dimanche, 29 mars 2020
La lecture & le viol
La grasse matinée d'hier (réveillé à 6 h 50, levé à 8 h) n'est qu'un souvenir, d'autant plus que le changement d'heure a eu lieu cette nuit et qu'il est “en fait” 5 h.
Lu ce matin le mail d'une collègue sur la messagerie des anglicistes de l'enseignement supérieur :
The generation gap between me and my students increases every year!! Today they asked me for recommendations about novels. I tried to think of novels that might really grab them. These are students for whom under normal circumstances reading a novel is something you do under duress when you are obliged to by a teacher. Et encore.
Of more recently published novels, I thought Solar Bones by Mike McCormack was just amazing, and that On Earth We're Briefly Gorgeous by Ocean Vuong is now the best American novel (!!). I still think that Dermot Healy's A Goat Song is brilliant. But that's me. I don't know if they would really grab these Millenials. Could anyone recommend novels in English that might really hook very-reluctant-reader Millenials? I kind of feel that the stakes are high because if I could find some novels that they could read on their own with genuine pleasure (and not as a chore) it might turn things around (for some of them). And they could move on from there. I hope this makes sense.
Je lui ai répondu ceci :
I didn't know that Vuong, whose poetry collection I've loved, had written a novel.
Si je n'en étais pas “rendu” à devoir donner un gros coup de collier en avril pour mes deux cours d'agrégation, et à devoir désormais pondre à peu près un quadrilatère par jour si je veux avoir fini d'ici l'été le projet Scarlatti, je me relancerais bien dans un défi quotidien de vidéo ou de traduction.
Dans le mail de la collègue, j'aime bien l'emploi des verbes grab (séduire ?) et hook (harponner ?). De la lecture comme viol(ence), aussi...
06:23 Publié dans *2020*, Ecrit(o)ures, Lect(o)ures, Words Words Words | Lien permanent | Commentaires (0)
mardi, 10 mars 2020
*1003*
Parmi les très nombreuses choses que je devais organiser pour avril et même pour plus tard, et dont j'ignore si elles pourront avoir lieu, il y a la rencontre avec Corinna Gepner, que j'ai commencé à préparer avec les étudiant-es d'échange mais aussi avec les étudiant-es de M1. Quel dommage de ne pouvoir réellement lancer cela.
Déjà, le 29 janvier dernier, mais pour d'autres raisons (à l'époque, c'était la fermeture du site Tanneurs, pas la crise sanitaire du Covid19), j'ai dû annuler la rencontre avec l'éditeur Benoît Verhille et la directrice de collection Anna Rizzello.
Il y a aussi le tour de France de l'écrivain Charles Yu, vers juin. Je ne vois plus très bien comment articuler cela avec l'année universitaire, qui risque d'être très perturbée. De manière inimaginable, même.
08:19 Publié dans *2020*, Lect(o)ures, WAW | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 04 mars 2020
Caloniz Herminia, Cristina
Fini de lire, ce soir dans la salle d'attente du conservatoire, un livre aussi ébouriffant qu'éblouissant, dont je reparlerai prochainement en vidéo, Cristina de Caloniz Herminia, publié aux éditions du Réalgar.
En quatre parties, de 12, 14, 13 et 11 pages respectivement le texte suit les méandres d'une figure / personnalité / personnage / femme de sa “petite enfance” à sa “jeunesse”. Ce poème en prose, ni narratif ni lyrique au sens strict, réussit donc à retravailler le matériau du Bildungsroman d'une façon radicalement singulière.
Très entre autres, il y a, dans ce livre, une attention aux plantes, notamment aux arbres, qui passe certes par le langage (je veux dire : qui est avant tout expressive), mais qui est puissamment évocatrice. Et puis, ce n'est pas si souvent que je lis un livre qui évoque nèfles et néfliers !
*** Brève recension par J.-P. Gavard-Perret ***
* Analyse approfondie de Lionel-Édouard Martin *
20:24 Publié dans *2020*, Chèvre, aucun risque, Flèche inversée vers les carnétoiles, Lect(o)ures | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 12 février 2020
La renarde et le texte sans boussole
Réveillé à 4 h 20. Levé, car plutôt en forme. Et je me connais : je ne me rendormirai pas.
J'ai écrit hier et avant-hier, dans le projet Scarlatti, une série de textes évoquant la vision subite et fugace du renard (ou de la renarde), jeudi dernier, et, voulant en parler ici aussi, on verra pourquoi, je m'aperçois que je n'en ai pas dit un mot à l'entrée de journal de jeudi dernier. Le mieux est donc que je renvoie au texte n° 93 du projet Scarlatti : de proche en proche, en cliquant sur le 94, puis le 95 etc., vous pourrez lire ce que j'ai eu à en dire, pour le moment. (J'ai quelque crainte, finalement, que ce renard ne vienne faire dériver trop fortement le projet, et d'autre part : le souci de faire trop dériver cette vision elle-même, de trop m'approprier ce moment.)
On verra pourquoi, disais-je. Voici donc.
Hier, j'ai commencé à lire le dernier Savitzkaya : il s'y trouve un couple animal étrange, formé d'un héron et d'une renarde. (Réminiscence de La Fontaine, oui, mais, qui sait, de contes russes... et de Pinget* ?) -- Ce matin, attendant que se relance mon ordinateur de bureau après un de ses désormais banals plantages matinaux, j'ai commencé de lire Eux sur la photo de Hélène Gestern : à la page 28 est évoquée une inscription en alphabet cyrillique dont la traduction serait : "Pour mon renard" (ou "ma renarde").
