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dimanche, 13 mai 2007

Journées dionysiennes, [11] : Virée à Beaugency

(à la manière de R.C., pour énerver Didier Eribon) 

Ce matin, nous avons visité la petite ville de Beaugency, dans le Loiret. Bien sûr, ce n’est jamais une bonne idée de faire du tourisme le 1er mai, car rien n’est ouvert, les restaurants en particulier, etc. De plus, il y avait une espèce de grand marché annuel très prolaille, qui envahissait les bords de Loire et enlaidissait bougrement la perspective sur le vieux pont, très beau dans sa bizarrerie même (sorte de bazar hétéroclite d’arches romanes et gothiques). medium_Beaugency_1er_mai_2007_040.jpgMais nous n’avons eu aucune difficulté pour garer la voiture, et la ville elle-même était plutôt épargnée par la grande foire d’empoigne des blousons à trois euros pièce et des statuettes hideuses. La ville est ravissante, avec un très bel Hôtel de Ville construit en 1526 dans un pur style Renaissance, en pierre calcaire très blanche, qui tranche sur la pierre plus grise du reste de la ville. Plusieurs médaillons en sont abîmés, mais l’ensemble a été restauré avec goût et efficacité. Il y a aussi la tour Saint-Firmin, trop haute pour qu’il y ait la moindre perspective convaincante sur elle, et l’abbatiale, que nous n’avons pu visiter qu’une fois la messe terminée, et qui a notamment abrité, au XIIème siècle, un concile annulant le mariage d’Aliénor et de Louis VII (détail que j’avais oublié) : c’est grâce à cette basse manœuvre qu’Aliénor a pu ensuite épouser Henri d’Angleterre, et devenir ainsi l’une des rares reines de l’histoire à l’être de deux pays consécutivement. Le donjon est très massif, carré, percé de tardives fenêtres. La Porte médiévale qui donne sur lui est très épaisse, et donne un aperçu de ce que devaient être les murailles de cette ville de toute évidence stratégique. L’intérieur de l’abbatiale Notre-Dame est très beau, lumineux, notamment grâce aux jeux d’arcs du chœur, tout à fait romans ; ces arcs ouverts sont très rares, et donnent l’impression d’un vrai dialogue de regards entre le chœur et le déambulatoire. Les vitraux contemporains sont affreux comme rarement.

J’ai appris que les habitants de Beaugency se nomment les Balgentiens ; j’aurais imaginé quelque chose comme les Bellogénitains ou les Belligençains, mais la vérité onomastique est toujours ailleurs. Après cela, nous nous sommes cassé le nez au château de Talcy, qui fut le témoin des amours (platoniques, dira-t-on) de Ronsard et de sa Cassandre. medium_Beaugency_1er_mai_2007_094.jpgCette Cassandre était la fille du propriétaire et bâtisseur du château. Ce que l’on sait moins, c’est qu’Agrippa d’Aubigné s’amouracha par la suite de la petite-fille du même : on peut supposer, assez vulgairement, que les filles de la lignée étaient rudement tanquées (à moins que leurs seuls mérites poétiques et intellectuels n’aient attiré les deux grands poètes (mais j’ai du mal à admettre cette hypothèse seule)). On peut aussi envisager qu’Agrippa ait ainsi voulu croiser le fer avec, ou marquer sa dette à l’égard du Prince des Poètes.

Le petit village de Talcy est très joli ; l’auberge était naturellement fermée, et nous avons – après un long tour dans Mer, laide, déserte et sans le moindre recoin où se sustenter – repris le chemin des pénates, dans la mesure où, de toute façon, je ne devais pas rater mon train dans l’après-midi.

mercredi, 02 mai 2007

Hôtel de ville de Beaugency

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Hôtel de ville de Beaugency (Loiret). Détail, 1er mai 2007.
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(Pour faire plaisir à Astolphe, je lui ferai remarquer que ce billet est classé dans la rubrique Hors Touraine, créée dès l'été 2005.)

lundi, 12 mars 2007

Onze ans après

Je l’ai rencontré plusieurs fois, quand j’allais passer quatre ou cinq jours d’affilée à Cambridge, chez cet ami que je perds aussi de vue maintenant. Jean-Pascal m’avait présenté la ribambelle de ses amis, et parmi eux Hugo.

