Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mercredi, 20 juillet 2005

Italiques

Il m'arrive, en publiant, dans ce carnet de toile, mon déjà vieux Multijournal, d'oublier certaines mises en italique. C'est que c'est fastidieux, tout de même.

Journalistes incultes... un pléonasme?

Un des désagréments de la fréquentation de la famille, en vacances, est d'être exposé à la télévision (comme on dit être "exposé aux radiations" ou à un virus).

Ainsi, à l'instant, sur Arte, chaîne pour laquelle on pourrait imaginer que les journalistes sont mieux triés qu'ailleurs, à l'issue d'un reportage sur la situation au Togo (!), la journaliste nous dit que "l'O.N.U. vient de publier un rapport alarmiste".

Si cette andouille connaissait la différence entre les adjectifs "alarmant" et "alarmiste", elle aurait sans doute employé le premier des deux adjectifs... à moins qu'elle n'ait vraiment cherché à dire que l'O.N.U. s'affolait pour rien... ce qui serait cocasse, car, dans ce cas, pourquoi consacrer un reportage à la question?

Non, rassurez-vous... ou plutôt: inquiétez-vous. La situation au Togo est bel et bien alarmante.

François Jeanneau

Je découvre ce jour seulement le blog de l’excellent saxophoniste François Jeanneau, dont, du coup, j’écoute, en boucle, le seul disque en ma possession ici, Rencontre, en trio avec Bertrand Renaudin et Jean-Paul Celea.

Ce qu’il dit, sur son blog, des «experts» me rappelle, hélas, les prétendues expertises, commanditées par le Ministère de l’Education nationale, en matière d’équipes de recherche. Mêmes bureaucraties en tous points de la sphère…

Marqueyssac

Juste une petite note, non seulement pour approcher des deux cents à pas de géant, mais surtout pour signaler une très jolie note de Simon sur le blogging en nocturne, entée d'une fort belle photographie de Marqueyssac. Si je commençais à raconter mes souvenirs de Dordogne sur ce carnet de toile, il faudrait créer encore une nouvelle catégorie.

Frênes têtards

Je signale l’excellent article de Gilles Mourgaud, toujours dans L’Oiseau Magazine (n°78, p. 17), intitulé «Frênes têtards en péril».

L'article n'est pas en ligne, mais vous pouvez vous abonner à L'OISEAU MAGAZINE, et, sinon lire ici un article équivalent.

Il y a aussi, sur le site d'un certain Christian dit "Ligérien", deux très belles photographies de ces arbres en Anjou.

Reprise

Par petites touches, je ré-enregistre toutes les notes, depuis la naissance de ce carnet de toile, en leur assignant une catégorie. Je m'aperçois ainsi que je radote, car j'ai déjà écrit deux fois la même chose à propos de La Héraudière.

De plus, je peux ainsi rectifier deux ou trois petites erreurs. Tout cela prend un peu de temps, ce qui explique pourquoi j'écris peu. J'aurais bien deux mots à dire aussi de la note publiée ce matin, début avorté d'un roman, bref fragment écrit le 4 avril 2004 (04.04.04). Mais enfin...

43 au cube, chapitre 1

Chapitre 1

Depuis toujours, ou, du moins, depuis qu’il en avait souvenir, les nombres l’avaient fasciné, et cette fascination s’était tout d’abord exprimée dans son attention nettement marquée pour les plaques minéralogiques des voitures, camions, camionnettes, fourgonnettes, dès les années 1970 de sa petite enfance. Plus tard, très peu doué pour les leçons de mathématiques (ce que ne comprenaient nullement ses parents, fascinés qu’ils s’étaient retrouvés, eux, par cet enfant numérophile), il garda un net attrait pour les chiffres, les nombres, les séries et les différentes combinaisons possibles. Il s’adonnait notamment à des rêveries poussées autour des nombres premiers, dont la découverte, puis l’exploration, l’avaient plongé dans des abîmes nouveaux d’exaltation non contenue, à tel point qu’un exercice sur les nombres premiers, dans un devoir scolaire, ne serait pas nécessairement réussi : l’exaltation dans laquelle le plongeait la simple apparition du nombre 43, par exemple, suffisait à détourner son attention et à le priver du peu de logique qu’il avait à sa disposition, ce même lorsque ce 43-là n’avait aucun rapport avec les nombres premiers. Il faut bien avouer, mon cher Ariste, que, dans notre logiciel de traitement de texte, la fonction Statistiques est bien pratique, et même irremplaçable, puisqu’elle permet de connaître à tout moment le nombre de signes (ou de mots) du tout, ou d’un fragment. Ariste est un prénom que tu as entendu ce matin, dimanche 4 avril, boulevard Béranger, en te faufilant entre les badauds agglutinés qu’une importante (mais dérisoire) brocante avait aimantés en ce lieu que tu aimes par-dessus tout, car il évoque les paseos espagnols. Comme il était surtout passionné par la poésie, la littérature, l’écriture, l’idée lui vint un jour (sans nulle connaissance oulipienne) d’écrire un texte composé de 7 strophes de 49 heptasyllabes, et dont la forme consistait en l’alternance de sept rimes récurrentes, ABCDEFG, etc. L’heptasyllabe n’étant pas un mètre aisé, et la reprise lointaine de rimes sept fois récurrentes requérant une prouesse, il laissa son poème à l’état de projet, ce qui devait devenir d’ailleurs une constante pour lui, l’amour des ébauches le disputant à la velléité. Je n’ai jamais tant écrit que gommé ce que je venais d’écrire, je n’ai jamais tant bleui le papier que manié l’effaceur, je n’ai jamais tant acheté de pointes que de Tipp-Ex, je dis vrai, je suis l’éternel fossoyeur de mes propres travaux. Ariste, tu dois me croire, je dis vrai, je ne mens pas, j’ai tous les droits sur moi-même, aucun sur toi, je ne sais où je vais, voici le cinquième je, le deuxième j’, le deuxième me, le deuxième moi-même de cette phrase. « Comme je vous le dis, ici ou ailleurs, nous recevions hier des amis d’Ariste chez nous, cela faisait presque une vingtaine d’enfants entre cinq et dix ans, qu’il fallait occuper, et je vous prie de croire que ce n’était pas une mince affaire. » L’écriture, pourtant, est largement une question d’accumulation, signes après signes, mots, phrases, tournez la page, aussi ne voit-on pas très bien ce que peuvent bien signifier ces gommes, ces effaceurs, ces Tipp-Ex, quand bien même il est impératif d’élaguer, de reprendre et réviser. Tout ce qu’Ariste trouve à répondre déçoit, désillusionne, déconstruit, tombe en lambeaux, s’amoncelle comme des poussières de toiles d’araignée au petit matin, sur le chemin toujours neuf des impressions fugaces, bribes, paroles défigurées, déliquescentes, comme au bon vieux temps de la poésie décadente. L’écriture de ce poème ne lui aurait pas coûté ; seulement, une fois l’idée formée, le projet élaboré, l’écriture elle-même ne présentait plus, pour Vincent, le moindre attrait, comme ces chansons qui obsèdent une journée durant, et dont l’écoute, au retour du travail, déçoit. Le « il » de ce récit s’appelle Vincent, ou, plutôt, le personnage que les premières phrases ont nommé, incertainement, « il », se prénomme Vincent ; ou plutôt, l’auteur vient de décider de le prénommer Vincent (comme cela sent la boutique !). Vincent, fasciné par les nombres mais surtout doué pour la littérature, se trouva dans une situation contraignante, qui consistait à écrire des textes en préservant intacte son obsession pour les nombres, ce qui laissait la porte ouverte, tout de même, à plusieurs possibilités. Les points-virgule ont la même valeur que les virgules, mais les deux-points sont équivalents à des points, ce qui est, d’ailleurs, une règle parfaitement arbitraire, qui ne peut s’appuyer, en guise de justification, sur aucun traité de grammaire ou de ponctuation, oh non.

