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mardi, 17 janvier 2006

Au vent la lettre

Les images, les cieux, les coudées, les frimas, les brisées, les territoires, les sagesses, les blessures, les terrasses de couleur, tout cela est si beau.

Steve Coleman & Five Elements : On the Rising of the 64 Paths

Ça commence comme un disque de Steve Coleman, puis ça dérive complètement, dérape, se détourne vers l’inattendu. Autant dire que c’est un disque typique de Steve Coleman.

 

Celui-ci, en un perpétuel balancement entre métaphysique et mathématique, ces deux dieux des musiciens depuis bien avant Johann Sebastian, a été en partie enregistré en concert à Amiens.

Il se compose de huit morceaux, plus une version très épurée – cachée en fin de disque – de Round About Midnight : six compositions originales du génial saxophoniste, et Dizzy Atmosphere, qu’on ne présente plus, selon deux configurations (la cinquième plage, qui dure 6’06”, et la septième, qui dure 7’07” – sûr que c’est exprès).

Ce qui surprend le plus, dans cet album de 2003, c’est la grande variété des tempos. On passe sans transition de la frénésie, l’emballement sans fioritures du premier titre, le presque éponyme 64 Paths Binding, à une ballade superbe, douce, veloutée, mousse sur le velours, intitulée Mist and Counterpoise, dont je me demande après vingt écoutes au bas mot, si ce n’est pas ma préférée.

Bien entendu, Steve Coleman n’a jamais caché son immense dette à l’égard de Coltrane, mais il semble, ici, prendre à contre-pied les arrangements les plus habituels du Maître : sur le premier morceau, par exemple, la basse paisible (Reggie Washington) se heurte à la folie de la flûte (Malik Mezzadri). L’hommage à Coltrane se ressent surtout dans le troisième titre, Call for Transformation, d’une complexité mélodique insensée et pourtant d’une telle évidence que l’on se lève, on danse au gré du vent, on s’allonge, on lorgne vers le sublime. Même les vocalises un peu outrées du flûtiste passent comme une lettre à la poste. (A foolish figure.)

Les recherches sonores de Steve Coleman le poussent à tourner toujours davantage autour d’un son, à se mettre en quête des spirales, vrilles, loopings, figures aériennes en sextette-escadrille. Cela est patent dans The Movement in Self et Eight Base Probing. A contrario, les deux versions de Dizzy Atmosphere sont une forme d’hommage à l’époque du bop, genre certes revisité, mais avec de nombreux tics qui résonnent de manière curieuse au sein de cet album si léger et aérien. Ce côté fugace, insaisissable, vient-il aussi de l’influence grandissante du trompettiste, Jonathan Finlayson, au jeu tour à tour chaloupé, furtif, heurté, formidable, puissant et vivace ? Je ne sais.

 

Enfin, c’est un disque dont il est difficile de se passer – impossible de se lasser ?

 

 

…………

Steve Coleman & Five Elements. On the Rising of the 64 Paths. Label Bleu, 2003.


La bouteille à l'encre

J'avais reçu, le 19 décembre dernier, le courrier électronique ci-dessous, adressé à tous les enseignants-chercheurs qui avaient été partenaires du festival De l'Encre à l'Ecran. À l'époque, je n'en avais pas parlé, car j'avais un accès très limité au Net, et je publiais fort peu sur ce site.

 

Madame, Monsieur,

Nous avons le regret de vous annoncer que l'édition 2006 de De l'Encre à l'Ecran prévue du 29 mars au 2 avril n'aura pas lieu et que le festival s'implantera dans une autre ville à partir du deuxième semestre 2006.

Merci de votre soutien tout au long de ces quatre éditions, soutien qui nous a permis d'accueillir près de 5.000 étudiants de l'Université François Rabelais.

En vous souhaitant de bonnes fêtes de fin d'année, nous vous prions de recevoir, Madame, Monsieur, l'expression de nos meilleures salutations.

