et victoire de l’Espagne aux forceps.

 

Lundi 12. Mrs Dalloway, en bribes, juste le premier tiers (du moins à 6 h 30 du soir, heure à laquelle j’écris ces bribes elles-mêmes). Boogaerts. Pas de course, mais Défis & Champions en DVD à la télé en guise de quatre-heures, avant bonne promenade au Louts. [Crapaud mort gonflé de vermine en plein soleil au milieu du boulodrome. O. n’a pas compris, A. dégoûté.]

Matin, achat de déshumidificateurs car la moisissure a gagné trop de terrain.

« Quelques enduits et je termine. »

 

Mardi 13. Sur la vieille bécane, toujours (combiné du clavier Fujitsu de 2002 et de l’écran Philips de 2000). Continue Mrs Dalloway. Passage de voitures en trombe sur la route de Monségur. Ratatouille. Saturnin, pour O. (au-delà du ridicule). Acheté le guide vert du Languedoc-Roussillon chez Caldéra. Signe le plus évident, pour moi, de « la grande déculturation », la disparition de guides détaillés, et en particulier des Guides bleus. Regret de ne pas en avoir acheté une pleine fournée quand la collection existait encore, ou de n’en trouver qu’usés, jaunis ou cornés chez les bouquinistes ou les antiquaires.

Furieux de voir le grand cercle où « ils » avaient fait brûler des feuilles et des branches ne pas se remettre de son état calciné – toujours grand pourfendeur in petto (et à haute voix) de l’écobuage. Pas de course aujourd’hui, j’écris ces lignes à onze heures moins dix.

Mrs Dalloway, de Peter Walsh avant midi au dîner de Peter Walsh (‘Bartlett pears’).

Hélicoptères en permanence (avant le 14 juillet ?). Que de remue-ménage aujourd’hui.

Premières idées pour le cours de M1. Different from (/ to, than) → les constructions prépositionnelles après les adjectifs. Autres constructions en from. Utilisations de from dans les textes théoriques (philosophie, littérature, histoire). [Oui, tout juillet dans un seul document.]

7e compagnie, le soir, pour A. – plié de rire à plusieurs endroits. Moins nanard que dans mon lointain souvenir. On a dû pouvoir dire ou écrire, à l’époque, que ça réinventait complètement le comique troupier. Au lit, commencé Underworld, pas longtemps. [La barre d’espace, peu réactive, me fait des blagues, composant des agglutinés.]

 

Mercredi 14. [Neuf heures et demie.] Poursuivi quelques pages d’Underworld, je ne comprends rien aux règles du baseball donc une partir du tour de force stylistique m’échappe. Cela sent un peu le tour de force, dès le départ. À suivre… Vais lire les 25 pages restantes de Mrs Dalloway.

Désintoxication de café presque totale (juste une  petite tasse milieu de matinée). Pas de thé, du tout.

Max Roach & Clifford Brown.

Au lever on a cru au beau, et puis : vent, soleil par intermittences – ça peut donner tout et son contraire.

Après-midi et soirée : Concours de la Corne d’Or à Nogaro. Foule. Belles vaches, sorties festival des sauteurs distrayantes (dont un tout à fait inédit et épatant triple saut périlleux avant et sur la vache par Louis Ansolabéhère), et triomphe de Thomas Marty, tenant du titre et auteur d’un intérieur absolument époustouflant. Le garçon devient meilleur chaque année. Côté trophées, triplé et carton plein de l’Armagnacaise : Barrouillet cordier d’argent ému aux larmes, Ibañeza indétrônable et Baronne vache de l’avenir.

D’où vient la passion et surenchère de Virginia Woolf pour les points-virgule ?

Plus d’hélicos (c’était donc ça).

 

Jeudi 15. Record de la coiffeuse la plus abrutie & la plus inculte pulvérisé. (Jocelyne, dite « Joss », à Hagetmau.) Avouez que la concurrence est rude…

Continué d’ébrancher des gaules – activité essentielle de ce début d’été – au point de devoir manier le sécateur de la main gauche (triple ampoule à l’index de la main droite (mon père avait raison : « mets des gants de jardinage, Guillaume ! »)).

Pas d’Underworld.

Bassine de 6 kilos de prunes quasi achevée (en 4 jours). Pas besoin de faire des confitures, une famille de quatre estivants suffit amplement à la Cause.

Underworld, 100-122.

 

lundi, 05 juillet 2010

Hôte d'un poids

" Cela faisait longtemps qu'Eibenschütz avait cessé d'écouter.  Toutefois, celui lui faisait du bien que quelqu'un parlât à ses côtés. Il éprouvait ce qu'on ressent parfois en entendant la pluie tomber, sans qu'on puisse non plus comprendre son langage. "

Joseph Roth. Les Fausses mesures. Traduction de Brice Germain. Sillage, 2009, p. 124.

[Das falsche Gewicht, 1937]

jeudi, 24 juin 2010

Masse de ta paume...

