dimanche, 23 juin 2019
Mahulem
08:40 Publié dans Comme dirait le duc d'Elbeuf, Lect(o)ures | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 16 juin 2019
Lecteur que je suis
Dans le nouveau livre d'Ali Zamir, Dérangé que je suis, j'ai pu découvrir, entre autres, le nom “vénéfice”, le verbe “chabler” (dans son sens nautique), ainsi que l'expression libertine “la petite oie”.
09:05 Publié dans Affres extatiques, Lect(o)ures, Words Words Words | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 14 juin 2019
Lémurie & Malcolm de Chazal
J'achète et lis très irrégulièrement la revue Europe... trop irrégulièrement d'ailleurs, car c'est toujours un enchantement... et je m'aperçois que je l'achète souvent quand le dossier principal est consacré, non à un écrivain que je connais bien, mais à un écrivain que je connais très mal et autour duquel je tournicote depuis pas mal d'années...
Aujourd'hui où il faudrait que j'enregistre enfin la vidéo sur le n° 2 des Lettres de Lémurie et le nouveau très beau roman de Johary Ravaloson, je m'attaque à ce cahier coordonné par Alexander Dickow et qui semble d'une sacrée tenue. Avec un dodo en couverture, comme pour et par les éditions Dodo vole.
Cet été, c'est décidé : je lirai, par et pour moi-même, Malcolm de Chazal.
11:11 Publié dans Affres extatiques, Lect(o)ures, Résidence avec Laloux | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 04 avril 2019
L’aide à l’emploi, ou la littérature à l’intestin
Ainsi, je recommande vivement la lecture de ce livre, qui est à la fois fiction et essai de sociologie-paranoïaque-critique. Ce texte en dit plus long sur la situation sociale, politique et économique de la France que pas mal d’essais ou de romans dont on nous rebat les oreilles.
(Vous venez de lire le dernier paragraphe de cette recension. (Si je le dis, c’est ainsi, wink Rauschenberg.) Ce dernier paragraphe a été écrit par un lapin rouge en résine.)
Pierre Barrault publie donc, aux irremplaçables éditions Louise Bottu, son troisième livre. Le protagoniste, Artalbur, est aux prises avec une ville dans laquelle il lui est difficile de se déplacer sereinement, et surtout avec l’Injonction sociale, représentée par son conseiller à l’emploi, Dolenesque.
Interruption n° 1. Dois-je avouer que j’ai failli ne jamais écrire de recension du livre pour la simple raison que je ne parvenais pas à trouver l’anagramme tapie sous ce nom de Dolenesque ? Artalbur, c’est Barrault en chaos ; Cron, c’est Macron passé par l’aphérèse ; Pitre-Garatez l’industriel fabricant de lapins, c’est Pierre Gattaz chamboulé – mais Dolenesque ? not a clue.
Le livre commence par quatre débuts, ce qui est assez banal, somme toute. Pour son prochain opus, on attend de Pierre Barrault qu’il commence par le milieu.
Interruption n° 2. Qu’il le sache, et qu’il se tienne à barreaux.
Interruption n° 2bis. Ce calembour est affligeant. On ne s’y reprendra plus.
Dans ces quatre débuts, Artalbur narrateur monte à bord de quatre bus différents et se trouve confronté à des situations qui vont du loufoque au cauchemardesque : le bus transformé en abattoir à passagers (p. 11 et 12), comme seuil du récit, suggère au lecteur une assez sombre entrée en matière. La ville où se déroule l’action chaotique du récit est toute de telles « surprises », par exemple un manège de fête foraine rongé par la rouille et dont tous les passagers, après examen, s’avèrent être morts (p. 53).
Ces quatre débuts servent donc d’accroche ou de point d’entrée dans le texte : Artalbur est une figure d’errant appelé sans cesse à des déambulations et des périples inquiétants, où il n’est pas maître des événements. Le livre se structure ensuite autour de 20 chapitres, composés à chaque fois d’un diptyque : le chapitre commence par une « aide à l’emploi », qui est soit parodie (n° 7 ou 9) soit pastiche (n° 4 ou 16) de notice d’utilisation, d’une page, puis se poursuit par un récit de longueur très variable (de 1 à 37 pages) et dont le titre reprend l’objet de référence de la notice (par exemple : Aide à l’emploi n° 17 – Lampe torche / Où il est question d’une lampe torche). Le récit second, dans lequel le mot-clef du titre est mis en évidence en gras, ne reprend pas à proprement parler le récit du chapitre précédent. L’aide à l’emploi se caractérise d’ailleurs par ce refus de trancher entre linéarité et discontinuité.
Cette structure fonctionne donc, pour le lecteur, comme un fil d’Ariane, au sens où ce fil a servi de structure d’écriture à l’auteur, ou comme une marelle sur laquelle on doit se déplacer en suivant les cases dans l’ordre. Si c’est une marelle, elle suppose qu’en son centre le lecteur fasse demi-tour et revienne sur ses pas : faudra-t-il relire L’aide à l’emploi à l’envers, à rebours ? Ou le demi-tour, le ciel de la marelle, est-il inscrit quelque part au sein du livre ?
Interruption n° 3. Et si c’était ainsi que le livre, en fait, commence par le milieu ? Les quatre débuts sont quatre versions du ciel de la marelle.
Comme dans ses précédents livres, Pierre Barrault glisse régulièrement des allusions à Henri Michaux (p. 85 et p. 88). On pense aussi à Tex Avery (p. 72).
Artalbur n’est pas toujours narrateur. Certains chapitres du livre le narrent à la troisième personne. Même dans les passages, très majoritaires, à la première personne, sa dualité est frappante, dans la mesure où il est toujours capable d’analyser sa situation de l’extérieur, comme dans le cas de ses nombreuses désorientations ou métamorphoses : « Il est étrange que je ne connaisse pas cette partie de la ville. » (p. 110).
