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mardi, 25 octobre 2005

The early bird catches the spleen

Certains matins, cela se produit. Au réveil, l'impression que jamais on ne se lèvera, que jamais on ne pourra continuer ce train-train. On repense à tout ce qu'il y a de désagréable dans la vie, et les perspectives de la journée qui commence semblent pires les unes que les autres.

Ce matin, avant que sonne le réveil, assailli par le seul souvenir obsédant des diverses tâches importantes que j'ai, jusqu'à ce jour, laissées en plan, j'avais envie de tout laisser tomber. Comment faire pour se débarrasser des pensums? La perspective de devoir enseigner toute la journée en état de quasi-aphonie n'est sûrement pas sans lien avec cet état d'absolu découragement et de total abattement.

Tout envoyer promener. Tout et quoi?

09:12 Publié dans Ex abrupto | Lien permanent | Commentaires (3)

lundi, 24 octobre 2005

Surgir, disparaître, formuler

Peut-être est-ce là un effet du "genre journal": la consignation et le choix de ce que l'on y dit comptent, de facto, parmi les thèmes essentiels d'un journal intime. Toujours est-il que je trouve, sous la plume de Harry Laus, dans son Journal absurde, une analyse contradictoire ou complémentaire du paragraphe que je citais hier, de Julien Green:

25 juillet

J'ai souhaité écrire dans ce carnet bien des choses qui me sont arrivées durant ce mois de juillet, mais il s'est toujours produit quelque événement pour m'empêcher de réaliser ce souhait. Aussi, comme elles avaient surgi, ces choses ont disparu, je crois, faute d'avoir été formulées.

(Journal absurde, traduit par Claire Cayron, Corti, pp.113-4)

Malédiction

Ce doit être une joyeuse malédiction. M'apprêtant à rendre, à la bibliothèque d'anglais sise au troisième étage de la tour du S.C.D. (Service Commun de Documentation), un volume de The Library of America reprenant les trois premiers romans publiés de Paul Bowles, écrivain dont je n'ai jamais lu une ligne et dont j'avais emprunté ces textes à l'intention de ma mère, qui les a d'ailleurs lus tous trois au cours de l'été, j'ouvre une page presque au hasard (en fait, il s'agit du début de The Spider's House) et, lisant ce prologue, je me sens attrapé, capturé, apprivoisé déjà par les phrases de l'écrivain... et j'aimerais maintenant garder le livre pour le lire. Oui, ce doit être une forme de malédiction, l'épuisant désir de ces choses.

Romanse

Je tenais seulement à informer mes fidèles lecteurs que les romans interactifs que je dois commencer à écrire d'ici peu ne sont pas encore commencés. Ils sont en gestation. En attendant de pouvoir lire le premier chapitre d'Avril déjà dérape, toutefois, il vous est possible de réfléchir au concept même de romanse.

Il y a palindromiquement...

Quel effet de curieuse nostalgie, d'incompréhensible opacité, de tenace envie de saisir, à la lecture d'un article du Saint John Morning Telegraph d'il y a 141 ans.

Le Vrai Parisien m'envoie une partie de ses oeuvres complètes

Ce matin-là, le Vrai Parisien s'est senti pétri d'euphorie et nourri d'une profonde vénération à l'égard de l'écrivain qu'il admire par-dessus tout. Il s'est levé, et d'un pas fringant, a dirigé ses pas mélancoliques et sa face qu'illuminait un doux soleil automnal vers le bureau de poste le plus proche, afin d'expédier avec la plus infinie célérité la liasse constituée de plusieurs notes écrites au cours des dernières semaines. Il avait enté chaque liasse d'une dédicace de sa main, car il voulait que le génial écrivain prêtât attention à son envoi et lût chaque ligne avec délectation (ce que le génial écrivain fit, nous narrateur omniscient pouvons le dire sans détours). Ah, Vrai Parisien, que tu es heureux, de compter ainsi parmi tes lecteurs cet admirable Tourangeau que nous envie l'humanité!

Abbaye de La Clarté-Dieu, II

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Nous nous y promenâmes un jour sombre et presque froid de juillet. Qui vive, il n'y avait pas âme. Juste notre reflet dans les branches des arbres, et le clapotis d'eau que font les nuages, sans fin. C'est une propriété privée, et nous ne nous sommes pas avancés. Visiblement, le lieu est plus ou moins à l'abandon. Quel dommage. Retournons sur nos pas, sans froisser les fragrances du chèvrefeuille et de la badiane.

