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jeudi, 15 septembre 2005

Propos de garçonnet, 12


Le picochard, c’est le premier animal amphibien disparu.

mercredi, 14 septembre 2005

S’indigner

 

La réponse que je viens d’écrire à destination de l’étudiante du Collectif de soutien m’a incité à m’interroger sur mes prises de position dans ce blog. Il faut que je sois plus vigilant et consciencieux dans toute note relative à des questions idéologiques. Je dois être le plus clair possible dès la première prise de parole, pour éviter ces malentendus. Au demeurant, je ne renie pas, loin s’en faut, l’essentiel de la note incriminée. J’ai éclairci ce qui devait l’être, et repris là où j’avais exagéré.

 

 

Au fond, que signifie s’indigner ?

Je ne veux pas dire : à quoi sert-il de s’indigner?, encore que cette question mériterait quelque approfondissement.

Ce que je veux dire, c’est que l’étymologie même du verbe, et le sens qu’il faudrait donner à la tournure pronominale, l’oriente vers une perte de dignité : s’indigner, c’est sortir de ses gonds, perdre de sa dignité. On pourrait me faire valoir que c’est justement l’absence d’indignation qui ravale l’homme en dessous de sa dignité d’être doué de pensée et de raison. Mais cela n’est-il pas un sophisme?

 

J’ai nommé Indignations, presque sans y penser, la catégorie correspondant à mes sautes d’humeur (encore une expression qui mériterait réflexion), mais c’était mal formulé : si j’écris (c’est-à-dire, si je prends le temps de démarrer mon ordinateur, d’écrire une note, puis de la publier), l’indignation ne devrait plus avoir droit de cité. Or, l’échange très dilué et ‘dialogue de sourds’ entre cette jeune femme et moi montre à quel point je me trompe. C’est peu dire que je suis dans l’erreur : je ne me relis pas assez, je ne tourne pas assez longtemps les doigts au-dessus du clavier.

 

Un autre aspect de l’indignation est qu’elle passe pour une qualité dès lors que l’on s’imagine que le monde actuel en est dénué, ou qu’il y aurait pénurie de légitimes indignations dans notre société. Un récent commentaire de M. Romero et ma propre réponse immédiate (et, une fois encore, pas assez réfléchie) à Claire attestent de cela. Or, quitte à passer pour fou (je n’en suis plus à ça près), je suis en désaccord avec M. Romero et moi-même: il ne faut pas continuer de s’indigner. Il faudrait pouvoir continuer de lutter, de réfléchir, de penser, d’élaborer des positions intellectuelles et/ou politiques sans indignation.

 

Insomnie et palindromes

Hier soir, ayant lu un bon tiers du Sujet monotype de Dominique Fourcade, lecture plutôt irritante (je m’expliquerai sur le choix de cet adjectif quand je reparlerai du livre, mais, dans tous les cas, il n’est pas à entendre en mauvaise part), à quoi s’est ajouté un chapitre des Wild Palms, je n’ai pas réussi à m’endormir, j’ai tourné viré dans le lit, finissant, étouffant de chaleur, par aller m’allonger sur le vieux canapé de la buanderie, recouvert seulement d’un peignoir, et, avec le frais, le froid, m’endormant enfin, mais non sans avoir passé presque une heure aussi à rouler, dans mon cerveau obsédé, des calculs et des formules complexes autour des nombres palindromiques à trois et quatre chiffres. (J’ai fait deux découvertes complémentaires à leur sujet, et, vérification faite cet après-midi dans les très rares ouvrages mathématiques auxquels j’ai accès, n’ai pas trouvé d’explication ou de théorisation ; comme toujours, il est évident que je n’ai rien inventé, que j’ai seulement retrouvé des cheminements maladroits sur des chemins déjà frayés, aussi n’écris-je jamais rien de mes ruminations arithmétiques, laissant la parole aux spécialistes. (Cette désistance, ce refus d’inscrire ici des traces de tout ce qui me préoccupe, cette restriction aux sujets pour lesquels je me sens une (même vague) autorité, est vraie aussi du domaine politique, légal, de la biologie, etc. Je me forme continuellement à des sujets dont je ne suis qu’amateur. Humaniste et prudent.))

 

Bref, voilà ce qui me taraude les nuits d’insomnie : des calculs infinis, des extractions de racines, des factorielles, etc. Moi qui n’ai pas fait de mathématiques au-delà de la terminale, quel ridicule.