 

Hier, Tronche de cinoche a publié un billet très intéressant sur ce sujet. Je vous invite à aller le lire.

09:45 Publié dans Tographe | Lien permanent | Commentaires (1)

lundi, 16 janvier 2006

Faire note de tout bois

Non, c'est vraiment n'importe quoi... Je ne voulais pas me coucher sans vous apprendre que, dans les pays d'origine de mes visiteurs, la Belgique est en train de détrôner (durablement?) la Suède à la troisième place du classement, avec 2,7%, contre 1,9% aux valeureux internautes suédois. Il va falloir que j'aille dire n'importe quoi sur un blog suédois, histoire de maintenir le suspens. Ou écrire plus en anglais.

Allez savoir...

Bon, indulgence ; ces prochains jours, pas de blog... Quelques photos, peut-être, si vous êtes sages.

Bonne nuit, je suis H.S.,

Guillaume

22:40 Publié dans Ex abrupto | Lien permanent | Commentaires (0)

Précision

Irène m'écrit pour me dire qu'elle n'est "pas la seule à avoir eu la fève", et que "ce n'est pas la peine de rajouter une note à ta note". Je me demande bien de quoi elle parle.

19:03 Publié dans Ex abrupto | Lien permanent | Commentaires (0)

...

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18:10 Publié dans Ex abrupto | Lien permanent | Commentaires (3)

Photo mystère

Je vous invite à deviner ce que représentent les trois photos illustrant une note déjà très ancienne. C'est surtout la deuxième qui devrait vous donner du fil à retordre.

Arithmétique souterraine

Dans l'euphorie de mes vomissements *  et dans la frénésie des commentaires (à moins que ce ne soit l'inverse), j'ai laissé passer inaperçu le deux millième commentaire, qui, comme c'est étrange, est de moi, et parle de chiffres...

 

* Rien avalé depuis trente heures maintenant.

16:10 Publié dans Ex abrupto | Lien permanent | Commentaires (1)

Radios au banc d’essai

Il existe un assez bon test pour choisir ses radios préférées. (Je n’ai jamais eu l’occasion d’écrire à quel point la radio était le média que j’aimais le moins, mais, en voiture, ce n’est pas si mal tout de même, jusqu’au jour où, ayant un véhicule équipé des outils informatiques me permettant de dicter des notes pour ce carnétoile et de les publier en direct, j’aurai pu définitivement me couper du monde extérieur :-))

Il existe, disais-je avant d’être interrompu par un imbécile qui ponctue d’émoticônes ridicules sa parenthèse, un assez bon test pour évaluer une station de radio. Il consiste à choisir une station, puis à zapper dès qu’on entend une ânerie.

A ce petit jeu, la malheureuse Radio Béton, avec ses animateurs sans cervelle ni culture ni rien d’autre je le crains, tient rarement le coup plus de vingt secondes. Ce matin, j’ai quand même tenu quarante secondes sur cette station. Il était question de la liesse (my words, not theirs : les animateurs de Radio Béton ont à peu près trente mots de vocabulaire) lors de l’élection de François Mitterrand en 1981. Puis l’une des animatrices a dit, en ricanant assez sottement : « Oui, il y a eu plein de bébés cette année-là. D’ailleurs, il y avait une chanson, Quand on aura vingt ans en l’an 2001. »

Je tiens à signaler à cette jeune femme que, si elle ne veut pas être grandement surprise au cours de son existence, la grossesse dure généralement neuf mois, et presque toujours plus de sept mois et demi… donc, que, s’il y a eu une influence de l’élection de Mitterrand (en mai) sur la natalité, celle-ci se sera ressentie en 1982. (Par ailleurs, la chanson de Pierre Bachelet n’a rien à voir avec la génération Mitterrand, ou alors j’ai loupé le coche.)

