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mardi, 18 octobre 2005

Turpenay, bien planquée

Nous ne l'avions pas trouvée, mais Tinou, autre topographe et blogeuse de Touraine, nous dit tout sur l'abbaye de Turpenay.

Il y a un grand blanc en haut de fenêtre, mais la note, très complète et richement illustrée, est à portée d'escalier, en descendant un peu.

Propos de garçonnet, 16

- Dans mon château-fort, j’ai des frelons, des abeilles et des moustiques qui attaquent les ennemis.
- Tu les as dressés ?
- Oui. Et sinon, ils se cachent dans la laine des moutons.
- Ah bon ? Les pauvres…
- Non, mais ils ne les piquent pas. C’est leur abri.

lundi, 17 octobre 2005

Entre l'arbre et le champ je ne vis ce faisan

Il m'est impossible d'écrire des commentaires sur le blog intitulé Sous la douceur. Je voulais écrire, à partir de la note du 17 octobre, un long (non, pas long, en fait) développement sur la question de la répétition. Pourquoi considère-t-on si souvent les répétitions comme nuisibles, à proscrire absolument? De la répétition assumée naissent des phrases incantatoires ou obsessionnelles, et les vertus de la répétition sont sans nombre ni pareil. Répéter "ce faisant" trois fois n'a en soi rien de pendable, et même cette répétition peut insuffler un rythme étonnant à un paragraphe, oui, c'est cela, répéter n'est pas un mal, la répétition est souvent belle, de la répétition naît la beauté, une certaine beauté, et, substituant aux formules ou mots répétés d'autres, synonymiques ou plus faibles, tirant sur la corde de la substitution, oui, ce faisant, on affaiblit bien souvent...

Isaak Levitan

Que nagent les nuages
et se penchent, s'épanchant, les peupliers en pluie
Sans que le vert s'arroge
un droit autoritaire
Ô les nuages gris ô les nuages doux ô les nuages
Verts
qui penchent vers l'abîme qui se tournent se fondent Ô vers
quelle infortune avez-vous détourné
La course de mes yeux?

Ton infini voyage
aux îles détournées
se déverse en sanglots de joie et de douceur

********

Inspiré d'une toile superbe d'Isaak Levitan, à voir sur l'écran nuageux du Sablier.

Laïcité

Célébrons aujourd'hui le conseil municipal de Thuir, dans le Roussillon, qui décida le 17 octobre 1871, il y a cent-trente-quatre ans, qu'il était sain de débarrasser l'école des prêtres et du catéchisme. J'emprunte l'extrait ci-après à un article signé par Jean Tosti en 1992.

Tout cela se fait dans un climat passionnel, comme l'indiquent certaines délibérations du conseil municipal. Le 17 octobre 1871, en réponse à l'ouverture d'une école confessionnelle, l'adjoint Pallade Violet prononce un discours virulent dans lequel il propose de laïciser totalement l'école publique, avec les décisions suivantes acceptées à l'unanimité par le conseil :

1) Que l'instituteur ne soit plus assujetti à accompagner les élèves aux offices, ce devoir... incombant aux pères de famille.

2) Que la leçon de catéchisme qui se fait à l'école et qui rappelle les jours néfastes de l'empire des curés sur les instituteurs et sur l'école soit remplacée par une leçon d'histoire...

3) Que le curé n'ait plus le droit de s'immiscer dans les affaires de l'école.

Afrique, quand?

Je voudrais, pour donner un tour de vis à ce carnétoile, me contraindre à écrire chaque jour, ou, à défaut, toutes les semaines, une note sur un auteur africain. C'est vrai, quoi! A faforo! Je me prétends africaniste et je ne parle quasiment jamais ici de littérature africaine, ou de politique, d'histoire, d'anthropologie.

Mais c'est que j'ai du retard sur plusieurs pans de mon travail, et même dans mes blogs (Cours 2005 est très incomplet), pour ne rien dire du roman  Avril déjà dérape, qui attend sans doute, pour décoller, les calendres grecques. Avec ma compagne qui ironise sur mes prises d'écriture, c'est le bouquet!

Vieilles lunes

Dimanche, 14 h 30

J’écris ces notes dans la chambre aux corbeaux, où se trouve le vieil ordinateur portable, que je n’utilise plus guère et dont les touches me paraissent à la fois grandes et dures par contraste avec le nouveau – que je n’ai pourtant que depuis quelque six semaines –, et où se trouvent aussi plusieurs livres que je lus fin août début septembre et dont j’aurais aimé écrire des recensions. Il y a là, notamment, Napoléon VII de Javier Toméo, que j’avais bien aimé, sans plus, et que, pour lui rendre pleinement justice, il faudrait que je relise. Il va de soi que je n’en ai pas le temps, et l’envie guère plus. Je pourrais me contenter d’en extraire quelques fragments à publier au compte-gouttes dans ce carnet de toile.

