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lundi, 25 février 2008

Sankt-Petri-Schnee, premières impressions

Cela me fait plaisir de prendre le temps de lire un roman de Leo Perutz en allemand. Trop paresseux, je ne pratique pas assez souvent le latin, ni l’allemand. Ce sont plutôt des occasions.

Sankt-Petri-Schnee, que je lis, du coup, plus lentement que les précédents opus de Perutz lus en janvier, me plaît beaucoup. Les tâtonnements lexicaux auxquels je suis confronté sont surtout d’ordre adjectival. Pour le reste – et même les phrases dont la syntaxe est particulièrement alambiquée – je me laisse porter par le flot de la langue.

C’est un roman faussement simple. (Je n’en suis qu’au chapitre 6, sur les vingt-cinq que compte le roman.)

Comme souvent dans l’œuvre de Perutz, le premier chapitre situe le récit en orientant la lecture ; s’il s’agit d’une manipulation, d’une orientation trompeuse, il est permis de le supposer, mais sans certitude. Le plus admirable, pour l’instant, c’est la description de la promenade dans la vieille ville d’Osnabrück, à l’heure de midi, et de la double épiphanie du narrateur à la contemplation de la vitrine de l’antiquaire.

[ 13 février ]

samedi, 05 janvier 2008

Leaves of Grass, 1855

Rentrés hier soir, pas très tôt, nous avons découvert dans notre boîte à lettres – entre maintes factures et de non moins nombreux courriers divers – un envoi des éditions José Corti : l’exemplaire, tout fraîchement sorti des presses, des Feuilles d’herbe de Walt Whitman, dans la version de 1855, traduite et postfacée par notre ami Éric Athenot. Quoique le nez et le cerveau ravagés par un rhume rageant, j’ai passé plusieurs heures, hier soir, à découvrir la postface, mais aussi à lire les très belles traductions d’Éric, qui a su rendre avec maestria les ouragans de voix de l’immense poète américain.

 


J’ai aussi pu constater – comme lors de précédentes lectures d’ouvrages récents (Kubin, Thomas Hardy) – que les éditions José Corti s’enfonçaient plus que jamais, hélas, dans l’amateurisme : coquilles dans la postface et sur la quatrième de couverture, notes de bas de page qui ne figurent pas à la même page que l’appel de notes, incertitude quant à la collection qui accueille le volume (Domaine américain ou Domaine romantique ? les deux peut-être...).

 


En dépit de ces réserves formelles qui n’entachent nullement le travail impeccable d’Éric, je recommande chaudement cette belle édition, qui propose un Whitman épuré de tout l’habituel bastringue accolé en France à la figure du poète.

 

lundi, 31 décembre 2007

Giving you hell

Pour la Saint Sylvestre, voici un bouquet diabolique, selon ce que Guenièvre promet à Lancelot, à l'avant-dernier chapitre de The King :

The next myth I create will be a hellacious one, of that you may be sure. Something so wicked I can't even imagine it now. I'll have to give it study. (p. 144)

La prochaine légende que je vais créer sera particulièrement infernale, tu peux compter là-dessus. Ce sera si atroce que, pour le moment, je suis en panne d'imagination. Il faudra que j'y réfléchisse.

 

De quoi appréhender l'année 2008 et ses 366 jours. Bonnes embrassades sous le gui !

mardi, 25 décembre 2007

Perdubiquités

Coimbra, 15 janvier 1988.

Traduire. Faire voyager l'expression. Et fleurir le génie d'une langue dans le génie d'une autre. Accomplir le miracle de donner l'ubiquité à un texte qui, sans perdre sa force native, parle d'une autre voix.

(Miguel Torga. En chair vive. Traduction de Claire Cayron. Corti, 1997, p. 225)

dimanche, 02 décembre 2007

Plus bien bon

Hier soir, j'ai lu une très belle nouvelle de Henry James, "The Story of a Masterpiece", qui présente certains des aspects les plus rugueux (ou les moins arrondis) de ses récits de jeunesse, mais qui est d'une grande puissance évocatrice. Ce récit, qui oscille entre Le Chef d'oeuvre inconnu et Dorian Gray, tout en suggérant, dans la figure de Stephen Baxter, un frère d'âme de Roderick Hudson, est vraiment d'une grande beauté. La fin en est très ironique, et la figure de la jeune femme, Marian Everett, nourrie de contradictions jusqu'au terme.