Le test se poursuit. France Bleu Touraine. Une heure d’émission, apparemment, avec pour seule invitée la responsable d’un établissement de toilettage canin. Et on dira après que consacrer deux minutes aux blogs tourangeaux, c’est abaisser le niveau culturel de la station. Toutefois, le choix de l’invité ne compte pas comme une ineptie, et j’attends vainement que la jeune femme ou le journaliste dise une bêtise. Rien, en bien trois minutes. Heureusement, la pause musicale arrive, et le test trouve son couronnement, me donnant la possibilité de zapper illico : en effet, le titre est Afrique, adieu de Michel Sardou, ce beuglant qui devrait recevoir le Prix Cambrai pour l’ensemble de son œuvre.

 

Je sais ce que vous allez me dire : pourquoi ne pas choisir France Culture ou Radio Classique ? Le hic, c’est qu’en dix minutes de voiture, les programmes de ces radios sont très frustrants… Et puis, dois-je avouer que ça me fait plutôt – mais perversement – plaisir d’entendre des idioties pour mieux les fustiger sur ce blog ?

Solde, au masculin depuis 1784

Oui, le substantif solde, au sens d’“action de solder”, comme son pluriel, au sens de “marchandises vendues légalement à un prix inférieur”, est masculin, mais depuis 1784 seulement ; auparavant, il était féminin, et, comme il est apparu dans notre langue en 1675, les plus contre-révolutionnaires d’entre nous peuvent toujours prétendre qu’ils sont plus royalistes que le roi en employant le féminin (alors qu’ils font une faute, bien sûr).

 

De la bathmologie, encore et toujours…

Espagnolette

Ça ne va pas fort. J’en veux pour preuve que, n’ayant rien avalé depuis hier midi, j’ai lu, par ailleurs, les quatre tomes du Chat du Rabbin. Vous dire si ça ne va pas fort.

 

Faut se garder des bandes dessinées pour les jours de maladie… Oui, mais moi, à dix heures et demie, fac inévitable.

 

Construisons un château de sable. Pour l’Espagne, on verra demain.

 

 

Recoins méconnus d'Amboise, 4

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dimanche, 15 janvier 2006

Dualité

Il faut que je donne quelques précisions sur les deux photographies qui illustrent une sorte de poème en prose écrit et publié samedi dans ce carnet, “Hymne”.

 

L’une, qui a pour titre « Bibliothèque municipale » représente le ciel nuageux et couvert au-dessus de la Loire, avec le haut du monument aux morts proche de la place Anatole-France (sa statue dorée), le dôme adamantin de la bibliothèque, et un pylône qui fend l’air pour redresser sa course en un point invisible de nous. C’est un lieu (une vue) bien connu(e) des Tourangeaux.

 

L’autre, intitulée « Trinité », représente, encadrée par un creux dans le mur des jardins du Musée des Beaux-Arts, un horodateur et un lampadaire, notre Renault Clio, garée vendredi à cette place après un créneau somptueux. Cela peut paraître trivial, d’autant qu’il vous faut me croire sur parole : au moment du créneau, il y avait, devant et derrière, des véhicules très proches, et la place de stationnement était un trou de souris. Ce n’est qu’une demi-heure après que je me suis avisé que la proximité de l’horodateur pouvait faire un cadrage intéressant. Après rognage des parties de droite et de gauche pour ne pas avoir à subir la vue de pare-chocs disgracieux, voici l’image. (D’ordinaire, je ne retouche pas. (Diable ! je vous demande bien de la confiance sur parole aujourd’hui !)

Recoins méconnus d'Amboise, 3

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M. Gauvreau fait du très bon pain.

13:55 Publié dans Ex abrupto | Lien permanent | Commentaires (3)

Recoins méconnus d'Amboise, 2

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Deux étoiles en ferraille, et trois branches,

pour un point d'interrogation

lent, terne.

Recoins méconnus d'Amboise, 1

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Sur le panneau :

"Cet orme, dernier d'un ensemble qui fit longtemps la beauté du mail, fut planté aux environs de l'année 1623. En 1972, hauteur 39 mètres, circonférence 5m70."