J'en conclus que le lexème russe pour renard est invariable, ou qu'il n'y a pas de féminin... mais surtout, quelle est cette soudaine irruption, j'allais écrire insurrection, de cet animal dans ma vue vie ? J'en appelle à mes ami-es russisant-es : des conseils bibliographiques au sujet du renard dans la littérature populaire russe ?
* Oui, oui... ce Projet-là, il va falloir le remettre sur le métier.
05:20 Publié dans *2020*, Flèche inversée vers les carnétoiles, Lect(o)ures, PROJET ▓ PINGET | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 07 février 2020
*0702*
Il y a, à la B.U. de Droit du site Portalis, un petit mètre linéaire (et encore) pour les ouvrages cotés en 800 dans la classification Dewey : une vingtaine d'ouvrages pour la rubrique "Littérature". C'est normal, on est dans une bibliothèque de droit. Pour avoir des dizaines de milliers de livres de littérature, se rendre à la B.U. des Tanneurs.
Ce qui m'amuse, c'est le type d'ouvrages : presque uniquement des livres sur la rhétorique, ou sur la littérature comme art du discours, culture générale.
Ce mètre linéaire résume ce qu'est la littérature selon Blanquer, Philippe et Macron : l'art de la superficialité, de l'embobinage.
Soit le contraire de ce qu'est la littérature, évidemment.
14:24 Publié dans *2020*, Lect(o)ures, WAW | Lien permanent | Commentaires (1)
mardi, 07 janvier 2020
*0701*
Cinquième anniversaire des assassinats à Charlie Hebdo.
J'aurais pu prendre mille fois le temps d'écrire ici plus tôt. Après une nuit horrible (tenu éveillé par des douleurs abdominales puis gastriques avant d'être soulagé par deux Spasfon), journée vasouillarde, avec courbatures et vague-à-l'âme s'arc-boutant sur les flottements du corps*, mais j'aurai quand même corrigé 15 copies de L2 et 20 copies de L3. Ça ne va jamais assez vite, mais bon.
C* a réemprunté au lycée l'édition dans laquelle elle avait lu Martin Eden car je me suis demandé s'il s'agissait d'une traduction intégrale. Il s'agit de la traduction de Claude Cendrée, sans date, et donc reprise en collection Bouquins il y a trente ans. À première vue, rien d'évident, si ce n'est que 270 pages en “Bouquins” contre quasi 500 en Penguin Classics, ça me paraît étrange. Le texte est annoncé comme intégral, ce qui, au vu des pratiques éditoriales sur les textes étrangers jusqu'à il n'y a pas si longtemps, ne veut pas dire grand chose. Je vois que Folio a confié la retraduction du roman à Jaworski : j'emprunterai celle-là à la B.U. et je comparerai avec quelques coups de sonde.
Cela pourra d'ailleurs me fournir un support de cours pour le cours de traductologie du second semestre.
* J'essaie de faire mon Juliet ou mon Bergounioux, to no avail.
21:27 Publié dans *2020*, Lect(o)ures, Translatology Snippets, Words Words Words | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 03 janvier 2020
Pour évoquer Martin Eden
Vers minuit j'ai fini de lire Martin Eden.
C'est un roman important, très beau ; rien d'étonnant, avec la complexité d'un tel personnage, qu'hypothèses et malentendus se soient multipliés. Idéologiquement, déjà, Martin Eden est difficilement situable : c'est un individualiste, certes, mais penche-t-il du côté libertaire ou du côté d'une forme de culte de soi-même qui préfigure le culte du chef fasciste ? Est-ce vraiment le côté que l'on retient le plus souvent de Herbert Spencer (survival of the fittest) qui l'a le plus marqué ? on ne dirait pas... Et puis surtout : un individualiste qui se prétend réaliste pour son oeuvre littéraire ne se sentirait pas ainsi vidé de l'intérieur car le succès l'a dédoublé et aliéné à lui-même. Une fois reconnu et couvert de gloire, rejette-t-il la société par amertume et misanthropie, ou parce que la rupture de ses fiançailles, intervenue quand il crevait la misère, a rompu son grand amour ? En cela, Martin Eden se situe tout autant dans la lignée des grands héros romantiques comme Chatterton, ou des chercheurs d'absolu monomaniaques (Achab ?) ; cela explique, à mon avis, les passions que suscite le personnage. C'est, en un sens, à la fois un roman d'apprentissage et un roman de déprise, à la fois un roman naturaliste qui s'inscrit dans les conventions narratives du 19e siècle et un roman moderniste comme en écrivirent Ford Madox Ford ou Faulkner.
Pour moi, l'essentiel n'est pas dans ce personnage, ni dans une éventuelle discussion féministe ou LGBT (nécessaire et passionnante, pourtant) du roman. L'essentiel est dans la découverte de l'écriture de London, qui est à des années-lumière de ce que j'imaginais par une simple réputation. Les discussions philosophiques qui émaillent le roman, et qui témoignent probablement de l'influence de Dostoïevski, sont ce qu'il y a de moins réussi, mais sinon l'intertextualité est très riche, l'articulation de niveaux de langue extrêmement différents est une réussite totale, et la façon dont London entremêle les références poétiques et l'influence de prosateurs essentiels du 19e siècle (Poe, Kipling, Stevenson, Balzac) donne une réelle profondeur à l'intrigue. Du point de vue du lexique comme de la syntaxe et du rythme narratif, London multiplie les variations. Le seul regret est que le roman soit aussi long, plutôt inutilement : de nombreuses scènes sont triplées, quadruplées, et, quoiqu'on comprenne que ces répétitions ont pour fonction de montrer la difficulté des galères autant que la diversité des expériences du protagoniste, elles s'essoufflent parfois et allongent le récit.