Toutefois, ce n'est pas de cela que je voulais parler. En effet, le narrateur emploie, à un moment du récit, la structure comparative "more good", ce qui est possible quand good est un substantif ("He has done more good than he is ready to admit" : il a fait plus de bien qu'il n'est prêt à l'avouer), mais absolument pas quand good est un adjectif, ce qui était le cas dans le passage concerné. Cela m'a beaucoup perturbé, car, évidemment, lorsqu'on s'est habitué à considérer comme une faute grave, dans les copies d'étudiants, l'apparition (rare, au demeurant) de more good en lieu et place de better, on se sent plutôt mal à l'aise face à de telles occurrences sous la plume d'un maître.

Ce matin, bien entendu, il n'y a pas moyen de retrouver le passage en question. Comme la nouvelle n'est, semble-til, pas disponible sous format électronique (j'ai vérifié sur le site Online Books mais aussi sur New Platz), il faudrait la relire dans le volume emprunté à la bibliothèque (il s'agit de l'édition des nouvelles complètes de 'The Library of America'). J'ai aussi fait de nombreuses recherches dans les sept volumes de la grammaire de Jespersen, mais sans succès.

 

Par ailleurs, comme j'avais été très impressionné par la description de Marian Everett qui ouvre la nouvelle, j'ai cherché comment la traductrice française de l'édition "Pléiade", Nicole Moulinoux, avait su rendre

In complexion, she was a genuine blonde - a warm blond; with a midsummer bloom upon her cheek, and the light of a midsummer sun wrought into her auburn hair.

 

Comme le dit mon ami Eric, lui-même auteur d'une traduction de l'édition 1855 de Leaves of Grass, et qui, à ce titre, beaucoup pratiqué cet exercice : "il n'y a rien plus de bête que la critique de traduction". Assumant pleinement mon penchant pour la bêtise, j'écrirai tout de même ici que je ne trouve pas très heureuse, pour cette phrase, la traduction française :

Sa carnation était celle d'une blonde naturelle - d'une blonde chaleureuse ; ses joues offraient l'incarnat du plein été et ses cheveux auburn les reflets moirés d'un soleil estival.

 

Il me semble indispensable de rendre, dans une traduction, l'allitération triple en bl : blonde / blond / bloom. Plus importante encore me semble la variation blonde / blond, caractéristique du goût de James pour l'inconcinnitas, la légère asymétrie. Accessoirement, Nicole Moulinoux choisit un registre lexical trop archaïsant : complexion est beaucoup plus banal, en anglais, que carnation en français. Même remarque pour bloom / incarnat.

Je cherche encore...

mardi, 09 octobre 2007

Chouettes pépées

On en apprend tous les jours, et de très utiles. Ainsi, ce matin, browsing the OED [traduction à l'attention de Tinou, Didier et Denis : en parcourant l'Oxford English Dictionary], j'apprends que le mot grouse, dont je connaissais le sens comme substantif (tétras ou coq de bruyère (oui, Didier : The Famous Grouse, le célèbre tétras-lyre), existe aussi comme en adjectif, et désignait, en argot australien des années 40-50 (mais non, Aurélie, je ne publierai pas les photos compromettantes de toi en compagnie des Wallabies), toute chose superlativement remarquable.

On pourrait donner, comme équivalents également dépassés, sensass', formid'  ou tip-top (de mémoire : "Chère Reine de Ventadour veut que tout soit tip-top", cf Belle du Seigneur, le nanard d'Albert Cohen).

Voici à présent deux des exemples d'usage que donne l'OED :

1944 L. Glassop We were Rats I. i. 5 You know them two grouse sheilas we've got the meet on with tomorrer night?

1947 D.M. Davin Gorse blooms Pale 200 An Iti bint, a real grouse brush she was, with bonzer black eyes.

 

Si je puis comprendre la première phrase, et même en risquer une traduction, je suis assez perplexe au sujet de la seconde. (Ajoutons que j'ignore totalement qui sont ou furent Glassop et Davin, probables très locales gloires australiennes.)

Pour la première phrase, voici ce que je propose : Tu sais, ces deux chouettes pépées qu'on doit se coltiner d'main soir ?

Pour la seconde, après vérification des autres termes problématiques, je suggère : Une Ritale, mais si, une vraie nana sensass', avec de super yeux noirs.

Il s'agit d'approximations, car un traducteur consciencieux vérifierait dans un dictionnaire d'argot français les termes les plus pertinents pour la période concernée ; en l'occurrence, je ne suis pas certain qu'on ait beaucoup dit pépée et sensass' en 1944 et 1947, que l'on eût - ou non - les mains comme des raquettes...