Combien de fois suis-je allé à Cambridge ? On dira trois. À chaque séjour peut-être je voyais Hugo trois ou quatre fois. Et que m’importent ces chiffres ? Je ne sais.

Hugo s’appelait en fait Hugues, mais il semblait régner, autour de son vrai prénom, un parfum d’interdit. Lui, contrairement à nous autres, était lecteur pour une durée de cinq ans, et finissait sa thèse. Il était donc sensiblement plus âgé que nous, et avait plus ou moins claqué la porte au nez des siens, Parisiens. N’avait-il pas choisi le lectorat à Cambridge comme d’autres, il n’y a pas si longtemps, choisissaient de s’embarquer sur un baleinier ou partent pour la légion étrangère ? Si je raconte tout ça, c’est que sa vie paraissait nimbée de tant de demi-secrets, mais sans afféterie.

Étonnamment séduisant, Hugo n’était pas poseur. Ses excentricités verbales et sociales étaient d’une totale sincérité. Un jour, nous discutions, tous les trois, avec Jean-Pascal, à la table crasseuse d’un bar de college, et Hugo, de façon tout à fait caractéristique, s’était assis en dehors du cercle formé, au départ, par la table et les trois chaises. Tout aussi caractéristique, sa façon de nous encourager à reprendre une pinte, à ses frais, une Murphy’s, je dirais, tout en laissant quasi imbue la sienne. Il se contentait d’y tremper les lèvres, discutait avec feu, riait, fronçait les sourcils, parfois les trois à la fois, et, de son profil acéré jamais détendu, nous lançait des phrases si ambiguës qu’elles prenaient valeur de sentences, tout en oubliant consciencieusement de boire. Puis, entre deux paroles enflammées (« C’est une violence » ou « on te verra avec tes frasques »), deux rires, deux froncements, il se levait, comme nous partions, et vidait en deux fois une bonne part de la pinte jusque là délaissée.

Il me semble qu’une autre fois, au début d’une soirée qui fut la plus arrosée de mon existence – avec les conséquences que l’on imagine –, je le vis jouer, avec une élégance rare, au baby-foot. J’ignorais que l’on pût s’adonner à ce jeu, et même s’y donner, d’une façon qui fleure autant le gentleman. Hugo était autant fait pour les envols subits et violents d’imaginations fébriles que pour l’atmosphère feutrée des clubs les plus select.

Il y eut aussi, peut-être la dernière fois que nous nous vîmes, son détachement somptueux dans ce punt infâme que nous avions loué à six et dont seul il se démenait, en rameur expert, piroguier de ces bords presque gallois. Il faisait beau et frais, sur la Cam. Je m’énervais après tout le monde. Mais après lui, impossible.

Ma mémoire persiste à me tendre de curieuses perches et à évoquer une possible rencontre, l’année suivante, ou même celle d’après, à Paris (pour sa soutenance de thèse ?). Pourtant, aucune image, aucun son précis ne me vient de cet épisode pourtant ultérieur, s’il a bien eu lieu. Hugo, à Paris, cela ne se pouvait. Si ça se trouve, c’était Hugues, et ce fantôme imposteur n’aura pas laissé de traces dans ma mémoire vive.

jeudi, 08 février 2007

Synesthésies / nostalgies

Parfois, quand je travaille, Pandora m'accompagne, et de son tonneau des Danaïdes où sans fin on puise sans s'épuiser, m'envoie des musiques que je ne connaissais pas avant. Ainsi, des différentes "stations" que j'ai créées, plusieurs, évidemment, sont principalement consacrées au jazz.

Sur la chaîne John Zorn, par exemple, se succèdent différents morceaux de différents groupes/ compositeurs/ interprètes, tout cela dans la joyeuseté du bazar imprévu. Tout d'un coup, j'entends des notes, un instrument indien, et, avant même de dire que je connais ce morceau, je revois le papier peint de notre studio, à Talence, en 1996 ; je marche le long des cours bordelais ; nous sommes, toi et moi, dans le bus qui nous conduit au cinéma. Dans la cuisine exiguë nous mangeons en discutant de tout et de rien. Je fais réparer cette maudite latte en verre de la fenêtre d'aération. Il fait grand soleil, chaud près du parc Peixotto. Allongés dans l'herbe, nous regardons des bambins près d'une poussette.

