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mercredi, 02 novembre 2005

Rochecorbon

Dimanche après-midi, après avoir accompagné mon beau-père à la gare, nous avons voulu montrer à A. la petite bourgade de Rochecorbon, dont il nous parle sans arrêt ; le nom le fait beaucoup rire et le fascine, car une de ses deux maîtresses d’école enseigne à mi-temps dans cette commune. Il n’en revenait pas de se trouver là – un peu comme si l’on vous montrait l’Atlantide, ou comme si vous vous retrouviez en un tournemain sur Pluton.

 

Le village est fort joli, et a l’air nettement plus étendu que la longue avenue des bords de Loire et les alentours de l’église. Nous avons promené un moment autour de l’église, puis en remontant les rues pentues. En voiture, nous avons vu un assez joli manoir, qui était fléché de toutes parts, mais qui, comble du curieux, ne figure pas au nombre de la dizaine de châteaux de la commune que répertorie le site touristique Loire France.

 

L’église n’est pas laide ; l’architecture en est presque originale, avec quelques figures de grotesques au-dessus du portail et autour du chœur, pour faire bon poids. L’intérieur est très sobre, dépouillé, malgré l’inévitable et horrible chemin de croix fin Pompidou début Giscard. Il y a un très beau vitrail derrière le chœur ; il doit s’agir d’une œuvre néo-médiévale du dix-neuvième siècle, mais, une fois n’est pas coutume, très réussie.

 

P.S. : Je vais me tenir éloigné de ce carnet de toile deux ou trois jours, mais je continuerai d’écrire, et ai, de toutes les manières, prévu la publication d’une note illustrée par jour.

Défi numérique, II

Voici les résultats du défi numérique...

(roulements de tambour)

(publicité avec jeunes filles dénudées)

(spot de la Fédération Française de Blogging)

 

Guillaume Cingal a échoué dans son pari, mais de très peu: son carnet de toile, Touraine sereine, a reçu 9991 visites au cours du mois d'octobre, soit neuf de moins que ce qu'il espérait encore au matin du 31 octobre.

mardi, 01 novembre 2005

Transport(s)

Mardi, 23 h 40

Je me relève  – interrompant ma lecture de Roderick Hudson au milieu du chapitre 19 –  pour peaufiner certains détails, vérifier quelques références pour mon article, quasiment achevé pourtant. En deux heures dimanche soir, une heure cet après-midi, et deux heures de nouveau ce soir, soit à peine six heures (ce qui me stupéfait moi-même), j’ai mis au propre et écrit cet article, sous le coup d’une forme d’inspiration qu’il m’est nécessaire d’attribuer – un peu d’irrationnel ne me fera pas de mal, une fois n’est pas coutume – au sujet même du transport, de l’extase, de cette forme d’échappée hors de soi que propose le roman de Jamal Mahjoub, Travelling with Djinns.

(Bien sûr, je ne compte pas, dans les six heures, la relecture minutieuse du roman stylo et feuilles de brouillon en main, ni l’heure que je vais maintenant, une fois refermé ce carnet, consacrer à un certain nombre de vérifications bibliographiques.)

La pluie bat contre le carreau, une voiture passe, à toute allure, et je referme ce carnet.

23:50 Publié dans WAW | Lien permanent | Commentaires (0)

Meurtrissures

Dans le donjon, parmi les rebecs, les flèches pleuvent par milliers, et l’eau bouillante nous éloigne. Une farandole de nuages s’extasie comme à la parade. Tu n’avais pas de sourcils, cette nuit, quand je t’ai rêvé, et pourtant tu étais très beau, comme un soleil de pacotille. Je m’appuie à l’un des créneaux, et je saute sans crier gare. Mes hurlements se perdent dans les nues, et je ne te vois plus.

16, rue Briçonnet

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Les Trois Rois

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les trois rois
traînent reines
rincent princes
***
aux princesses reste l'inceste
  [Vue prise le 1er octobre 2005.]

Cent-quarante-neuf ans après...

... souvenons-nous de l'éruption volcanique du mont Ragang*, dans les Philippines.