Interruption n° 4. [C’est bien que celle-ci soit la quatrième, car il semble que, dans la structure du livre, le chiffre 4 compte beaucoup.] Il n’y a pas longtemps, Pierre Barrault m’a appris qu’il avait été durablement marqué par la traduction de Tutuola par Queneau, L’ivrogne dans la brousse. Ce n’est pas le lieu, ici, de refaire un cours sur Tutuola ni sur l’histoire de cette traduction, mais en tout cas ce lien, que je n’avais pas vu après Tardigrade et Clonck, me paraît maintenant être une grille de lecture indispensable de L’Aide à l’emploi. Le passage du chapitre 8 dans lequel Dolenesque propose à Artalbur un emploi dans « une prestigieuse société de fabrication de statuettes à trois yeux » dont « tous les employés ont aussi trois yeux » (p. 52), ce qui implique que tout employé subisse « une opération chirurgicale aux frais de l’entreprise » (p. 53) convoque évidemment divers mythèmes qui n’ont rien de spécifiquement yorouba. Non. Ce qui est frappant, et ce qui évoque très profondément les récits de Tutuola (peut-être plus encore les derniers (que Barrault pourtant n’a pas lus)), c’est l’enchaînement sans logique ni transition narrative entre ces différents accidents narratifs à consonance fantasmagorique/mythématique.
On l’a dit plus haut, les chapitres sont de longueur inégale. Très inégale. Or, un des faits récurrents du récit est la conviction qu’Artalbur « a l’intestin trop long » ; l’image même de l’intestin, avec ses replis et ses bourrelets, est celle de l’organe démesuré qui, déplié, serait beaucoup plus long que le corps qui le contient ; le double concept élongation/ raccourcissement, fondamental en rhétorique, et ce depuis Aristote, ne doit pas être négligé.
Quels sont donc les bourrelets que le récit déplie ? Eh bien, sur 4 débuts + 20 notices/récits, les chapitres 8 et 18 occupent, à eux seuls, 60 pages d’un texte qui en compte 146. Ils constituent les moments d’allongement du récit. Dans ces chapitres élongés, le récit lorgne et louvoie du côté des récits d’espionnage, avec les agents doubles (le médecin) ou la cavale. Comme dans les films de David Lynch, que l’écriture de Pierre Barrault m’évoque décidément de plus en plus, ces moments d’allongement sont suivis de moments de précipitation. Un des passages où le récit se précipite, au sens chimique en quelque sorte, se trouve dans le chapitre 19, quasiment à la fin. Il s’agit des pages 148-9.
Interruption n° 5. Je ne les citerai pas. Achetez le livre.
Dans ce long passage entièrement composé de phrases brèves anaphoriques (‘je suis… je fais… je fais…’), les actions et événements semblent sans suite, comme si le montage des événements du récit avait dérapé. On imagine assez aisément le montage de cette double page au cinéma : reprendre des plans vus précédemment, sur 2 ou 3 secondes au maximum à chaque fois, et les monter ensemble sans continuité. D’ailleurs, il n’est pas question d’adapter : ce texte est déjà, entièrement, du cinéma. Après tout, on a quand même le droit d’exiger, en 2019, de lire des livres qui soient pleinement textuels et autre chose que des textes.
09:46 Publié dans Lect(o)ures | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 27 janvier 2019
Élagages, plongée sous-marine, pendaison
Ce matin, en lisant très lentement — avec une lenteur inhabituelle, pesant presque chaque mot — un poème de Drysalter, “The Count”, je suis parvenu à la dernière strophe, qui m'a aussitôt évoqué un livre lu récemment. Il m'a fallu peut-être trente secondes, qui ont semblé une éternité, pour en retrouver l'auteur, l'intrigue, le ton. Malamud. Puis le titre : God's Grace. Pas retrouvé sur mes étagères : l'ai-je prêté à ma mère ou l'ai-je mal rangé ? Si mon ordinateur avait été allumé, j'aurais pu retrouver la vidéo dans laquelle j'en ai parlé.
Ces vidéos sont bien pratiques, qui me servent de carnet de notes ; il faudrait toutefois que je songe à élaborer un index alphabétique des auteurs, voire des thèmes ou des pays.
Avant ce poème, lu d'une traite, sans m'attarder, le petit livre de Denis Montebello, Comment écrire un livre qui fait du bien, offert par François Bon après tirage au sort d'un de ses services de presse. Dans ce livre, Montebello extrapole autour des élagages, parti de l'idée d'intituler son “feelgood novel” C'est le deuxième copain qui se pend à un arbre que j'ai élagué. Or, après la lecture de trois poèmes de Drysalter (les deux suivants plus prestement), j'ai commencé à lire La bouche pleine de terre de Branimir Šćepanović, que viennent de republier les éditions Tusitala : dès les premières pages, il y est question d'un homme qui cherche à se suicider en se pendant à un arbre.
Il faut que je commence à écrire mon nouveau livre (qui s'intitulera(it) économe).