Je n'ai encore lu aucun article de critique ou d'analyse du roman, mais ce qui m'a frappé dès les premières pages est la manière dont London semble insister sur le fait que Martin Eden est capable de visualiser avec une très grande acuité un certain nombre de scènes du passé ou d'un présent alternatif tout en continuant d'échanger avec son entourage comme si de rien n'était. S'agit-il d'hyperesthésie visuelle ? Est-ce là une clé pour comprendre ce que London apporte au genre du Künstlerroman ?
07:39 Publié dans *2020*, Ecrit(o)ures, Lect(o)ures | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 02 janvier 2020
*0201*
Aujourd'hui je dois au moins écluser le second paquet de copies de traduction, finir de corriger les travaux de traductologie déposés par mes L3 sous CELENE. Idéalement, je devrais aussi commencer à taper dans les copies de littérature, mais là, je me connais : si j'ai fait le reste, je serai trop las, et surtout trop content d'avoir un prétexte de ne rien foutre, donc je ne ferai plus rien.
Aussi, je voudrais achever de lire Martin Eden, commencé le 26 décembre. Je traîne sur ce roman, mais aussi, il infuse. J'en ai publié plusieurs extraits sur Twitter au fur et à mesure de ma lecture.
Curieux, ce livre dont je n'avais jamais même entendu parler il y a, quoi, deux ou trois ans, n'a cessé d'apparaître partout : sur les réseaux sociaux, dans l'essai sur les transclasses qu'a lu C* récemment, dans Désherbage de Sophie G. Lucas. Cette lecture me conduit à réviser mon jugement, vague et lointain, ill-informed, au sujet de Jack London : ce n'était pas seulement l'auteur des aventures sauvages, "ce qu'on lit quand on est enfant" selon le vers de Manset.
La B.U. possède, je crois, les volumes de la Library of America contenant l'essentiel de l'oeuvre (prolifique) de London. À creuser.
09:43 Publié dans *2020*, Flèche inversée vers les carnétoiles, Lect(o)ures, WAW | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 30 août 2019
#JeLaLis : Lady Lisle, Braddon et les béances du Web
En 2018, pendant une poignée de semaines, j'ai entrepris de traduire sur Twitter, demi-phrase par demi-phrase, un roman choisi au hasard, ou presque au hasard, sur la seule foi de sa date de publication (1868, soit 150 ans plus tôt) et de son autrice, que je connaissais de nom mais dont je n'avais encore jamais rien lu.
Ce roman, c'était Dead-Sea Fruit de Mary Elizabeth Braddon.
Je n'ai évidemment traduit que quelques chapitres, tout laissé en plan, et même pas fini de lire le livre (car c'était l'idée : traduire comme on lit, en découvrant le texte). Une des raisons de cet abandon, outre mon effroyable caractère velléitaire et butineur, fut la découverte d'une traduction du roman, d'époque.
En juillet dernier, chez un bouquiniste breton, j'ai trouvé l'édition (qui semble être l'édition originale) d'un autre roman d'Elizabeth Braddon, Lady Lisle. J'en ai commencé la lecture il y a deux jours et en parlerai, à ma façon maladroite et confuse, dans une prochaine vidéo de la série je range mon bureau. Curieusement, ce livre ne figure pas dans la liste, pourtant impressionnante, des romans de Braddon répertoriés par Wikipedia.
J'ai eu beau chercher (allez, trois minutes), je n'en trouve pas la date de première publication. En revanche, Lady Lisle a fait l'objet de deux traductions françaises : une peu après sa sortie, probablement, en 1863 (pensez, Braddon n'avait que 28 ans...), due à Charles-Bernard Derosne et réimprimée par Hachette en 2018, et une récente, de 2001, de Madeleine Jodel. Cette traduction a l'air d'ailleurs tout à fait bâclée et mauvaise, si l'on en croit les avis sur Babelio.
Ce qu'il faudrait, c'est que je dégotte un roman de Braddon jamais traduit (ici ?) et que je m'y mette pour de bon. Pour cela, il faudrait que je m'épluche les résultats donnés par le SUDOC, en espérant qu'ils soient (sont ?) exhaustifs.
À première vue, si je souhaite renouveler l'expérience sur Twitter pour le cent-cinquantième anniversaire (quel dommage que le français n'ait pas d'équivalent au beau mot anglais sesquicentennial) d'un livre, je devrais pouvoir me (re)faire la main avec Fenton's Quest (1871), qui ne semble pas avoir été traduit en français.
08:29 Publié dans Flèche inversée vers les carnétoiles, Lect(o)ures, Résidence avec Laloux | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 23 juin 2019
Mahulem
08:40 Publié dans Comme dirait le duc d'Elbeuf, Lect(o)ures | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 16 juin 2019
Lecteur que je suis
Dans le nouveau livre d'Ali Zamir, Dérangé que je suis, j'ai pu découvrir, entre autres, le nom “vénéfice”, le verbe “chabler” (dans son sens nautique), ainsi que l'expression libertine “la petite oie”.
09:05 Publié dans Affres extatiques, Lect(o)ures, Words Words Words | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 14 juin 2019
Lémurie & Malcolm de Chazal
J'achète et lis très irrégulièrement la revue Europe... trop irrégulièrement d'ailleurs, car c'est toujours un enchantement... et je m'aperçois que je l'achète souvent quand le dossier principal est consacré, non à un écrivain que je connais bien, mais à un écrivain que je connais très mal et autour duquel je tournicote depuis pas mal d'années...