* On dirait un nom inventé par mon fils (qui, un temps, nommait tous ses animaux imaginaires, dinosaures en plastique, etc., Rigang et Pechté), mais non: il existe bel et bien.

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(Le mont Ragang: photographie aérienne)

Peut-être la seule boulangerie ouverte en ce jour de Toussaint, à Tours

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En ce mardi, j'aurais pu entonner l'air des cimetières cher à Brassens, car il n'y avait pas la moindre trace, le plus humble petit soupçon de boulangerie ouverte, jusqu'à ce que nous trouvions, près de la Tranchée, l'établissement ouvert et gavé de monde de Pascal Beneux. Loué soit-il!

Phalanstère

C’est la valse des frelons. Les corbeaux dansent dans les arbres. A Carrare, on prend des leçons – de hautbois, de violon, de flûte ou mandoline. Le bossu passe avec sa fille. Elle est vêtue de haillons ; les ortolans se moquent d’elle. Dans mon jardin, il y a des fleurs. C’est la valse des frelons. Le vieil ivrogne exhibe ses fesses. L’addition est pour ma pomme. Tu n’iras pas très loin comme ça, si dru, si dramatique. Je me souviens de Saint Lucien, quartier curieux de Beauvais. Je pèle la pomme en trois quarts ; je ne sais pas comment j’ai fait. Dans la mêlée, le vent bourdonne. Et c’est la valse des frelons, toujours, toujours recommencée…

lundi, 31 octobre 2005

Bibliothèque portative en anglais

Pour ceux qui lisent l'anglais (et qui deviennent indûment favorisés ces derniers temps), je conseille la lecture de ce chapitre 3 de The Road to Wigan Pier, qui, outre de belles considérations minières et charbonneuses, peut suggérer la réponse à l'énigme posée plus tôt ce jour.

(Mais si, vous savez bien, dans un message publié à 12 h 55, et qui proposait de relier le texte d'un conte et le titre d'une précédente note.)

(Ce qu'on s'amuse.)

Vue pyrénéenne agrémentée d'une énigme

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Mais que faisait cette jument?

 

Thoreau, il y a 148 ans

October 31, 1857:

If you are afflicted with melancholy at this season, go to the swamp and see the brave spears of skunk-cabbage buds already advanced toward a new year.

Bordeaux barbapapesque

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Comme dirait mon beau-père: les Barbapapa sont ridicules et mal dessinés. Mais leur succès est dû à deux idées de génie: le caractère protéiforme de ces créatures surnaturelles, et l'emploi des couleurs.

(Photographie prise en août 2005 à Talence.)

 

Oups, je l'ai fait encore...

Ayant dû subir, au moment du café, en cet aimable troquet où je déjeune le lundi, un pot-pourri de Britney Spears (et jamais le mot "pourri" n'eut autant de signification), je vous livre la traduction, par l'intermédiaire du traducteur automatique de Google, d'une chanson intitulée Oops I did it again :

Oops, je l'ai fait encore
J'ai joué avec votre coeur
Obtenu perdu dans le jeu
Bébé de bébé d'Oh
Oops, vous pensez que je suis dans l'amour
Que je suis envoyé d'en haut
Je ne suis pas celui innocent

(Texte original ici. (But don't you dare go and check!!!))

Tom Pouce et la Table Ronde

Si vous choisissez de lire The True History of Sir Thomas Thumb, d'une certaine Flora Annie Steel, vous découvrirez peut-être l'expression anglaise qui relie ce conte à une note publiée précédemment ce jour.

Défi numérique

M'étant lancé le défi imbécile de dépasser les dix mille visites au cours du mois d'octobre, je me dois d'aller au bout de l'idiotie, go the whole hog, et vous informer que c'est mal.

(Mal barré, quoi).

En effet, il faudrait 383 visites pour ce seul dernier octobre. Or, ce carnet de toile n'a accueilli un nombre supérieur de visites qu'à deux reprises en trente jours, soit le lundi 17 octobre et le lundi 24 octobre. (Je m'en étais déjà ému.

Si le lundi me porte chance, ou si les palindromes me poursuivent, nous le saurons demain.

11:50 Publié dans Ex abrupto | Lien permanent | Commentaires (1)

Halo, oui

Deux étudiantes, ce matin en cours de grammaire, grimées, maquillées et cheveux teints.