10:08 Publié dans Flèche inversée vers les carnétoiles, Lect(o)ures, Moments de Tours | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 11 janvier 2019
je range mon bureau ░ 033
14:24 Publié dans Autoportraiture, Lect(o)ures | Lien permanent | Commentaires (3)
mardi, 20 novembre 2018
James Fenimore Cooper et les caricatures
In a country where the cholera could not escape being caricatured, you will readily imagine that the King has fared no better. The lower part of the face of Louis-Philippe is massive, while his forehead, without being mean, narrows in a way to give the outline a shape not unlike that of a pear. An editor of one of the publications of caricatures being on trial for a libel, in his defence, produced a large pear, in order to illustrate his argument, which ran as follows:—People fancied they saw a resemblance in some one feature of a caricature to a particular thing; this thing, again, might resemble another thing; that thing a third; and thus from one to another, until the face of some distinguished individual might be reached. He put it to the jury whether such forced constructions were safe. "This, gentlemen," he continued, "is a common pear, a fruit well known to all of you. By culling here, and here," using his knife as he spoke, "something like a resemblance to a human face is obtained: by clipping here, again, and shaping there, one gets a face that some may fancy they know; and should I, hereafter, publish an engraving of a pear, why everybody will call it a caricature of a man!" You will understand that, by a dexterous use of the knife, such a general resemblance to the countenance of the King was obtained, that it was instantly recognised. The man was rewarded for his cleverness by an acquittal, and, since that time, by an implied convention, a rude sketch of a pear is understood to allude to the King. The fruit abounds in a manner altogether unusual for the season, and, at this moment, I make little doubt, that some thousands of pears are drawn in chalk, coal, or other substances, on the walls of the capital. During the carnival, masquers appeared as pears, with pears for caps, and carrying pears, and all this with a boldness and point that must go far to convince the King that the extreme license he has affected hitherto to allow, cannot very well accord with his secret intentions to bring France back to a government of coercion. The discrepancies that necessarily exist in the present system will, sooner or later, destroy it.
Little can be said in favour of caricatures. They address themselves to a faculty of the mind that is the farthest removed from reason, and, by consequence, from the right; and it is a prostitution of the term to suppose that they are either cause or effect, as connected with liberty. Such things may certainly have their effect, as means, but every good cause is so much the purer for abstaining from the use of questionable agencies. Au reste, there is really a fatality of feature and expression common to the public men of this country that is a strong provocative to caricature. The revolution and empire appear to have given rise to a state of feeling that has broken out with marked sympathy, in the countenance. The French, as a nation, are far from handsome, though brilliant exceptions exist; and it strikes me that they who appear in public life are just among the ugliest of the whole people.
James Fenimore Cooper. A Residence in France (1836), Letter III.
11:00 Publié dans Lect(o)ures, Nathantipastoral (Z.), WAW | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 26 octobre 2018
Circumnavigations (Pinget)
Comme (comme si) je n'avais pas assez de quoi m'occuper, depuis que je me suis levé à 4 h du matin, avec le corrigé du concours blanc d'agrégation interne, je me suis amusé à chercher sur le SUDOC, et plus globalement ensuite sur Worldcat, quels livres de Pinget sont disponibles en anglais. Sans être allé au bout de la recherche, je pense pouvoir conclure que tout Pinget a été traduit en anglais, principalement chez Red Dust et Dalkey Archive. Beaucoup de textes semblent avoir été traduits depuis sa mort, d'ailleurs ; peut-être, toutefois, est-ce la date de publication qui est trompeuse. Dans les B.U. de France, quatre livres seulement sont disponibles, deux à la Bibliothèque de Versailles-Saint-Quentin, et deux à la Bibliothèque littéraire Jacques-Doucet (dont j'ignorais qu'elle était associée au métacatalogue).
Quoi qu'il en soit, ce n'est pas dans cette direction-là que va le projet Pinget. Peut-être dans un second temps.
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Outre lire quelques pages d'Ornithologie du promeneur vol. 3 (qui me tombe littéralement des mains à chaque tentative), j'ai pris, sur les étagères où elles sont ici consignées, quelques-unes des anthologies dites “scolaires” de textes littéraires que ma mère avait achetées pour ma sœur et moi quand nous étions au lycée. Je ne parle ici que des volumes consacrés aux œuvres du 20e siècle, mais les séries sont complètes, du Moyen-Âge au vingtième. Celle que je nomme « la Magnard » est à Tours (car c'est la seule qui a vraiment compté pour moi et m'a ouvert x horizons), mais il y a ici « le Darcos », le Lagarde & Michard et la Mitterand/Lecherbonnier de chez Nathan.
Ces anthologies sont toujours instructives ; on y piochera un texte auquel on ne songeait pas, comme tout à l'heure je me suis surpris à lire, presque admiratif, un extrait de Malicroix de Bosco ; elles permettent, pour les meilleures d'entre elles, de découvrir des rapprochements qu'on n'avait pas envisagés (mais pour lesquels il faut garder son esprit critique), ainsi de Beckett avec Cioran et Blanchot (oui, je sais, ce n'est pas ébouriffant de nouveauté, mais je n'y avais jamais songé ainsi).
Le Darcos (de très loin le meilleur à l'exclusion de « la Magnard », et dont les auteurs sont Alain Boissinot, Bernard Tartayre et Xavier Darcos, et qui fut publié en 1989 dans la collection Perspectives et confrontations chez Hachette) est le seul à proposer des équilibres qui me paraissent encore pertinents aujourd'hui au regard de l'histoire littéraire. Le Lagarde et Michard, bien sûr, se signale par sa myopie et sa ringardise. Myopie, de consacrer plus de pages au seul Sartre qu'à tout le Nouveau Roman. Ringardise, d'aller égrener des extraits de Déon, Nourissier, Cayrol, Bazin, Ikor, D'Ormesson ou Lainé quand ce même chapitre consacré au Nouveau Roman donne royalement quatre malheureux textes de Butor, Sarraute, Simon et Robbe-Grillet.
Aucune de ces anthologies ne donne de texte de Pinget. Seul le Darcos le cite, mais à titre de note de bas de page (tout comme Claude Ollier, autre écrivain des marges du Nouveau Roman et dont l'œuvre m'est chère, quoique j'en aie une connaissance beaucoup plus fragmentaire) et sans même le rapprocher de Beckett. Le Darcos, au demeurant, donne un long texte du Temps immobile de Claude Mauriac, mais sans doute est-ce sous l'effet du gaullisme mal dissimulé de l'auteur principal (Xavier Darcos n'était pas encore officiellement estampillé RPR en 1989, mais enfin Rome ne s'est pas faite en un jour).