Aujourd'hui où il faudrait que j'enregistre enfin la vidéo sur le n° 2 des Lettres de Lémurie et le nouveau très beau roman de Johary Ravaloson, je m'attaque à ce cahier coordonné par Alexander Dickow et qui semble d'une sacrée tenue. Avec un dodo en couverture, comme pour et par les éditions Dodo vole.
Cet été, c'est décidé : je lirai, par et pour moi-même, Malcolm de Chazal.
11:11 Publié dans Affres extatiques, Lect(o)ures, Résidence avec Laloux | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 04 avril 2019
L’aide à l’emploi, ou la littérature à l’intestin
Ainsi, je recommande vivement la lecture de ce livre, qui est à la fois fiction et essai de sociologie-paranoïaque-critique. Ce texte en dit plus long sur la situation sociale, politique et économique de la France que pas mal d’essais ou de romans dont on nous rebat les oreilles.
(Vous venez de lire le dernier paragraphe de cette recension. (Si je le dis, c’est ainsi, wink Rauschenberg.) Ce dernier paragraphe a été écrit par un lapin rouge en résine.)
Pierre Barrault publie donc, aux irremplaçables éditions Louise Bottu, son troisième livre. Le protagoniste, Artalbur, est aux prises avec une ville dans laquelle il lui est difficile de se déplacer sereinement, et surtout avec l’Injonction sociale, représentée par son conseiller à l’emploi, Dolenesque.
Interruption n° 1. Dois-je avouer que j’ai failli ne jamais écrire de recension du livre pour la simple raison que je ne parvenais pas à trouver l’anagramme tapie sous ce nom de Dolenesque ? Artalbur, c’est Barrault en chaos ; Cron, c’est Macron passé par l’aphérèse ; Pitre-Garatez l’industriel fabricant de lapins, c’est Pierre Gattaz chamboulé – mais Dolenesque ? not a clue.
Le livre commence par quatre débuts, ce qui est assez banal, somme toute. Pour son prochain opus, on attend de Pierre Barrault qu’il commence par le milieu.
Interruption n° 2. Qu’il le sache, et qu’il se tienne à barreaux.
Interruption n° 2bis. Ce calembour est affligeant. On ne s’y reprendra plus.
Dans ces quatre débuts, Artalbur narrateur monte à bord de quatre bus différents et se trouve confronté à des situations qui vont du loufoque au cauchemardesque : le bus transformé en abattoir à passagers (p. 11 et 12), comme seuil du récit, suggère au lecteur une assez sombre entrée en matière. La ville où se déroule l’action chaotique du récit est toute de telles « surprises », par exemple un manège de fête foraine rongé par la rouille et dont tous les passagers, après examen, s’avèrent être morts (p. 53).
Ces quatre débuts servent donc d’accroche ou de point d’entrée dans le texte : Artalbur est une figure d’errant appelé sans cesse à des déambulations et des périples inquiétants, où il n’est pas maître des événements. Le livre se structure ensuite autour de 20 chapitres, composés à chaque fois d’un diptyque : le chapitre commence par une « aide à l’emploi », qui est soit parodie (n° 7 ou 9) soit pastiche (n° 4 ou 16) de notice d’utilisation, d’une page, puis se poursuit par un récit de longueur très variable (de 1 à 37 pages) et dont le titre reprend l’objet de référence de la notice (par exemple : Aide à l’emploi n° 17 – Lampe torche / Où il est question d’une lampe torche). Le récit second, dans lequel le mot-clef du titre est mis en évidence en gras, ne reprend pas à proprement parler le récit du chapitre précédent. L’aide à l’emploi se caractérise d’ailleurs par ce refus de trancher entre linéarité et discontinuité.
Cette structure fonctionne donc, pour le lecteur, comme un fil d’Ariane, au sens où ce fil a servi de structure d’écriture à l’auteur, ou comme une marelle sur laquelle on doit se déplacer en suivant les cases dans l’ordre. Si c’est une marelle, elle suppose qu’en son centre le lecteur fasse demi-tour et revienne sur ses pas : faudra-t-il relire L’aide à l’emploi à l’envers, à rebours ? Ou le demi-tour, le ciel de la marelle, est-il inscrit quelque part au sein du livre ?
Interruption n° 3. Et si c’était ainsi que le livre, en fait, commence par le milieu ? Les quatre débuts sont quatre versions du ciel de la marelle.
Comme dans ses précédents livres, Pierre Barrault glisse régulièrement des allusions à Henri Michaux (p. 85 et p. 88). On pense aussi à Tex Avery (p. 72).
Artalbur n’est pas toujours narrateur. Certains chapitres du livre le narrent à la troisième personne. Même dans les passages, très majoritaires, à la première personne, sa dualité est frappante, dans la mesure où il est toujours capable d’analyser sa situation de l’extérieur, comme dans le cas de ses nombreuses désorientations ou métamorphoses : « Il est étrange que je ne connaisse pas cette partie de la ville. » (p. 110).
Interruption n° 4. [C’est bien que celle-ci soit la quatrième, car il semble que, dans la structure du livre, le chiffre 4 compte beaucoup.] Il n’y a pas longtemps, Pierre Barrault m’a appris qu’il avait été durablement marqué par la traduction de Tutuola par Queneau, L’ivrogne dans la brousse. Ce n’est pas le lieu, ici, de refaire un cours sur Tutuola ni sur l’histoire de cette traduction, mais en tout cas ce lien, que je n’avais pas vu après Tardigrade et Clonck, me paraît maintenant être une grille de lecture indispensable de L’Aide à l’emploi. Le passage du chapitre 8 dans lequel Dolenesque propose à Artalbur un emploi dans « une prestigieuse société de fabrication de statuettes à trois yeux » dont « tous les employés ont aussi trois yeux » (p. 52), ce qui implique que tout employé subisse « une opération chirurgicale aux frais de l’entreprise » (p. 53) convoque évidemment divers mythèmes qui n’ont rien de spécifiquement yorouba. Non. Ce qui est frappant, et ce qui évoque très profondément les récits de Tutuola (peut-être plus encore les derniers (que Barrault pourtant n’a pas lus)), c’est l’enchaînement sans logique ni transition narrative entre ces différents accidents narratifs à consonance fantasmagorique/mythématique.