Plus tôt, une dame d'allure tout à fait respectable manque de me faire tomber, pilotant fièrement sa bicyclette sur le trottoir. Il ne se passe pas de journée sans que l'on voie des vélos empiéter sur l'espace pourtant réduit des piétons. Il paraît que les cyclistes ont beaucoup à se plaindre des automobilistes; les piétons, eux, doivent s'écraser, je suppose.

Hier soir, j'ai bien avancé le texte de ma communication sur Travelling with Djinns. Je ne tousse plus beaucoup. J'ai achevé la lecture de L'Amant bilingue, livre fou et fort de Juan Marsé. Ce matin, entre 7 h 30 et 9 h, dans mon bureau rue des Tanneurs, j'ai préparé les documents pour le cours sur l'humour britannique de lundi prochain. Où il sera question de limericks.

Un halo de ferveur laborieuse accompagne mes pas. Je réinvente la roue.

Sur son trente-et-un

Au moment où apparaît cette note, que j'écris ce dimanche 30, à six heures du soir mais programme pour demain matin, le dernier nombre à figurer en noir au calendrier verdit de sérénité, et la nuit suivante, à minuit, le calendrier du mois de novembre s'y substituera, alignant une théorie de trente nombres noirs à, inlassablement, reverdir, même en automne, et de sisyphéenne condition.

06:40 Publié dans Ex abrupto | Lien permanent | Commentaires (2)

dimanche, 30 octobre 2005

I médiuscule

A lire, un bel article de William Safire.

All Roads Lead to Calvary

Pas envie d'écrire aujourd'hui, et guère le temps non plus, alors je vous recopie (à la mode informatique) le début du chapitre II de All Roads Lead to Calvary de Jerome K. Jerome. Scène très intéressante, tant d'un point de vue freudien (la désinhibition) que dans une perspective lacanienne (déplacement de la scène spécifique dite "stade du miroir"). (Et surtout, c'est très drôle!)
Le premier paragraphe m'en semble extraordinairement bien écrit.

One of Joan's earliest recollections was the picture of herself standing before the high cheval glass in her mother's dressing-room. Her clothes lay scattered far and wide, falling where she had flung them; not a shred
of any kind of covering was left to her. She must have been very small, for she could remember looking up and seeing high above her head the two brass knobs by which the glass was fastened to its frame. Suddenly, out
of the upper portion of the glass, there looked a scared red face. It hovered there a moment, and over it in swift succession there passed the expressions, first of petrified amazement, secondly of shocked indignation, and thirdly of righteous wrath. And then it swooped down upon her, and the image in the glass became a confusion of small naked arms and legs mingled with green cotton gloves and purple bonnet strings.

"You young imp of Satan!" demanded Mrs. Munday--her feelings of outraged virtue exaggerating perhaps her real sentiments. "What are you doing?"

"Go away. I'se looking at myself," had explained Joan, struggling furiously to regain the glass.

"But where are your clothes?" was Mrs. Munday's wonder.

"I'se tooked them off," explained Joan. A piece of information that really, all things considered, seemed unnecessary.

"But can't you see yourself, you wicked child, without stripping yourself as naked as you were born?"

"No," maintained Joan stoutly. "I hate clothes." As a matter of fact she didn't, even in those early days. On the contrary, one of her favourite amusements was "dressing up." This sudden overmastering desire to arrive at the truth about herself had been a new conceit.

"I wanted to see myself. Clothes ain't me," was all she would or could vouchsafe; and Mrs. Munday had shook her head, and had freely confessed that there were things beyond her and that Joan was one of them; and had
succeeded, partly by force, partly by persuasion, in restoring to Joan once more the semblance of a Christian child.

Lettre de Napoléon III...

... à son cousin responsable des colonies, lui enjoignant de cesser définitivement tout engagement de travailleurs sur les côtes d'Afrique, et de se tourner pour ses besoins en bras, vers celles des Indes.

Saint-Cloud, le 30 octobre 1858.