mardi, 19 juillet 2005

Le Gerris

Lu, ce matin, un article ancien de Libération intitulé "Le secret de l'araignée". Mon père m'en avait gardé l'original, et une photocopie. Il n'est malheureusement plus disponible gratuitement, mais il en existe une version équivalente quoique réduite, en anglais, sur le site du National Geographic.

Outre son caractère très intéressant, d'un point de vue tant scientifique que géostratégique, il m'a rappelé que j'avais créé, avec deux camarades, vers 1987, un club CPN (Connaître et Protéger la Nature) que nous avions baptisé "Le Gerris", en hommage à ces merveilleux funambules méconnus des mares.

Je vous sens passionnés par cet insecte et d'autres du même genre.

Par ailleurs, l'article date du 19 novembre 2004, date à laquelle je co-organisais le colloque Fantasizing Africa et à laquelle Jamal Mahjoub donnait sa lumineuse conférence sur l'avenir du roman africain.

18:00 Publié dans WAW | Lien permanent | Commentaires (9)

Torture et satanisme au Louroux

Je profite des moments passés chez mes parents pour lire de nombreuses revues, et notamment (parmi d’autres, d’art, de sciences, d’histoire), L’Oiseau Magazine , le trimestriel de la L.P.O.. Je viens de lire, dans le N° 78 (janvier-février-mars 2005), à la page 34, que des adhérents de la section Touraine avaient retrouvé trois effraies crucifiées sur une clôture au Louroux.

Je ne suis passé qu’une fois au Louroux, très jolie commune où je m’étais promis de revenir pour une visite plus approfondie. On voit que la Touraine, pour être au centre de la France, et prétendre en être le modèle (si tant est que cela veut dire quelque chose), n’en recèle pas moins ses imbéciles et ses barbares.

A ce stade, il me faut citer l’article :

« Fin janvier, deux adhérents de la LPO Touraine ont fait la triste découverte de trois effraies crucifiées sur une clôture d’un terrain en vente ! La petite commune du Louroux, où ce fait a été observé, serait-elle toujours habitée par des croyances arriérées ? Toujours est-il que ce sont trois chouettes qui ont fait les frais de ce geste odieux. Est-il utile de rappeler que ces espèces sont intégralement protégées et leur destruction est passible de sanctions pénales (9000 euros d’amende et 6 mois d’emprisonnement) ? Cette espèce paie déjà un lourd tribut aux collisions et du fait de la raréfaction des sites de reproduction (obturation des volets des clochers d’église, son habitat de prédilection). »

J’ajouterai aussi, sur cette question de l’habitat naturel des espèces, que, si vous avez la possibilité, à la campagne mais aussi dans tel verger de proche ville, d’empêcher un propriétaire d’abattre tel ou tel de ses arbres fruitiers morts, vous ferez grand plaisir aux chouettes chevêches, qui n’aiment rien tant que les cavités de pommiers morts pour y faire leur nid. Ce que l’article ne précise pas, tant c’est, pour les lecteurs ornithologues ou ornithophiles, évident, c’est que toutes les chouettes se nourrissent de petits rongeurs et sont, à ce titre, fort utiles aux cultures et aux cultivateurs.

Les rapaces ont été, dans leur ensemble, longtemps détestés (et continuent de l’être par les plus ineptes de nos concitoyens, semble-t-il), car on les croyait nuisibles. On sait maintenant que la notion même de biodiversité ne s’accommode pas, de toute manière, de cette dyade nuisible/utile, qui ne prend, comme point de vue, que celui de l’espèce dominante (l’homme). Mais tout de même, si vous devez convaincre quelqu’un qui a peur des chouettes (!) ou des chauve-souris (la famille de mammifères qui est la plus dévoreuse de moustiques et de moucherons, sans qu’il y ait besoin d’asperger les rideaux de produits insecticides cancérigènes), qu’il ne faut pas souhaiter leur extermination, l’argument de l’utilité reste imparable.