On l’a dit plus haut, les chapitres sont de longueur inégale. Très inégale. Or, un des faits récurrents du récit est la conviction qu’Artalbur « a l’intestin trop long » ; l’image même de l’intestin, avec ses replis et ses bourrelets, est celle de l’organe démesuré qui, déplié, serait beaucoup plus long que le corps qui le contient ; le double concept élongation/ raccourcissement, fondamental en rhétorique, et ce depuis Aristote, ne doit pas être négligé.
Quels sont donc les bourrelets que le récit déplie ? Eh bien, sur 4 débuts + 20 notices/récits, les chapitres 8 et 18 occupent, à eux seuls, 60 pages d’un texte qui en compte 146. Ils constituent les moments d’allongement du récit. Dans ces chapitres élongés, le récit lorgne et louvoie du côté des récits d’espionnage, avec les agents doubles (le médecin) ou la cavale. Comme dans les films de David Lynch, que l’écriture de Pierre Barrault m’évoque décidément de plus en plus, ces moments d’allongement sont suivis de moments de précipitation. Un des passages où le récit se précipite, au sens chimique en quelque sorte, se trouve dans le chapitre 19, quasiment à la fin. Il s’agit des pages 148-9.
Interruption n° 5. Je ne les citerai pas. Achetez le livre.
Dans ce long passage entièrement composé de phrases brèves anaphoriques (‘je suis… je fais… je fais…’), les actions et événements semblent sans suite, comme si le montage des événements du récit avait dérapé. On imagine assez aisément le montage de cette double page au cinéma : reprendre des plans vus précédemment, sur 2 ou 3 secondes au maximum à chaque fois, et les monter ensemble sans continuité. D’ailleurs, il n’est pas question d’adapter : ce texte est déjà, entièrement, du cinéma. Après tout, on a quand même le droit d’exiger, en 2019, de lire des livres qui soient pleinement textuels et autre chose que des textes.
09:46 Publié dans Lect(o)ures | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 27 janvier 2019
Élagages, plongée sous-marine, pendaison
Ce matin, en lisant très lentement — avec une lenteur inhabituelle, pesant presque chaque mot — un poème de Drysalter, “The Count”, je suis parvenu à la dernière strophe, qui m'a aussitôt évoqué un livre lu récemment. Il m'a fallu peut-être trente secondes, qui ont semblé une éternité, pour en retrouver l'auteur, l'intrigue, le ton. Malamud. Puis le titre : God's Grace. Pas retrouvé sur mes étagères : l'ai-je prêté à ma mère ou l'ai-je mal rangé ? Si mon ordinateur avait été allumé, j'aurais pu retrouver la vidéo dans laquelle j'en ai parlé.
Ces vidéos sont bien pratiques, qui me servent de carnet de notes ; il faudrait toutefois que je songe à élaborer un index alphabétique des auteurs, voire des thèmes ou des pays.
Avant ce poème, lu d'une traite, sans m'attarder, le petit livre de Denis Montebello, Comment écrire un livre qui fait du bien, offert par François Bon après tirage au sort d'un de ses services de presse. Dans ce livre, Montebello extrapole autour des élagages, parti de l'idée d'intituler son “feelgood novel” C'est le deuxième copain qui se pend à un arbre que j'ai élagué. Or, après la lecture de trois poèmes de Drysalter (les deux suivants plus prestement), j'ai commencé à lire La bouche pleine de terre de Branimir Šćepanović, que viennent de republier les éditions Tusitala : dès les premières pages, il y est question d'un homme qui cherche à se suicider en se pendant à un arbre.
Il faut que je commence à écrire mon nouveau livre (qui s'intitulera(it) économe).
10:08 Publié dans Flèche inversée vers les carnétoiles, Lect(o)ures, Moments de Tours | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 11 janvier 2019
je range mon bureau ░ 033
14:24 Publié dans Autoportraiture, Lect(o)ures | Lien permanent | Commentaires (3)
mardi, 20 novembre 2018
James Fenimore Cooper et les caricatures
In a country where the cholera could not escape being caricatured, you will readily imagine that the King has fared no better. The lower part of the face of Louis-Philippe is massive, while his forehead, without being mean, narrows in a way to give the outline a shape not unlike that of a pear. An editor of one of the publications of caricatures being on trial for a libel, in his defence, produced a large pear, in order to illustrate his argument, which ran as follows:—People fancied they saw a resemblance in some one feature of a caricature to a particular thing; this thing, again, might resemble another thing; that thing a third; and thus from one to another, until the face of some distinguished individual might be reached. He put it to the jury whether such forced constructions were safe. "This, gentlemen," he continued, "is a common pear, a fruit well known to all of you. By culling here, and here," using his knife as he spoke, "something like a resemblance to a human face is obtained: by clipping here, again, and shaping there, one gets a face that some may fancy they know; and should I, hereafter, publish an engraving of a pear, why everybody will call it a caricature of a man!" You will understand that, by a dexterous use of the knife, such a general resemblance to the countenance of the King was obtained, that it was instantly recognised. The man was rewarded for his cleverness by an acquittal, and, since that time, by an implied convention, a rude sketch of a pear is understood to allude to the King. The fruit abounds in a manner altogether unusual for the season, and, at this moment, I make little doubt, that some thousands of pears are drawn in chalk, coal, or other substances, on the walls of the capital. During the carnival, masquers appeared as pears, with pears for caps, and carrying pears, and all this with a boldness and point that must go far to convince the King that the extreme license he has affected hitherto to allow, cannot very well accord with his secret intentions to bring France back to a government of coercion. The discrepancies that necessarily exist in the present system will, sooner or later, destroy it.