"Mon cher cousin, je désire vivement qu'au moment même ou le différend avec le Portugal, à propos du Charles-Georges*, vient de se terminer, la question de l'engagement des travailleurs libres pris sur la côte d'Afrique soit définitivement examinée et résolue d'après les véritables principes du droit et de l'humanité. J'ai réclamé énergiquement auprès du Portugal la restitution du Charles-Georges, parce que je maintiendrai toujours intacte l'indépendance du drapeau national ; et il m'a fallu, dans cette circonstance, la conviction profonde de son bon droit pour risquer de rompre avec le roi du Portugal les relations amicales que je me plais à entretenir avec lui.

Mais quant au principe de l'engagement des noirs, mes idées sont loin d'être fixées. Si, en effet, des travailleurs recrutés sur la côte d'Afrique, n'ont pas de libre arbitre, et si cet enrôlement n'est autre chose qu'une traite déguisée, je n'en veux à aucun prix. Car ce n'est pas moi qui protégerai nulle part des entreprises contraires au progrès, à l'humanité et à la civilisation.

Je vous prie donc de rechercher la vérité avec le zèle et l'intelligence que vous apportez à toutes les affaires dont vous vous occupez ; et, comme la meilleure manière de mettre un terme à des causes continuelles de conflit serait de substituer le travail libre des coolies de l'Inde à celui des nègres, je vous invite à vous entendre avec le ministre des affaires étrangères pour reprendre, avec le gouvernement anglais, les négociations qui avaient été entamées il y a quelques mois.

Sur ce, mon cher cousin, je prie Dieu qu'il vous ait en sa sainte garde."

Napoléon III


* Le Charles-Georges est un navire négrier français intercepté en 1858 par la marine anglaise et conduit dans le port de Lisbonne. L'affaire fait scandale.

***********

N.B.: La célébration improbable de ce jour est dédiée à la mémoire des esclaves et des peuples colonisés, de tous les temps, et de tous les climats. Merci au site Zananas de son excellente page consacrée à l'immigration indienne en Martinique, d'où est tirée cette lettre de Napoléon III.

Milquetoast

Si je connaissais bel et bien le nom mollycoddle avant de lire Henry James, je ne connaissais pas milquetoast avant d'écrire la note publiée hier. C'en est un synonyme.
Un certain H.T. Webster a publié en 1931 un ouvrage intitulé The timid soul; a pictorial account of the life and times of Casper Milquetoast... D'après le site Answers.com, c'est ce personnage (de bande dessinée, apparemment) qui est à l'origine du nom commun.
Mais, bien évidemment, le plus frappant, c'est qu'il existe un journal intime en ligne ainsi intitulé.

A chaque jour suffit sa peine.

samedi, 29 octobre 2005

Mollycoddle, 2

J’ai narré la mésaventure qui m’arriva hier matin, dans la salle des professeurs du site Fromont. La note perdue commençait par un paragraphe qui traitait de mon amour des mots, the clear fact that I’m a wordaholic. (Mais cette formule date de l’instant même…).

Lors de l’invention, en juillet, des catégories pour ce carnet de toile, j’ai aussitôt créé une rubrique Words Words Words, que j’ai failli intituler WWW, ce qui eût permis autant et plus encore d’ambiguïté que pour la catégorie WAW. Mais cette catégorie n’a été alimentée que sporadiquement, peut-être parce que ma lecture de nombreux ouvrages lexicographiques aussi ludiques qu’instructifs, mais aussi la consultation de sites (principalement ceux de Michael Quinion et d’Anu Garg), m’ont montré qu’on ne pouvait explorer les mots d’une manière systématique qu’en y passant la totalité de ses journées. L’exemple littéraire de Michel Leiris a aussi de quoi décourager d’emblée les émules.

 

Toujours est-il que la lecture simultanée (comme toujours : je ne survis pas avec moins de quatre ou cinq ouvrages en parallèle) de Roderick Hudson et de Travelling with Djinns, qui sont, chacun dans leur style, de confondantes ciselures de la langue anglaise, m’a incité à reprendre cette catégorie et à consacrer des notes plus régulières à des mots précis, pas nécessairement rares d’ailleurs. Le premier mot sera, pensai-je, mollycoddle. C’est un nom, et, par extension ou conversion, un verbe.

