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dimanche, 22 juin 2025

22062025

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Une des choses suprêmement agaçantes avec Facebook, quand on consulte le réseau social sur téléphone, est qu’on ne peut pas désactiver la traduction automatique. Cette évolution désastreuse, qui risque de me pousser à ne plus consulter FB que sur ordinateur, a tout de même fait apparaître aujourd’hui un fail particulièrement savoureux.

 

En effet, outre le fait que le logiciel de traduction automatique (mauvais : est-ce Bing ou Reverso ? je ne crois pas que Google Translate ou DeepL ferait ce genre d’erreurs) n’arrive pas à traduire différemment les dyades fireman/firefighter et fisherman/fisherfighter (or, c’est là toute la blague), il se vautre allègrement pour les deux autres… et surtout, chose qui pourrait passer inaperçue, il traduit « gender neutral guide » par guide neutre pour le sexe.

 

samedi, 21 juin 2025

21062025

Il va encore faire une très forte chaleur aujourd’hui.

D’un point de vue politique, la situation devient si catastrophique, jour après jour, que je vais me contenter de relayer ce billet du député écologiste Charles Fournier :

 

On nage en plein délire climatosceptique !

L’Assemblée nationale a pris ces dernières semaines le chemin d’un véritable voyage en absurdie, où se succèdent des textes de loi tous plus dangereux et irrationnels les uns que les autres pour nos protections environnementales, sociales, et démocratiques.

Projet de loi de simplification de la vie économique, proposition de loi Duplomb visant à lever les contraintes au métier d’agriculteur, proposition de loi portant programmation nationale dans le secteur de l’énergie : derrière l’ambition affichée se trouvent en réalité des textes dévoyés, de véritables bombes à retardement contre la science, contre notre santé, contre la biodiversité, contre notre sécurité alimentaire, contre notre sécurité énergétique.

Alors que les scientifiques nous alertent de manière incessante sur l’amplification des catastrophes naturelles à venir, sur l’effondrement de la biodiversité, sur la nécessité de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C pour préserver l’habitabilité de la planète ; les députés de droite et d’extrême droite rivalisent de propositions dogmatiques, carbofascistes, entraînant des reculs pour nos droits et notre avenir.

A l’initiative du RN, du groupe UDR et de la Droite Républicaine, appuyés par un bloc central qui porte une lourde responsabilité dans les régressions adoptées tant par son absence que sa complaisance, l’Assemblée nationale a adopté une accumulation d’horreurs. Moratoire sur toute nouvelle production d’énergies renouvelables en France, réouverture de la centrale de Fessenheim, réintroduction des néonicotinoïdes - poison pour les pollinisateurs et la santé des Français·es, suppression des zones à faibles émissions au détriment des exigences de qualité de l’air, recul sur les objectifs de zéro artificialisation nette…

La droite et l’extrême droite sacrifient sciemment notre santé sur l’autel des intérêts économiques des industriels, des lobbys des fossiles, de l’agrochimie. Cette mascarade climatique et énergétique doit urgemment cesser.

Relayez ce post autour de vous, parlez-en, indignons-nous ! Ce sont nos vies et celles des générations futures qui sont en jeu.

 

 

vendredi, 20 juin 2025

20062025

Nicolas, le libraire de l’excellente librairie Les Temps sauvages, m’a montré une phrase extraite de la traduction de Mila 18 de Leon Uris aux Belles Lettres, et dans laquelle il est question d’une « insurrection-bébé ». Voici la phrase dans son entier :

Aujourd'hui, nous avons infligé aux Allemands leur plus humiliante défaite depuis le début de notre insurrection-bébé.

 

Cette expression n’a aucun sens, et ne se situe pas non plus dans le contexte d’une écriture expérimentale (à la Stein) ou délirante / rigolote (à la Sharpe). Nicolas a retrouvé la phrase originale : “Today we administered to the Germans their most humiliating defeat of our infant rebellion.” Il va donc de soi qu’il aurait fallu traduire par « révolte naissante » ou « début de rébellion » si vraiment on veut recatégoriser à tout-va.

Il s’agit de la traduction de Jean Nioux, d’abord parue chez Robert Laffont en 1962 et rééditée (telle quelle, il faut croire) aux Belles Lettres. Cela montre tout d’abord qu’on pouvait tout à fait traduire n’importe comment et publier n’importe quoi longtemps avant l’ère du « les jeunes ne connaissent plus le passé simple » et des IA génératives. Cela montre surtout que certains éditeurs se contentent d’envoyer des documents que personne n’a relus aux imprimeurs et d’encaisser le pognon. On sait que les Belles Lettres sont une maison fumeuse depuis un bon bout de temps ; en voici la confirmation.

 

Cela me rappelle que j’ai écrit il y a maintenant quatre semaines à la responsable de la littérature étrangère des éditions Denoël, et que je n’ai toujours pas eu de réponse, même pas un vague accusé de réception pour me dire qu'une réponse de fond suivra. Voici comment commençait (ou presque) mon mail, à propos de la traduction française de Paradise d’Abdulrazak Gurnah : « J’ai pris connaissance de la traduction d'Anne-Cécile Padoux, publiée en 1995, mais dans la version rééditée en décembre 2021. Il se trouve que cette traduction pose un certain nombre de problèmes, et j'aimerais, avant de peaufiner l'article de recherche que je vais consacrer à cette question, savoir si les erreurs constatées viennent de choix éditoriaux ou de la traductrice elle-même. »

Et je l’achevais ainsi, après une longue série d’exemples démontrant que tout un réseau métaphorique du roman de Gurnah était globalement effacé ou marginalisé dans la traduction française, et ce avant les formules rituelles :

« Comme vous le voyez (et j'ai d'autres exemples sur lesquels je suis en train de travailler), on peut assez aisément argumenter que le texte français de Paradis n'est pas conforme, au moins en partie, au texte du roman original en anglais. J'espère que vous pourrez m'aider dans mes recherches en m'apportant les éclaircissements nécessaires. »

 

Mon mail vise réellement à m’aider à comprendre, et à intégrer les informations dont dispose l’éditrice à mon travail de recherche. Bien entendu, je sous-entends fortement qu’un tel torchon ne devrait jamais avoir été réédité (mais la manne du Nobel excuse tout, n’est-ce pas), let alone published. Je l’ai sous-entendu, mais je ne l’ai pas écrit. Et dans l'article de recherche que j'écrirai à ce sujet, pas davantage.