Multijournal, 14 et 20 décembre 2004

20 décembre 2004
J'ai entamé la lecture de L'Arbre anthropophage de Raharimanana, texte assez surprenant, décousu, nullement dans la veine poétique et éclatée que j'aimais tant chez lui et qui avait commencé, dans Nour, 1947, son roman publié en 2001, à avoir du plomb dans l'aile. Il cherche à faire un travail de redécouverte historique, de mémoire, ou d'archivage, de mise au jour de sources méconnues, tout cela relativement à Madagascar, et je ne suis pas réellement convaincu.

C. a interrompu son Vila-Matas pour Rabaté.

Ma mère fait le tri dans les photographies de son appareil numérique.

Comme A. a passé une bonne partie de la matinée dehors, avec une promenade jusqu'aux chevaux, chèvres et vaches de chez Daillat, il semblait très fatigué ce midi.

Il règne un soleil radieux, après les pluies diluviennes d'hier ("deux centimètres depuis midi" a annoncé ce matin, triomphant, mon père venu relever son pluviomètre), et la douceur de l'air donne à cette journée l'aspect paisible et immémoriel des Noëls landais de l'enfance.

Je m'interroge sur la complexité ternaire de ce journal, en espérant que je saurai maintenir le cap. Il faut surtout que, pour le site NEMO-OMEN, je retrouve de nombreux fichiers sur d'anciennes disquettes ou le vieil ordinateur de bureau. Le soleil radieux donne sur les porte-fenêtres, et j'ai pris, à la faveur d'un ciel clément, plusieurs photos dont quelques autoportraits dans le jardin, qui vont heureusement compléter ma collection.

……………………

14.12.04.
Ma soeur, D., a donc eu trente-quatre ans il y a six jours. Pour ses trente ans, ou plutôt, cinq jours avant son trentième anniversaire, le soir de sa soutenance de thèse, elle n'avait pas voulu venir fêter cela avec nous***. Will the circle be unbroken...

Déjeuné avec C. chez Zafferano, rue de la Grosse Tour. Vu plusieurs étudiants et étudiantes le matin, afin d'élaborer les programmes d'études provisoires.

Simultanément, dans la cuisine de Cagnotte, où j'écris ces lignes, "les effets carminatifs du skaï" (scripsit Eric Laurrent).

……………………

*** 9 décembre 2000 ***
C., alors enceinte de deux mois, et moi avions fait le voyage de Beauvais pour assister à cette soutenance. Mes parents étaient venus, en train je pense, et avaient amené, pour le pot de thèse, des cakes au jambon, des pains à la citrouille et aux dattes, que sais-je encore... tout cela pour avoir D. en larmes avant la soutenance, puis en déliquescence absolue après la fin du pot de thèse. Nous l'avions tous raccompagnée à son studio de Bourg-la-Reine où elle s'était effondrée en disant qu'elle n'avait pas la force de sortir avec nous. Nous nous étions retrouvés, tous les quatre, lamentablement, à la pizzeria située en face de chez elle.

(Sans avoir lu) Yann Kerninon

Je copie-colle ci-dessous la très brève recension de l’ouvrage de Yann Kerninon, Moyens d’accès au monde. Six tableaux pour trouer le désert, dans le dernier numéro du trimestriel Lettres d’Aquitaine :

« Ce livre est conçu comme un “manuel de survie en milieu désertique”, c’est-à-dire, aujourd’hui. Le ton est celui d’un essai philosophique, mais il flirte souvent avec la poésie, l’autobiographie, la fiction, le pamphlet, le manifeste. L’auteur côtoie Heidegger, Nietzsche, Deleuze, Héraclite, Stirner ou Fourier mais aussi Gilles Châtelet ou Cornélius Castoriadis sans pour autant les nommer. Il fricote avec le Dadaïsme, le Punk, la musique expérimentale ou les Monty Python. »

Plusieurs formules sont à vomir dans cette présentation, qui me donne tout sauf l’envie de lire ce livre : l’emploi des verbes flirter (familier, journalistique, inepte), côtoyer (dénué de sens ici, ou prétentieux (comment prétendre «côtoyer» Héraclite ?)) et fricoter, qui serait acceptable, dans sa familiarité même, s’il faisait l’objet d’une quelconque conceptualisation (le fricotage comme relation affective, sexualisée ou esthétique à un mode culturel ?).

Quoiqu’il soit ici dit de la multiplicité des genres, les huit auteurs cités comme les modèles ou les compagnons de route de Kerninon en disent long sur son prétendu éclectisme : il s’agit, à l’exception de Héraclite peut-être, du panthéon de la bien-pensance gauchiste européenne. Aucune originalité en cela. Ou plutôt : rien de neuf, du ressassé, de l’éternellement remâché.

La seule (maigre) interrogation qui subsiste, et qui pourrait donner au moins la curiosité de vérifier ce qu’il en est, c’est le sens que Kerninon donne à l’expression milieu désertique ; je vois vaguement ce dont il pourrait être question, mais je crains que quelqu’un qui prend la musique punk pour modèle, et qui n’a, pour seules lectures, que les lieux communs les plus rabâchés de la gauche dite alternative, ne soit lui-même un digne représentant de ce que j’appellerais, pour ma part, le dessèchement culturel.

L’ouvrage est publié aux éditions Le Bord de l’eau, sises à Bordeaux.

Alain Lestié : Séquence en noirs

Je n’ai pas vu l’exposition d’Alain Lestié, Séquence en noirs, mais je feuillette ce matin le catalogue (Mollat, 2005), qui ne permet guère de s’en donner une idée précise. Ce sont tous des dessins crayonnés sur papier.