Je ne saurais pas retrouver le titre du morceau, mais je sais que c'est un album de John McLaughlin. Je n'ai guère dû écouter The Promise depuis ces années-là.

lundi, 15 janvier 2007

Lions du château des Carmes

 

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La Flèche. Ciel bleu.medium_La_Fleche_14_janv._07_074.jpg De petits insectes noirs viennent peupler le ciel comme autant de nuages délicats, imperceptibles.

 

 

 

Les lions de pierre du château des Carmes portent le chiffre de François-René Bertron...

Non ?

 

 

Venons-en au faîte, semblent-ils dire.

dimanche, 31 décembre 2006

Ce que dit la bouche sombre

Au retour, la mâchoire infinie des Pyrénées.

À l’aller, sur la route de Saint-Sever, juste avant la Peyrelounque, j’ai surpris une buse juchée à la fourche d’un arbre, au bord de la route. Résonne formidable la voix de Gÿorgÿ Ligeti, qui parle macabre et castration.

Au retour à la maison, les pompiers et le médecin de garde. Pour 2007, nous continuerons de former des vœux. Où sont les dents qui répondent aux sommets enneigés : dans le ciel ou sous la terre ?

mardi, 03 octobre 2006

Vertes fenêtres...

Vertes fenêtres désuètes,

Quand le soleil brûle, attiseur,

Vous offrez vos grâces --- muettes

Que surprend un climatiseur.

Idomeneo à Barcelone

Onzième quatrain barcelonais

Tout en écoutant une aria

Superbe d'Idomeneo,

Ce vaisseau Balearia

M'offre la mer en stéréo.

21:25 Publié dans Hors Touraine | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Poésie

Tout ce que je vois...

Quatrain barcelonais

Tout ce que je vois, sous les cubes,

C'est, la casquette bien vissée,

Lisant son journal à pleins tubes,

Un cannier aux carres plissées.

 

lundi, 18 septembre 2006

Quelques quatrains barcelonais...

... sur des images de Tinou ...

 

Rongé par la folie qui songe

À la façade tel Argus,

L'esprit se débride la longe

En Barcelone aux vifs aigus.

 

****

 

Ne se croirait-on au théâtre

Où irait arlequinement

Se découvrir, le teint albâtre,

Un Don Quichotte de roman ?

 

***

 

Aubergiste, approche la lampe

Que je puisse m'émerveiller,

Sous les barreaux de cette rampe,

Du bleu globuleux écaillé.

 

**

 

Gaudi reconnaissable entre mille

Comme l'illustre Gaudissart

De Honoré et non d'Emile

(Où manque une rime en -issart...)

 

*

 

Qu'aux panneaux vides alignés

Comme la grille d'un poème

L'horizon vous ait assignés,

Vous, mes yeux, voilà ce que j'aime.

 

 

... un jour, j'irai à Barcelone. (Partie remise depuis 2000.)

samedi, 02 septembre 2006

Hôtel Labenche, 2

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vendredi, 01 septembre 2006

Hôtel Labenche, 1

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Brive, 9 juillet 2006.

samedi, 26 août 2006

Château de l'Isle Savary

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Ce 8 juillet,

 

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au matin de l'allée, il était
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fermé.

jeudi, 12 janvier 2006

Ça ne s’invente pas, 3 : Cellule 64

La cellule spéciale d’enquête mise en place à la suite de plusieurs tentatives d’enlèvement d’enfants aux sorties d’écoles des Landes et des Pyrénées-Atlantiques s’appelle Cellule 64. La dernière tentative a eu lieu à Biscarrosse, soit à cent kilomètres environ au nord du département des Pyrénées-Atlantiques. On savait que, pour les journalistes, les météorologues, etc., le département des Landes n’existait pas ; pour la justice et la police, c’est nouveau.

samedi, 07 janvier 2006

Halcomanie, 4

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vendredi, 06 janvier 2006

Glané sur la Toile

J'ai trouvé, sur le site d'une commune du Perche, cette phrase dont le rythme et les sonorités me paraissent exquis :

Le 6 janvier 1790, c'est M. Dureau de la Malle qui devient le premier maire de Mauves.