Little can be said in favour of caricatures. They address themselves to a faculty of the mind that is the farthest removed from reason, and, by consequence, from the right; and it is a prostitution of the term to suppose that they are either cause or effect, as connected with liberty. Such things may certainly have their effect, as means, but every good cause is so much the purer for abstaining from the use of questionable agencies. Au reste, there is really a fatality of feature and expression common to the public men of this country that is a strong provocative to caricature. The revolution and empire appear to have given rise to a state of feeling that has broken out with marked sympathy, in the countenance. The French, as a nation, are far from handsome, though brilliant exceptions exist; and it strikes me that they who appear in public life are just among the ugliest of the whole people.
James Fenimore Cooper. A Residence in France (1836), Letter III.
11:00 Publié dans Lect(o)ures, Nathantipastoral (Z.), WAW | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 26 octobre 2018
Circumnavigations (Pinget)
Comme (comme si) je n'avais pas assez de quoi m'occuper, depuis que je me suis levé à 4 h du matin, avec le corrigé du concours blanc d'agrégation interne, je me suis amusé à chercher sur le SUDOC, et plus globalement ensuite sur Worldcat, quels livres de Pinget sont disponibles en anglais. Sans être allé au bout de la recherche, je pense pouvoir conclure que tout Pinget a été traduit en anglais, principalement chez Red Dust et Dalkey Archive. Beaucoup de textes semblent avoir été traduits depuis sa mort, d'ailleurs ; peut-être, toutefois, est-ce la date de publication qui est trompeuse. Dans les B.U. de France, quatre livres seulement sont disponibles, deux à la Bibliothèque de Versailles-Saint-Quentin, et deux à la Bibliothèque littéraire Jacques-Doucet (dont j'ignorais qu'elle était associée au métacatalogue).
Quoi qu'il en soit, ce n'est pas dans cette direction-là que va le projet Pinget. Peut-être dans un second temps.
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Outre lire quelques pages d'Ornithologie du promeneur vol. 3 (qui me tombe littéralement des mains à chaque tentative), j'ai pris, sur les étagères où elles sont ici consignées, quelques-unes des anthologies dites “scolaires” de textes littéraires que ma mère avait achetées pour ma sœur et moi quand nous étions au lycée. Je ne parle ici que des volumes consacrés aux œuvres du 20e siècle, mais les séries sont complètes, du Moyen-Âge au vingtième. Celle que je nomme « la Magnard » est à Tours (car c'est la seule qui a vraiment compté pour moi et m'a ouvert x horizons), mais il y a ici « le Darcos », le Lagarde & Michard et la Mitterand/Lecherbonnier de chez Nathan.
Ces anthologies sont toujours instructives ; on y piochera un texte auquel on ne songeait pas, comme tout à l'heure je me suis surpris à lire, presque admiratif, un extrait de Malicroix de Bosco ; elles permettent, pour les meilleures d'entre elles, de découvrir des rapprochements qu'on n'avait pas envisagés (mais pour lesquels il faut garder son esprit critique), ainsi de Beckett avec Cioran et Blanchot (oui, je sais, ce n'est pas ébouriffant de nouveauté, mais je n'y avais jamais songé ainsi).
Le Darcos (de très loin le meilleur à l'exclusion de « la Magnard », et dont les auteurs sont Alain Boissinot, Bernard Tartayre et Xavier Darcos, et qui fut publié en 1989 dans la collection Perspectives et confrontations chez Hachette) est le seul à proposer des équilibres qui me paraissent encore pertinents aujourd'hui au regard de l'histoire littéraire. Le Lagarde et Michard, bien sûr, se signale par sa myopie et sa ringardise. Myopie, de consacrer plus de pages au seul Sartre qu'à tout le Nouveau Roman. Ringardise, d'aller égrener des extraits de Déon, Nourissier, Cayrol, Bazin, Ikor, D'Ormesson ou Lainé quand ce même chapitre consacré au Nouveau Roman donne royalement quatre malheureux textes de Butor, Sarraute, Simon et Robbe-Grillet.
Aucune de ces anthologies ne donne de texte de Pinget. Seul le Darcos le cite, mais à titre de note de bas de page (tout comme Claude Ollier, autre écrivain des marges du Nouveau Roman et dont l'œuvre m'est chère, quoique j'en aie une connaissance beaucoup plus fragmentaire) et sans même le rapprocher de Beckett. Le Darcos, au demeurant, donne un long texte du Temps immobile de Claude Mauriac, mais sans doute est-ce sous l'effet du gaullisme mal dissimulé de l'auteur principal (Xavier Darcos n'était pas encore officiellement estampillé RPR en 1989, mais enfin Rome ne s'est pas faite en un jour).
Pas de Pinget, mais son éclatante absence y est intéressante. Le Darcos m'a permis de relire quelques extraits des textes théoriques de Robbe-Grillet et Sarraute (tout cela est à Tours) et de me faire la réflexion déjà ancienne que l'œuvre de Pinget, dont le troisième roman (Le Renard et la boussole) est l'exact contemporain des Gommes, le premier Robbe-Grillet, et du Degré zéro de l'écriture, a souffert de ne pas être explicitement théoricienne, à une époque où journalistes et lecteurs réclamaient, semble-t-il, de l'abstraction, du hors-champ, des propos critiques pour mieux s'expliquer ce que faisaient les textes.