Il y a aussi Magnus de Sylvie Germain, qui recèle de vrais bonheurs d’écriture mais donne, au bilan, l’impression d’une histoire mal ficelée, a heavy plot and a contrived story. J’étais vraiment déçu, en étant resté aux réussites (sur le fil du rasoir) que sont L’Enfant-méduse ou La Pleurante des rues de Prague. S’il est question de s’en tenir, pour la partie littéraire de ce blog, à l’essentiel, passons, en effet.

 

Il y a, posé près de ce vieux portable, Pour en finir avec les chiffres ronds, mais, là encore, il faudrait que je reprenne par le menu mes lectures de tous les ouvrages de Vila-Matas pour ne donner ne serait-ce qu’une vague idée des raisons de mon admiration sans bornes pour cet écrivain. Suffira-t-il de dire qu’à cet ouvrage lu fin août mes lecteurs doivent les Célébrations improbables, ou vaudrait-il mieux que mes petites biffures ne salissent pas de leur bourbe les textes géniaux du grand Catalan ? (Il résistera bien tout seul, allez.)

 

Il y a Longlive! de Menan du Plessis, lu plus tôt dans l’été, et dont le souvenir déjà fortement s’estompe. Il y a Dans le dos noir du temps de Javier Marias, lecture d’août. Il y a enfin quelques notes jetées tout à trac à partir de quelques vers de Dante. Mais enfin, je ne peux ainsi m’improviser commentateur du Dante. Tout de même, le sens du ridicule se niche bien quelque part en moi, et pointe parfois le bout de son museau, et sa truffe, l’extase de sa toison frisée. Rangeons donc ces livres sur les étagères qui n’en peuvent mais (et plus accueillir un seul), jetons les notes dans le carton destiné au recyclage, et avançons…

Propos de garçonnet, 15

J’ai écrit trois livres : Comment j’ai lutté contre la gauloiserie ; Comment j’ai trouvé la romainerie ; Comment j’ai réuni les Romains.

dimanche, 16 octobre 2005

The Shining de Stanley Kubrick

Je n’ai pas tellement envie d’écrire des paragraphes entiers sur ce film vu hier soir (jamais vu auparavant), car qu’apporterais-je de nouveau à l’interprétation de ce déjà-classique ? En l’occurrence, des milliers d’autres ont dû dire des milliers de fois combien le décor est impressionnant, combien le lieu lui-même, l’hôtel, avec ses corridors immenses, contribue à créer l’ambiance insolite qui fait progressivement pénétrer dans l’architecture mentale du born-again murderer. Les dialogues très littéraires ont une force de conviction étonnante, les trouvailles scénographiques ne manquent pas, etc.

 

Mais quelqu’un a-t-il jamais écrit noir su blanc ce qui nous a fait hurler, C. et moi, tout au long du film, à savoir que Jack Nicholson joue effroyablement mal, que rarement acteur aura aussi abondamment (mais involontairement, je le crains) mêlé le jeu hyperbolique (overacting) à la plus étonnante incompétence (gestuelles, mimiques, tons, déhanchements, tout est atrocement faux). Toutes les scènes où il apparaît sont apocalyptiques : qu’il essaie d’avoir l’air beurré, violent, inspiré, dément, lubrique, il est toujours complètement à côté de la plaque. Pour nous deux, le film d’horreur consistait à devoir supporter cet olibrius même pas histrionique, à voir scène après scène ce nullard s’enfoncer et engloutir le film avec lui… Epouvantable, au sens fort et littéral de cet adjectif.

 

Soyons clairs : ni C. ni moi ne le trouvons bon acteur habituellement. Il était certainement pour nous, avant d’avoir vu ce film, l’un des acteurs les plus surestimés du cinéma américain. Mais nous sommes quand même tombés de haut…

 

Bien entendu, Kubrick est mille fois coupable, non seulement d’avoir choisi cet acteur, mais aussi d’avoir su aussi peu le diriger. Car, enfin, quand le visage de Jack (le personnage (mais enfin, on ne croit jamais au personnage)) apparaît entre les échardes de la porte de la salle de bains, non seulement Nicholson fait ses ridicules yeux-de-fou (si c’était un adolescent amateur, déjà on le sifflerait pour cela) mais il se sent obligé de tirer la langue comme un benêt de la dernière espèce. Insensé, oui, le mot n’est pas trop fort !