Pas de Pinget, mais son éclatante absence y est intéressante. Le Darcos m'a permis de relire quelques extraits des textes théoriques de Robbe-Grillet et Sarraute (tout cela est à Tours) et de me faire la réflexion déjà ancienne que l'œuvre de Pinget, dont le troisième roman (Le Renard et la boussole) est l'exact contemporain des Gommes, le premier Robbe-Grillet, et du Degré zéro de l'écriture, a souffert de ne pas être explicitement théoricienne, à une époque où journalistes et lecteurs réclamaient, semble-t-il, de l'abstraction, du hors-champ, des propos critiques pour mieux s'expliquer ce que faisaient les textes.
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Les réponses théoriques et les apories expérimentales sont, pour Beckett et Pinget, à chercher dans la prose narrative. Butor, Duras, Sarraute et Robbe-Grillet ont compris qu'il fallait (ou ressenti la nécessité d') accompagner leurs textes d'un appareil critique. Pourtant, Butor dit mille fois mieux ce qu'il pratique dans les tomes du Génie du lieu que dans les papiers poussifs de son assommant Répertoire.
08:00 Publié dans Hors Touraine, La Marquise marquée, Lect(o)ures | Lien permanent | Commentaires (0)
mardi, 16 octobre 2018
Lancement du projet vidéo autour de Robert Pinget
Dans cette vidéo, j'ai fait deux ou trois choses, et j'en ai dit bien d'autres.
Ce que je n'ai pas dit, c'est que j'avais l'espoir que ça marche mieux que la très éphémère Retraversée des Rougon-Macquart (projet pas entièrement abandonné au demeurant), parce que, par rapport à mars 2016, je me suis aguerri et je sais de quoi je suis capable/incapable.
Pour ce PROJET ░ PINGET (ainsi est-il sobrement nommé), je ne perdrai pas de temps à faire du montage, et je tournerai les vidéos au fur et à mesure.
Comme je me retiens, dans ce billet ou dans la vidéo ci-dessus, de digresser trop abondamment, il faudra que je consacre sans tarder une vidéo à la façon dont je me suis intéressé à l'œuvre de Pinget, et aux raisons pour lesquelles elle a beaucoup compté pour moi dans mes années de formation.
(J'emploie cette dernière expression avec un brin d'ironie, car je suis convaincu — ou alors : j'espère — qu'on n'a jamais fini de se former, et notamment en créant, par les blogs et les vlogs, des espaces d'échange et de construction du sens.)
12:11 Publié dans Improviser traduire, Lect(o)ures, PROJET ▓ PINGET | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 03 octobre 2018
Toujours walcott
08:20 Publié dans Lect(o)ures, Où sont passées les lumières? | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 13 septembre 2018
Albecker
« Les habitudes meurent difficultueusement. »
Même si ce n'est pas l'usage le plus adéquat/précis de cet adverbe, ça fait plaisir de le rencontrer à la fin d'un chapitre du roman qu'on lit.
(Et dont on parlera dans une prochaine vidéo, il va sans dire.)
21:40 Publié dans Chèvre, aucun risque, Lect(o)ures, Words Words Words | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 02 juillet 2018
2 juillet 2018
19:59 Publié dans Affres extatiques, Amazone, été arlequin, Lect(o)ures | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 28 mai 2018
Livres de Philip Roth
Il y a quelques jours, pour saluer Philip Roth dont on venait d'annoncer la mort, ma mère a posté une photographie des exemplaires qu'elle possédait de l'Américain, en précisant qu'elle avait dû m'en prêter quelques-uns.
Effectivement, je viens de rassembler tous les Roth que je pense avoir, et on voit bien que deux d'entre eux viennent de la bibliothèque maternelle : Zuckerman Unbound et... un doublon de The Ghost Writer (ironie au carré !!).
Elle pourra donc les récupérer.
J'ai beaucoup travaillé sur l'œuvre de Roth entre 2011 et 2013, car j'ai donné le cours d'agrégation sur American Pastoral. Certains des exemplaires que l'on voit ci-contre (on peut agrandir en cliquant sur l'image) sont même bardés de fiches bristol dans lesquelles j'avais pris des notes (trop de notes, même). Il y a aussi, comme toujours avec moi, un certain nombre de livres de Roth que j'ai empruntés à la B.U..
Je peux aussi l'avouer, il y en a un dont j'ai arrêté la lecture à la page 44 : I Married A Communist. Et, parmi ceux que j'avais empruntés alors, un autre que je n'ai jamais pu finir : The Plot Against America.
14:33 Publié dans Blême mêmoire, Flèche inversée vers les carnétoiles, Lect(o)ures, Nathantipastoral (Z.) | Lien permanent | Commentaires (1)
dimanche, 08 avril 2018
Essays of Elia (1823)
Ma mère m'a passé trois livres de l'ancienne collection Everyman's Library, la collection cartonnée dont je possède déjà — toujours grâce à ma mère et à la faveur de je ne sais plus quel désherbage de bibliothèque de lycée — une dizaine de sélections de poètes romantiques anglais.
Ces livres, qui ont dû être l'équivalent, il y a 120 ou 130 ans, du livre de poche dans ce qu'il peut avoir de plus cheap, sont d'une belle qualité éditoriale ; l'impression et le papier sont très agréables.
Là, il y a le volume (marron, réédition de 1905 (?)) des Essays of Elia de Charles Lamb. J'avoue qu'à part ses Tales from Shakespeare, co-écrits avec sa sœur, je ne sais à peu près rien de Lamb. Le hasard fait curieusement les choses, car je me démène ces jours-ci avec Rasselas de Samuel Johnson (qui m'ennuie) et avec Wordsworth, et me trouve donc — en simplifiant beaucoup — en plein dans la charnière entre le premier romantisme et le second romantisme.