 

Harry Laus, le 3 août 1950

Ce n'est pas seulement pour écrire "3 août" que je me suis assis à ma table et que je viens d'ouvrir ce carnet. mais ce n'est pas non plus pour parler d'un sujet précis. C'est pourquoi je suis resté plusieurs minutes en suspens, sans savoir quoi dire, et craignant de n'avoir à écrire, finalement, que la date.

En ce moment, je ne sais pas davantage ce que je vais dire, mais cette indécision ou cette ignorance, ou absence de projet se reflète souvent dans mes actes. A force de vouloir trouver les origines de ce comportement, j'en viens à le justifier par le fait d'avoir toujours dû chercher et découvrir, par moi-même, tous les mystères et lieux obscurs de la vie. De n'avoir jamais eu personne pour me guider: ni mère, ni père, ni frère.

(Harry Laus. Journal absurde. Traduit par Claire Cayron. Paris: Corti, "Ibériques", 2000, p. 120)

Bureau 38

Je me prépare (non sans avoir au préalable fait, dans le cagibi éloigné qui tient lieu de toilettes pour messieurs, la vaisselle des mugs) un thé dans mon bureau, rue des Tanneurs, et, ayant répondu à plusieurs courriers électroniques de nature professionnelle, je commence à butiner de blog en blog, m'arrêtant au moment où j'allais, en cette oisive occupation, passer le peu de temps qu'il me reste, d'ici neuf heures, pour vaquer aux affaires courantes (et, pour certaines, urgentes). Je prends toutefois une poignée supplémentaire de minutes pour m'insurger contre ce que j'ai envie d'appeler une véritable insurrection, et dont Livy, comme il se doit, est la meneuse: comment ça? ne lire qu'une note sur trois? z'allez voir de quel bois je me chauffe...

***

Note de 17 h 43: J'ai ajouté le complément d'objet direct qui manquait dans la première parenthèse et qui avait, de fait, prêté le flanc à quelque triviale mais juste remarque d'une fidèle lectrice. (La remarque a été supprimée.)

dimanche, 23 octobre 2005

In memoriam Serge Charchoune

Je parlais tout à l'heure de Serge Charchoune, dont on trouve peu d'oeuvres en ligne (mais je me rappelle avoir vu une très belle toile naguère à Oxford). Ce ne fut sans doute pas l'un des peintres d'avant-garde les plus marquants, mais, s'il s'est laissé oublier, comme Breton l'écrivait de Saint-Pol Roux, il reste possible de le ramener à la surface le temps d'une note:

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21:05 Publié dans BoozArtz | Lien permanent | Commentaires (5)

Spirales

Dans son journal 1943-1945, Green, citant un extrait des Varieties of Religious Experience de William James, le traduit, et la dernière phrase de la traduction me pose plusieurs problèmes, car je me demande si ce qui me paraît être un faux-sens ne relève pas d’une tournure déjà un peu archaïque en 1944 et, du coup, ambiguë. L’excellence de la langue de Green et son réel bilinguisme plaident naturellement en faveur d’une bonne traduction devenue, avec le temps, plus opaque… mais comment en être certain ?

(Et j’ajoute à l’opacité en refusant de citer le texte de William James et le texte français proposé par Julien Green.)

17:05 Publié dans WAW | Lien permanent | Commentaires (1)

Le feu sacré et vide de valeur

Glané dans le journal 1943-45 de Julien Green :

 

26 avril 1944 – Un critique canadien m’envoie son dernier livre avec une dédicace dans laquelle il affirme que je suis « un des plus grands romanciers de ce temps ». Je feuillette le livre et y trouve un éreintement en règle de Varouna. « Ces pages, dit mon critique, valent le feu. » En traduisant librement, je suppose que cela veut dire que le livre mérite d’être brûlé. (p. 108)

 

Cette page donne l’envie irrépressible d’aller y voir. La phrase citée n’est pas claire, est tout à fait ambiguë, car que peut bien signifier ce valent ? De fait, s’il n’y avait pas l’“éreintement” dont parle Green, on ne pourrait, en rien, comprendre qu’il s’agit d’un appel à l’autodafé.

Dada

La commémoration actuelle de Dada, dont Yann Kerninon souligne justement le paradoxe, a été, pourtant, l'occasion de rechercher des informations sur Serge Charchoune, peintre dont je ne connaissais que le nom, longtemps associé pour moi à la vision hallucinée, amusée et toujours reprise de L'oeil cacodylate, l'un des "chefs d'oeuvre" de Picabia. (S. Charchoune est celui dont la signature occupe le plus d'espace sur la toile.)