En tout cas, je l'écris ici : si vous lisez Paradis aux éditions Denoël, vous lirez un roman, mais ce ne sera pas le roman d'Abdulrazak Gurnah.

 

jeudi, 19 juin 2025

19062025

Levé depuis 4 h 50, suite à un cauchemar vraiment pénible, j’ai pas mal travaillé : des bricoles, mais qu’il fallait faire. Ce matin, je dois enregistrer une vidéo, la plus sommaire et la plus expéditive possible, afin de pouvoir dégager une partie des piles qui encombrent mon bureau. C’est un de ces moments où plein de choses se décantent en même temps, tout en semblant engluées dans le ça-ne-finira-jamais : impression de submersion.

Il faut dire que quand je me pose deux minutes pour tenter d’appréhender mon programme de travail des deux prochaines années (et pire, des six prochains mois), je me dis que je suis dingue.

 

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mercredi, 18 juin 2025

18062025 (Kneecap)

Nous avons assisté à la première projection – suivie d’un bref débat avec, notamment, mon collègue Erick Falc’her-Poyroux – de Kneecap, film de Rich Peppiatt autour (et avec les trois membres) du groupe de rap d’Irlande du nord Kneecap.

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On ne s’ennuie pas une seconde, le film est très riche en allusions et références culturelles et historiques au conflit nord-irlandais, les questions politiques liées aux diverses assignations du gaélique sont assez bien abordées, et enfin la musique même du groupe (que je ne connaissais pas et qui chante un peu beaucoup en anglais quand même) est très bonne, très énergique. Et pourtant, le problème est que ce n’est pas tant un film qu’une suite de bribes de clips articulées autour d’un mauvais scénario de série télévisée dans lequel tous les personnages sont stéréotypés et toutes les situations sont d’une incroyable lourdinguerie ; j’ai vraiment serré les dents face à des répliques et des cadrages tellement rebattus que le franglais cringe est le seul mot qui s’impose. Le virilisme – qui est un vrai sujet de débat au sein du rap, même dans ses dimensions contestataires – n’est jamais discuté : les trois personnages féminins sont simplement en pâmoison devant ces « vrais mecs ». Protestants ou catholiques, on s’entendra toujours, visiblement, sur la structure hétéropatriarcale…

Or, le rap est devenu, de facto, et s’est affirmé – dans la durée – comme le mouvement musical transnational qui permet des expressions contestataires de qualité en mettant en avant, notamment, des langues minoritaires ou minorisées. L’ignorance (et la volonté délibérée de marginaliser le rap) était encore très évidente hier soir, y compris dans le public. J’étais un peu sidéré de voir que l’intervenant présenté comme spécialiste du rap n’avait pas d’autre réponse, à la question posée de l’existence de groupes de rap chantant en breton, que de citer La Tribu de Dana de Manau... Quitte à citer Manau, qui ne chante qu’en français, il aurait mieux valu citer Panique celtique. Et, même sans connaître Plouz et Floen (un duo qui a percé vraiment tout récemment), il me semble que citer Krismenn eût été la moindre des choses : cela fait quand même quinze ans qu’il est très présent sur la scène du rap en Bretagne (et donc en breton).

Sur cette question du rapport entre le breton et les langues minorisées, ça m’a amusé que mon voisin, un vieil ami, me glisse à un moment donné « y a-t-il du rap en ouïghour ? », car, de fait, j’en diffuse, sur la recommandation de mon invité Norbert Danysz, dans l’émission qui sera diffusée lundi prochain. J’en ai profité pour faire le point et noter qu’en quinze émissions j’ai diffusé, soit de mon fait soit – plus souvent – grâce à mes invité·es, des morceaux de rap en occitan, en turc, en quechua, en yoruba et pidgin nigérian, en afrikaans, sans parler de Baby Volcano qui mélange l’espagnol, le français et l’anglais dans la moitié de ses chansons.

 

mardi, 17 juin 2025

17062025 (Ayi Kwei Armah)

Ayi Kwei Armah, un des écrivains majeurs de la première génération post-Indépendances, est aussi un de ceux qui sont le moins connus en France, faute (là encore) de traductions.

Il faut dire qu’Armah a décidé, à partir des années 1980, de ne plus publier ses livres "qu’au pays", et que même au Ghana il n’était guère apprécié (euphémisme), de sorte que ses derniers romans, un par décennie, sont à peu près introuvables. Il faut avoir de la volonté, vraiment beaucoup, pour mettre la main sur le texte original d’Osiris Rising (1995), de KMT : In the House of Life (2002) ou de The Resolutionaries (2013).

 

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Je me rappelle qu’à mes débuts à l’université de Tours je travaillais régulièrement avec mon collègue et ami Philip Whyte, spécialiste notamment de l’œuvre d’Armah (j’ai relu une bonne partie de la version livre de sa thèse en trois volumes, publiée chez L’Harmattan à cette époque-là), et qu’il cherchait vainement à se procurer un exemplaire de KMT. C’était avant les sites de téléchargement illégaux, mais Amazon, African Books Collective et autres existaient déjà. J’avais fini, si mes souvenirs sont bons, par passer commande auprès de la maison d’édition d’Armah, de deux exemplaires – tant qu’à faire : le montant avait bien été prélevé mais nous n’avons jamais reçu les livres.