Kubrick est coupable, d’autant que, même avec ce Nicholson inepte, son film parvient à ne pas être mauvais.

 

C’est dire qu’il aurait été génial, avec, disons, Robert Mitchum (je sais que Mitchum était trop âgé en 1980, mais c’est par comparaison avec Hunter’s Night), ou De Niro (ah, cela, ç’aurait été fort).

23:05 Publié dans Tographe | Lien permanent | Commentaires (1)

Langue, déguisement et pensée (suite)

Au cours de l’écriture du chapitre “Chansons”, Leiris relit le paragraphe qu’il vient d’écrire et enchaîne ainsi :

« Ce passage […] est non exempt de ces trucs grâce auxquels les incertitudes de la pensée sont masquées par le clinquant des mots et ce qui tend à n’être qu’évidence verbale substitué à l’évidence des idées » (Biffures, 1948, Gallimard, « L’imaginaire », p. 19, italiques ajoutés)

Tout ou partie

Dimanche, onze heures vingt.

Il y a, dans la première page de Biffures, de Michel Leiris (premier tome de La Règle du jeu, dont j’avais jusqu’à ce jour retardé la lecture,  et qui est, de fait, un véritable bonheur (il faut se garder de belles choses pour plus tard)), l’expression « toute ou partie de la famille ». Il me semble que c’est « tout ou partie de la famille » qu’il faut écrire, au masculin, soit que l’emploi ici soit adverbial et donc invariable, soit qu’il s’agisse d’une réduction d’un groupe nominal dont la forme complète serait « le tout ou une partie de ». Je dois avouer que j’écris ceci sans avoir fait la moindre vérification, mais, bon, c’est aussi histoire de dire que ce toute me gêne.
Toutefois, pour être aussi complet que possible, je dirai aussi que, lisant le premier (fort bref et d’une beauté époustouflante) chapitre, je pensais :
       aux rapports entre ce texte et L’Âge d’homme
       à ma lecture, il y a un an et demi, de Kotik Létaïev de Biély
       à mes longs et oiseux développements du mois dernier à propos de la phrase « Je rêvais corne de taureau »
       au rapport entre le suspens offert par la première phrase, toute en méandres et parenthèses, et la phrase faulknérienne, telle que, notamment, nous avons pu l’explorer mardi dernier dans un cours d’analyse de textes littéraires
       au sujet de composition philosophique auquel j’ai consacré une note plus tôt ce matin, pendant que mon fils lisait seul, assis sur le canapé, un album de Où est Charlie? (Where’s Waldo? en anglais)
       à tant d’autres choses encore, dont ce texte si bref appelle la pesée (le clavier m’échappant, j’écris pesée au lieu de pensée et je laisse cette coquille, ce lapsus significatif)
       à l’écriture même de cette note, dans ce mouvement si habituel qui consiste, lisant une œuvre inspirante, à vouloir l’abandonner, à regret mais irrépressiblement.

L’Ogrorrhée

Je n’ai de vie qu’en mots
A maudire en mollusques
En motorisations

Je n’ai de vie qu’en mots
Mollement moquettés
En moqueries en moi

Je n’ai de vie qu’en moi
Et par les autres mots
Et par les mêmes morts

Le langage est-il le déguisement de la pensée?

N.B.: Une précédente version de cette note a été publiée plus tôt dans la journée, avec une horrible coquille dans le titre (elle au lieu de il (j'avais d'abord écrit langue au lieu de langage et je n'ai pas harmonisé...)). Que Tinou, qui a attiré mon attention sur cette erreur imbécile, mais dont le commentaire a, du coup, disparu, soit vivement remerciée de sa remarque.

********

Ce très beau sujet de philosophie, donné en composition par un professeur (une professeure ? (voilà justement une alternative qui masque bel et bien une idéologie)) de Sainte-Ursule, n’est pas seulement une variation sur le dualisme langage/pensée. C’est aussi une réflexion sur la damnation, sur la chute de l’âme conçue comme immortelle dans un corps fugace et voué à disparaître. Il faudrait sans doute voir du côté de Platon et Descartes, et certainement chez certains théologiens, car, d’autre part, « le Verbe s’est fait chair ».