Beaucoup de motifs sont empruntés à Magritte (la porte en bois, la fenêtre avec personnage de dos), mais dans une série entièrement en noirs et gris, avec des allusions aux portulans, une passion pour les spirales. «Hiver», avec son panneau central représentant une sombre forêt d’arbres dépenaillés et majestueux, doit faire un très bel effet. «Alphabet» semble jouer sur une logique de la décomposition assez conventionnelle. «Lever du jour dernier…» est, comme bien d’autres dessins, un triptyque, dont le très large panneau central représente une route en ligne droite, avec des bas-côtés réduits à la plus simple expression ; le panneau gauche représente une montre (une boussole ?), tout en bas, sur un fond noir percé d’un halo gris clair ; sur le panneau droit, de même fond, figure une feuille où est crayonné un portrait en fils.

Le rôle des inscriptions ne saute pas aux yeux, ni à l’intellect : formules savantes pour inviter le spectateur à marquer son adhésion à un projet conceptuel ? dépassement de ce rôle de pure référence pour s’échapper vers la pure jouissance du signe ? autre chose encore ? Difficile de trancher.

Ce qui est tout à fait consternant, comme souvent dans un catalogue d’art contemporain et plus encore quand l’on n’a pas vu, au moins, les œuvres exposées, ce sont les textes. La préface, signée d’une certaine Françoise Garcia, affiche une belle cuistrerie en citant Mallarmé de manière à transformer un alexandrin en vers de treize syllabes, supprimant la rime into the bargain. Aussi, rappelons-le, le distique qui ouvre le premier tercet du sonnet «Mes bouquins refermés sur le nom de Paphos» est comme suit :

Ma faim qui d’aucuns fruits ici ne se régale
Trouve en leur docte manque une saveur égale.


Il y a deux autres articles, l’un de Jean-Didier Vincent, qui n’a pas l’air inintéressant, et l’autre d’un certain Patrick Lacoste, qui semble se gargariser de Lacan, et se repaître d’un certain nombre de poncifs sémiotiques (l’indice) ou cognitifs (la translation) pour “happy few” du milieu artistico-philosophique.

On préfère vitement en revenir aux reproductions des dessins, de belle qualité, et où il y a, à tout le moins, matière à mirer, et à s’interroger, à réfléchir, par-delà les écueils de la doxa lacostienne.

13:05 Publié dans BoozArtz | Lien permanent | Commentaires (0)

En aveugle, Montréal Diary

18 juillet, 19 heures.

Comme des artistes divers se succèdent sur le lecteur multi-disques, je me demandais depuis quelques minutes qui était ce trompettiste dont je n’aimais guère le jeu, puis j’essayais de deviner ce qui, dans ces fioritures un brin je-m’en-foutistes, m’agaçait vraiment, et naturellement je m’exerçais en vain à l’exercice du “blindfold test”, me raccrochant alors de plus en plus au jeu du pianiste qui accompagne le trompettiste, et cela merveilleusement, avec un doigté, un sens aérien de la féerie pianistique, et me prenant à déplacer ce test en aveugle sur le jeu du pianiste, certain d’avoir un disque d’icelui.

Finalement, n’y tenant plus, au cinquième morceau, grandement admiratif du pianiste, ayant pris mon parti de ce duo (à mes oreilles) dissonant ou duplice, je me lève, je saisis le boîtier du disque placé en treizième position du lecteur, et découvre qu’il s’agit d’un duo Enrico Rava – Stefano Bollani. J’ai bel et bien un disque en leader du second, que j’adore, et déjà éprouvé de fortes réticences sur d’autres opus du premier, qui, décidément, me semble poseur, faussement nostalgique, toujours un peu à côté.

En écoute : « Le solite cose » (Rava/Bollani. Montréal Diary/B, Label bleu LBLC 6645, 2001).

……………

19 juillet, 9 heures

Deuxième écoute de Montréal Diary/B, plus convaincante. Les compositions, toutes de Rava, sont très convenables ; la première même, “Theme for Jessica”, est très émouvante, et d’une complexité chaloupée.

Je n’aime guère “Amore baciami” : faut-il y voir un lien avec l’omniprésence du trompettiste, dès lors que le pianiste est relégué à l’arrière-plan sonore ?

Sur “Bandoleros”, le dialogue fonctionne à merveille. Exacerbation des aigus du piano, faux enjouement de la trompette par menues syncopes, flourishfinal comme un chant de folie à la lune. Nul meilleur moyen de clore un disque, une écoute, aveugle ou non.

lundi, 18 juillet 2005

NY-1 : Martial Solal

Le titre complet de cet album paru en 2003 sur le label Blue Note est NY-1 : Martial Solal Live at the Village Vanguard. C’est donc le énième de ces albums enregistrés dans le mythique club new yorkais, sur trois soirées de septembre 2001, dix jours après les attentats, comme ne peut s’empêcher de le faire remarquer l’auteur des notes de pochette (et comme je m’empresse de lui emboîter le pas !).

Pour ne pas aller par quatre chemins, Martial Solal est l’un des meilleurs pianistes de jazz français, et sans doute de l’époque, de la planète. Il a un sens de la mélodie et du rythme, mais aussi de l’harmonie lors de ses improvisations avec partenaires, qui ne court tout de même pas les rues, à ce degré. C’est, de surcroît, un compositeur que j’aime beaucoup, ce qui ne gâte rien.

Dans cet album, accompagné de François Moutin à la contrebasse et de Bill Stewart à la batterie, il alterne compositions personnelles (ou co-signées avec Claudia Solal, sa femme ?) et standards, dont Body and Soul, dont il donne une lecture, ou plutôt, pour parler sans métaphore, une écoute à la fois profondément originale et terriblement harmonieuse, fluide, douce aux oreilles. Il montre ainsi qu’il n’est pas besoin de démanteler un standard ni d’en disséminer les lignes mélodiques pour marquer l’histoire de ses interprétations. Cela ne signifie pas que je n’aime pas les versions disjointes ou les réécritures déconstructionnistes de tel ou tel standard ; il en est d’admirables ; mais il est aussi d’autres voies.