Cela pour expliquer pourquoi ces textes d’un auteur pourtant primordial ont cessé de circuler il y a déjà longtemps. J’y repense en lisant le mémoire de M2 d’un étudiant qui travaille notamment sur le premier roman d’Armah, The Beautyful Ones Are Not Yet Born. J’ai l’impression, en consultant le SUDOC, que c’est le seul de ses romans à avoir été traduit en français, sous le titre L’âge d’or n’est pas pour demain (traduction Josette et Robert Mané, Présence Africaine, 1976).

 

Or, les quatre romans suivants ont été publiés chez Heinemann et sont tout à fait disponibles, faciles à trouver :

Fragments (1969)

Why are we so blest? (1972)

Two Thousand Seasons (1973)

The Healers (1978)

 

___________

Illustration : édition russe de The Healers (1980).

 

lundi, 16 juin 2025

16062025 (Le conservatisme d'extrême-droite en toute décontraction)

Voici, sans beaucoup de commentaires, quatre captures d'écran prises dans les post publics d'un collègue professeur de lettres en lycée. J'ai caché son nom (encore que la dimension publique des posts en question ne m'y oblige pas) ; on peut lire plus distinctement les messages et les images en cliquant dessus, mais j'ai préféré ne pas afficher ces torchons de façon trop visible.

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Voici comment fonctionne l'extrême-droite : par le conservatisme culturel qui restreint l'art à la figuration (qui daube encore sur l'art abstrait d'un Pierre Soulages en 2025 ?) ; par la transphobie la plus crasse (je ne dis rien de la nullité du dessin en tant que dessin) ; par la confusion (volontaire ou pas, qu'importe) entre misandrie et féminisme ; enfin, en prônant le prétendu "féminisme" d'un des ouvrages les plus symptomatiques du backlash d'extrême-droite de la dernière décennie.

 

dimanche, 15 juin 2025

15062025

Aujourd’hui, fête des pères.

 

Comme pour la fête des mères (et comme beaucoup de gens, je crois), je suis toujours gêné aux entournures par ces fêtes, qu’on fête quand même mais qui n’ont guère d’importance mais qu’on fête mais pour lesquelles on n’a pas trop d’idée mais…

Si A* et O* pensent à m’envoyer un mot gentil ou s’ils sont là et qu’on mange un bon gâteau, c’est bien ; je n’attends pas de cadeau, ce qui veut dire que je ne suis vraiment pas déçu si je n’en reçois pas.

 

Cette année, mon père attendra son cadeau, sous forme de repas au restaurant avec nous à Jersey.

 

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samedi, 14 juin 2025

14062024

Jeunes mères des frères Dardenne. – Bouleversant. Peut-être suis-je un inconditionnel de leurs films, puisqu’ils avaient même réussi à me faire aimer le jeu de Marion Cotillard (est-ce parce qu’ils avaient réussi à lui faire abandonner sa petite moue permanente ?). En tout cas, même si je suppose que certains critiques auront dit que celui-ci versait un peu dans le pathos, je trouve ça magnifique : ils tiennent la ligne des quatre histoires parallèles qui ne se croisent que dans la maison maternelle, et le scénario a permis d’explorer quatre histoires de filiation très différentes, ainsi que de représenter l’absence – pas systématique – des pères. Toujours à petites touches, comme par leurs cadrages si reconnaissables, les frères Dardenne évoquent aussi les addictions, la difficile réinsertion par le travail, et même – timidement – le racisme. Les actrices sont excellentes, aussi car elles sont magnifiquement dirigées ; j’ai envie d’écrire que même les bébés jouent bien…

 

20:55 Publié dans 2025, Tographe | Lien permanent | Commentaires (0)

vendredi, 13 juin 2025

13062025

Hier, dénué d’énergie, j’ai seulement pu enregistrer l’émission de radio qui sera diffusée le 23 juin, passer au garage faire réparer le rétroviseur que j’avais pété comme un gros bouffon, et ensuite traînailler sans rien pouvoir faire : pas pu faire la sieste, pas pu avancer dans mon travail, et je n’ai fini par réussir à lire qu’en fin de journée. — Je lis beaucoup de livres brefs, tout en me disant que cela me motiverait davantage de me lancer dans un gros pavé.

Ce matin, j’ai enfin écrit ma recension du Cantonnement de Ronelda S. Kamfer. La nuit a été (un peu) réparatrice. Je vais enchaîner.

 

Il fait chaud ; encore deux lessives.

 

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jeudi, 12 juin 2025

12062025

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J'aime beaucoup beaucoup beaucoup ce livre, mais le lire a eu des effets délétères sur moi.

 

 

Par exemple, je ne suis plus capable de lire ni de prononcer un mot en anglais.

 

 

Ça pourrait être gênant dans mon métier.

mercredi, 11 juin 2025

11062025

Cela faisait dix-neuf ans que je n’avais pas vu Nuruddin Farah, et en fait pendant dix-huit ans le contact avait été rompu même par mail. C’est moi qui l’ai recontacté il y a trois mois, et le hasard ayant fait qu’il soit de passage à Paris, j’ai sauté dans le premier train du matin et ai passé deux petites heures avec lui dans un café d’Asnières.