 

C'était  - incidemment -  il y a deux-cent seize ans.

Halcomanies, 3 : Portrait of Guillaume Cingal as a Younger Morrissey

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"Il y a pire que le double menton : la fossette."

jeudi, 05 janvier 2006

Halcomanie, 2

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.....................................

Je lorgne.
Il se braque.
Le panneau ne déverdit pas.
Je tombe dedans.
.....................................

L'oiseau tarde à sortir : le silence le fait mûrir.

mercredi, 04 janvier 2006

Réveillon apollinien, et après... ?

La nuit du Réveillon, je l'ai passée dans des débuts d'insomnie, avec pour compagnie le tome I des Œuvres en prose de Guillaume Apollinaire, relisant certaines pages  - qui m'ont paru toujours aussi fortes -  de L'Enchanteur pourrissant, lisant  - pour la première fois -  le décevant et si vieilli Poète assassiné, lisant plusieurs contes (intéressants) de L'Hérésiarque & Cie, parcourant deux des Trois Don Juan que je n'avais pas lus, et qui ne sont rien d'autre qu'une pochade compilée... d'où il ressort que, malgré les efforts rhétoriques des spécialistes, et de l'auteur de l'édition en Pléiade, Apollinaire était, dans l'ensemble, un assez piètre prosateur, comme il est, d'ailleurs, des pages manquées dans ses poèmes.

La nuit qui vient de s'écouler, étouffant d'un mal de gorge renouvelé, et hanté par des musiques, des visions, des souvenirs, je l'ai passée sur le canapé, ne pouvant m'endormir, lisant certains des textes épars rassemblés par Caio Fernando Abreu dans ses Brebis galeuses (traduites posthumément aux éditions Corti). Etrange écrivain, que je ne connaissais pas. Parfois, je me demande si ses bizarreries sont liées à la traduction, ou à de réelles idiosyncrasies de style.

(La traductrice est Claire Cayron, dont il a déjà été question sur ce carnétoile, au cours d'un échange avec Alina. D'ailleurs, l'éditeur mentionne en début d'ouvrage la liste des "traductions de Claire Cayron", mais nullement les autres œuvres d'Abreu, ce qui me semble aller un peu loin, tout de même, dans la préférence accordée au traducteur. Le plus amusant est que l'on comprend fort vite, par les notes de bas de page, que de nombreux textes et romans d'Abreu sont traduits chez d'autres éditeurs ; c'est d'autant plus amusant que c'est la traductrice qui est l'auteur des notes, d'où le soupçon qui se porte alors sur l'éditeur, qui ne semble pas vouloir faire de publicité pour ses concurrents. Rien de commun, indeed...!)

Il y a, dans l'un des premiers textes, la merveilleuse image de la grand-mère tricotant un chandail qui finit par recouvrir le sol de la maison. Dans le fragment intitulé "Introduction à Passo de Guanxuma", l'image qui sert de description originelle est celle des quatre points cardinaux qui servent à distinguer les quatre points d'entrée (ou de sortie) de cette ville imaginée par Abreu et qui, à ce que je comprends, sert de décor à plusieurs de ses romans. Les quatre points cardinaux sont représentés par les quatre pattes d'une araignée fabuleuse : là encore, l'erreur entomologique, grossière, est-elle délibérée ou non ? J'en suis réduit à supposer que oui.

Halcomanie, 1

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Hervé Guibert écrit, dans L'Image fantôme, quelque chose comme [je promets de retrouver la citation exacte] :
"Ce que je préfère, ce sont les photos ratées, mal cadrées ou prises par des enfants, etc."
Et ça m'arrange...

lundi, 02 janvier 2006

Bonnes résolutions

31 décembre. 10 h 45.

Comme nous avons composé hier soir, dans le salon, après avoir fini de regarder In the mood for love, une liste pour que C. n’oublie rien des différents objets, cadeaux, vêtements oubliés à Hagetmau et qu’elle est allé chercher aujourd’hui, je pourrais amorcer dès ce dernier jour de 2005 une liste – même pas traditionnelle, car c’est un rituel auquel je ne sacrifie guère, d’ordinaire – de bonnes résolutions, sinon pour ma vie (qui est perdue, je crois bien), du moins pour ce carnet de toile qui navigue gentiment – même avec les journées de reflux, de maigreur ou de vacance qu’il vient de connaître – vers ses sept mois d’existence. Je pense que cette note, comme la précédente écrite, ne sera publiée que dans deux jours, une fois de retour à Tours, ce qui ne rend pas si intempestive que cela la rédaction d’une telle liste.