Cette déchéance de l’expression par rapport à la conception intellectuelle, de la réalité corporelle par rapport à l’âme, est assez bien résumée dans une belle formule du Journal de Julien Green : « La pensée vole et les mots vont à pied. Voilà tout le drame de l’écrivain. » (4 mai 1943).

Ce n’est qu’un aspect de la question. Il y a aussi le déguisement, bien sûr, troisième terme à ne pas négliger, charnière centrale de l’énoncé et lien entre les deux concepts. Cette métaphore du déguisement appelle une personnification implicite des deux instances (langue et pensée), une sorte d’allégorie dans le style des formules rabâchées comme la vérité toute nue. Dans déguisement, il y a bien sûr la guise, c’est-à-dire « ce qui tient lieu de » (en anglais, in the guise of signifie « sous les traits de »). Le Robert historique nous apprend que guise vient du germanique wisa qu signifiait « manière, façon ». Le déguisement est, à cette aune, un maniérisme, une manière, un style : répondre oui à la question posée dans le sujet revient à formuler implicitement une supériorité de la pensée sur le langage, ou, à tout le moins, que la pensée précède toujours la mise en mots, que le langage est une pure expression, une mise en forme du sens (une traduction?).

Bien entendu, cela va à l’encontre de la plupart des philosophies du langage, qui postulent au contraire que c’est la mise en forme par le langage qui conditionne le sens. Il suffirait pour cela de reprendre certains exemples de Benveniste (je pense au célèbre exemple des couleurs de l’arc-en-ciel), mais sinon, on peut s’attaquer à Wittgenstein ou à L’écriture et la différence de Derrida ! (En terminale, j’en doute, quand même…)

Je me permets de divaguer sans structure (Marione, you know that you’re not allowed that, don’t you?), et cela me fait penser, par libre association, au très beau poème d’Aragon « Tous ceux qui parlent des merveilles… », joliment mis en musique par Ferrat sous le titre (justement) des Oiseaux déguisés. Ce poème, me semble-t-il, reprend le mythe de l’artiste aux dons supra-humains, dont l’essence est éternelle, et qui a l’allure d’un homme ordinaire : “ce sont des oiseaux déguisés”.

Enfin, autre piste possible, le déguisement est une dissimulation : si la pensée est condamnée à échouer, à déchoir dans le langage, si sa pureté abstraite se ternit au contact de l’accoutrement des mots, il y a le risque, selon l’expression familière, que « les mots trahissent la pensée ». En déguisant, le langage dérobe, pervertit le sens, trahit. Ce serait ma suggestion pour une troisième partie : justement, cette hypothèse rejoint celle des philosophies du langage, car c’est toujours la langue, évidemment, qui a le dernier mot, et la pensée ne peut se concevoir hors des mots. Déguisement, peut-être, mais déguisement inévitable… Toutes les tentatives littéraires qui ont consisté à remonter à la pensée, à la manière dont les pensées se forment et s’élaborent dans le cerveau, in petto, dans le for intérieur, se sont justement traduites en mots ; je pense au stream of consciousness de Virginia Woolf, qui passe par le monologue intérieur – ou encore aux écrits de Nathalie Sarraute (le si beau et si drôle Ouvrez!, par exemple), ou le torrent de mots de Lobo Antunes.

Mais voilà : la philosophie n’est pas la littérature. Et les exemples que je viens de donner, outre qu’ils démontrent le peu de souvenirs que j’ai de mes lectures philosophiques, posent aussi la question du style des philosophes. Si la pensée se travestit dans les mots, comment accéder aux Idées par le langage? Comment un philosophe peut-il écrire sans s’abaisser? Il me semble que l’on en revient à Platon, et, à l’oppose du spectre, à Nietzsche, pour qui le formalisme de l’expression philologique, puis poétique, est au cœur de la question du savoir.

Fous de librairie, V : le Robert culturel

Vendredi, nous avons encore laissé la bagatelle de 280 euros à la librairie, dont, toutefois, le Robert culturel en quatre volumes. C. et moi sommes sceptiques face au battage médiatique qui est fait autour de cet « événement éditorial », comme on dit quand on n’aime pas la langue française, et surtout face à la mise en avant de l’auteur principal, le certes très passionnant mais très médiatique Alain Rey. Le libraire, lui, n’est pas sceptique ; il est à la fois admiratif de et atterré par ce marketing qui vise, selon ses propres termes, « les gens qui n’auraient jamais l’idée d’acheter ce livre et ne l’ouvriront jamais ».