Transposée à notre époque, la seconde phrase donnerait des résultats voisins de "une super giga meuf [une meuf trop top canon ?], avec des yeux noirs de la mort". (Je sais, de la mort sonne terriblement nineties. (On ne va pas s'en sortir.))

Pour ce qui est de Iti, que je n'ai pas hésité à traduire par "Ritale" dans le contexte des années 40, il pose vraiment problème : emploie-t-on encore ce genre de terme pour désigner les gens de nationalité ou d'origine italienne ? je pense que le politiquement correct (ou la plus grande intégration de la composante italienne dans la société française) a triomphé de ce genre de formules...

lundi, 14 mai 2007

Questions de traduction, Lucilius

Comme tous les beaux ouvrages oranges de la collection « Budé », le tome I des Satires de Lucilius que je m’apprête à rendre à la Bibliothèque Universitaire est d’une érudition impressionnante. Son auteur est F. Charpin (dont le prénom est introuvable, même sur la dédicace à l’encre violette qui figure sur la page de faux-titre, et qui, par ses pleins et ses déliés archaïsants, laisserait penser qu’elle a été écrite il y a des siècles, presque (or, le livre date de 1978)), et il faut remarquer qu’il hésite souvent entre une traduction « utile » (scolaire, au bord du littéral (je ne sais comment dire))* et une traduction plus respectueuse de la poéticité du texte. Ainsi, pour le fragment 19 du livre VII, il restitue admirablement l’écho allitératif esu-/ex-/excul- (repris par la série arr-/à la/aff-), de même que l’hypallage :

esuriente leoni ex ore exculpere praedam

arracher la proie à la gueule affamée d’un lion

 

En revanche, il est difficile de savoir si, dans le cas, du fragment 17 du livre VI, il n’a pas vu, ou pas su traduire, la contrainte alphabétique dans l’alignement des quatre termes forts (n, o, p, p) :

nequitia occupat hoc petulantia prodigitasque

 

qu’il traduit « ces gens se livrent à la débauche, à l’effronterie, au gaspillage », ce qui est très utile pour l’étudiant en mal de sens, mais frustrant pour l’amoureux de poésie. Je propose

tout le jour ce ne sont qu’ignominie, insolence et indiscipline

 

où la série j/i/i/i se substitue à la série n, o, p, p. La traduction est également plus resserrée et correspond mieux à la structure de l’hexamètre. Évidemment, il y a beaucoup à redire à la traduction de occupat hoc, d’un point de vue sémantique. (On tourne en rond, merde, on tourne en rond.)



* J’ai trouvé hier, en feuilletant notre vieux Folio jauni du Paysan parvenu, une citation géniale sur l’usage des parenthèses :

Jusque-là je m'étais assez possédé, je ne m'étais pas tout à fait perdu de vue; mais ceci fut plus fort que moi, et la proposition d'être mené ainsi gaillardement à la Comédie me tourna entièrement la tête; la hauteur de mon état m'éblouit; je me sentis étourdi d'une vapeur de joie, de gloire, de fortune, de mondanité, si on veut bien me permettre de parler ainsi (car je n'ignore pas qu'il y a des lecteurs fâcheux, quoique estimables, avec qui il vaut mieux laisser là ce qu'on sent que de le dire, quand on ne peut l'exprimer que d'une manière qui paraîtrait singulière; ce qui arrive quelquefois pourtant, surtout dans les choses où il est question de rendre ce qui se passe dans l'âme; cette âme qui se tourne en bien plus de façons que nous n'avons de moyens pour les dire, et à qui du moins on devrait laisser, dans son besoin, la liberté de se servir des expressions du mieux qu'elle pourrait, pourvu qu'on entendît clairement ce qu'elle voudrait dire, et qu'elle ne pût employer d'autres termes sans diminuer ou altérer sa pensée). Ce sont les disputes fréquentes qu'on fait là-dessus, qui sont cause de ma parenthèse; je ne m'y serais pas engagé si j'avais cru la faire si longue, revenons.

dimanche, 13 mai 2007

"The Green bag is open/ed"

Le marteau de Thor s'est mué progressivement en croix de la chrétienté. (Les signes sont labiles. Les anagrammes sont des anamorphoses. Les frottements sont autant de rejets.)