Je ne suis pas certain que ses deux comparses soient tout à fait à la hauteur de Solal ; ils ne lui font pas honte, et lui permettent de donner pleine mesure à ses touchés, d’élaborer de passionnantes expérimentations ; ils sont loin de lui tenir la dragée haute, voilà tout. Mais fort heureusement, le trio ne doit pas être un lieu d’émulation ou de bataille.

Mon morceau préféré est peut-être (après deux écoutes) la composition de Claudia Solal, Suspect Rhythm, qui figure en troisième position sur le disque.

Multijournal, 15 et 19 décembre 2004

19 décembre 2004.
A. n'a pas mal dormi, malgré une chambre trop chauffée, ma mère ayant branché le radiateur à bain d'huile par crainte d’un refroidissement de la chaudière en milieu de nuit. Crise de fièvre vers onze heures du soir, mais sinon pas d'interruption. Ce matin, c'était Noël (anticipé, comme nous n'allons rester que deux jours et demi à Cagnotte). Il a été gâté, avec un petit camion de pompiers (avec échelle), une moto, une voiture ancienne (genre modèle de Traction Avant), un zoo avec des peluches d'animaux sauvages et des livres, un kit de pâte à modeler, un livre avec des autocollants, Camille la chenille, un marché Playmobil, une mug Père Noël...

Ici figurera prochainement la liste des cadeaux des uns et des autres. A. a l'air encore fiévreux. Nous ne pouvons pas nous plaindre, il n'a rien eu de l'automne. Le dernier accès, en fait, a été en mai***, lors de ce qui fut peut-être une varicelle (très peu prononcée).

J'écoute le premier des neuf disques du coffret Albert Ayler, offert par mes parents. C. m'a offert le dernier livre de Raharimanana, mais aussi une chemise et un pyjama assorti à celui qu'elle a par ailleurs acheté à A. C'est malin! Moi qui ne mets plus de pyjama depuis des lustres. (Des lustres, littéralement: au moins deux.) C., elle, a eu, de ma part, une broche et une bande dessinée, et, de la part de mes parents, Maus d'Art Spiegelman, le DVD de Lost Highway, & la nouvelle traduction de The Years de Virginia Woolf.

Visite, entre onze et quatre heures, de mes grands-parents maternels, venus de Saint-Pierre-du-Mont, et qui n'ont pas l'air d'aller mal.

.................................

15.12.04.
En ce mercredi, il y a quatre jours, j'ai pris quelques photographies, quelques images. Comme tous les mercredi, j'ai gardé A. le matin, tandis que C. était au lycée, où elle aligne cinq heures de cours avant l'heure du déjeuner. Le soir, E°°° venait dîner et dormir à la maison. Il m'a raconté toute l'histoire du colloque Flannery O' Connor.

Simultanément, C. et A. ont toutes les peines du monde à trouver les poules parmi les autocollants du livre Le repas des animaux.

Ce colloque, en fait une journée d'études, a été annoncé au seul nom d'A.-L., qui s'est, de surcroît, fendue d'un copié-collé tout à fait fautif à partir d'un site internet (dont j'ai découvert depuis, jeudi, qu'il était finlandais) : du coup, la notice biographique de Flannery O' Connor est truffée de fautes, ce qui, placardé en tous lieux, fait mauvais effet.

....................

*** Mai 2004: vers la fin du mois... ***
La directrice de la crèche du Hallebardier, que fréquentait alors A., nous avait assurés, appuyée par le témoignage de deux assistantes-puéricultrices, que les très rares boutons qu'A. avait eus sur le corps à l'occasion d'une poussée de fièvre, de reste demeurée sans explication, étaient typiques de la varicelle. Décrits à des proches ou, peu après, à un pédiatre, ces mêmes boutons semblaient plus douteux...

Dax, la ville de rien

La pluie fine qui s’épanche sur Dax, hélas ne dura pas. Le vent aura vite séché ces quelques larmes, et assoiffé les prés, les champs, les bocages. Il est toujours curieux de constater, à chacun de mes retours dans ma ville natale, non seulement les changements de structure, les nouveaux bâtiments, les modifications du plan de circulation, les brusqueries de l’urbanisme, mais aussi, sur le chemin vicinal qui conduit de Cagnotte à Dax, en passant entre fermes et bois, telle maison en construction, tel carrefour dûment « rectifié »… pour le dire en paraphrasant, la forme d’une campagne aussi change plus vite que le cœur du mortel.

Entre autres motifs de tristesse, la librairie Campus, qui, sans être un haut lieu de culture, s’efforçait d’être le dernier endroit où pouvaient s’exhiber, s’afficher, se lire et se vendre des textes véritablement littéraires, a connu une refonte totale de ses rayonnages et même de son organisation, depuis notre dernier passage en février (où j’avais acheté Autoportrait en vert, le remarquable dernier opus de Marie Ndiaye), au point que ne s’offrent plus aux regards que les guides touristiques, les ouvrages d’ésotérisme, et les “bouquins dont on parle à la télé” (Souad, Pierre Perret, Frédéric Mitterrand et l’effroyable Marc Lévy). Il reste bien, pour qui cherche assidûment, un rayonnage d’où j’ai extirpé l’un des derniers textes parus de Dominique Fourcade, mais aussi le dernier roman d’Alain Mabanckou… mais je les ai reposés, car je refuse de cautionner ce genre d’entreprise de saccage volontaire. A mon côté jusqu’au-boutiste se substituera peut-être un état d’esprit plus positif demain, dans le genre « au contraire, il faut les encourager et leur montrer qu’il reste une “clientèle” pour Fourcade et Mabanckou ». Pour aujourd’hui, pas d’affaire. Nihil obstat. No pasaran.