Ces Essays of Elia, écrits à partir de 1820 mais rassemblés en volume en 1823, auraient pu être écrits 75 ans plus tôt par Smollett ou Johnson, justement : ils sont tout du côté du 18e siècle. J'en ai lu trois ou quatre cet après-midi, et notamment le stupéfiant “The Praise of Chimney-Sweepers”, que j'ai choisi de lire à cause de l'intertexte blakien : il est ahurissant de voir à quel point Lamb se contrefout, au fond — et d'une façon qui le place aux antipodes de Blake, qui avait montré mille fois plus d'empathie trente ans plus tôt —, de voir ces enfants faire un travail dangereux et destructeur. Tout le mépris de classe, jusque dans des remarques qui frôlent régulièrement la pédophilie, est tellement évident et assumé qu'il faut lire absolument ce texte, qu'on trouve notamment ici. (Je n'ai pas bien élucidé l'histoire de la décoction de sassafras, mais enfin...)
Moins idéologiquement terrible, et plus contemporain, en un sens, ce passage du bref essai sur la Saint-Valentin, dans lequel on voit par ailleurs combien le côté commercial était déjà abusif et moqué :
In these little visual interpretations, no emblem is so common as the heart — that little three-cornered exponent of all our hopes and fears — the bestuck and bleeding heart; it is twisted and tortured into more allegories and affectations than an opera hat. What authority we have in history or mythology for placing the head-quarters and metropolis of God Cupid in this anatomical seat rather than in any other, is not very clear; but we have got it, and it will serve as well as any other. Else we might easily imagine, upon some other system which might have prevailed for any thing which our pathology knows to the contrary, a lover addressing his mistress, in perfect simplicity of feeling, “Madam, my liver and fortune are entirely at your disposal;” or putting a delicate question, “Amanda, have you a midriff to bestow?” But custom has settled these things, and awarded the seat of sentiment to the aforesaid triangle, while its less fortunate neighbours wait at animal and anatomical distance.
(Je clos sur une pirouette : entre Rasselas, la traduction en cours de Dead-Sea Fruit, le Guyana Quartet de Wilson Harris et donc, à présent, les essais de Lamb, je crois que l'aiguille moyenne de mes lectures, sur l'axe du temps, s'était rarement trouvée — ou en tout cas pas récemment — aussi éloignée du jour d'hui.)
22:27 Publié dans Lect(o)ures, WAW | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 15 mars 2018
Soljénitsyne
En lisant qu'un ami vient d'achever la lecture d'un recueil de nouvelles de Soljénitsyne, je m'avise qu'à part Le Pavillon des cancéreux que j'ai lu à 13 ou 14 ans et dont je garde un souvenir très vif — j'avais vraiment adoré ce livre —, je n'ai rien lu de lui, preuve, s'il en fallait, qu'un livre peut compter beaucoup sans qu'on aille pourtant lire les autres du même auteur pendant plus de trente ans, et que je pourrais me botter les fesses et passer à l'acte II avant le centenaire (le 28 novembre prochain). Ça me laisse huit mois et demi.
18:42 Publié dans Lect(o)ures | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 23 décembre 2017
« Je n’achèterais jamais rien sur amazon »
Billet ici pour pas rentrer dans le lard de quelqu'un que je ne connais pas et qui est sans doute un homme charmant, agréable, tout ce qu'il y a de mieux.
... mais j'en ai assez de lire ça sous la plume de gens qui, souvent, vous font la morale, à vous, les vendus-au-capitalisme, les inconscients-exploiteurs-exploités.
« Moi, je n’achèterai jamais rien sur Amazon. » (Je corrige les fautes de français, au passage.)
Ah, d'accord... mais je voudrais rappeler que, pour nombre d'entre nous, Amazon a permis, il y a quinze ou vingt ans, je ne saurais plus dire, d'accéder enfin à des milliers de livres et de disques qui étaient totalement inaccessibles, soit parce que les disquaires (même à Paris, d'ailleurs), ne connaissaient pas le circuit ou ne voulaient pas s'emmerder (je cite) à faire venir tel disque pour un seul exemplaire, soit parce que le “libraire indépendant” de centre ville n'avait pas les moyens (ou souvent, pas envie) de se diversifier dans les livres en langue étrangère, ou alors que tel éditeur de poésie était vraiment trop confidentiel (je cite toujours).
Je ne dirai pas jusqu'à dire que les libraires ou les disquaires ont scié la branche sur laquelle ils étaient assis, car c'est faux : Amazon est un attila qui a tout cramé sur son passage... Mais en revanche nous-autres-qui-achetons-sur-Amazon ne sommes pas seulement des irresponsables ou des valets du capitalisme.
Il y en a tellement que je ne pourrais même pas faire la liste des écrivains ou artistes qui me seraient restés inaccessibles sans Amazon — tiens, un seul exemple, les livres de la série Humument de Tom Phillips.
De même pour les réseaux sociaux : sans Facebook ou YouTube, il y a des dizaines de livres d'auteurs africains, ou autres, dont je n'aurais même pas connu l'existence. Là encore, un seul exemple : Nnedi Okorafor. Je remercie Facebook — chaque jour que Nobodaddy ne fait pas — de m'avoir fait connaître Nnedi Okorafor.
Et, pour en revenir à Amazon, en écho à la dernière vidéo de François Bon, sans Amazon et le compte Kindle, je ne pourrais pas lire, dès ce matin, Manikanetish de Naomi Fontaine.
10:52 Publié dans Indignations, Lect(o)ures | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 03 décembre 2017
D'un pont l'autre
Sans 4 3 2 1 de Paul Auster, dont je suis en train d'achever la lecture, je n'aurais peut-être jamais lu ce poème d'Apollinaire, “La jolie rousse”, dernier pourtant des Calligrammes, et alors que — je le vérifie avec la dédicace de mes parents — le Pléiade m'a été offert en 1986 !