Hier et ce matin, A. a redécouvert L'Âge de glace, qu'il n'avait pas regardé depuis plus d'un an. Curieux de découvrir quel était le texte original de la réplique "Hé, sac à dos plein de poils, on va v'nir t' faire ta fête !", j'ai pu m'apercevoir ici que la traduction était meilleure, en fin de compte :

You overgrown weasel. Wait till we get down there.

 

(Ce qui, plus littéralement, donnerait : Espèce de belette géante, attends un peu qu'on t'ait rejoint.)

16:00 Publié dans ... de mon fils | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : Traduction

samedi, 12 mai 2007

"Anu noceo"

Satires de Lucilius, suite. On trouve, dans les fragments retrouvés du livre VII, les trois vers suivants, qui réussissent la prouesse d'être à la fois très clairs et tout à fait énigmatiques :

Hanc ubi vult male habere, ulcisci pro scelere eius,

testam sumit homo Samiam sibi anu noceo, inquit,

praecidit caulem testisque una amputat ambo.

 

... que l'on peut traduire comme suit :

Comme il veut la malmener et se venger de ses forfaits, *

l'homme saisit un tesson de Samos en disant "Au cul la vieille" **

et d'un coup il se coupe la queue et les deux testicules ***

 

Le sens du fragment (lui-même arraché à l'oubli comme un testicule à un corps évanescent (a foolish figure)) est très clair ; le récit dans lequel il s'inscrivait est plus délicat à reconstruire.

 

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* Hier soir, au lit, j'ai lancé la phrase suivante, qui s'est avérée être un alexandrin parfait, au rythme saccadé :

T'as toujours tes Cendrars dans ton confiturier ? 

 

** Les adolescents latinistes ricanent toujours sous cape en apprenant qu'anus - us (substantif du 4ème groupe, et non du 2ème) signifie "vieille femme". Ici, le datif anu sert de boustrophédon à l'adverbe una (en même temps, de concert, d'un coup). Si j'ai, avec quelque liberté, rendu hommage à cette amphibologie, je n'ai pas trouvé de traduction honorable pour le jeu de mots testam/testis (tesson/rouston ?).

*** "Grossier personnage." (Aurélie)

vendredi, 20 avril 2007

Points virgules, élections, traductions estudiantines

Parcourant, pour la première fois depuis 2005, les quelques pages de journal écrites en juin 2002, je tombe sur ces trois entrées, toutes d'actualité : 

 

18 juin, 16 heures.

Sinon, passé une partie de la journée à corriger des versions insensées (adjectif employé littéralement). Texte difficile, certes, d’E. M. Forster, d’autant que s’adressant à des non spécialistes de deuxième année (notamment des lettres modernes), mais je sais, par expérience, que, même avec le texte le plus expurgé, le plus évident, le plus facile, on trouve des pépites sans nombre, des phrases entières dénuées de sens.

L’expression woolly rhinoceros (rhinocéros laineux (ils ont, pour l’examen, un dictionnaire unilingue) a donné lieu aux fictions les plus réjouissantes : ‘les indescriptibles rhinocéros’, ‘les rhinocéros blancs’, ‘les rhinocéros à poil’, ‘les rhinocéros à poils longs’, ‘les rhinocéros des bois’, ‘les rhinocéros poilus’, ‘les rhinocéros velus’, ‘les rhinocéros à laine’, et surtout (la palme !) ‘les rhinocéros angora’… ! La phrase elle-même a donné lieu à deux perles : « les luttes contre les mammouths ou ce qui nous semble être des rhinocéros » ; « fatigués des luttes contre le mammouth et contre la peau de rhinocéros ». Ce doit être fatigant, en effet, et même pour un homme de Néanderthal (dont il est question dans le texte), de se battre contre une peau de rhinocéros !

Mais ce n’est qu’un exemple parmi d’autres, plutôt amusant en l’occurrence. Le plus déprimant, ce sont ces monceaux, ces tombereaux de phrases alignées comme à la parade, où des mots vagues ou approximatifs sont juxtaposés et liés par une syntaxe incohérente, le tout ne signifiant, en fin de compte, absolument rien ! Il n’y a pas si longtemps, je pense, ce supplice était réservé aux professeurs de lettres classiques.

 

18 juin, 21 heures.