14:33 Publié dans BoozArtz | Lien permanent | Commentaires (0)

Pages non coupées

L’exemplaire d’Entends la douce nuit, que j’ai feuilleté ces jours-ci entre autres travaux et lectures, édité par Plon en 1960 et sans doute présent dans le fonds de la Bibliothèque depuis presque aussi longtemps, n’avait jamais été ouvert, pour ne rien dire d’un éventuel lecteur. Pages jaunies, aux franges effilochées, d’un livre que je suis pourtant le premier à considérer.

Oublis

D’après J. Green :

 

9 avril 1943 – Erreur de noter dans un journal certaines choses qui, plus tard, peuvent faire souffrir. Que de petits événements j’ai oubliés déjà pour avoir sagement omis d’en parler dans ces pages ! Rien ne perpétue le souvenir comme les mots dans l’esprit de l’écrivain. […] Je me suis souvent demandé si tenir un journal n’était pas, du reste, contraire à cet instinct qui veut que nous oublions, car oublier, c’est s’alléger d’un poids, et le souvenir nous tire en arrière, nous empêche d’avancer.

(Julien Green. Entends la douce nuit. Plon, p. 28)

 

Il me semble que, dans mon cas particulier, la notation permet d’autant mieux, certes la fixation de certaines lectures ou de moments précis, mais aussi de se défaire : c’est écrit, consigné, mémorisé, en ligne même, donc il n’y a plus à s’en préoccuper. J’en veux pour preuve ma découverte, au moins à deux reprises, par la recherche dans le méta-moteur Google, de pages de mon site que j’avais déjà oubliées.

La douce dame de Bueil

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Apparitions dictées en dialecte

Le 23 octobre 1865, le père Cros couchait par écrit, sous la dictée de Bernadette Soubirous, les paroles de la Vierge apparue.

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(Pour une fois) Il sait de quoi il parle

Voici une phrase tirée des carnets mondains du Psychopathe Délirant:

Le Web a été inventé afin que l’excès des sottises puisse trouver à s’épancher sans faire trop de dégâts dans le monde réel.

L'imbécilité, soit... mais qu'en est-il de ceux qui, faute de savoir écrire convenablement trois phrases d'affilée ou de connaître quoi que ce soit, vomissent à longueur de page leur prurit en philosophèmes mal digérés?

samedi, 22 octobre 2005

Gisants de Bueil, II

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Il en avait été question précédemment: cet ensemble de gisants est parmi les plus émouvants que je connaisse.
(Dans la cathédrale Saint-Gatien, à Tours, les gisants des petits princes, attribués à Guillaume Régnault, sont également remarquables.) 

...139...

Il y a cent-trente-neuf ans naissait Léopold, le frère aîné de Colette.

Coup de collier sur un échiquier

Comme tous les auteurs de carnétoiles un peu dépassés, précautionneux mais pressés par le temps, je publie beaucoup, ces jours-ci, d'images, et écris peu. Ce ne sont pas les sujets qui manquent, ni l'envie, mais j'ai, à donner, un coup de collier plus violent encore que d'ordinaire. Sinon, je lis Biffures (ah, Leiris!), et The Grouchy Grammarian, qui ne me plaît pas tellement. J'ai lu la dernière pièce de David Hare, Stuff Happens, dont j'aimerais parler prochainement. (N'est pas Pinter qui veut, quand même...)

05:25 Publié dans Ex abrupto | Lien permanent | Commentaires (2)

vendredi, 21 octobre 2005

Sainte Ursule

Pour célébrer les vacances de la Toussaint qui commencent pour Marione et Simon, alors que moi, pauvre bagnard, je trace mon sillon, je tiens à montrer certaines représentations remarquables de Sainte Ursule.

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Celle-ci provient du Musée de l'Oeuvre à Strasbourg et constitue l'un des deux panneaux conservés d'un retable perdu. La fresque ci-dessous, en revanche, se trouve près de nous, en Touraine, dans l'église de Souvigné:

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Enfin, j'ai l'impression ( que je n'ai pu nullement vérifier ni confirmer) que le tableau de Vittore Carpaccio ci-après était une anamorphose. Il faudrait s'en assurer de visu... mais Venise est loin de Tours, hélas.