................

Il fau(drai)t donc que :

1) je reprenne les chroniques de disques, car c’est un exercice salutaire, difficile ; d’autre part, quand je parle de musique, j’obtiens plus de retour par les commentaires que pour n’importe laquelle de mes autres rubriques (hormis, peut-être, les fameusement infâmes autoportraits)

2) je me relance dans la réflexion amorcée l’été dernier autour de la question Qu’est-ce qu’un beau vers ?

3) j’écrive de brefs textes sur les sites ligériens qui me tiennent à cœur

4) je recense, au moins une fois par semaine, un des livres qui m’ont influencé au cours de ces (cinq à dix à quinze) dernières années, en particulier dans la perspective d’un prosélytisme africaniste dont je me suis, à ce jour, gardé

5) la série des Célébrations improbables prenne un nouveau tournant, un tant soit peu plus infernal, et où s’abolisse le sens, même calendaire

Eden, dernière

31 décembre. 10 h 30.

C’est le dernier jour de l’année. Bruit fou de l’aspirateur, serpent de bois désarticulé qui chasse les trains miniatures. Un globe illuminé mutile les yeux de l’histoire. Aveuglé, je contemple les saisons qui passent, avec le camion-citerne en panne sur la route enneigée, verglacée. Rumeur du monde et des saisons, mousse des frimas oubliés. Que signifie la fin d’une année, hormis la pure convention, et le glacis vénérable des souvenirs amassés près de Pau, à l’aéroport ? Et le nombre 31, premier et synonyme, dernièrement, de l’âge qui s’avance, sans compter les syllabes du tanka, la forme noble et hiératique du gabay, le sonnet en son extension tertiaire, comment se fier à lui, si ce n’est pour célébrer le premier janvier, ou tout premier du mois qui se présente, comme à cette invraisemblable comédie du temps cosmétique, décoratif, empesé, empressé, qui file vers la mort avec l’amas des adjectifs, égrenés sur la pelouse avec leurs signes de ponctuation, leurs accents, leurs indécentes farandoles – une pelouse qui gèle, avec ses mots ossifiés qui marinent dans l’intervalle, à la folie du nombre ?

En écoute : « Why does my heart feel so bad? » (Moby. Play. 1999)

jeudi, 22 décembre 2005

Je rev(o)is

« Comme une rivière barrée, tout à coup le cours de ma vie s’était arrêté et, maintenant, devant moi, seuls s’étendaient l’immense paysage désolé de la mort, l’automne infini où habitent les hommes et les arbres qui n’ont plus de sang, la pluie jaune de l’oubli. » (Julio Llamazares. La pluie jaune. Traduit par Michèle Planel. Verdier, 1990, p. 43)

………

Je revois, au ruisseau qui coulait, l’hiver, près de notre maison, ce grillage qui séparait le bois de l’enclos à moutons des voisins – et où, depuis belle lurette, il n’y a plus de moutons. Le grillage retenait les brindilles, les petites branches, les feuilles fanées et mortes de l’automne, de sorte que l’amas finissait par former un véritable barrage, juste avant le pont, masse informe et ligneuse que nous dégagions régulièrement  – à la pelle ou à la main –  pour permettre aux eaux du ruisselet de suivre leur cours. De l’automne au printemps, j’adorais marcher dans ce ruisseau, large d’un mètre tout au plus et jamais profond de plus d’un demi-mètre, remontant délicieusement son cours du grillage posé par les voisins jusqu’à la fontaine de pierre, où il surgissait de sous la terre.

Sur la carte I.G.N. la plus détaillée, il apparaît en pointillés bleus, ce qui signifie que c’est un « cours d’eau intermittent ». A la limite de la propriété de mes parents, il cesse d’être souterrain, pour aller se jeter, à quelques kilomètres de là, dans le Bassecq.