Il n'y a plus d'orme sur le mail.

 

[Image prise à Amboise le 8 janvier 2006.]

samedi, 14 janvier 2006

Arétin dans toute sa bouffissure ?

"Ah ! il aurait fallu nous montrer, dans toute la beauté de sa honte, dans toute sa bouffissure sanglée de velours blanc, glorieux et obscène, pourri de débauches et de talent, commodément installé dans le mépris pour insulter, donnant le premier exemple d'une de ces situations d'infamie qui s'affermissent en durant parce que la boue durcit, bravant et bavant, polygraphe et pornographe, ruffian de tableaux et courtier de filles, cet Arétin si complet que les plus parfaits gredins de notre tout dernier bateau suivent encore le sillage de sa gondole : car il ne leur a rien laissé à trouver, ni la goujaterie historiée, ni les grâces stercoraires; car il a tout inventé, depuis le système de faire crier ses articles dans la rue avec des titres sensationnels jusqu'à celui de toucher aux fonds secrets, depuis l'art de faire resservir les vieilles chroniques en les démarquant jusqu'à celui de ne jamais applaudir un homme que sur les joues d'un autre ! "  (Edmond Rostand. Discours de réception à l'Académie Française, le 4 juin 1903)

 

Daumier, ou les bouffissures

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"La charge de Daumier est féroce. Les trognes exsudent les bouffissures de la vanité. Une cravate bourgeoisement nouée compresse le menton renfrogné, la fausseté d’un regard luit dans l’oeil mi-clos sans que jamais le détail n’égare."

(Dominique Widemann. L'Humanité du 30 octobre 1999)

19:55 Publié dans BoozArtz | Lien permanent | Commentaires (0)

Bouffissures

Sans doute le mot bouffissure ne se donne-t-il pas, de prime abord, sous son aspect froidement lexicologique, et n’entend-on pas nécessairement, la première fois, l’adjectif bouffi sous la meringue ou la crème chantilly cotonneuse de ces trois syllabes lourdes. C’est un mot lourd et doux, complexe, où s’entendent les biffures (sans la housse protectrice, pourtant, des petits traits rageurs ou appliqués du palimpseste), les fissures, mais aussi le jeu verbal des bouts-de-ficelle. Imaginez quelques instants combien la face du monde francophone en eût été changée si, d’aventure, la série la plus célèbre s’était composée comme suit : marabout, bouffissure, surimi, mikado, dominion, mignonnet, onéreux, etc.

 

Quand le sens, malgré nos résistances, finit par l’emporter, la bouffissure rime avec la farcissure – si ce n’est que l’une s’emploie plutôt au sens figuré, pour parler de l’arrogance d’un sot (ou de la fatuité d’un vaniteux), alors que le second, plus concret, donne à voir de délicieux festins, de lourdes et langoureuses successions de plats somptueux en un banquet interminable. Qu’elle se rapporte au physique ou au moral, voire au comportement social, la bouffissure engage alors un bras de fer amical avec la boursouflure. Mais elle a, sur sa camarade, l’avantage considérable de ne point trop s’imposer, de fuir, d’échapper au sens, et même à la charpente de la voix – ni bourse ni soufflerie ni enflure pour moi, je vous prie ; je me contente d’allusions discrètes, au ratage, à la surcharge, à la faille… et au précipice.

Au jeu de la transposition néologénique, le synonyme exact de bouffissure est tuladissure. Rares sont ceux à employer cette variante précieuse et un rien désuète.

……………………………………………………..

 

Enfin, il ne serait point séant à l’emphase de ce billet de ne le farcir d’au moins une citation, curieusement physique d’ailleurs, et où peut se lire, à mes amis qui aiment la science-fiction, un hommage :

 

« Obèse et blême, il vacillait sur ses jambes enflées. Ses yeux disparaissaient dans les bouffissures de son visage et il était plus qu'à moitié chauve. Elle ne le reconnut pas. Un client parmi d'autres, et pas plus répugnant que beaucoup d'autres. D'ailleurs, ce n'étaient pas les plus hideux qui lui faisaient le plus peur… » (Michel Jeury. « Les Vierges de Borajuna ». In Horizons fantastiques. N° 30, 1974.)