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Nous avons parlé de beaucoup de choses, notamment de son insistance toujours plus catégorique à ne pas se mêler de ce qui n’est pas l’écriture de son œuvre : il ne lit pas la presse, il ne lit pas les travaux universitaires, ne lit pas les traductions dans les langues qu’il connaît. Je me rappelle qu’à l’époque où j’ai écrit ma thèse et traduit Yesterday, Tomorrow ce côté était extrêmement rassurant. Je ne comprends pas les traducteurices ou les universitaires qui pensent que quelque chose leur manque s’iels ne peuvent pas échanger avec l’auteurice. Bien sûr, échanger avec Nuruddin Farah m’a apporté beaucoup, mais il était très important aussi que cela se fît après ma thèse ; j’ai échangé quelques mails avec lui en 2000, et je l’ai rencontré deux fois alors que j’étais déjà maître de conférences.

 

Je veux croire à l’importance de certaines coïncidences. Ce matin, juste avant d’arriver à la gare d’Austerlitz, j’ai lu – dans le roman d’Eliana Alves Cruz que j’aime beaucoup mais que j’avais un peu laissé traîner – la phrase suivante : « Le meilleur endroit pour se cacher c’est sous le nez de celui qui cherche. » (p. 184). Or, j’ai beaucoup réfléchi, depuis trois mois, aux derniers romans de Nuruddin Farah, ces fameux romans qui n’ont pas trouvé d’éditeur en France, et notamment à Hiding in Plain Sight, dont je me demande depuis onze ans comment on pourrait traduire son titre. La phrase de Zé Savalu, dans le roman traduit par Daniel Matias, fait écho à ce titre.

 

L’essentiel de ce que Nuruddin m’a confié a trait aux deux livres de lui qui paraîtront bientôt. Je n’en dis donc rien ici.

 

mardi, 10 juin 2025

10062025

 

 

Claire et moi avons renoué avec l’exercice – déjà tenté en 2024 – de l’unboxing au retour de Saint-Malo. Ça ne fait pas encore une série, mais enfin…

lundi, 09 juin 2025

09062025

Il faisait (enfin) un peu moins froid à Saint-Malo aujourd’hui. Pas la force ni le temps de faire un bilan de ces trois jours fort riches (et assez fatigants). Quelques belles découvertes, des retrouvailles amicales, trois beaux films, des rencontres souvent décevantes, et un logement dans un quartier de la ville que nous ne connaissions pas.

 

21:14 Publié dans 2025 | Lien permanent | Commentaires (0)

samedi, 07 juin 2025

07062025

Au cours de cette journée passée au festival Etonnants voyageurs, j’ai été frappé par ce qui n’est pas une coïncidence. Lors d’une table ronde réunissant Ananda Devi, Vidya Narine et la romancière brésilienne Eliana Alves Cruz dont j’ai commencé à lire le seul roman traduit hier, Ananda Devi a évoqué Mahé de la Bourdonnais, dont plusieurs toponymes soulignent l’héritage (extrêmement douteux pourtant) sur l’île Maurice. Or, le matin même nous étions passés, en nous rendant de l’appartement que nous louons à la cité intra muros, près de la statue de Mahé de la Bourdonnais. Ananda Devi a insisté sur le fait que les esclavisés, les engagés, tous les opprimés du système colonialiste étaient absents des toponymes, qu’ils n’avaient pas de nom.

J’ai repensé au fait que, dans les toutes premières pages du roman d’Eliana Alves Cruz, elle évoque le rôle de Duguay-Trouin dans les luttes entre forces coloniales à Rio de Janeiro : de façon tout à fait ironique, le Palais du Grand Large, où se déroulait la rencontre, se trouve quai Duguay-Trouin. Le grand écrivain malgache Johary Ravaloson, assis à côté de moi – et qui a passé un mois et demi en Inde ce printemps, à l’invitation des Alliances françaises – m’a soufflé que cet amiral avait également joué un rôle important à Pondichéry.

Il n’y a pas de coïncidence : Saint-Malo est un port, et comme tous les grands ports historiques, chaque rue, chaque place célèbre des figures de l’expansionnisme européen, en effaçant les crimes contre l’humanité auxquels ces figures ont participé.

Olivette Otele a annoncé cette semaine qu’elle avait achevé d’écrire son livre Doorways to Empires. 15 Ports that Made Empires through Slavery, qui devrait être publié en 2026 et qu’il me tarde de lire.

 

vendredi, 06 juin 2025

06062025 : vingt ans après un débarquement

M’y voici donc : ceci est le 5.476e billet d’un blog né il y a tout juste vingt ans.

Cela fait plusieurs semaines que je me demande comment marquer le coup, et je n’ai pas tellement de meilleure idée que de tenter un très modeste bilan.

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Quand j’ai créé Touraine sereine, je venais d’avoir trente ans. J’en ai donc cinquante, et ce blog couvre une petite moitié de ma vie. En plus de cinq mille billets, je peux retrouver des traces de ma vie, c’est-à-dire aussi de moments d’expérimentation que j’ai laissés de côté depuis.

Quand j’ai créé Touraine sereine, l’idée superficielle était de tenter de rendre compte des lieux de Touraine que j’aimais visiter, où j’aimais me promener, et de mon travail dans cette région où nous nous étions installés depuis deux ans – d’où le nom du blog. L’idée, moins superficielle, était de m’inciter à écrire plus régulièrement en bénéficiant d’échanges avec des lecteurices (comme on n’écrivait pas alors, quand le règne du masculin pseudo-neutre n’était pas encore tellement mis à mal). En effet, j’ai toujours écrit, mais mal, irrégulièrement, sans me discipliner. Avec l’avènement des blogs, courant 2004, j’ai vu se dessiner une manière de me contraindre enfin à écrire : je savais que si mes textes étaient publiés immédiatement, donc lisibles et lus – les blogs étaient alors de véritables forums, for better and for worse – je m’y tiendrais. Et d’ailleurs, les premiers mois furent frénétiques, polygraphiques : chaque semaine je créais de nouvelles rubriques ; certains jours je publiais une demi-douzaine de billets, généralement courts, mais pas toujours.