J’avais sans doute eu l’esprit échauffé de voir, juste auparavant, ce à quoi les travaux de mise en valeur de l’Atrium Casino avaient fini par aboutir, à savoir : une couleur indéfinissable ; un centre culturel Leclerc vide de tout effort vers, ou de prétention à la culture (une horreur, puisqu’il faut parler net) ; une brasserie que l’on devine, à lire les menus, pour curistes ou touristes en tongs…

En bref, une promenade agréable dans les rues piétonnières de ma ville natale, avec quelques moments de doute ou de douleur, mais enfin, ce qui m’a frappé le plus, c’est le vide, le désert entre deux et quatre. D’ordinaire, les jours de petite pluie ou de fort vent, tout ce que la côte landaise compte de plaisanciers ou plagistes se retrouve à hanter et arpenter les rues de Dax. Ainsi allaient mes souvenirs des années 1980, et de, plus récemment, tous les étés passés en partie dans ces parages.

Ah si, ultime note sucrée, ne passez jamais à Dax sans acheter ne serait-ce qu’un palmier ou une suissesse (ou tout autre friandise) à La Tourtière, connue surtout et à juste titre pour ses remarquables « tourtières » (spécialité gasconne sans aucun équivalent ailleurs, quoique l’homonymie puisse vous laisser penser) mais où se cuit un attirail de pâtisseries fort bon marché et fort bonnes…

Festival de Marseille

La merveilleuse Livy me prie d'annoncer la tenue prochaine d'un festival jazz à Marseille.

Tous renseignements sur le site officiel.

Rue Ronsard : La Héraudière

L’une des très belles propriétés de la rue Ronsard, à Tours, se nomme La Héraudière, et se trouve au n° 60. Le portail souvent entr’ouvert sur ce jardin sans apprêts et cette bâtisse fin XIXe pas nécessairement très bien entretenue, m’a fait, d’emblée, penser au roman de Robert Pinget, Quelqu’un, ou encore à la demeure de M. Songe dans les carnets publiés par Pinget dans les années 1980 (mon préféré restant, de loin, Le Harnais).

Quel ne fut pas mon étonnement, lors de l’une de mes toutes premières pérégrinations dans le quartier, à notre arrivée en août 2003, de découvrir une rue Robert-Pinget, qui, certes, n’honore pas tellement le grand écrivain, puisqu’elle relie pauvrement une fin de quartier de résidentiel à un début de zone d’activités, mais qui rappelle au moins aux amateurs de ce merveilleux parleur et parfait moraliste qu’il s’installa, un temps, en Touraine, où il construisit une tour, près d’une propriété rachetée.

Pour en revenir à La Héraudière, il n’y a pas de n° 62 rue Ronsard, pour rendre compte, qui sait, de la vastitude de cette demeure et de son parc, dont l’immense figuier laisse, au printemps, déborder ses feuilles jusqu’au ras de l’étroit trottoir. Les larges fenêtres, ouvertes sur le sud, doivent permettre d’admirer le parc plutôt nu, un peu comme dans Quelqu’un, pour la scène du bifteck.

Il y a aussi, rue Ronsard, Les Petits Ciseaux, au n° 29, propriété plus grande, ce me semble, que les Grands Ciseaux, au n° 47. Perpendiculairement à la longue rue Ronsard, aussi, partent les rues Agrippa d’Aubigné, Guillaume-Apollinaire et François-Villon.

Le point après 42 jours

Je navigue un peu sur la Toile. J'ai enfin dormi convenablement ces deux dernières nuits. J'écris peu. J'écoute quelques disques. Je suis censé travailler encore et encore, mais le ressort est cassé. Cela fit trop.

Hier, c'était l'anniversaire de mon grand-père maternel, quatre-vingts ans qu'il ne porte pas mal.

Je m'aperçois que mon carnet de toile n'est pas le seul à s'étioler en ces temps estivaux: où sont Simon ou Jacques, par exemple... et surtout, où sont leurs lecteurs? Ont délaissé la place, ou sont modérés par l'absence de l'auteur?

Je dis que je ne travaille plus, ce qui semble normal si l'on s'en tient au sens habituel de "vacances". Pourtant, je réponds encore à une demi-douzaine d'e-mails professionnels chaque jour.

dimanche, 17 juillet 2005

Sculptures romanes de Ferrière-Airoux (Vienne)

Feuilles de vigne, coquilles Saint-Jacques, figures masculines entrecroisées autour du linteau, tête de serpent marin, figures cheveux au vent soutenant les piliers… toutes plutôt abîmées, sur la petite église sans grand relief de cette minuscule commune désertique traversée par la départementale, sur les quatre heures de l’après-midi, et où, derrière le muret de pierres prolongé par une porte de bois, se laissait voir l’ancien presbytère, devenu la demeure de quelque notable (ou pas), face au Bar-Restaurant de la Place, fraîchement crépi et aux volets nouvellement vernis.

Multijournal, 16 et 18 décembre 2004

18 décembre 2004.
..........
Voyage de Tours à Saintes, chez mes grands-parents paternels, où nous avons déjeuné et passé quelques heures avant de reprendre la route, en direction de Cagnotte, où vivent mes parents. Peu de camions et temps convenable sur la première partie du trajet, entre Tours et la rue du Roussillon. Ma grand-mère, nonagénaire et opérée d'un cancer il y a deux mois, a l'air assez secouée, ou plutôt, perdue, dans la lune, avouant d'ailleurs qu'elle n'a pas vraiment ré-atterri. Beaucoup de poids lourds et de pluie entre Saintes et Cagnotte, avec un caprice d'A., habituellement sage en voiture pourtant, mais qui s'était braqué à vouloir jouer avec un Polystyrène.
..........
Le soir, content de voir mes parents mais fatigué, puis capricieux, bouillant, fiévreux. Scène au moment du pyjama, sinon il a très bien accepté le grand lit avec les draps pleins de dessins.
..........
Sur la route (lisant le livre des animaux de la ferme qu'il avait eu à Saintes): "La grange n'a pas besoin de crinière, car elle n'est pas un animal." Ou: "Le cochon n'a pas besoin de crinière." Ou: "Autrefois les vaches vivaient dans des clapiers, mais maintenant elles préfèrent les étables."