 

 

Audité

Me lassant des statistiques de H&F, qui, pour être informatives, ne me donnent aucun renseignement sur les recherches qui conduisent – assez aléatoirement – les visiteurs imprévus dans les sentiers de mon carnet de toile, je me suis inscrit auprès d’une autre institution statistique, qui “audite” mon site depuis avant-hier, et confirme à peu près le nombre de visiteurs, qui se stabilise en ce moment autour de 450 visites quotidiennes pour 200 à 250 « visiteurs uniques ».

L’une des nombreuses rubriques rapidement parcourues (et après, je sais que, comme pour le fade joujou des statistiques maison, je m’en serai lassé et ne les consulterai qu’épisodiquement) m’indique que, après la France (88%) et les Etats-Unis (6%), les deux pays d’origine (ou plutôt : de connexion) de mes lecteurs sont la Suède et la Suisse. Si j’avais su… Je vois assez qui sont les Helvètes, mais je suis très surpris par ce 1,6% suédois, qui ne saurait être seulement lié à de récents pinaillages sur l’adjectif norvégien apposé, ès les pages du Robert culturel, au très suédois Strindberg.

Quiconque voudra éclairer ma lanterne, en particulier d’une profonde et hivernale nuit scandinave, est le bienvenu.

Hymne

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Les grandes orgues résonnent au cœur de la morgue. Près du calvaire, sans paupières, un homme mort dort les yeux ouverts. Où est passée mon écharpe ? La fureur des cris redouble, et l’angoisse qui me saisit les cils connaît des soirs moroses.

 

Rome ne s’est pas bâtie en un jour. La peau parcheminée, le vieillard s’en va, car les coups de sang ne sont plus de son âge ; la jeune femme lui aura tapé sur les nerfs, avec sa vénération.

 

Oh ! comme on respire mal dans vos cicatrices !

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Eléments d’un dîner, vendredi 13

Convives

Ceux qui pieusement… : Trois messieurs et trois dames.

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Mets et boissons

Pruneaux au bacon, dés de gruyère, rôties à la tapenade.

Huîtres de Cancale. Champagne Fleury père & fils.

Confit de porc & tomates à la provençale.

Château La Fleur Peyrabon 1999.

Fromages divers, dont Saint Félicien, Pont-l’Evêque, Epoisses.

Château Liversan 1996.

Galettes à la frangipane. (Irène a eu la fève.)

Excellent armagnac proposé mais refusé – heure tardive ou activités du lendemain ? – par les convives. Café. Tisane au sureau.

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Types de discussions

Universitaires.

Personnelles.

Moqueuses.

Inavouables.

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Quelques sujets de discussion

Vaut-il mieux se faire refourguer des responsabilités de vice-doyen ou de directeur de département ? (Composition de philosophie en six heures.)

Eric Rohmer et les films de SF américains.

Les professeurs d’E.P.S. férus de didactique.

Pieds d’appel.

La Thaïlande et le processus de Kyoto (Là, j’ai peut-être mal noté).

Il était une fois l’homme.

Vendredi 13, à tant la statue

Je croyais rencontrer quelqu’un que je n’avais jamais rencontré. Cendrine Nirdre, qui avait publié deux romans sous un pseudonyme (on comprend pourquoi, car son nom n’est guère facile à prononcer, voici au moins l’une des commodités de l’écrit), venait à Tours pour visiter l’exposition Lorenzo Veneziano avec quatre autres écrivains et une attachée de presse. Comme nous correspondions depuis quelque temps déjà, elle m’avait prévenu de sa venue. « J’aurai une heure de liberté, et vous serez mon escapade », m’avait-elle écrit de son écriture déliée et grave.