En février 2006, huit mois plus tard seulement, suite à un raid de harceleurs d’extrême-droite (eh oui, déjà), je créai un second blog, dans lequel je décidai de pousser plus loin mes expériences d’écriture : ce blog, que j’appelle parfois par périphrase le blog anthracite, a connu un rythme de publication beaucoup plus irrégulier. Je le considère désormais comme une archive complémentaire de Touraine sereine, de sorte que, sans solution de continuité, il faudrait additionner ses 3.609 billets aux 5.476, soit un peu plus de neuf mille billets, qui ne sont pas tous des textes, ni des textes très élaborés : en tout cas, même avec les mois entiers où ces deux blogs sont restés, l’un ou l’autre, en jachère, cela revient à dire que j’ai écrit, en moyenne, plus d’un billet par jour au cours de ces vingt années.

 

Verre d’eau à moitié vide : ces carnets ont toujours eu tendance à partir dans tous les sens, et – notamment – à m’éloigner de mon travail de chercheur. Si je n’avais pas « perdu » ces milliers d’heures ici et là, j’aurais peut-être fini par me remettre à l’écriture d’articles et d’ouvrages au sein de mon domaine de recherche. Pour ce qui est des expérimentations d’écriture, malgré quelques projets conçus comme de vrais livres et qui pourraient – si j’étais moins feignant et, surtout, si je pensais que le bouquin intéressera quelqu’un – être soumis à un éditeur, je ne suis pas plus devenu un écrivain qu’au cours de la décennie précédente (1991-2005). Le blog est, depuis longtemps, devenu monologue. D’ailleurs, il n’y a presque plus jamais de commentaire (le dernier, qui date d’il y a cinq semaines, est une phrase insultante au sujet de mon physique).

Verre d’eau à moitié plein : pour « rebondir » sur la dernière remarque ci-dessus, j’ai réussi à ne jamais totalement lâcher l’affaire, malgré l’absence d’écho ou de discussion sur le blog, et malgré la concurrence des réseaux sociaux, qui n’ont jamais supplanté l’idée et la pratique même du blog. D’ailleurs, si je mourais demain, il y aurait ces deux sites dans lesquels les personnes qui veulent se souvenir de moi trouveraient à piocher, de façon nettement plus pratique et rapide que sur un compte Facebook par exemple : il suffit d’aller sur un jour ou sur un mois donné puis de modifier les chiffres au sein de l’URL pour se déplacer facilement dans la chronologie ; de même, les rubriques permettent de retrouver tout ce que j’ai pu écrire, au fil de la plume et des hasards, sur les littératures africaines par exemple, ou les sonnets (ici et ), ou les photographies, ou les bribes traductologiques etc.

(Au passage il faudrait que je « perde » quelques heures, un de ces jours, pour effectuer une sauvegarde de tout ce bazar.)

 

Ces milliers de pages constituent donc une archive, qui me permettent donc de me dire que, même si je n’ai pas fait grand-chose au plan professionnel, je n’ai pas rien fait non plus : l’archive est là. Si un jour mes traductions de poèmes allemands, par exemple, intéressent quelqu’un, elles sont déjà là (verre d’eau à moitié vide : on pourrait me les piquer et se les approprier sans que j’en sache rien).

Je compte donc continuer. Ces derniers temps, je parle beaucoup de mon travail, ou plutôt de mes travaux. C’est peut-être une phase. Après tout, qui peut deviner encore, dans l’avenir, quelles métamorphoses ?

 

10:19 Publié dans 2025 | Lien permanent | Commentaires (4)

jeudi, 05 juin 2025

05062025

Je jette un œil au début d’une traduction d’un roman américain contemporain, pas très bien traduit il faut le dire. Dans le dialogue, un personnage cite une phrase du Conte d’hiver de Shakespeare (The Winter’s Tale selon le titre original de la pièce). La phrase, de Florizel, se trouve dans la scène IV de l’acte IV : “I cannot be Mine own, nor any thing to any, if I be not thine.”.

Un rapide tour des traductions permet de dresser l’inventaire suivant :

Guizot, 1863 : je ne puis être à moi, ni à personne, si je ne suis pas à toi

Montégut, 1867 : Si je ne suis pas à toi, je ne puis être à moi-même, ni être rien pour personne

F.-V. Hugo, 1868 : je ne puis plus être — à moi, ni à personne, si — je ne suis pas à toi

Koltès, 1988 : je ne puis être ni à moi ni à personne, si je ne suis pas à toi.

 

Or, la traductrice choisit probablement de ne pas user d’une des traductions libres de droit et traduit ainsi, pataudement (et avec un contresens de préposition) : « Je ne peux être moi-même, ni rien pour personne, si je ne suis pas pour toi. »

Mais… pourquoi… ?

 

mercredi, 04 juin 2025

04062025

Trop de choses m’intéressent, et je m’ajoute sans cesse de nouvelles activités – ou des bricoles, comme je dis. C’est un peu dans une telle frénésie qu’est né ce blog il y aura vingt ans après-demain, surtout dans les mois suivirent et me virent tenter tant de choses en parallèle, dans cette frénésie d’écriture qui avait enfin trouvé un point d’ancrage. Et d’ailleurs, aujourd’hui, vingt ans plus tard, la volonté de marquer cet anniversaire fait partie des bricoles qui me tournent dans la tête.

 

Ce n’est pas pour parler de cela que j’avais commencé ce texte ; là encore, typique.