Voyons ce qu’en dit sommairement le Roget’s Thesaurus :

NOUN: A person who behaves in a childish, weak, or spoiled way: baby, milksop, milquetoast, weakling. Idioms: mama's boy (or girl) . See YOUTH. <br>VERB: To treat with indulgence and often overtender care: baby, cater, coddle, cosset, indulge, overindulge, pamper, spoil. See TREAT WELL.

Dans Main Street, Sinclair Lewis l’emploie dans un sens très clair connotant le caractère efféminé : "They say he tries to make people think he's a poet — carries books around and pretends to read 'em, says he didn't find any intellectual companionship in this town…. And him a Swede tailor! My! and they say he's the most awful mollycoddle—looks just like a girl. The boys call him Elizabeth…."

 

Mais c’est l’occurrence de ce nom dans une très belle phrase jamesienne, une réplique de Roderick lui-même, qui a stimulé l’écriture de cette première particulière note.

"The trouble is," he went on, giving a twist to his moustache, "I 've been too great a mollycoddle. I 've been sprawling all my days by the maternal fireside, and my dear mother has grown used to bullying me."

Or, l’édition que je lis reprend le texte de 1909, révisé par James plus de trente ans après l’écriture du roman, le second de son auteur. Le texte que proposent les éditeurs du projet Gutenberg donne le texte original de 1875, qui ne comprend pas le mot. Ce que disait Roderick dans la première édition, c’est « I’ve been too absurdly docile », ce qui revient à dire qu’il en veut à son entourage plus qu’à lui-même. En se traitant, en 1909, de mollycoddle, il s’impute la plus grande part de culpabilité : de docile, il est devenu imbécile ou plutôt, s’est convaincu d’être « dans les jupes de sa mère ». Peut-être le mot était-il moins fréquent en 1875, ou s’agit-il d’un anglicisme dont James ne s’était pas encore rendu maître lors de l’écriture du roman.

 

Pour vérifier tout cela, il me faudrait le sacro-saint OED, ou comparer des dictionnaires américains et anglais. Comme je le disais en ouvrant cette note, je ne compte pas passer mes journées à écrire les notes de cette rubrique ; parfois, je me contenterai de recopier une phrase d’écrivain particulièrement belle, ou de présenter sommairement le mot. (Un coup d’œil rapide à The Maven’s Word of the Day semble indiquer que ce fut d’abord un anglicisme avant de pénétrer aux Etats-Unis, donc j’aurais deviné juste.)

Dix mille?

A trois jours de la fin du mois, je voudrais informer mon aimable lectorat (d'autant plus aimable qu'il supporte ces crises d'acné numérologiques et statistiques) que ce blog a reçu 9001 visites entre le 1er et le 28 octobre. Courage! Dix mille, c'est possible!!! (La réponse: dans trois jours.)

13:55 Publié dans Ex abrupto | Lien permanent | Commentaires (3)

Voyage avec les djinns

Mardi, huit heures vingt.

 

Tout dort dans la maisonnée. Les angines, la claustration, ont-elles abattu tout le monde ?

 

Avant-hier soir, je voulus furtivement me relever pour écrire une (sans doute longue) note sur mes lectures du moment, Wasabi que j’avais fini la veille, et surtout les trois autres livres que je mène de front. Soucieux de me reposer un peu, je ne l’ai pas fait, et me suis contenté d’éteindre la lampe sur les minuit*. Hier soir, je voulais passer la soirée avec ma compagne, à l’issue d’une semaine éprouvante pour elle et épuisante pour moi.

La lecture de Roderick Hudson, qui m’enchante comme à chaque fois que je reprends le fil dénoué de mes fréquentations jamesiennes, m’a, presque à elle seule, convaincu de redonner du lustre à la catégorie Words Words Words, d’où l’essai infructueux (pour cause d’incurie informatique) d’une note consacrée au mot anglais (nom et verbe) mollycoddle, hier vers neuf heures et demie à Fromont.

Ce n’est pourtant pas de ce livre-là, ni de son compagnon baroque et de fortune, L’Amant bilingue de Juan Marsé, que je voulais surtout parler**, mais de ma relecture (pour la quatrième fois) de Travelling with Djinns, le dernier roman paru (en 2003) de Jamal Mahjoub.