Je l’attendais devant la cathédrale. Aucune photographie n’existait, dans nul magazine, de cette mystérieuse plumitive. Son masque rehaussé d’un grand florilège de mèches noires, je ne pouvais l’imaginer. J’attendais donc, curieux comme impatient de connaître enfin le visage de la dame de lettres.

Cendrine Nirdre, me répétai-je trois fois, comme une formule magique, quand je vis que l’heure tournait. C’est alors que je vis arriver, par enchantement, une collègue, éminent professeur de littérature britannique dans mon université. Manteau gris et chapeau bleu roi, d’une élégance bourgeoise jamais démentie, elle eut un sourire étonné en me voyant.

« – Mais que fait donc notre jeune collègue ici, dans le froid ?

– Ah, j’attends quelqu’un… qui tarde à venir, d’ailleurs.

– Profitant de ma venue à Tours pour surveiller les examens, je suis allée faire un tour à l’exposition Veneziano. C’est très intéressant.

– Oui, c’est bien. Un peu bref, vite vu, mais j’aime beaucoup les toiles du maître de Lorenzo.

– Paolo, c’est ça ?

–  Oui… Bon, ce n’est pas Paolo Uccello ni Lorenzo Lotto. Mais certains visages sont magnifiques.

– Nous aimons bien les prénoms, vous et moi, n’est-ce pas…

– Oui, vous les chérissez plus que moi encore.

– Bien ; je dois y aller. J’ai encore une surveillance cet après-midi. »

Cendrine Nirdre, à vrai dire, n’est pas venue. J’ai hanté les rues du vieux Tours, les galeries, les librairies. Je n’ai pas trouvé trace d’une attachée de presse, ni des écrivains qu’elle remorquait. Si quelqu’un lève le voile pour révéler le visage de l’écrivain célèbre, ce ne sera pas moi.

Vendredi 13, la fête latente

Etait-ce un malentendu ? Elle n’était pas là, assise devant l’une des niches vides, depuis très longtemps. Deux policiers montés sur de fringants chevaux passèrent. Il y avait des fleurs, de douces fureurs dans son regard.

Elle attendait un monsieur, vieux déjà, poudré, drapé de noir, osseux et décalcifié ; un mythe vivant… un ancien maire – très controversé – de la ville. C’était pour sa thèse (ils disent tous ça, non ? c’est pour ma thèse… – avec cet air rêveur, plein de certitude et de mensonges mal dissimulés). Elle disait, à qui voulait l’entendre, qu’elle n’était pas historienne, et pourtant la méthodologie des sciences sociales ou des sciences politiques ne l’attirait pas du tout. Elle allait rencontrer ce vieux monsieur poudré, drapé de gris, ossifié dans son mythe, comme elle aurait donné rendez-vous à Jean Jaurès (saviez-vous que Jean Jaurès lit mon blog ? avait-elle lancé à la cantonnade un soir, et tous de l’admirer), et elle était – non pas émoustillée, mais plutôt joyeuse, sûre de son fait, ne voulant pas lui poser des questions comme l’eût fait un journaliste ou une étudiante.

Je suis dans le bassin de Latone, et je l’observe. Quand le vieux pontifiant arrive, elle est tout sucre, tout miel. Oui, c’est moi, Johanna. Un petit sourire pincé se dessine sur le visage parcheminé. Un rai de soleil s’échappe des cheveux de la jeune femme.

Ce n’est rien, lui dis-je. Tout vient à point à qui sait entendre.

 

vendredi, 13 janvier 2006

Vendredi 13, ou l’Inattendu

Il avait rendez-vous avec elles, devant la cathédrale Saint-Gatien, c’est-à-dire sur le parvis. Une grive mauvis passa dans le ciel encore brun de nuages et de nuit, à quelques encablures pourtant de midi. Il ne les vit pas venir. Il avait connu l’une des deux dans un monde que les ignorants disent virtuel, et ne la connaissait pas de vue ; l’autre était l’amie de la première, et il la connaissait moins encore.