D’ailleurs, le texte que je voulais écrire, c’était pour dire pourquoi je m’étais arraché à la chaise longue où je m’étais installé depuis moins d’une heure, sur la terrasse, avec Featherhood de Charlie Gilmour. Ce matin, j’avais plein de choses à faire, côté travail, et je n’en ai pas fini, mais après le déjeuner j’ai regardé in extenso le quart de finale stupéfiant de la jeune Française inconnue Loïs Boisson, sans regrets (j’ai l’impression d’être très fatigué et d’avoir besoin de ce genre de coupure), puis je me suis installé dehors pour lire car je dois avancer dans Featherhood.

Et donc voici ce qui est symptomatique : je lis Featherhood car je vais servir d’interprète – première fois que je ferai cela, qui est un vrai métier et ne s’improvise pas, j’ai vraiment les foies – pour son auteur, Charlie Gilmour, lors des tables rondes de la Vegan Place, le 28 juin. En effet, Charlie Gilmour se verra remettre le Prix Maya 2025 catégorie Récits pour la traduction française de ce livre (Premières plumes en français).

 

Je pourrais me contenter de ça : lire le livre en anglais pour être capable de comprendre de quoi il retourne. Oui, mais le livre est bien écrit ; il m’intéresse. Donc me voici notant plusieurs passages dans lesquels Gilmour procède, par le langage – c’est-à-dire au moyen de métaphorisations, presque de jeux de mots –, à établir une continuité entre l’oiseau l’animal humain. Et me demandant comment c’est traduit. Mais Claire n’a plus son exemplaire de Premières plumes, de sorte que je devrai vérifier plus tard.

Et je note d’autres choses encore.

Au point de sentir le besoin irrépressible de m’échapper de la chaise longue pour raconter cela ici : après tout, j’ai trois jours de retard dans ces carnets, n’est-ce pas ?

Je m’épuise, non pas au sens fort / sérieux – mais : ma propre personne est un sujet d’épuisement, quand j’y pense.

 

Alors je pense que ce n’est pas possible que le traducteur français, Anatole Pons-Reumaux, ait réussi à conserver toutes ces images, ces jeux de langage, cette métaphorisation des humains en oiseaux, qui revient si souvent. Et d’ailleurs ça dépasse le domaine ornithologique, ça s’étend à l’oisellerie (et donc à la prédation ou à l’asservissement des oiseaux par les humains – I start to feel like I’m being hoodwinked, p. 108) et à d’autres animaux, à d’autres situations qui relèvent de la faune maritime, et là encore de la prédation, toujours en relation avec la figure du père biologique, le fuyant Heathcote Williams : when I try to fish for more details, he clams up.

Bien sûr, on peut essayer de traduire cela. I start to feel like I’m being hoodwinked > J’ai l’impression qu’il me prend pour une buse… [?] (Je précise que le hoodwink, c’est, à l’origine, le capuchon dont on se servait pour aveugler les oiseaux de proie captifs utilisés en fauconnerie.) When I try to fish for more details, he clams up. Quand j’essaie d’aller à la pêche aux informations, il se referme comme une huître. ––– On peut essayer, mais je ne suis pas sûr que je n’aurais pas moi-même opté pour des traductions démétaphorisantes moins lourdes. Je verrais ce qu’en a fait le traducteur. Or, tout de même, ici Heathcote Williams, le père démissionnaire, le père absent, c’est celui qui mettrait un capuchon d’aveuglement sur la tête de son fils pour le rendre docile ; cette image, ce n’est pas rien.

 

Bref, je m’épuise.

 

mardi, 03 juin 2025

03062025 (anthologie de Sparks)

Comme plusieurs personnes que j'aime ne connaissent pas mon groupe favori, Sparks, j’ai décidé de procéder à une anthologie très restrictive, puisque je n’ai gardé qu’une seule chanson par album (que ce fut dur !).

Choix très subjectif, donc, mais qui a le mérite d’aller au-delà des deux ou trois morceaux.

J’ai numéroté dans le sens inverse, de l’album le plus récent au plus ancien. Piochez là-dedans, les ami-es ! Et rappelez-vous qu'il en manque des dizaines que j'adore, par la force des choses...

  1. Don’t Dog It !
  2. Not That Well-Defined
  3. Sympathy for the Abyss (BO. du film/opéra Annette)
  4. Lawnmower
  5. So Tell Me Mrs. Lincoln Aside from That How Was the Play?
  6. Collaborations Don’t Work (FFS)
  7. Garbo Sings
  8. I Can’t Believe That You Would Fall for All the Crap in This Song
  9. Perfume
  10. Ride ‘Em Cowboy
  11. It’s A KnockOff
  12. When Do I Get To Sing “My Way”
  13. When I Kiss You I Hear Charlie Parker Playing
  14. A Walk Down Memory Lane
  15. Shopping Mall of Love
  16. Pulling Rabbits Out of a Hat
  17. All You Ever Think About Is Sex
  18. Sherlock Holmes
  19. That’s Not Nastassia
  20. When I’m With You
  21. Beat the Clock
  22. Forever Young
  23. I Bought the Mississippi River
  24. Tits
  25. Thanks but No Thanks
  26. This Town Ain’t Big Enough for Both of Us
  27. Moon Over Kentucky
  28. Saccharin and the War

 

lundi, 02 juin 2025

02062025 (une journée avec Alexander Dickow)

Très agréable journée avec mon ami, l’écrivain et traducteur américain d’expression française et anglaise Alexander Dickow.

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Nous nous connaissons depuis sept ans, échangeons régulièrement, mais nous ne nous étions jamais rencontrés en chair et en os. J’ai lu tous ses livres et quelques-unes de ses traductions, et l’occasion – double – en était sa résidence à la Maison Julien Gracq et l’enregistrement de la quatorzième émission d’I Love Mes Cheveux. Ce qui fut fait cet après-midi.