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Les réponses théoriques et les apories expérimentales sont, pour Beckett et Pinget, à chercher dans la prose narrative. Butor, Duras, Sarraute et Robbe-Grillet ont compris qu'il fallait (ou ressenti la nécessité d') accompagner leurs textes d'un appareil critique. Pourtant, Butor dit mille fois mieux ce qu'il pratique dans les tomes du Génie du lieu que dans les papiers poussifs de son assommant Répertoire.
08:00 Publié dans Hors Touraine, La Marquise marquée, Lect(o)ures | Lien permanent | Commentaires (0)
mardi, 16 octobre 2018
Lancement du projet vidéo autour de Robert Pinget
Dans cette vidéo, j'ai fait deux ou trois choses, et j'en ai dit bien d'autres.
Ce que je n'ai pas dit, c'est que j'avais l'espoir que ça marche mieux que la très éphémère Retraversée des Rougon-Macquart (projet pas entièrement abandonné au demeurant), parce que, par rapport à mars 2016, je me suis aguerri et je sais de quoi je suis capable/incapable.
Pour ce PROJET ░ PINGET (ainsi est-il sobrement nommé), je ne perdrai pas de temps à faire du montage, et je tournerai les vidéos au fur et à mesure.
Comme je me retiens, dans ce billet ou dans la vidéo ci-dessus, de digresser trop abondamment, il faudra que je consacre sans tarder une vidéo à la façon dont je me suis intéressé à l'œuvre de Pinget, et aux raisons pour lesquelles elle a beaucoup compté pour moi dans mes années de formation.
(J'emploie cette dernière expression avec un brin d'ironie, car je suis convaincu — ou alors : j'espère — qu'on n'a jamais fini de se former, et notamment en créant, par les blogs et les vlogs, des espaces d'échange et de construction du sens.)
12:11 Publié dans Improviser traduire, Lect(o)ures, PROJET ▓ PINGET | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 03 octobre 2018
Toujours walcott
08:20 Publié dans Lect(o)ures, Où sont passées les lumières? | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 13 septembre 2018
Albecker
« Les habitudes meurent difficultueusement. »
Même si ce n'est pas l'usage le plus adéquat/précis de cet adverbe, ça fait plaisir de le rencontrer à la fin d'un chapitre du roman qu'on lit.
(Et dont on parlera dans une prochaine vidéo, il va sans dire.)
21:40 Publié dans Chèvre, aucun risque, Lect(o)ures, Words Words Words | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 02 juillet 2018
2 juillet 2018
19:59 Publié dans Affres extatiques, Amazone, été arlequin, Lect(o)ures | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 28 mai 2018
Livres de Philip Roth
Il y a quelques jours, pour saluer Philip Roth dont on venait d'annoncer la mort, ma mère a posté une photographie des exemplaires qu'elle possédait de l'Américain, en précisant qu'elle avait dû m'en prêter quelques-uns.
Effectivement, je viens de rassembler tous les Roth que je pense avoir, et on voit bien que deux d'entre eux viennent de la bibliothèque maternelle : Zuckerman Unbound et... un doublon de The Ghost Writer (ironie au carré !!).
Elle pourra donc les récupérer.
J'ai beaucoup travaillé sur l'œuvre de Roth entre 2011 et 2013, car j'ai donné le cours d'agrégation sur American Pastoral. Certains des exemplaires que l'on voit ci-contre (on peut agrandir en cliquant sur l'image) sont même bardés de fiches bristol dans lesquelles j'avais pris des notes (trop de notes, même). Il y a aussi, comme toujours avec moi, un certain nombre de livres de Roth que j'ai empruntés à la B.U..
Je peux aussi l'avouer, il y en a un dont j'ai arrêté la lecture à la page 44 : I Married A Communist. Et, parmi ceux que j'avais empruntés alors, un autre que je n'ai jamais pu finir : The Plot Against America.
14:33 Publié dans Blême mêmoire, Flèche inversée vers les carnétoiles, Lect(o)ures, Nathantipastoral (Z.) | Lien permanent | Commentaires (1)
dimanche, 08 avril 2018
Essays of Elia (1823)
Ma mère m'a passé trois livres de l'ancienne collection Everyman's Library, la collection cartonnée dont je possède déjà — toujours grâce à ma mère et à la faveur de je ne sais plus quel désherbage de bibliothèque de lycée — une dizaine de sélections de poètes romantiques anglais.
Ces livres, qui ont dû être l'équivalent, il y a 120 ou 130 ans, du livre de poche dans ce qu'il peut avoir de plus cheap, sont d'une belle qualité éditoriale ; l'impression et le papier sont très agréables.
Là, il y a le volume (marron, réédition de 1905 (?)) des Essays of Elia de Charles Lamb. J'avoue qu'à part ses Tales from Shakespeare, co-écrits avec sa sœur, je ne sais à peu près rien de Lamb. Le hasard fait curieusement les choses, car je me démène ces jours-ci avec Rasselas de Samuel Johnson (qui m'ennuie) et avec Wordsworth, et me trouve donc — en simplifiant beaucoup — en plein dans la charnière entre le premier romantisme et le second romantisme.