 

Il est rare, pour moi, qu’un livre distille ses charmes de manière toujours plus audacieuse, plus insidieuse, à chaque nouvelle lecture – pourtant, tel est le cas de celui-là, que je trouvai, lors de ma première lecture il y a deux ans et d’un certain point de vue, plus « facile » que les précédents***. Entre-temps, j’ai co-organisé un colloque dont Jamal était l’invité d’honneur (“Fantasmes d’Afrique/Fantasizing Africa”, 18 et 19 novembre 2005), j’ai étudié le roman dans le cadre d’un cours de troisième année (en parallèle avec The God of Small Things d’Arundhati Roy), je l’ai relu aussi dans la perspective d’un article de bilan sur mon travail en littérature comparée... bref, ce qui n’aurait pu, comme dans bien des cas, n’être que relecture de circonstance (car, une fois encore, je le relis car je dois intervenir la semaine prochaine à son sujet dans un colloque), s’avère être plus foudroyant, ou plus fascinant que je ne l’aurais pensé.

J’ai découvert l’œuvre de Jamal en 1999, je crois, sur les conseils de son traducteur, qui est aussi un éminent collègue à présent retraité, Jean Sevry. Jean a traduit, avec sa femme, les cinq romans de Mahjoub, sauf le premier, qui a paru aussi chez Actes Sud, pourtant, et le second, à ma connaissance inédit en français (et l’un de mes préférés pourtant : Wings of Dust). Bien ; je m’aperçois que cette phrase est fort mal construite, car il vaudrait mieux dire que Jean a co-traduit les trois derniers romans de Mahjoub ; cela semblerait moins ridicule. Je ne connais pas la traduction de Travelling with Djinns, parue en 2004 sous le titre Là d’où je viens. Pour cette note, il m’a paru préférable de traduire plus littéralement, d’autant que l’image de la hantise (des djinns persans ou nisses danois, créatures qui, comme les soucis, accompagnent le voyageur) est essentielle, et, surtout, plus distinctive, plus originale que le choix du thème des origines. Mais ce doit être là, encore, l’influence de l’éditeur, donc je ne me permettrai pas de critiquer Jean, ni son épouse. Ce sont, d’ailleurs, de très bons traducteurs.

L’an dernier, lors d’un mémorable dîner de fin de colloque à la Rôtisserie tourangelle, Jamal nous avait confié qu’il avait presque achevé le tapuscrit de deux romans, l’un qu’il devait soumettre à son éditeur anglais, l’autre qu’il voulait essayer de faire paraître d’abord en traduction française, afin de profiter du succès de ses livres en France, et d’aiguillonner un peu, justement, son éditeur anglais. A ma connaissance, rien depuis – mais je n’ai pas osé le recontacter par courrier électronique. Peut-être devrais-je.

 

Travelling with Djinns (dont Livy, qui l’a lu sur mon conseil, a fort bien parlé) est un livre extrêmement émouvant, très bien écrit, souvent drôle ou grinçant, mélancolique et mordant, une forme de bilan en point d’interrogation, et, assurément, le plus autobiographique des romans de Jamal Mahjoub. L’intrigue n’est pas si simple que cela. Le roman raconte le voyage, du Danemark vers l’Espagne, de Yasin, un homme qui approche la quarantaine, avec son fils de sept ans, Leo. Yasin vient d’apprendre que sa femme veut divorcer, et sait qu’il ne verra plus son fils chaque jour. Il décide, à l’improviste, de prendre son fils sous son aile (ou plutôt, dans sa vieille Peugeot 504 déglinguée) et de partir à l’aventure (they hit the road, in a way that is not dissimilar from Kerouac’s On the Road or road movies from the 1970s). Le récit fait alterner la succession des étapes de ce voyage sans but apparent et les réminiscences de Yasin : vie conjugale avec Ellen, discussions avec son beau-père, petite enfance de Leo, voyage à Khartoum pour présenter femme et fils à ses parents, découverte du cancer de sa mère, décès de ses parents à Londres, détérioration de sa relation avec Ellen…