Toutefois, c’est un ouvrage remarquable, qui n’a pas vraiment d’équivalent. Ni les dictionnaires de la langue française en cinq ou six volumes que je connais (Larousse et Robert, justement), ni le Robert historique ne proposent les mêmes synthèses. Par ailleurs, le dictionnaire renouvelle considérablement l’appareil des citations. La notice sur l’humour (dont j’ai fait mes délices, UE libre oblige) est bien meilleure que celle de l’Universalis.

Voulant vérifier l’entrée SCIE (car je n’ai jamais rencontré ce terme au sens de rengaine ou, mieux, de cliché linguistique (ce qui est un signe de faible culture de ma part et non d’une quelconque folle idiosyncrasie de la part de l’écrivain en question), que dans l’œuvre de Renaud Camus), j’ai trouvé cette superbe citation extraite du Voyage en Italie de Théophile Gautier :

Nous continuions à être insupportables avec notre refrain :

A Saint-Blaise, à la Zuecca,

qui commençait à devenir ce qu’on appelle une scie en argot d’atelier ; scie à dents aiguës, quoique sans malice de notre part.

Il s’agit de la première occurrence écrite attestée de ce mot dans ce sens. Aussi doit-on trouver cette citation dans d’autres dictionnaires, et l’exemple n’est-il peut-être pas très bien choisi. Mais ce qui a stimulé ma rêverie littéraire, c’est que le refrain en question, tirée d’une chanson tardive de Musset, doit être le seul vers de ce poète que cite le Dictionnaire abrégé du surréalisme d’Eluard et Breton, et qui fut le premier ouvrage dans lequel je le découvris.

Toute la première partie de la séance du séminaire de M2 sur Allah n’est pas obligé a été, vendredi dernier, consacrée à ce questionnement sur le rôle du dictionnaire dans la création littéraire. Il faudra que je fasse sur le point sur tout ce qui a été dit (car c’était, de ma part, pure improvisation) dans mon carnet Cours 2005… mais cela pour dire que le rôle que joue « le Dictionnaire » dans mon rapport à la vie et à la littérature est un sujet de préoccupation de plus en plus tarabustant.

Bon, j’ai dérivé, ripé, dérapé… et je parlerai plus tard du Robert culturel. Je voulais seulement donner quelques exemples des nouveautés flamboyantes qu’apporte ce dictionnaire, mais, comme toujours, je ne pourrai clore, faute de temps ou d’envie, cette note que sur une remarque plus négative, car figurez-vous qu’ils n’ont pas trouvé moyen de dégotter la moindre référence littéraire pour TONSURE ou TONSURER. Moi qui n’aurai bientôt plus un poil sur le caillou, j’y vois une discrimination scandaleuse!

Choix d’écriture

Lisant Harry Laus, j’ai songé que, face au manque de temps dont je dispose en ce moment pour ce carnétoile, je pourrais publier certaines entrées brèves, certains extraits, au jour le jour, histoire de donner de belles phrases en pâture à mon aimable lectorat. Mais j’hésite, n’ayant pas l’âme du compilateur. Il existe de nombreux blogs littéraires qui sont, plus ou moins, de semblables compilations, ce qui n’est pas sans intérêt, et il est certain que j’ai grand plaisir à lire des pages d’auteurs connus ou moins connus, plus de plaisir que ne doivent en avoir la plupart des visiteurs occasionnels de ce carnétoile à lire ma pauvre prose. Mais voilà, chacun son affaire, non ?

 

Je copierai pourtant trois passages très intéressants du Journal absurde, mais je risque de ne pas résister à la tentation de les enter de miennes ponctuations.

Malsomnie

Dimanche, huit heures et demie.

 

Il faudrait inventer un autre mot qu’insomnie pour une nuit comme celle qui vient d’avoir lieu. Ayant du mal à m’endormir, et me souvenant surtout que je n’avais toujours pas mis en ligne, dans mon carnet Cours 2005, de note concernant l’hétéroglossie (ou le bivocalisme, ou le polylinguisme, depending on the translations from Russian into French), je me suis relevé, ai passé une demi-heure à faire le point, à publier la note en question. Il était minuit passé, et, trop nerveux pour me recoucher immédiatement sans lire de nouveau, je me suis installé dans la buanderie attenante à la chambre de mon fils, ai passé presque une heure à lire le Journal absurde de Harry Laus, puis m’y suis allongé. J’ai mis du temps à m’endormir, et, à trois heures et quart, ai été réveillé par la lumière sur le palier, ma compagne qui se levait, réveillée elle-même par le plic ploc du robinet mal fermé à la cuisine, qui s’égouttait dans une tasse placée au-dessous. Après avoir réglé son compte au bruyant fuyard, je me suis repieuté, cette fois-ci dans le lit conjugal, où j’ai mis un temps infini à me rendormir, pour être éveillé par mon fils, qu, à sept heures moins le quart, avait le nez bouché et n’arrivait pas à respirer. Lui s’est rendormi, mais pas moi, évidemment.