Ces Essays of Elia, écrits à partir de 1820 mais rassemblés en volume en 1823, auraient pu être écrits 75 ans plus tôt par Smollett ou Johnson, justement : ils sont tout du côté du 18e siècle. J'en ai lu trois ou quatre cet après-midi, et notamment le stupéfiant “The Praise of Chimney-Sweepers”, que j'ai choisi de lire à cause de l'intertexte blakien : il est ahurissant de voir à quel point Lamb se contrefout, au fond — et d'une façon qui le place aux antipodes de Blake, qui avait montré mille fois plus d'empathie trente ans plus tôt —, de voir ces enfants faire un travail dangereux et destructeur. Tout le mépris de classe, jusque dans des remarques qui frôlent régulièrement la pédophilie, est tellement évident et assumé qu'il faut lire absolument ce texte, qu'on trouve notamment ici. (Je n'ai pas bien élucidé l'histoire de la décoction de sassafras, mais enfin...)
Moins idéologiquement terrible, et plus contemporain, en un sens, ce passage du bref essai sur la Saint-Valentin, dans lequel on voit par ailleurs combien le côté commercial était déjà abusif et moqué :
In these little visual interpretations, no emblem is so common as the heart — that little three-cornered exponent of all our hopes and fears — the bestuck and bleeding heart; it is twisted and tortured into more allegories and affectations than an opera hat. What authority we have in history or mythology for placing the head-quarters and metropolis of God Cupid in this anatomical seat rather than in any other, is not very clear; but we have got it, and it will serve as well as any other. Else we might easily imagine, upon some other system which might have prevailed for any thing which our pathology knows to the contrary, a lover addressing his mistress, in perfect simplicity of feeling, “Madam, my liver and fortune are entirely at your disposal;” or putting a delicate question, “Amanda, have you a midriff to bestow?” But custom has settled these things, and awarded the seat of sentiment to the aforesaid triangle, while its less fortunate neighbours wait at animal and anatomical distance.
(Je clos sur une pirouette : entre Rasselas, la traduction en cours de Dead-Sea Fruit, le Guyana Quartet de Wilson Harris et donc, à présent, les essais de Lamb, je crois que l'aiguille moyenne de mes lectures, sur l'axe du temps, s'était rarement trouvée — ou en tout cas pas récemment — aussi éloignée du jour d'hui.)
22:27 Publié dans Lect(o)ures, WAW | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 15 mars 2018
Soljénitsyne
En lisant qu'un ami vient d'achever la lecture d'un recueil de nouvelles de Soljénitsyne, je m'avise qu'à part Le Pavillon des cancéreux que j'ai lu à 13 ou 14 ans et dont je garde un souvenir très vif — j'avais vraiment adoré ce livre —, je n'ai rien lu de lui, preuve, s'il en fallait, qu'un livre peut compter beaucoup sans qu'on aille pourtant lire les autres du même auteur pendant plus de trente ans, et que je pourrais me botter les fesses et passer à l'acte II avant le centenaire (le 28 novembre prochain). Ça me laisse huit mois et demi.
18:42 Publié dans Lect(o)ures | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 23 décembre 2017
« Je n’achèterais jamais rien sur amazon »
Billet ici pour pas rentrer dans le lard de quelqu'un que je ne connais pas et qui est sans doute un homme charmant, agréable, tout ce qu'il y a de mieux.
... mais j'en ai assez de lire ça sous la plume de gens qui, souvent, vous font la morale, à vous, les vendus-au-capitalisme, les inconscients-exploiteurs-exploités.
« Moi, je n’achèterai jamais rien sur Amazon. » (Je corrige les fautes de français, au passage.)
Ah, d'accord... mais je voudrais rappeler que, pour nombre d'entre nous, Amazon a permis, il y a quinze ou vingt ans, je ne saurais plus dire, d'accéder enfin à des milliers de livres et de disques qui étaient totalement inaccessibles, soit parce que les disquaires (même à Paris, d'ailleurs), ne connaissaient pas le circuit ou ne voulaient pas s'emmerder (je cite) à faire venir tel disque pour un seul exemplaire, soit parce que le “libraire indépendant” de centre ville n'avait pas les moyens (ou souvent, pas envie) de se diversifier dans les livres en langue étrangère, ou alors que tel éditeur de poésie était vraiment trop confidentiel (je cite toujours).
Je ne dirai pas jusqu'à dire que les libraires ou les disquaires ont scié la branche sur laquelle ils étaient assis, car c'est faux : Amazon est un attila qui a tout cramé sur son passage... Mais en revanche nous-autres-qui-achetons-sur-Amazon ne sommes pas seulement des irresponsables ou des valets du capitalisme.
Il y en a tellement que je ne pourrais même pas faire la liste des écrivains ou artistes qui me seraient restés inaccessibles sans Amazon — tiens, un seul exemple, les livres de la série Humument de Tom Phillips.
De même pour les réseaux sociaux : sans Facebook ou YouTube, il y a des dizaines de livres d'auteurs africains, ou autres, dont je n'aurais même pas connu l'existence. Là encore, un seul exemple : Nnedi Okorafor. Je remercie Facebook — chaque jour que Nobodaddy ne fait pas — de m'avoir fait connaître Nnedi Okorafor.
Et, pour en revenir à Amazon, en écho à la dernière vidéo de François Bon, sans Amazon et le compte Kindle, je ne pourrais pas lire, dès ce matin, Manikanetish de Naomi Fontaine.
10:52 Publié dans Indignations, Lect(o)ures | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 03 décembre 2017
D'un pont l'autre
Sans 4 3 2 1 de Paul Auster, dont je suis en train d'achever la lecture, je n'aurais peut-être jamais lu ce poème d'Apollinaire, “La jolie rousse”, dernier pourtant des Calligrammes, et alors que — je le vérifie avec la dédicace de mes parents — le Pléiade m'a été offert en 1986 !
Ce poème, vraiment, ne me dit rien.
09:15 Publié dans Lect(o)ures | Lien permanent | Commentaires (0)