" Sa figure, je voudrais pouvoir l'épaissir de tout ce qui l'animait sourdement, et que l'oeuvre de Gide, même dans ses parties les plus sincères, ne restitue qu'en secret, à la manière d'un cryptogramme." (Pierre Herbart. A la recherche d'André Gide, p. 12)

 

" Mais voici Breitbach. Ce qui est curieux, c'est que ce Breitbach est la personne qui, rencontrant par hasard Pierre Vienot dans un train, lui a parlé de l'insuffisance de la traduction de Prinzhorn dont il était en train de lire les épreuves et c'est par Vienot que Gide fut mis en éveil. Cette histoire revient à son point de départ." (Maria Van Rysselberghe. Cahiers de la Petite Dame 1929-1937. In Cahiers André Gide 5. NRF, pp. 86-7)

<<<<<<  "He hears a faint halloooo and one or two distant thumps like inflated paper bags being exploded by a fist very far off." (Mouroir, p. 117)

---------> Die Flucht der Stunden machte mich rasen. Unerträglich war mir die Notwendigkeit, sich zu entscheiden; eine Wahl treffen bedeutete mir nicht so sehr auszulesen als: verwerfen, was ich nicht auserlesen hatte. Mit Entsetzen begriff ich die Enge der Stunden und das die Zeit sich nur in einer Richtung erstreckt; eine Linie war sie – wie hätte ich gewünscht, sie sei Raum! -, und so behinderten meine Begierden, die einander nicht ausweichen konnten, sich gegenseitig auf dieser Fährte ohne Breite.

 

" Qu'est-ce qui me prend ce matin ? Cette brusque envie d'écrire quoi que ce soit dans ce carnet..." (Journal d'André Gide, 7 mai 1937. In Journal 1889-1939, Bibliothèque de la Pléiade, p. 1260)

 

mercredi, 23 juin 2010

Donne de tes nouvelles

Hier soir, C. me lisait une phrase page de Marcel Bénabou, dans laquelle il est question de l'achat toujours plus compulsif d'ouvrages que l'auteur n'a qu'à peine le temps de compulser et dont il diffère parfois longtemps la lecture. Or, ce livre, elle l'avait acheté il y a quelques semaines, et nous rentrions hier même d'une razzia à la librairie !

De fait, l'étagère du salon où j'entrepose certaines lectures imminentes ou des ouvrages empruntés ne cesse de s'étoffer, et, à la chambre à coucher, les trois étages de ma table de nuit n'y suffisent plus. L'été, se dit-on, n'y suffira pas, d'autant que j'aurai aussi deux articles à écrire, et quatre nouveaux cours à préparer (ça, c'est le bouquet !). Comment, dans de telles circonstances, et avec le reste du travail, reprendre ces carnets en y écrivant des choses, sinon intelligentes, du moins approfondies ?

Dans la frénésie des croisements de lectures – croisements parfois trop hâtifs, feuilletages – j'ai superposé récemment des passages du journal de Gide, des 4 volumes des Cahiers de la Petite Dame et le petit livre de souvenirs de Pierre Herbart, A la recherche d'André Gide. Si je voulais, par surcroît, écrire quelque chose de ces croisements, il me manquerait le peu de temps que je consacre déjà à la lecture. Je devrais sans doute me contenter de recopier à la hâte quelques phrases particulièrement notables de ces différents livres – ce serait déjà ça de pris.

Mais, au poker menteur, toutefois, il n'y a jamais de nouvelle donne.

(Ce qui me rappelle que, hier matin, surveillant au débotté, dans la salle 70, un examen d'une heure, n'ayant ni stylo, ni livre – le rien –, je passai un bon moment à regarder les promeneurs et la Loire et à écrire dans ma tête un poème aux rimes tout à fait extravagantes. Qu'il soit perdu n'a rien de néfaste !)

 

mardi, 08 juin 2010

Style et stylisation

Dans la Préface aux Cahiers de la Petite Dame (que je lis grâce à Renaud Camus), signée d'André Malraux, je trouve ceci, qui me fait immanquablement penser à Renaud Camus :

" Il ne s'agit nullement d'écriture-artiste, de tournures inattendues, d'adjectifs percutants : nullement du style de l'écriture, mais de la stylisation de l'oeuvre. " (Maria Van Rysselberghe. Cahiers de la Petite Dame * 1919-1927. In Cahiers André Gide 4. Gallimard, 1973, p. XXII.)

 

Sauf qu'avec Renaud Camus, you have it both ways : la phrase et l'architecture d'une oeuvre.

 

mercredi, 06 janvier 2010

Dormir sur la neige, tel un renne

C'est un Philip Roth pas même commencé qui sert à tenir ouvert le livre de Golovanov pour que je puisse recopier la phrase qui suit, et qui m'évoque tant de choses, dans le domaine du rêve, dans les territoires de la linguistique, dans les souvenirs de Norvège (en juillet pourtant), dans les balafres de la banquise, et dans la lignée du long appesantissement poétique autour de l'argile (p. 170) :

 

Pas un seul morceau de viande qui n'ait sa fonction, pas un seul morceau de peau qui ne soit transformé en niouki recouvrant les tchoums, en toboki (ces hautes cuissardes de fourrure attachées à la ceinture) ou en malitsa, ces longues tuniques en peau de renne avec mitaines et capuchon intégrés qui enveloppe[nt] l'homme en hiver et dans laquelle il peut dormir sur la neige, tel un renne.

(Eloge des voyages insensés, traduction d'Hélène Châtelain. Verdier, 2007, p. 185)

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