(Pour ne pas accabler ce pauvre enfant, et à titre statistique, c’est la deuxième fois qu’il nous réveille depuis notre retour à Tours, il y a bientôt deux mois, et encore ne peut-on pas parler d’un réveil en pleine nuit… (Quand je pense qu’au même âge, je me réveillais toutes les nuits, parfois deux fois par nuit, taraudé par d’atroces cauchemars, oui, toutes les nuits sans exception dixit ma mère, de trois à six ans, sans faute, dixit ma mère, jusqu’à notre emménagement à Cagnotte, à la campagne (jusque-là, nous vivions dans une petite maison au bord de la route de Bordeaux, à Saint-Paul lès Dax), aussi ne puis-je me plaindre des fort rares éveils nocturnes de mon fils, tout de même…)) (La phrase de la seconde parenthèse, celle qui commence par « Quand je pense… », n’a pas de verbe principal, ou plutôt il y a une rupture de construction (asyndète) avec la seconde partie (apodose), qui, commençant par « aussi ne puis-je », ne correspond en rien à la première (protase).)

Ayant réussi à écrire un long paragraphe exclusivement composé de parenthèses, je poursuis mon sillon, et mon propos initial, qui était de dire qu’il faudrait parler, en anglais, d’illsomnia plutôt que d’insomnia, ou de restlessness en un sens nouveau, plutôt que de sleeplessness. Et, en français, de malsomnie, de “mauvais sommeil”…?

Ce qui me fait penser que, donnant, jeudi dernier, à André Markowicz la liasse des textes que j’ai soumis à la sagacité de mes étudiants du cours d’analyse de textes littéraires (il doit intervenir lors de la dernière séance du semestre et proposera un travail autour dela traduction d’un de ces textes), il a « tiqué » (favorablement, me semble-t-il) en voyant le très beau poème de Tatamkhulu Afrika, Insomnia, que je dois étudier en semaine 5, soit, précisément, le mardi 25 octobre. Il se trouve que j’avais choisi ce texte longtemps avant la note de Livy relative à l’insomnie, et longtemps aussi avant la mince torrentielle prose publiée dans ce carnétoile et intitulée L’insomnie étend. André Markowicz a « tiqué » car il ne connaît pas Tatamkhulu Afrika (who does, indeed?), et j’ai le secret espoir, s’il aime ce poème, qu’il le choisisse, car il est extrêmement difficile et j’aimerais confronter mes vues aux siennes, en l’espèce.

N'oubliez pas le marché gourmand de Chaveignes...

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Dans la série des insistances dérisoires et neurovégétatives du Cingalombre masqué, on fait difficilement pire, mais enfin...

samedi, 15 octobre 2005

Il y a 132 ans, à Bédarieux

"Le 15 octobre 1873, le Conseil ayant eu connaissance d’un projet de remaniement des garnisons, demanda l’envoi d’un corps à Bédarieux et vota en principe, dans ce but, une somme annuelle de 1 500 francs."

 

Source: C. Trallero, Histoire de Bedarieux, ch. XV.

 

P.S: Quatre jours sans "célébrations à la gomme", je sens que cela vous manquait. Peu avant minuit, voilà l'oubli partiellement comblé.

P.P.S: Depuis hier, outre le travail, je suis absorbé dans le Dictionnaire culturel en langue française.

Soutine à Champigny

Vous pouvez quitter ce carnet pour admirer un tableau peint par Soutine à Champigny-sur-Veude. (Il faut cliquer sur l'image en haut à gauche pour en avoir une vue agrandie.)

21:00 Publié dans BoozArtz | Lien permanent | Commentaires (2)

Lutin de Claude Pasquer, au château du Rivau

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C'est l'une des "sculptures" les plus réussies ou les plus astucieuses du parc du Rivau. J'ai écrit il y a trois jours une note sur la visite du château elle-même.