Hier, à la mosquée, avec Frédéric : il m’annonce qu’il a décidé de ne plus parler de politique, que cela n’a occupé que trop de ses conversations depuis son retour des Etats-Unis (il y avait passé une quinzaine fin avril, pour le travail, à Providence) et ce fameux second tour, que cela n’avance à rien, ne fait rien avancer, est épuisant finalement et contre-productif. Il n’a pas dit ça comme ça, je remets ça à ma sauce. Mais j’ai trouvé ça assez fort, et un peu agaçant aussi, qui sait…

  

 

20 juin, 8 h 45.

Je remarque que j’utilise beaucoup le point-virgule, dont Renaud Camus signale qu’il n’est pas apprécié des journalistes et des simplificateurs en tout genre ; le point-virgule joue un rôle très particulier aussi dans Le Génie du lieu ; cela mériterait une analyse.

« Puisque vous écrivez de courts paragraphes, à quoi vous sert le point-virgule ? »

Je ne sais.

vendredi, 06 avril 2007

Ma vie sur un coin de table

Franchement rarement été aussi crevé de ma vie, en plus je viens de m'apercevoir que j'ai oublié de prendre les photocopies pour l'atelier de demain à la Reprographie. Faudra faire sans, quel innocent ! La force de rien, je colle ici, tout benoîtement, mon ébauche de traduction (inachevée) de My Life in a Stolen Moment de Dylan.

 

Ma vie sur un coin de table

 

Duluth c’est une ville du Minnesota qui vit du transport fluvial de minerai

Construite sur une falaise rocheuse au bord du Lac Majeur

J’y suis né – mon père y est né

Ma mère venait d’une région plus au nord le pays du Fer

Le Pays du Fer est une longue traîne de villes minières

De Grand Rapids à Eveleth

Nous avons déménagé pour aller y vivre dans la famille de ma mère

À Hibbing quand j’étais jeune

À Hibbing il y a la plus grande mine de forage du monde

À Hibbing il y a des écoles, des églises, des épiceries – et une prison

Il y a un cinéma et au lycée il y a une équipe de football américain

À Hibbing le vendredi soir il y a des bagnoles trafiquées qui roulent à fond la caisse

À Hibbing il y a des petits bistrots où on joue des polkas

Si on se trouve à un bout de Hibbing on voit parfaitement l’autre côté de la ville

Hibbing c’est une bonne petite ville

J’ai fugué à dix, douze, treize, quinze, quinze ans et demi, mais aussi à dix-sept et dix-huit ans

On m’a chopé on m’a ramené presque à chaque fois

J’y ai écrit ma première chanson, pour ma mère, et ça s’appelait « À ma mère »

J’ai écrit ça quand j’avais dix ans et l’instit m’a mis un 15

J’ai commencé à fumer à onze ans et j’ai arrêté juste le temps de reprendre mon souffle

Je ne revois pas trop chanter mes parents

En tout cas je ne me revois pas échanger des chansons avec eux

Plus tard j’ai étudié à l’Université du Minnesota avec une bourse bidon que je n’ai jamais touchée

J’étais en fac de sciences et je me suis fait recaler car j’avais refusé de voir mourir un lapin

Je me suis fait virer du cours d’anglais pour avoir injurié le professeur dans un devoir

J’ai échoué à l’examen de communication parce que j’appelais tous les jours pour dire que je ne pouvais pas venir

En espagnol j’ai réussi mais ça je le savais d’avance

Je traînais dans un foyer et j’y étais si bien

J’y suis resté jusqu’à ce qu’on me demande de devenir membre

Alors je me suis installé chez deux filles qui venaient du Dakota du Sud

Deux nuits juste dans un F2

J’ai traversé le pont gagné la 14ème Rue et ai emménagé au-dessus d’une librairie qui vendait aussi des hot dogs infects des maillots de basket et des statues de chiens

Je suis tombé amoureux d’une petite actrice qui m’a cogné dans le bide

Et je me suis retrouvé à l’est du Mississippi avec une dizaine de potes dans un squat juste en dessous du pont Washington au sud des Sept Carrefours