Mais l’essentiel est ailleurs, toutefois ; nous avons marché dans Tours, discuté de tout et de rien, bu des bières, et pu constater que, oui, nous avions pu devenir amis sans nous être encore rencontrés.

J’ai noté des conseils de lecture à foison.

Pour ce qui est de parler ici de son œuvre, je conseille, dans l’immédiat, d’aller farfouiller dans mon vlog, et d’attendre la diffusion de l’émission, lundi prochain.

 

23:07 Publié dans 2025, ILMC | Lien permanent | Commentaires (0)

dimanche, 01 juin 2025

01062025

Il faut que je fasse amende honorable car je viens de m’apercevoir d’une erreur dans mon article pour En attendant Nadeau, et donc je vais devoir demander une rectification.

Il s’agit de la dernière phrase : « Avis aux maisons d’édition qui trouveraient qu’il n’y a pas assez à prospecter avec les textes inédits de Ngũgĩ wa Thiong’o : les deux romans de sa fille, Wanjikũ wa Ngũgĩ, et les romans policiers de son fils aîné, Mũkoma wa Ngũgĩ. »

Je viens de m’apercevoir que Nairobi Heat de Mũkoma wa Ngũgĩ était disponible en traduction française sous le titre de Black Star Nairobi (traduction Benoîte Dauvergne) aux éditions de l’Aube.

 

08:26 Publié dans 2025 | Lien permanent | Commentaires (1)

01062025

Il faut que je fasse amende honorable car je viens de m’apercevoir d’une erreur dans mon article pour En attendant Nadeau, et donc je vais devoir demander une rectification.

Il s’agit de la dernière phrase : « Avis aux maisons d’édition qui trouveraient qu’il n’y a pas assez à prospecter avec les textes inédits de Ngũgĩ wa Thiong’o : les deux romans de sa fille, Wanjikũ wa Ngũgĩ, et les romans policiers de son fils aîné, Mũkoma wa Ngũgĩ. »

Je viens de m’apercevoir que Nairobi Heat de Mũkoma wa Ngũgĩ était disponible en traduction française sous le titre de Black Star Nairobi (traduction Benoîte Dauvergne) aux éditions de l’Aube.

 

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samedi, 31 mai 2025

31052025

Hier, j’ai écrit dans l’article publié par En attendant Nadeau que Decolonising the Mind était l’arbre qui cache la forêt.

Et de fait, je ne compte pas les publications que je vois passer depuis hier, par des Africain·es ou afrodescendant·es, et qui se réclament de ce seul et unique livre. Qu’on ne se méprenne pas sur le sens de ce que je vais écrire : tout d’abord, comme je l’ai très clairement écrit, l’essai de 1986 est « un livre fondamental, qui se trouve à juste titre au programme de tous les séminaires d’initiation à la théorie post-coloniale et de tous les cours de littérature africaine » ; ensuite, tout intellectuel ou tout écrivain serait très heureux de voir un seul de ses livres avoir autant d’influence que celui-ci, de Ngũgĩ wa Thiong’o.

Ce qui me dérange, ou m’interroge, ou me titille dans cette invisibilisation de tout le reste du corpus de Ngũgĩ wa Thiong’o, c’est qu’elle est totalement en contradiction avec ce que Ngũgĩ lui-même écrit dans cet essai. Par exemple, il écrit que les savoirs africains décolonisés passent par les langues africaines, mais aussi par des formes spécifiques de récits échappant aux normes eurocentriques. Or, Decolonising the Mind, son auteur ne s’en est jamais caché, est un essai qui suit étroitement les codes de l’argumentation « à l’occidentale ». Parfois, j’ai un peu beaucoup l’impression que certains parlent de Decolonising the Mind en répétant les 2 ou 3 mêmes idées que Ngũgĩ lui-même a beaucoup répétées dans des conférences ou interviews, en particulier sur les langues, mais auxquelles l’essai est loin de se limiter : l’ont-ils lu ?

Ainsi, disserter à l’infini sur l’importance fondamentale de Decolonising the Mind (importance que je ne nie aucunement, je le répète encore) sans ressentir la nécessité impérieuse d’aller lire les textes de Ngũgĩ wa Thiong’o qui ont courageusement mis en pratique l’appel à des formes de récit et de littérature décentrés, ça me semble être s’enfermer encore dans les codes de cet eurocentrisme.

Donc, sans aller jusqu’à apprendre le gĩkũyũ (et pourquoi pas ? moi, je suis trop paresseux, et depuis trop longtemps), il faut lire Petals of Blood, qu’il a écrit en anglais mais qui va déjà à contre-courant des formes narratives de la littérature afro-européenne ; il faut lire son grand poème épique (The Perfect Nine - Les Neuf Parfaites, trad. Laurent Vannini, éd. Présence Africaine), qui explique la cosmogonie et l’ontologie gĩkũyũ à partir d’une forme narrative afrocentrique ; il faut lire Wizard of the Crow, là encore autotraduit par Ngũgĩ.

Comme j’ai dénoncé ma propre paresse, j’en profite pour dire que les publications Facebook, souvent à rallonge, qui parlent des romans de Ngũgĩ en copiant-collant des succédanés trouvés sur Wikipedia ou (vu les invraisemblances et erreurs factuelles) générées par ChatGPT, sont insultantes et lamentables ; je trouve plus acceptables, évidemment, les posts de personnes qui admettent humblement qu’elles n’ont encore rien lu de lui.

Ngũgĩ n’était pas seulement un penseur ou un intellectuel ; réduire son travail et son œuvre à Decolonising the Mind, cela reviendrait à dire de Césaire qu’il n’a écrit que le Discours sur le colonialisme : un effacement et une invisibilisation d’une œuvre complexe et multiforme contre les canons de la production occidentalisée.