Boulangerie de Champigny

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De passage à Champigny, dimanche dernier, j'ai appris que Chaïm Soutine y avait trouvé refuge et peint plusieurs toiles, et aussi que ce peintre que j'aime beaucoup était d'origine lituanienne, ce que savaient certainement Marione et Simon, les auteurs du blog Oreilles de cochon grillées, grands ambassadeurs des relations entre la Touraine et la Lituanie.

(P.S.: Vérification faite, il semblerait que Soutine soit d'origine biélorusse mais ait passé son enfance en Lituanie avant de s'exiler en France.)

Concert de Mathieu Boogaerts (La Riche, 14 octobre 2005)

Je ne reviendrai pas en détail, faute de temps, sur le très joli concert donné par Mathieu Boogaerts et ses musiciens hier soir à la Pléiade de La Riche. Mais il est à noter que c’est presque la première fois que je trouve qu’un concert constitue une amélioration, ou – à tout le moins – une variation enrichissante à partir des albums. Ce qui se produit souvent pour le jazz ou la musique dite « classique », à savoir que l’interprétation est à chaque fois neuve, stimulante, inouïe, est bien rare dans le cas de la chanson, où le disque représente généralement une forme de summum, l’orchestration étant au plus juste, la voix au plus affiné.
Hier soir, Boogaerts a chanté environ vingt-cinq de ses chansons (son répertoire doit en compter une cinquantaine), dont neuf, bien entendu, extraites de son dernier album, Michel. Le pianiste était un remplaçant qui avait su la veille à onze heures du soir qu’il était appelé à accompagner ce chanteur dont, peut-être, il ne connaissait même pas l’existence. Rien d’évident, donc, et on sent que Boogaerts (chant, guitare, et, sur une séquence de cinq titres, piano) s’est surtout appuyé sur la complicité de longue date qui le lie à son batteur, Fabrice Moreau, et à son bassiste (électrique), Jean-René Zapha. Le choix d’une orchestration principalement électrique (alors que Boogaerts joue surtout de la guitare acoustique dans les albums) a accentué les côtés les plus reggae de son écriture, mais plusieurs morceaux interprétés en solo ont conservé toute la pureté farouche des mélodies (ainsi d’un superbe Las Vegas offert en bis).
Un rien cabotin, et naturellement grimacier (mais sans que cela paraisse excessif ni outré), il a aussi fait ressortir le caractère comique des chansons, parfois au détriment de leur grand pouvoir suggestif et des beautés émouvantes de l’écriture (Bon et Bien). Les moments forts restent pour moi, en clôture, un Ondulé très lent, Quelque chose dans une totale obscurité (qui m’a définitivement conquis, alors que c’est l’une des chansons que j’aimais le moins sur le dernier album), Siliguri doucement provocateur et déjanté, Néhémie d’Akkadé, Lorsque Flore aérien au piano et L’Espace, décidément un des plus beaux textes de M.B.
Les deux interprétations les moins réussies, de mon point de vue ou à mon oreille, furent Keyornew, voix écrasée sous les cordes, et L’impact de nos ex, dont les sens et sons si subtils s’évanouirent partiellement.
Au bilan, Boogaerts a revisité tout son répertoire, dans des orchestrations très novatrices, loin  des tintinnabulations (pourtant indissociables de son style) ou du minimalisme retrouvé du dernier album. Du deuxième disque, il n’a interprété que Comment tu t’appelles, avec un solo de batterie très défrisant au centre ; cette quasi-absence est assez surprenante, car il y a plusieurs chansons très fortes dans cet album-là aussi : je pense à La bombe, Vite, Si si c’est ça, et J’en ai marre d’être bleu. Voilà, du côté des regrets, avec Bye, les titres que j’aurais aimé entendre : mais, évidemment, il était prévisible d’avoir quelques frustrations au bout de deux heures de concert. J’en avais eu plus encore à la sortie du concert de Dick Annegarn au Cirque d’Hiver en 2000…!

Finalement, l’impression la plus durable est celle d’un chanteur et musicien aussi touchant et juste sur scène qu’en disque, enthousiasmant et mélancolique, et l’une des voix (littéralement et dans tous les sens) les plus audacieuses de ces dix dernières années. Je ne me rappelle jamais sans émotion ma découverte du premier disque, au printemps 1996, à Talence, sous un soleil printanier admirable, puis comment j’écoutais ce disque inlassablement à Oxford (où je n’avais pas besoin, forcément, de langue anglaise, puisque je baignais dans l’anglais en permanence, et ce d’autant moins d’ailleurs que la langue de Boogaerts n’est pas non plus, absolument, le français) ; les albums suivants m’ont toujours surpris, car, après Super, le pavé dans la mare de 1996, je pensais que M.B. ne pouvait que décliner. Non, il changea, mua, s’envola sur d’autres ailes, sans jamais changer le fond de ses recherches vocales et musicales. Le concert d’hier soir a confirmé notre admiration pour cet artiste.