 

Il faisait les cent pas, variant les itinéraires avec plaisir, choisissant la première esplanade, ou la deuxième, s’immobilisant quelques minutes près des niches vides de leurs saints, les scrutant comme si ces évidements détenaient le secret de ce qui fait toute notre joie : l’évidence et le mystère. Parfois, il tirait son appareil photographique pour saisir qui sait quel détail de pierrerie, ou tel fragment de rue ; ou encore, je le vis, à midi déjà passé, alors que le froid devait lui engourdir le manteau, empeser ses lunettes aux verres rectangulaires et d’un noir martial, dur, acéré, se prendre en photo, à bout de bras, mais non sans s’être au préalable caché le visage derrière le livre de poche (il attendait cette Eurydice de fortune) qu’il avait emporté avec lui.

Oui ; il faut dire qu’il lisait parfois, comme dans un bréviaire, de son air monacal, un petit livre curieux, à couverture grise à peine marquée du rouge d’un visage et de caractères d’imprimerie (titre et nom d’auteur, certainement). Je l’observai. Je me disais qu’il était curieux qu’il eût ainsi prévu tous les accessoires d’une attente interminable et vouée à l’échec, à l’absence de rencontre. Jouait-il la comédie de l’attente ? Et qui était-il ?

Il lisait. N’est-ce pas faire des manières – lire ainsi, comme dans un bréviaire, en faisant les cent pas devant une cathédrale ?

Vers midi et quart, un homme l’aborda, lui demanda assez sauvagement « Vous êtes Guy ? », à quoi il lui fallut répondre par la négative, d’un air d’abord surpris, puis amusé. Moi aussi, je trouvai cela amusant que lui, qui attendait depuis quelque temps déjà deux femmes qu’il ne connaissait ni d’Ève ni d’Adam, se vît de la sorte aborder. A midi vingt, un jeune couple que nous avions vu, lui et moi, entrer dans la cathédrale un bon moment auparavant, sortit par le portail de gauche. Se jetant dans la Loire (n’a-t-il pas, comme tout un chacun, une montre ou un téléphone portable faisant office d’horloge ?), il leur demanda l’heure.

Il les avait entendu, avant, parler des saints absents de leur niche, de modillons, de façades polychromes que restitue, de nos jours, un savant jeu de lumières. « À Chartres », avait dit la jeune fille, mince lame de couteau rousse – j’avais été tenté de m’immiscer dans leur conversation, en leur disant que c’était surtout la cathédrale d’Amiens qui était réputée pour son éclairage polychrome. Je m’étais retenu – et là, lui, il sautait le pas, quelle banalité, pour leur demander l’heure…

Il ne traîna pas longtemps à débiter pieusement ses patenôtres, à lire ses fadaises, à prendre ses photos loupées, à émincer sa silhouette. Il fila, sitôt l’heure (midi vingt) annoncée par le jeune homme. De toute son attente, il ne s’était absenté qu’une minute, vers 11 h 50, pour aller rôder devant l’entrée du Musée des Beaux-Arts, anxieux – sans doute – d’avoir fait fausse route et de s’être trompé sur le lieu du rendez-vous… sans jamais perdre de vue le parvis de la cathédrale. Son autre absence, ce fut vers midi dix, pour aller rendre hommage au gisant si émouvant des jeunes enfants de Charles VIII – attribué tantôt à Michel Colombe tantôt à son neveu Guillaume Régnault – mais si furtivement, une minute à peine, qu’il pensait ne pas courir de risque.

Je suis seul à savoir si, pendant cette minute, deux dames ne se sont pas présentées sur le parvis, ont scruté un à un les trois portails, ni si l’une d’entre elles ne se sera pas exclamée « C’est sûr, avec un tel retard, il n’aura pas attendu… » Seul à le savoir, je le laisserai dans le doute. Cela lui apprendra à faire les cent pas.

Fait tapisserie au château de Chenonceau, 6

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