Ce poème, vraiment, ne me dit rien.
09:15 Publié dans Lect(o)ures | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 05 novembre 2017
Momentum gridlock
Il existe donc un essai intitulé Nonsense upon Stilts (celui que je cherchais, indisponible à la BU, indisponible au SUDOC, 119 € sur Amazon) et un autre, qui m'intéresse tout autant en fin de compte, dont le titre est Nonsense on Stilts (indisponible à la BU, indisponible au SUDOC, 1,92 € sur Amazon).
Entre autres maintes conclusions, c'est la première fois, je pense, que je m'aperçois qu'un livre disponible d'occase pour trois fois rien sur Amazon n'est présent dans les collections d'AUCUNE B.U. française.
05:05 Publié dans Lect(o)ures, Words Words Words | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 18 octobre 2017
je range mon bureau #3
19:54 Publié dans Lect(o)ures | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 02 octobre 2017
Art poétique
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mardi, 27 juin 2017
10 livres (mais 12, en fait)
(à l'instigation de ma sœur)
Un livre qui a été adapté en film : La Rue Cases-Nègres
Un livre qui est dans ta pile de livres en attente et que tu as envie de lire : Les Hommes qui me parlent d'Ananda Devi
Un livre choisi pour la couverture : Multiples d'Adam Thirlwell
Un livre dont le titre ne comporte qu'un seul mot : allez — deux pour le prix d'1 — und beide von Thomas Bernhard : Frost & Korrektur
Un livre qu'on t'a offert : Les Poulpes de Rayond Guérin
Un livre que tu n'as encore jamais lu d'un auteur que tu aimes : Mémoire d'éléphant d'Antonio Lobo Antunes
Un livre recommandé par un(e) ami(e) : L'Adolescent de Dostoïevski dans la traduction d'André Markowicz
Un livre qui se passe pendant la seconde guerre mondiale : Bitter Eden de Tatamkhulu Afrika — mais il est impossible de ne pas citer la trilogie de Charlotte Delbo
Un livre policier ou thriller qui a été un coup de cœur : aucun
Un livre de plus de 500 pages : Collected Poems (1948-1984) de Derek Walcott / ‘le grand incendie de londres’ de Jacques Roubaud
09:15 Publié dans Flèche inversée vers les carnétoiles, Lect(o)ures | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 31 mai 2017
Par les gouffres
Ayant terminé récemment le dernier roman paru (et qui est, si j'en crois mes souvenirs, le dernier au sens fort (vu que l'écrivain a annoncé, il y a un ou deux ans, prendre sa retraite)) de Lobo Antunes, Pour celle qui est assise dans le noir à m'attendre, j'ai acheté hier un de ses romans « de jeunesse », Connaissance de l'enfer. En effet, lorsqu'on a appris que Lobo Antunes mettait fin, en quelque sorte, à sa carrière, il y a un ou deux ans, j'avais pris la décision d'en profiter pour lire les premiers, que je n'ai jamais lus. J'avais alors lu Le cul de Judas, absolument magnifique.
Le tout premier, Mémoire d'éléphant, n'était pas à la librairie, raison un peu idiote pour ne pas (re)commencer par celui-là : entre la B.U. et les commandes, rien d'impossible.
Je m'aperçois, très entre autres, que l'article de la WP francophone consacré à Lobo Antunes est fragmentaire et même fautif : N'entre pas si vite dans cette nuit noire est classé à la rubrique Poésie, ce qui n'a pas plus de sens que pour ses dix ou douze derniers romans. C'est, comme ses dix ou douze derniers romans, une fiction en prose constituée de paragraphes suivis non ponctués et organisés en chapitres-phrases d'une vingtaine de pages en moyenne. Il est vrai que je crois me rappeler que c'est celui-ci que Lobo Antunes a sous-titré « Poème », mais cela ne permet pas de le séparer des autres dans une rubrique Poésie.
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Hier, nous avons fêté nos noces de coquelicot, et, dans dix-huit jours, ce seront les noces d'argent.
08:02 Publié dans Lect(o)ures, Moments de Tours | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 17 septembre 2016
Au prisme du Styx
Mieux vaut en rire que de s'en offusquer.
Je découvre aujourd'hui l'existence d'un prix littéraire sobrement nommé Prix du Style. Étonnement, mais pas longtemps : en effet, à l'heure où la très large majorité des prétendus écrivains ne savent plus ce qu'est une phrase, et où tant de critiques nous parlent d'écriture blanche pour des écritures vides (Philippe Claudel, Véronique Ovaldé, j'en passe et des pires), faut-il s'étonner qu'on finisse par consacrer un prix littéraire au style ?
Et donc, qu'est-ce à dire ? Qu'on va juger du style séparément du reste, à la lagarde&michard ? Ou qu'on va décorer une œuvre totalement creuse mais bien écrite ? Cela fleure la décadence à la puissance sept, c'est-à-dire le retour à un tiède passé.
Voilà sans doute, dans un premier temps, ce qu'il y a à en dire, ou à en penser. S'inscrire dans le refus fondamental de ça, la séparation du fond et de la forme, de la syntaxe et du message, gna gna gna.
Puis, tout de même, pris d'un remords, je décide de consulter le site Web dont j'ai donné le lien plus haut — et ceux qui ont cliqué avant de poursuivre la lecture de ce billet ont déjà dû se choper le même fou rire que moi —, et voici ce qu'on peut lire à la une :
Tristante [sic] Banon et Marc Lévy intègrent le jury du Prix du Style
C'est tellement gorafiesque * ou abracadabrantesque que j'en ai fait une capture d'écran. La coquille au prénom, la tournure incorrecte (intégrer un jury ??), la photo totalement old school...