vendredi, 14 octobre 2005

Nobel, suite

Que tout soit bien clair: je suis très heureux de voir le Nobel attribué à Pinter, écrivain et dramaturge que j'aime beaucoup. Je posais seulement une question sur l'hégémonie grandissante de la langue anglaise, mais aussi sur la pertinence relative de certains choix: Saramago, franchement, n'arrive pas à la hauteur de la cheville d'autres écrivains portugais ou brésiliens.

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jeudi, 13 octobre 2005

Nobel en glaise?

Le Prix Nobel 2005 de Littérature est Harold Pinter. Je connais bien l'oeuvre de ce dramaturge, que j'admire et ai même étudié (!), mais, malgré tout, j'éprouve une certaine frustration. Comment se fait-il que plus de la moitié des Prix Nobel aillent, depuis une dizaine d'années, à des auteurs de langue anglaise? Il y a tant d'auteurs contemporains de langue portugaise, ou russe, ou italienne, ou espagnole, ou arabe, ou française, ou hindi, qui valent largement le bon Harold... Alors, quel sens donner à ce phénomène?

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Château de Cinq-Mars la Pile

Samedi dernier, nous avons eu l’excellente intuition d’aller visiter le château de Cinq-Mars la Pile, tout près de Tours, sur la rive droite de la Loire. Excellente intuition, car il sera bientôt fermé aux visiteurs, comme beaucoup de « petits » châteaux qui n’ont intérêt à ouvrir qu’entre mai et octobre, mais surtout en raison du temps splendide et presque estival : le château, en effet, se réduit à deux tours étêtées ou “découronnées” (sur ordre de Richelieu, qui avait fait exécuter Henri Ruzé d’Effiat, Marquis de Cinq-Mars, pour haute trahison), mais il y a une très agréable promenade autour des tours, dans les douves herbeuses, puis au-dessus de la terrasse de la Juiverie, et enfin par le bois d’ifs. Nous y avons été accompagnés par le maître des lieux, un chat fort aimable et joueur.

Nous avions été, de prime abord, accueillis par la propriétaire, qui nous a appris que la majorité des visiteurs n’étaient pas de la région, soit que les Tourangeaux ignorassent l’existence même de ce château, soit qu’ils préférassent partir en promenade plus loin et se garder, en quelque sorte, cette excursion voisine pour de plus lointaines journées : c’est tout près, on aura toujours l’occasion de le visiter plus tard… Curieuse mentalité, mais si elle le dit, comment ne pas la croire ?

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Du haut de la première tour, on peut observer le panorama. La propriétaire nous avait promis que nous pourrions admirer Villandry, en raison du temps dégagé, mais tout ce que nous avons vu, c’est cette affreuse et immense usine que l’on voit depuis la route qui relie Tours à Saumur. Cette terrasse est toutefois un lieu mémorable et singulier, en raison aussi des nombreux graffiti gravés, parfois fort anciens, et creusés à l’aide d’outils très perfectionnés (burin de marbrier, certainement). Il y a, notamment, une gravure représentant une silhouette assise.

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Dans la salle du premier étage sont exposés trois tableaux d’un certain Nicolas Untersteller, notamment une Descente de croix, apparemment des années 1950, très influencée par l’expressionnisme allemand et le nouveau réalisme français d’après-guerre (Hélion, par exemple), mais sur le mode mineur. Comme la propriétaire nous a introduits dans son salon (la demeure occupée par les actuels propriétaires correspond aux anciens communs) et que nous y vîmes chevalet, tableaux, matériel de peinture, nous ne savons si l’artiste est son mari, son père, son beau-père, etc.

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Il y a, dans les douves, plusieurs figuiers superbes, aux figues toutefois complètement vertes, ce qui est étonnant.

Après cette visite, nous avons admiré la porte qui ouvre sur la rue de la Juiverie, acheté rillettes et rillons dans la charcuterie locale et pris un verre dans le bistrot complètement désert, et décoré d’affiches dont le thème commun était « le corps féminin fortement dénudé », exposition aussi d’un autre genre.

Propos de garçonnet, 14

Non, ce vêtement, je vais le garder encore longtemps. Je vais pouvoir le mettre jusqu’au Moyen-Âge.