16.12.04.
..........
Réunion du conseil L.E.A.
............
L'ultime cours sur les voix postcoloniales contemporaines, avec les étudiants de licence: un exposé correct, et l'autre plus douteux, par défaut de méthodologie surtout (le texte, extrait de The God of Small Things, était difficile).
..............
Déjeuner fort bref avec E°°°, qui avait passé la nuit chez nous et qui ne décolère pas contre Iain, le directeur du centre de recherches, qui se comporte comme le pire des chefaillons de république bananière, et essaie de surcroît de faire passer un texte directement copié sur Internet (sans aucune correction et, du coup, dans un anglais très fautif) pour un bon argumentaire en vue de la journée d'études Flannery O' Connor qu'Eric organise en janvier. Trois grandes affiches, avec le texte en question, ont été déposées dans le casier d'E°°°, qui les a immédiatement jetées dans la corbeille à papier de son bureau.
...........
L'ultime cours de traduction langue 2 pour les étudiantes du master juristes-linguistes. Comme je leur rendais leurs devoirs, l'une, très vexée d'avoir obtenu la note la plus basse, a soutenu que personne ne lui avait jamais reproché son écriture illisible. J'aurais dû faire des clichés de sa copie (de sa graphie) pour illustrer ce journal en ligne.

samedi, 16 juillet 2005

Dehors, 2

Un remords me saisit, car je sais ne pas avoir très consciencieusement « recensé » le roman d’Eric Laurrent. Plutôt, j’ai noirci le trait, insisté sur ce qui m’agaçait. Il faut toutefois avouer que les descriptions sont souvent séduisantes, et qu’il émane d’elles une forme de picturalité objective, certes ludique, mais qui ne peut manquer d’évoquer certaines toiles, comme, dans l’extrait ci-dessous, des cieux turneriens :

« Quelques minutes plus tard, dès la sortie de Clermont-Ferrand, l’incandescence du crépuscule était à ce point prononcée, mélange très dense de sulfure de cadmium et d’oxyde de fer, qu’elle semblait tirée d’un effet de matière autant que de lumière, le soleil ayant pris l’apparence d’un vitellus orangé dont la membrane crevée eût laissé échapper autour d’elle, entre les phlyctènes pâteuses de quelques cumulus gris de Payne, un liquide homogène et visqueux qui se fût coagulé en larges plissures horizontales. » (Eric Laurrent. Dehors. Paris : Minuit, 2000, pp. 111-2)

Il y a aussi, pour faire justice au texte, de nombreuses références à des œuvres musicales, qui peuvent sembler contraintes, mais qui sont très convaincantes, si le lecteur les a en tête au moment de la lecture. Ainsi, de telle référence à Waterwheel de Hamza El Din (que je sais être, même si Eric Laurrent n’en dit rien, la version enregistrée par le Kronos Quartet) au cours d’une scène de fellation dans un taxi (oui, j’ai bien précisé auparavant que c’était très branché cul), on peut constater la grande pertinence.

Saint-Mandé sur Brédoire (Charente-Maritime)

Connaissez-vous le violon géant de Saint-Mandé sur Brédoire ? Sous la halle fraîchement restaurée, contre le mur de pierre, un violon de sept mètres sur trois, qui fut, dans les années 1930, un char lors de fêtes patronales, s’offre à l’étonnement des promeneurs, lesquels s’étaient tout d’abord arrêtés en ce bourg pour y admirer les sculptures de l’église romane.

Ces figures sculptées, justement, en fort bon état, sont distribuées le long de trois arcatures au-dessus du porche. Un monstre finement strié prend, dans sa gueule, le bras d’un petit homme gnomique. Un autre, à la crête hérissée de piquants, dévore la tête d’un être informe et penché. Une sirène serpentine joue de la harpe avec sa queue. Sur un chapiteau, un barbon vénérable écarquille les yeux. Oiseaux et orvets se succèdent. Y aurait-il un griffon ?

La place centrale s’appelle place Marcel-Fajoux.

Dehors, d'Eric Laurrent

Lu, en un jour et demi, à mes moments perdus, ce petit roman pas désagréable mais qui n’a vraiment rien de transcendant ni de bouleversant. J’avais déjà lu, vers 2002, le premier roman de l’auteur, Coup de foudre, qui m’avait déjà paru fort léger, et exagérément contourné et précieux.

Celui-ci, Dehors, s’avère avoir outré encore les traits qui faisaient en partie le charme de la lecture, mais surtout provoquaient l’irritation du lecteur (enfin, la mienne, en l’occurrence) : débauche d’imparfaits du subjonctif, syntaxe délibérément labyrinthique, emploi abusif de substantifs et de verbes si inusités qu’ils doivent faire, pour la plupart d’entre eux, leur première apparition dans un texte littéraire en français. Ce fut d’ailleurs l’une de mes interrogations récurrentes : comment Eric Laurrent vient-il à employer, d’une manière qui semble couler de source, autant de néologismes littéraires empruntés, certainement, à des domaines techniques, ou de termes obscurs ? Je l’imagine volontiers s’être constitué, au fil des années, un répertoire de termes d’une absolue rareté, ce qui serait déjà un peu ridicule ; mais je le soupçonne même d’écrire un premier jet constitué de mots plus courants, et de remplacer ensuite un certain nombre des substantifs et verbes par des synonymes au moyen d’un thesaurus.

Publié en 2000, cet opus, le quatrième de son auteur, est le récit, entre douceur humoristique et satire en demi-teinte, d’une désagrégation : il narre l’éclipse sentimentale et domiciliaire vécue par le protagoniste, Léon Brumaire, au cours d’une demi-douzaine de mois environ. Mis à la porte du domicile conjugal par sa compagne, Eva, Léon hésite entre deux éventuelles « remplaçantes », Allicia et Pamela. Il se trouve pris dans un esseulement alcoolisé, dans les brumes de l’à quoi bon, le tout prenant une légère tournure invraisemblable (ou, si l’on veut se montrer plus positif, fantastique, ou fabulaire), notamment en raison du jeu sur les coïncidences et de la question de l’argent, qui n’est jamais posée en termes réalistes.