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Chambre de Commerce de Tours

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Ô, de ton ciel assombri
En ce début juillet, que berce
Un regard par sauts de cabri,
Emerge, Chambre du Commerce!

Amiel et ses 8100 pages

J'avais déjà, butinant la toile, convoqué les mânes d'Amiel lors d'une précédente célébration improbable. Revoici ce maître tutélaire du journal intime, ce modèle structurel du carnétoile, pour ce paragraphe génial écrit le 21 octobre 1867, il y a 138 ans:

8100 pages en 20 ans, c'est 400 pages par an, plus d'une par jour. Quelle immense paperasserie. M'aura-t-elle fait du bien ou du mal? Tous les deux; mais le bien l'emporte-t-il sur le mal? Croyons-le, car ce!a est possible, mais ce n'est pas évident. Est-ce que mille pages imprimées n'eussent pas mieux valu de toute manière que ces 8000 pages manuscrites? Il est vrai que ces griffonnages m'ont aidé à vivre. Mais ce soliloque de vingt ans m'a peut-être trop remplacé de choses meilleures. Sans lui, j'eusse été, pour ainsi dire, contraint au dialogue, j'aurais dû épouser une femme, un parti, une ambition, mettre mon intérêt et ma passion dans l'œuvre de mes mains, dans une cause quelconque; j'aurais dû m'emparer quelque peu du monde extérieur pour y verser mon âme et pour revoir que!que part en lui mon empreinte. Au lieu que trouvant ici un asile toujours ouvert, un auditeur toujours complaisant, j'ai pris l'habitude de me taire pour le prochain et de me suffire comme auditoire.

jeudi, 20 octobre 2005

Chien orange en bois

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Ce très beau chien, d'une belle et ancienne maison qui, rue Colbert, sert de gîte au restaurant Le Franglais.

Peter Bowler, lexicographomane

Depuis six mois, je fais mes délices infinies de la lecture des trois volumes du dictionnaire de Peter Bowler, dont le prmeier tome s'intitule The Superior Person's Book of Words, et les suivants de même manière, avec adjonction des adjectifs second et third avant l'adjectif superior. Jamais un auteur ne m'a fait autant rire, et avec quel savant dosage!

Je me suis donc mis en quête de quelques pages Web où il serait question de ces ouvrages. J'ai découvert, à cette occasion, qu'un site universitaire en donnait de très larges extraits, au mépris (je pense) des droits d'auteur.

L'excellent site World Wide Words de Michael Quinion, ressource presque inépuisable, propose une recension du troisième tome.

L'un des éditeurs, Bloomsbury, présente le premier tome avec deux sample entries.

Peter Bowler est australien, ce qui se ressent, de manière fort plaisante d'ailleurs, dans le premier tome, et moins dans les deux autres. L'expression "Superior Person", qui sert de fil conducteur et qui repose sur l'idée que l'emploi de mots rares ou inconnus des interlocuteurs met le locuteur en position de force, est une reprise très ironique de certaines formulations victoriennes. Ainsi, dans un roman peu connu, My Flirtations, de Ella Heptworth Dixon (1893), cette expression se retrouve, dans un extrait très savoureux:

Of course there were lots of people, even when he was at Cambridge, who knew nothing of the Deodoriser. But it always hung, like a modern sword of Damocles, over poor Gilbert's head. It made him diffident where he should have been at ease; it made him malicious when it would have been to his social advantage to appear kindly. But even at Cambridge he had given unmistakable signs of being a Superior Person. He could repeat, to a nicety, the shibboleth of Superior People. He knew when to let fall a damaging phrase about the poetical fame of Mr. Lewis Morris, and when to insinuate a paradox about the great and only Stendhal. In art, he generally spoke of Velasquez and Degas; in music, only the tetralogies at Bayreuth were worth discussion.

On peut aussi songer au poème de Francis Bret Harte, Lines to a Portrait, by a Superior Person. C'est aussi le titre de la biographie que Kenneth Rose consacre à George Curzon, qui fut, au tournant du siècle, vice-roi d'Inde. (Le sous-titre de la biographie est très éclairant: "A Portrait of Curzon and His Circle in Late Victorian England".)

Il ne fait aucun doute que Bowler, lexicographe-humoriste australien publié principalement aux Etats-Unis, a choisi cette expression en connaissance de cause: sa trilogie émane d'une conception intentionnellement et hyperboliquement réactionnaire de la langue. Il est souvent, dans son désir de ne pas être politiquement correct, d'une mauvaise foi tout à fait hilarante.