Voilà à peu de choses près mes années d’étudiant

Après ça en stop je suis allé à Galveston, dans le Texas, en quatre jours

À chercher un vieux copain dont la mère m’a ouvert la porte

M’a dit il s’est engagé

Le temps qu’elle referme la porte de la cuisine

J’étais déjà en Californie, et presque dans l’Oregon

Dans la forêt je suis tombé sur une serveuse qui m’a pris en stop

Et m’a laissé quelque part dans l’état de Washington

En dansant j’ai quitté la fête des Indiens à Gallup, Nouveau Mexique

Le Carnaval de la Nouvelle Orléans, en Louisiane

Le pouce tendu, tombant de sommeil, le chapeau relevé, la tête bien enlevée

J’errais j’en apprenais des tonnes

Je me faisais ma petite Dépression

Ça m’éclatait de voyager en train de marchandises

Ça me faisait marrer de prendre des gnons

Je touchais quelques dollars à couper de l’herbe

Et quelques cents avec mes chansons

J’ai fait du stop sur la 61, la 51, la 75, la 169, la 37, la 66, la 22

La Gopher Road, la 40 et la HJ Turnpike

On m’a soupçonné de vol à main armé – jeté en prison

On m’a gardé quatre heures en cabane pour une histoire de meurtre

On m’a chopé parce que j’ai une drôle d’allure

Et j’avais rien fait d’ tout ça

Dans tout ça j’ai pris le temps d’apprendre à jouer d’ la guitare

Dans tout ça j’ai pris le temps de commencer à chanter

Dans tout ça j’ai pris le temps de commencer à écrire

Mais jamais j’ai pris le temps de savoir pourquoi

J’ai pris le temps de faire ça – quand on me demande

À moi pourquoi et où j’ai commencé, je secoue la tête j’esquive des yeux et je m’en vais sans dire un mot

Après Shreveport j’ai atterri à Madison, dans le Wisconsin

De Madison on s’est fourrés à cinq dans une petite Pontiac

Et on a filé droit vers le sud direct vers l’est et 24 heures après on était encore sous le tunnel de l’Hudson

On partait dans une tempête de neige on disait adieu de la main aux trois autres, on s’est baladés sur MacDougal St avec cinq dollars en tout – mais on n’était pas pauvres

J’avais ma guitare et mon harmonica

Et lui il avait les fringues de son frère à mettre au clou

Au bout d’une semaine il est reparti à Madison et moi je suis resté

[...]

jeudi, 05 avril 2007

Traduire Bob Dylan tous azimuts

Pauline, une des étudiantes qui va participer à l'atelier Traduire Bob Dylan après-demain (et qui fit partie des recrues de la première heure !), vient de me signaler qu'elle avait, de son côté, travaillé sur Blowin' in the Wind, Mr Tambourine Man et Subterranean Homesick Blues.


podcast

Je me repasse cette dernière, suis plutôt inspiré, me dis que je devrais me pointer aussi samedi avec mon ébauche de traduction de My Life in a stolen moment (Ma vie à la dérobade).

Traduire Bob Dylan rue Ronsard

Cela tournait dans ma tête depuis quelque temps. Man of Peace fait partie des chansons de Bob Dylan que j'aimerais bien traduire (même si elle n'est aucunement prévue pour samedi). La question de la traduction des références bibliques me taraude depuis longtemps (et je l'ai croisée souvent), et c'est l'une des raisons de mon intérêt pour ce texte-ci.

Ce matin, marchant dans la rue, j'ai trouvé une traduction "chantable" de la première strophe, que je propose ci-après. Content des rimes internes, très riches, mais c'est le refrain qui cloche (work in progress).

Look out your window, baby, there's a scene you'd like to catch,

The band is playing "Dixie," a man got his hand outstretched.

Could be the Fuhrer / Could be the local priest.

You know sometimes Satan comes as a man of peace.

 

Regarde un peu par la fenêtre, il s'en passe de belles :

Un orchestre qui joue Dixie et un homme qui fait la quête.

Ce pourrait être Hitler

Ce pourrait être un prêtre.

Satan est adroit, parfois, il prêche la paix (je crois)

mercredi, 06 décembre 2006

Poupon la Peste...?

Hier, lors d'un cours de traduction journalistique de première année, il y avait, dans un texte intitulé "Why Are Oil Prices So High?" (que l'on peut retrouver reproduit ici, dans un forum), l'expression "big boys", employée dans un sens métaphorique pour parler des grandes compagnies pétrolières. Nous avons peiné à trouver une traduction, car toutes les propositions allaient soit dans le sens de la démétaphorisation (magnats du pétrole) ou de la transposition de métaphore (géants, déjà employé à plusieurs reprises dans la traduction), ou encore (et c'est là le plus intéressant) vers des tournures archaïques (grosses légumes, huiles) ou prêtant à contresens en raison de leur emploi dans des contextes mafieux (gros bras, gros bonnets, caïds, gros poissons). J'avais aussi envisagé cadors, trop familier (et, de plus, est-ce là l'orthographe de ce mot qui ne s'emploie qu'à l'oral?).