L’intrigue, vaguement inspirée des derniers romans d’Echenoz et très représentative, en son délabrement formel, du « nouveau » style Minuit, n’est qu’un prétexte aux jeux de langage signalés plus haut, et à l’exploration d’un certain nombre de fantasmes sexuels, qui prennent la forme de scènes ou de descriptions. Eric Laurrent semble se divertir beaucoup à mêler le style « noble » et abstrus, que lui offrent syntaxe alambiquée et registre technique, à des expressions franglaises branchées, et à des intrusions d’auteur, plus réussies.

Assurément, il a trouvé, avec son recours aux lexèmes les plus inattendus, un moyen d’échapper au mode de narration marquisard (« La marquise sortit à cinq heures »). Par exemple, il décrit en ces termes l’arrivée subite d’une averse :

« Estimons maintenant entre dix-huit et dix-neuf heures le moment où tous deux seraient contraints de quitter le parc. Marouflons à dessein une fronce bouffante, forcément néphélienne, sur la toile azuréenne du ciel, puis crevons-la brusquement et tirons-en de longues écharpes de tulle, illusion que nous effrangerons violemment jusqu’au sol et disperserons là en incessantes strasses de vapeur et d’écume – observons maintenant l’effet de ce déluge impromptu. » (p. 31)

Les tonalités scientifiques (lexique météorologique technique, usage de la première personne du pluriel) ne sont pourtant pas sans rappeler le recours de certains auteurs de la fin du 19ème siècle à des mots rares, souvent penta- ou hexasyllabiques. La différence en est que, chez Mallarmé ou Saint-Pol Roux, il existait une vraie force d’expression, un sens profond de la relation au monde, alors qu’Eric Laurrent ne propose, en fait, et en pleine conscience, qu’une sorte de sitcom ou de vaudeville pour gens de lettres.

Je ne sais s’il y a un avenir pour de telles entreprises. Avec moi, dans tous les cas, la sauce ne prend pas.

Reste à expliquer pourquoi j’ai lu ce roman, alors que Coup de foudre, déjà, m’avait laissé sur ma faim. C’est que, trouvant, immaculé et bon marché, l’exemplaire désormais en ma possession chez le bouquiniste de la rue Nationale il y a six ou sept mois, je ne résistai pas à la compulsion d’achat ; en général, si un livre se trouve dans ma bibliothèque, je le lis toujours, soner or later. C’est donc ce qui s’est produit, avec d’autant moins d’hésitations et de regrets que cette lecture m’aura pris trois ou quatre heures, peut-être.

Multijournal, 17 décembre 2004

Je publie aujourd’hui, en guise de note, la première entrée de mon Multijournal, tentative de journal hypertextuel qui a duré un mois environ, à l’hiver dernier. Chaque entrée se composait de trois sous-rubriques : l’entrée du jour, l’entrée « rétrospective » et les notes astérisquées. Le fonctionnement en paraîtra plus simple après quelques jours de lecture.

17 décembre 2004.
Cet après-midi, j'ai travaillé à la maison, puis, non sans être passé acheter un cadeau pour mes grands-parents, je suis allé chercher A. à l'école. Dernier jour d'école avant les vacances. Il ne pleuvait pas, il ventait; le biscuit en forme d'ourson n'a pas traîné. Englouti plus sûrement que le Titanic. Avant que nous ne nous enfoncions dans l'exploration des trois cahiers d'école que la maîtresse nous confie durant les vacances. Trois cahiers en petite section...
Simultanément, il demande un mouchoir en papier pour effacer les traces de feutre noir.

17.12.04, ante meridiem
Ce matin, il a fallu amener A. à l'école avec la voiture, car il pleuvait à pierre fendre. A la bibliothèque d'anglais de l'université, j'ai rendu deux livres, dont In the Hour of Signs de Jamal Mahjoub***. Puis, dans mon bureau, j'ai signé les programmes d'étude provisoires d'Anne-Sophie, une étudiante qui fait une demande auprès des Relations internationales afin de partir étudier l'an prochain dans une université canadienne (Calgary ou Simon Fraser).
Cette nuit, à quatre heures, un chauffard a embouti violemment la voiture de notre voisine d'en face. Une Fiat Panda. (La voiture.) Une Portugaise. (La voisine.) Un délit de fuite. (Le chauffard.)
Ici nous remontons le temps.

*** 2004 : 18 et 19 novembre ***
Ph. et moi avons organisé un colloque international intitulé Fantasmes d'Afrique / Fantasizing Africa. L'invité d'honneur n'était autre que Jamal Mahjoub, romancier anglo-soudanais de prime importance, que j'ai voituré (à son grand dam, vu mon incompétence en matière de créneaux) dans Tours, et qui a délivré le vendredi matin une conférence d'un grand intérêt. Je possède quatre de ses cinq romans, mais je n'ai pu lire le troisième de ses romans publiés qu'au moyen de l'emprunt en bibliothèque. Cet épisode (ou plutôt: cet événement) donnera lieu à d'autres ramifications.

vendredi, 15 juillet 2005

Avishai Cohen, 2003

Je suis en train de découvrir, au moment même d'écrire ces lignes, le disque du trompettiste Avishai Cohen, The Trumpet Player, dont je ne connaissais pas même le nom... c'est dire si je ne me tiens plus, apparemment, au courant de l'actualité jazz.

Premier morceau ("The Fast", le jeûne, étonnamment peu économe pourtant) remarquable. Le troisième, "Dear Lord", mérite une mention spéciale pour les trémolos et convulsions douces du trompettiste lui-même. J'en dirai plus à l'issue d'une écoute complète, et avec du recul, mais ce qui me frappe surtout, c'est combien j'admire le jeu tout en nuances du contrebassiste, qui accompagne, déroule des serpentins subtils, et fait presque oublier, à de certains moments, son "leader".

Le nom du contrebassiste est John Sullivan.