Last, not least, les deux promus : Tristane Banon et Marc Lévy, qu'on cite presque systématiquement (en particulier le second) pour la médiocrité de leur langue... Le nom même de Marc Lévy est devenu, avec ceux de Musso ou de Gavalda, un raccourci pour désigner des récits conformistes et plats. Alors, ce Prix du Style — quoi ? le Prix de la Meilleure Mauvaise Rédaction de Cinquième ?
Mieux vaut s'en gausser que de s'en indigner.
* Après avoir reconsulté la composition du jury, je n'arrive pas à penser que ce puisse être autre chose qu'un canular, ou qu'un fake. Le fondateur et président du jury a publié un livre sur les Schtroumpfs qu'il a ensuite adapté au théâtre des Déchargeurs ???? Come on, give us a break.
08:48 Publié dans Indignations, Lect(o)ures, Résidence avec Laloux | Lien permanent | Commentaires (1)
mercredi, 31 août 2016
Elisa Shua Dusapin :::: Hiver à Sokcho
D’emblée, le nom de l’écrivaine a surpris — en voyant passer ce livre sur le “mur” d’un ami libraire, puis sur les tables de la librairie où j’ai mes habitudes. Cette jeune femme a donc double nom, penchant du côté coréen et du côté français (avec l’énigme possible d’un lien avec le compositeur). D’autre part, je suis souvent attiré par les romans dont le titre contient un toponyme aux sonorités efficaces (Mon double à Malacca, tiens, pour n’en citer qu’un).
Hiver à Sokcho est un récit presque traditionnel, qui rappelle un certain nombre d’histoires, notamment cinématographiques, sur la rencontre timide de deux étrangers dans un lieu “hors circuit”. Il évite totalement les écueils des histoires Orientale/Occidental : bien que Yan Kerrand, au nom plutôt breton, s’identifie apparemment à la Normandie et aux bocages*, et bien que la narratrice multiplie les références à la culture coréenne, culinaire notamment, aucun des deux personnages n'a d'identité nationale assignable ou réductrice.
Dans un style parfois âpre, parfois plus délié, non sans abuser ponctuellement des phrases nominales ou de séries de phrases brèves, Elisa Shua Dusapin tourne autour de ces deux personnages dont l’opacité constitue la trame du roman. Que “le Français” soit un auteur de bande dessinée n’a rien d’un gimmick, tout d’abord parce que cela permet de caractériser cet homme en profondeur, de lui donner une véritable épaisseur de personnage, mais surtout car cela vient en écho à la prose très visuelle d’Elisa Shua Dusapin, une prose qui joue beaucoup sur le trait, sur l’esquisse.
Par-delà les figures que dessine, par exemple, le rapport de la narratrice – et de son entourage – à la cuisine et aux codes culinaires coréens, le roman raconte, en abyme, comment le lecteur même découvre cette jeune femme et ce qu’il lui est loisible de voir en elle.
J’avais senti le changement dans son regard. Au début il ne me voyait pas. Il avait remarqué ma présence comme un serpent se glisse en vous pendant vos rêves, comme un animal de guet. Son regard physique, dur, m’avait pénétrée. Il m’avait fait découvrir quelque chose que j’ignorais, cette part de moi là-bas, à l’autre bout du monde, c’était tout ce que je voulais. Exister sous sa plume, dans son encre, y baigner, qu’il oublie toutes les autres. Il avait dit aimer mon regard. Il l’avait dit.
(Hiver à Sokcho. Zoé, p. 120)
Une jeune écrivaine très prometteuse, à découvrir, puis à suivre.
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* À ce propos, le nom du peintre Claude Monet est orthographié à deux reprises “Monnet” (p. 70). Quand on dit qu'il n'y a plus de relecteurs dans les maisons d'édition...
06:42 Publié dans Lect(o)ures | Lien permanent | Commentaires (0)
mardi, 24 mai 2016
D'un Cingal l'autre ▓ Ma nuit entre tes cils
Il y a quelques années, mon père, se trompant dans mon adresse mail, eut un échange hallucinant avec mon homonyme, un Guillaume Cingal ingénieur à Toulouse. Persuadé que c’était bien moi qui lui faisais une blague en prétendant être quelqu’un d’autre, mon père, qui n’est guère pétri de doutes, avait écrit cette phrase restée dans les annales de la famille : « Je n’ai pas de trou de mémoire : tu es bien mon fils. » Plus récemment, à la Toussaint je dirais, ce même homonyme, pauvre garçon qui doit décidément trouver encombrant son Doppelgänger gascon/tourangeau, m’a écrit pour me dire de rappeler mon adresse électronique précise à mes étudiants, car il y avait encore eu plusieurs erreurs.
Des Cingal, je n’en ai pas croisé beaucoup, n’ayant jamais vécu en Normandie, bastion originel de la famille. À l’époque du Minitel, je m’étais amusé à faire une recherche dans l’annuaire : un seul Cingal dans les Landes (mes parents), un seul en Gironde (moi), un seul dans les Hauts-de-Seine (ma sœur) etc. En revanche, des dizaines et des dizaines de Cingal dans le Calvados (où je me suis autoportraituré en 2009 à côté du panneau indiquant le lieu-dit, mais aussi avec mes fils devant la maison de mon arrière-grand-mère, à Chicheboville, où j’ai passé plusieurs jours pendant plusieurs étés consécutifs de mon enfance) et la Seine-Maritime.
Pendant ma thèse, je fréquentais – irrégulièrement (travailler en bibliothèque m’a toujours pesé) — la bibliothèque de l’INALCO, et avais alors découvert l’existence, la coprésence même, dans le vieux fichier aux cartons jaunis, d’un Cingal, Grégory Cingal, dont j’ai découvert tout récemment, à la faveur d’un voyage à la Rochelle, et d’un passage dans l’excellente librairie Calligrammes, qu’il est l’auteur d’un premier livre, Ma nuit entre tes cils, texte qui navigue entre le roman, la chronique et l’autofiction. Autofiction, puisque l’on voit, à la page 60 (comme le département de l’Oise — entre 1997 et 2003, il y avait un seul Cingal dans l’Oise, toujours selon le Minitel), la femme aimée et morte dont le livre dresse, de façon très émouvante, le portrait autant que le tombeau, donner une série de surnoms au narrateur : « grégouille, gregjoli, greg saint-graal ».