 

vendredi, 30 mai 2025

30052025

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Mon troisième article de la saison pour En attendant Nadeau vient d'être publié, à la une. Il a été écrit en quatrième vitesse, suite à l'annonce de la mort, hier matin, de Ngũgĩ wa Thiong’o. Il s'agissait d'occuper le terrain, en quelque sorte, et d'en profiter pour mettre l'édition française face à son incurie.

 

*                   *

*

On a different note :

Ce 30 mai correspond à nos noces de saphir, à Claire et moi (mais ce qui compte, pour nous, ce sont nos noces de porphyre, dans 19 jours).

 

17:29 Publié dans 2025 | Lien permanent | Commentaires (0)

jeudi, 29 mai 2025

29052025 (in memoriam Ngũgĩ wa Thiong’o)

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Ngũgĩ wa Thiong’o est mort, donc.

 

Comme celui qui est un des plus grands écrivains des 20e-21e siècles est, non pas méconnu, mais délibérément/savamment ignoré en France, j’ai annoncé que je posterais (à partir d’aujourd’hui sur les réseaux sociaux) un lien chaque jour, vers des ressources, dont certains des travaux que je lui ai consacrés.

Cela fait plusieurs décennies que cette immense figure intellectuelle est systématiquement marginalisée en France, tant dans la presse et le monde du livre qu’à l’université. Encore un bel exemple avec l’article nécrologique du Monde.

Cet article du Monde (que je ne partage pas – c’est un torchon) n’est vraiment pas à la hauteur.

Il serait trop long de lister les approximations, les erreurs et surtout les oublis de cet article, mais tout d’abord il faut écrire la langue maternelle et d’écriture de Ngũgĩ wa Thiong’o gĩkũyũ (kikuyu est le nom colonial).

 

Ensuite on remarque que la journaliste signale que plusieurs livres sont non traduits, ce qui est très bien, mais il serait sans doute intéressant de signaler les noms des traducteurices des livres qui ont été traduits, et les livres tout à fait disponibles en français, et ici invisibilisés.

Je n’en citerai que trois, censurés par la journaliste du Monde :

* Les Neuf parfaites, poème épique génial traduit par Laurent Vannini (Présence Africaine, 2023).

* Rêver en temps de guerre, premier tome des mémoires d’enfance, traduit par Jean-Pierre Orban et Annaëlle Rochard (Vents d’ailleurs, 2022)

* Combattants et martyrs, nouvelles traduites par Dominique Lanni (Passages, 2019)

 

Problème : cela imposerait que Le Monde renonce à son racisme, d’une part, et à son parisianisme d’autre part (forcément, les rares maisons d’édition à s’engager pour Ngũgĩ ne sont pas les grandes maisons parisiennes, elles-mêmes trop racistes), voire à ce que la journaliste accepte de parler avec des personnes moins incapables qu’elle avant d’écrire son papier.

 

 

mercredi, 28 mai 2025

28052025

Hier soir, très belle rencontre avec Maboula Soumahoro, à la Bibliothèque centrale de Tours. Il y avait près d’une centaine de personnes dans l’auditorium du cinquième étage, et, comme l’a fait remarquer Maboula en réponse à une question sur la lutte et la fascisation grandissante du pays, c’était la première fois qu’il y avait autant de monde pour venir l’écouter depuis vingt ans qu’elle travaille – et donc intervient parfois en-dehors de ses cours – à Tours. Plusieurs collègues ou ex-collègues, ainsi que quelques étudiant·es, ancien·nes ou actuel·les (dont Camille Bourdeau, dont Maboula a salué la présence et avec qui j'étais très heureux de pouvoir échanger, trop brièvement, à la fin).

 

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La discussion a tourné autour de son essai Le Triangle et l’Hexagone, bien sûr, mais aussi autour de sa traduction de Lose Your Mother de Saidiya Hartman, qui est remarquable (et dont je m'avise ne pas en avoir parlé dans le vlog). C’était, comme toujours, clair, riche, instructif, lucide. Je n’ai pas posé de question car j’espère qu’on aura cette conversation à un moment donné, mais j’avais bien sûr plein de choses à lui demander sur sa traduction, mais aussi – dans la mesure où elle a expliqué combien il avait été difficile d’écrire le livre en français, alors que les premières ébauches étaient en anglais – sur les raisons (ou le contexte) qui ont fait que son livre a été traduit par quelqu’un d’autre (et pas par n'importe qui : Kaiama L. Glover, traductrice entre autres de Mûr à crever de Frankétienne (je cite celle-ci car je l'étudie régulièrement avec mes L3).

Cette question découle de mon intérêt pour l’auto-traduction, bien sûr, mais aussi de la situation assez particulière dans laquelle je me suis trouvé quand en 2021, Olivette Otele, qui parle et écrit tout à fait couramment (et nativement) le français a sollicité une autre personne (en l’occurrence, moi) pour traduire African Europeans en anglais.

 

Très heureux d’entendre Maboula clore l’entretien, avant les questions, par plusieurs références à des textes de rap des années 1990 (La Rumeur, Kery James, Tonton du bled de 113 (et elle aurait pu citer son corollaire Tonton des îles)), en soulignant qu’elle en parlait d’un point de vue sociologique et historique, mais qu’il s’agissait de grands textes littéraires aussi. Si j’avais pris le micro pour lui poser une question, j’aurais commencé avec le refrain de Teemour : On s’ra pas des esclaves dans ce millenium. Ça me semble assez bien illustrer ce qu’elle a dit du devoir de mémoire et la nécessité de transmettre les histoires de l’esclavage et de la colonisation – et de leurs conséquences au présent – comme principale réparation (elle l’a dit mieux que ça).

 

08:17 Publié dans 2025 | Lien permanent | Commentaires (0)