Je le revois, je revois le menu barrage de brindilles, je me revois en bottes, marchant dans le lit du ruisseau. J’en suis loin, de tout cela, pourtant.

mercredi, 21 décembre 2005

Le calendrier n’a pas disparu

Le calendrier n’a pas disparu ; Simon, tu exagères.
Le temps, non plus, ne s’est pas évanoui. Le temps de l’écriture a pris la peine d’une pause bienvenue. Pourtant, ce n’est pas le travail qui manque, et sans doute aussi m’étais-je meurtri à continuer d’écrire – c’est-à-dire, plutôt, à continuer de jeter des fragments imparfaits, dans l’épuisement et la nonchalance.
Le temps n’a pas disparu. Un soleil radieux règne dans ces contrées, avec de froides nuits et de belles journées. Le repos – de trimer en ramassant les feuilles ! Des monceaux de copies aussi m’attendent, chaudement assemblées dans les soufflets de mon cartable. Je préfère entretenir les bûches sifflantes d’un âtre bienveillant.
Derrière une baie baignée de soleil, le dos presque calciné – comme lorsque nous recevions hier soir des amis de mon beau-père, et que j’étais dos à la cheminée crépitante –, j’écris, ayant décidé de ne pas laisser passer, tout de même, ce premier jour (officiel) d’hiver, et, dans tous les cas, le solstice.
………
La plume vaut-elle le balai à gazon ?
………
Il règne un vague-à-l’âme difficile ; seuls les pinsons du Nord peuvent me comprendre, eux qui piétinent les graines de tournesol, entre les soubresauts des mésanges bleues et les piaillements frénétiques des charbonnières. Pas de verdiers cette saison, mais un gros-bec nous fait, de temps à autre, l’honneur de sa présence. Il faut écrire comment le temps passe, au moins sous ses aspects les plus agréables.
J’ai embarqué à bord d’un navire, la nef des fous où se complaisent les souvenirs. L’âme suit ici, depuis dimanche, un cheminement douloureux. J’ai relu By the Sea, qui, dans le prolongement d’Amriika, a déroulé ses enrubannades et fleuri ses feux d’artifice. La pluie jaune, maintenant, correspond mieux à mon état d’esprit, et à mes journées. Quand la bûche siffle, il faut laisser se figer la souffrance. Ainsi, elle est plus douce. On ne dort jamais deux fois dans les mêmes bras.
………
L’encre des vaisseaux vaut-elle le sang des valves de mémoire ?
………
Je vous parle de ma mémoire, mais les souvenirs des uns et des autres ne crépitent jamais de la même façon. C’est ce que, jadis, j’aurais voulu nommer la mêmoire ; c’est là une écriture dont je n’ai jamais pris le temps.
Pourtant, indubitablement, le calendrier n’a pas disparu.

dimanche, 27 novembre 2005

Bouchemaine

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Le froid saisit l'Anjou, vous engourdit les membres.
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Sur les bords de la Maine, avec les quatre barques qui flottillent, je prends la mesure du temps qui passe en suspendant mes yeux au ciel; une dame, accompagnée d'une petite fille, lâche son gigantesque chien, qui, bonasse, baguenaude près du rivage.
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Vous n'aurez plus, dans ce théâtre désert et glacial, qu'à lancer des gerbes de fleurs à une cantatrice absente.
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A quels lugubres oratorios avions-nous été conviés ? La porte était fermée; je me contentai d'un tour au bord de la Maine.
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La vie erre dans les piaillements.
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C'était un samedi matin, à Bouchemaine, la vie dans les plis, comme un poisson sur sa paroi.
J'ai vu les lettres s'incurver. Vous êtes resté dans l'auto.
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vendredi, 25 novembre 2005

D'Angers (attention)

Vendredi, 8 h 20.

J'écris de la salle informatique de l'Ecole Doctorale, à la Maison des Sciences Humaines de l'Université d'Angers (site Technopole). Grâce à cette première phrase, les connaisseurs apprécieront et visualiseront le lieu. Je peux même ajouter que je me suis installé à l'ordinateur situé au milieu face aux fenêtres, et donc face aux arbres du parc.

J'ai fait bon voyage, après une trop courte nuit; de nuit noire, humide, mais sur la route sans verglas, entre Tours et Angers, j'ai même entrevu deux effraies (peu avant Bourgueil).