Bien sûr, la coïncidence – simple, à condition que ce Grégory Cingal soit le même que celui qui fréquentait l’INALCO – m’a amusé, et je fais partie de ceux qui peuvent lire le passage cité en le rapportant à leur propre expérience patronymique. Combien de fois dans ma vie ai-je dû, après avoir pourtant épelé mon nom convenablement et distinctement, faire rectifier le S inscrit en tête par mon interlocuteur en un C, sans doute du fait qu’en entendant le nom, l’immense majorité songe à un nom en Saint, même sans connaître la ville suisse (devant le panneau d’entrée de laquelle nous fûmes photographiés, en 1983, mon père, ma sœur et moi — mon père cachant le ‘en’ final du St. Gallen germanique) ? Combien de fois, dans mon enfance, ai-je entendu de quolibets sur cigale et cinglé, alors que mes fils me disent n’avoir jamais rien ouï de tel, ce qui ne cesse de m’intriguer : appauvrissement lexical des jeunes générations ou plus grand respect du nom de l’autre dans une société multiculturelle ?
Après avoir noirci une pleine page de ces considérations oiseuses, je crains, si l’auteur de Ma nuit entre tes cils tombe dessus, qu’il ne s’imagine lui aussi abandonné, son livre – tout à fait émouvant et bien écrit d’ailleurs – relégué dans la marge au profit des élucubrations onomastiques du Cingal tourangeau/gascon. Pour ne pas encourir trop ce reproche, je préfère citer un passage du livre en encourageant ceux de mes lecteurs qui m’ont de temps à autre exhorté à démarcher des éditeurs de reporter leur déception de ne jamais voir mon nom sur une couverture sur ce beau petit texte des éditions Finitude. Réminiscence indirecte du très bel et très drôle essai Comment massacrer efficacement une maison de campagne en dix-huit leçons, ce passage qui décrit escapades et errances dans la campagne vendéenne – la Vendée, département dans lequel je n’ai jamais mis les pieds et où, vérification faite dans les Pages blanches, il n’y a aucun Cingal répertorié – pourra plaire aussi aux rinaldo-camusiens canal historique :
Seuls parmi les sentiers de son marais vendéen, à bord de l'antédiluvienne 205 grand-maternelle qui tremblait dès qu’on passait la troisième, stoppant à tout bout de champ la voiture pour s'embrasser, écouter le coassement des crapauds, contempler les écharpes de brume qui s'enroulent aux roseaux. Ou bien pour visiter quelques vieux mas à l'abandon aux murs dépecés par l'herbe folle, comme avalés par le temps, aux portes si étroites qu'on y pénétrait instinctivement de profil, aux cloisons effondrées par le zèle remarquable des pilleurs qui allaient jusqu'à desceller les frontons ouvragés des cheminées de pierre. Beauté poignante de ces ruines si préférable à la vogue de la pierre apparente qui se répandait comme un feu de brousse aux façades des maisons habitées, éradiquant un à un le crépi grisé de son enfance, vogue qui ne la révoltait pas moins que ces meubles anciens relookés au dégoût du jour, au point que je redoutais presque, lorsque nous passions à proximité de l'un de ces braves propriétaires occupé à gratter son mur, qu'elle ne baisse sa vitre pour l’abreuver d'insultes, ou qu'elle descende carrément de voiture pour lui arracher des mains sa maudite ponceuse.
(Grégory Cingal. Ma nuit entre tes cils. Finitude, 2016, pp. 37-8)
10:22 Publié dans Autoportraiture, Lect(o)ures, Pynchoniana, Words Words Words | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 27 février 2016
Blousés
“un spécialiste peut se blouser comme un autre homme”
(Gide, Journal, 1933, cité dans le Robert)
Au détour d'une page sur Kafka – que je n'ai pas assez relu depuis que je me suis fait offrir les Sämtliche Werke – Christian Garcin évoque Epépé de Ferenc Karinthy, et c'est un nouveau livre qui s'ajoute à la pile virtuelle.
Dans Labyrinthes et Cie, Garcin évoque aussi son travail de recherches sur la figure de labyrinthe chez Borges et déclare avoir « eu le sentiment d'avoir été proprement blousé, “promené” comme on dit dans le Sud, par un Borges infiniment trop malicieux pour moi » (p. 69).
Là où Garcin voit un méridionalisme (je suppose — je suis, comme on le sait, très réticent à une telle absence de nuance, ayant grandi en trouvant les Provençaux beaucoup plus étranges, dans leur parler et leurs habitudes de pensée, que les “Parisiens”), le Robert parle d'une locution figurée et vieillie : « promener quelqu'un, le mener en bateau, le lanterner ». Et cite le Dictionnaire de l'Académie : “voilà six mois qu'il me promène”.
En ce sens, la promenade prend le sens de déroute organisée, de désorganisation, de dédale interprétatif. (Et de mon remords de ne pas avoir assez lu Kafka depuis 2012 j'en viens au regret de ne pas avoir encore lu Der Spaziergang de Walser.)
J'en termine avec un fait brut, anecdotique : dans l'exemplaire du livre emprunté à la B.U. Se trouvait, outre ma fiche de réservation, une précédente fiche d'emprunt au nom d'Élodie Buttieu (“retour le 29/03/2006”).
13:13 Publié dans Larcins, Lect(o)ures, Nathantipastoral (Z.), Questions, parenthèses, omissions | Lien permanent | Commentaires (0)