Le voyage n’a pas de but apparent, mais il les conduit toutefois (non sans qu’ils aient passé auparavant plusieurs jours en Provence, chez Dru, l’ex-maîtresse de Yasin, et son compagnon, Lucien) sur la côte méditerranéenne, en Espagne, à la rencontre du frère de Yasin, Muk, que celui-ci avait perdu de vue depuis des années. Le plus étonnant, dans ce roman qui regorge de scènes pathétiques et de situations douloureuses, c’est combien Mahjoub évite de tomber dans le pathos. En ce sens, ce roman est quasiment sans exemple, d’après moi.

De même, Mahjoub n’évite pas (et c’est même l’un des thèmes principaux du roman) les réflexions sur l’origine, sur le déracinement, les identités métisses, la rencontre des cultures européennes et non-européennes, le fanatisme, et le concept si galvaudé (et si ironiquement remis en perspective) de l’Autre (avec un A majuscule). Eh bien, il parvient à proposer un récit qui n’est pas seulement subtil, mais qui est également marqué au coin de la sincérité et du bon sens, sans raccourcis idéologiques ni envasements bien-pensants.

Bref, la grande qualité de cet écrivain, c’est sa justesse : belles phrases qui ne sont jamais gratuites, infinie perspicacité dans le portrait qu’il brosse de ses personnages, choix de détails extrêmement parlants…

 

* Le correcteur de grammaire refuse les minuit, mais c’est faute je pense de connaître l’expression « sur les minuit », que je ne me verrais, pour autant, pas accorder au pluriel. Bon. Je vérifierai.

** L’autre jour, à la radio : « c’est de cela dont il va être question ». Mais la langue française, enfin, ce n’est pas leur métier ???

 

*** J’anticipe d’emblée sur les réserves des uns ou des autres. J’ai mis l’adjectif facile entre guillemets, afin de signaler que je n’ai rien contre les œuvres abordables. Ce que je veux dire ici est très différent : le cinquième roman de Mahjoub m’avait semblé, à première lecture, plus conventionnel, plus adapté à un lectorat déjà existant, oui, en un sens, plus démagogique. (Et là encore, le plus ne veut pas dire qu’il m’a semblé, à aucun moment, démagogique. Plus démagogique que les autres romans, oui. Mais voilà tout.)

Wasabi, d’Alan Pauls

Les ouvrages publiés par la M.E.E.T. de Saint-Nazaire, pour être beaux, me font pourtant l’effet de n’être ni des textes littéraires ni des essais : la présentation du texte original à la suite de la traduction, puis d’un entretien, donne l’impression d’une publication universitaire, ce qui n’est pas vraiment un compliment.

 


Wasabi, que j’ai lu dans la soirée de mercredi, est un bref roman déroutant. C’est un de ces textes qu’on lit, patraque, exilé seul dans une autre chambre, en se disant à chaque page qu’il a été écrit pour vous, pour un être malade. L’un des motifs du récit est le kyste graisseux du narrateur, qui durcit et grossit, se transforme en éperon rocheux, sorte de porte-manteau.

Une autre des obsessions du narrateur est son désir de tuer Pierre Klossowski, sans raison apparente (peut-être parce que l’écrivain a cessé d’écrire pour se consacrer à la peinture ?).

Après une période de clochardisation assez mystérieuse, il retrouve sa compagne, qui porte le même patronyme que la photographe qui a croqué le portrait de l’auteur placé au début du livre. Est-ce une autofiction ?

 


Le narrateur est un écrivain invité par la M.E.E.T. à séjourner plusieurs mois à Saint-Nazaire. Est-ce une autofiction ? Et le dramaturge chinois qui exaspère mais sauve le narrateur ? Est-il inspiré de cet écrivain chinois sur le rabat de la deuxième de couverture, également publié, donc, par la M.E.E.T. ? Une autofiction, oui…

Un très beau livre à lire malade ?

 

Je n’ai jamais lu Klossowski. C’est Vila-Matas qui m’a encouragé à découvrir Alan Pauls. Le Passé m’attend sur ma table de chevet. J’étais bien malade mercredi soir. Allons vers le futur.