 

J’ai tout lieu d’être mécontent ou honteux de moi, car la soirée avait très mal commencé, puisque j’ai regardé un match de football, en y prenant, au demeurant, un plaisir plutôt vif. Mais, s’il est des loisirs, des plaisirs agréables, dont la jouissance ne procure aucun mécontentement, celui-là, dans lequel je ne verse qu’environ une dizaine de fois l’an, me contraint à chaque fois à prendre en compte les côtés les plus abrutis de ma personnalité, et, si c’est peut-être une nécessaire expérience de ravalement de soi, elle n’est, tout simplement, à terme, pas plaisante.

 

De surcroît, il faudrait que je sois, vendredi, jour du poisson, frais comme un gardon !

 

Réponse à Claire (du Collectif de soutien aux demandeurs d’asile)

Il semble y avoir un malentendu, à en croire le commentaire récent de Claire : je n’ai jamais remis en cause le bien-fondé des demandes d’asile spécifiques de chacune des familles « accueillies » sur le site Tanneurs. En revanche, oui, dans ce billet d’humeur pas très mesuré, parfois excessif, j’émets des doutes sur la stratégie du collectif (et non du comité, c’est noté, même si ce “collectif”-là a paru, à nombre de collègues et d’étudiants, bien sectaire et peu enclin à s’ouvrir à la collectivité de ceux qui auraient voulu soutenir les demandeurs d’asile) et sur le rôle réel des vrais étudiants de l’université dans cette instance.

J’ai eu l’occasion, entre début avril et la mi-mai, de discuter à trois reprises avec des membres du dit collectif. La première discussion a eu lieu le lendemain du concert de clôture de Marc Ducret, en lever de rideau duquel nous, les spectateurs, avions applaudi le petit laïus de l’un des responsables du collectif, qui avait fort bien parlé, et dans la plus grande justesse. Ce premier entretien, avec le responsable en question et une jeune fille qui n’avait pas l’air très bien renseignée* sur le statut des demandeurs d’asile et la Convention de Genève, mais pleine de bonne volonté et de détermination. Discussion intéressante.

Plus tard, tout début mai, passant près de l’amphithéâtre Thélème, dans la rue, me rendant directement au département d’anglais par l’extérieur, je fus interpellé par un des membres du collectif, qui, me voyant en cravate, ce qui apparemment, était un crime, me lança « Eh toi, le PDG, t’arrêtes pas surtout pour t’informer ». Vous l’avouerai-je ? je ne fus pas surpris du tutoiement ni de cet amalgame entre mon habit et l’idéologie que l’on me supposait**, mais j’allai vers le “jeune” en question (de cinq ans, au bas mot, plus âgé que moi), à qui j’expliquai ma position très modérée sur le sujet, à qui je racontai que j’avais déjà eu une longue discussion avec deux de ses acolytes, et à qui je déclarai aussi qu’il me semblait qu’avec le blocage des négociations, il y avait peut-être moyen de passer à d’autres modes d’action, au lieu de poursuivre une occupation qui avait pour principale conséquence d’irriter et de s’aliéner des personnes (agents, professeurs et étudiants) qui soutenaient au départ, pour la majorité,  la cause des demandeurs d’asile et dont la patience s’effritait. Le vociférateur n’eut rien à me dire, qu’un espèce de bafouillement assez incohérent que j’interprétai comme un laissez-passer (ou un refus de discuter?) ; je vaquai donc à mes occupations.

La troisième discussion eut lieu quelques jours plus tard, car je voulais m’informer directement de l’évolution de la situation, assurer le collectif de mon soutien, à quelques restrictions que j’ai ensuite (plus d’un mois plus tard) explicitées et aggravées dans la note qui a provoqué votre courroux.

Pas d’incident cette fois-là, mais, si vous y tenez, je vous signalerai qu’une étudiante que je connais depuis deux ans et qui avait voulu s’informer semblablement, avait été (je cite) « branchée par un type qui puait le shit » (moi, je ne pourrais pas confirmer, c’est une odeur que je ne parviens pas  identifier) et qu’elle « n’avait rien pu lui tirer d’autre » et « avait filé vite fait ». Comme le collectif me semble avoir vécu isolé dans sa bulle pendant deux mois, plus ou moins contraint (et je le regrette, et en veux, de ce point de vue-là aussi, à la préfecture***) à une radicalisation des discours et des actes, je pourrais vous citer de nombreux autres exemples, pour ne rien vous dire de certains propos que m’ont tenu certains agents, qui étaient excédés par la situation.

Enfin, si je comprends votre indignation à la lecture de ma note, sachez que, contrairement à ce que vous affirmez :

1)      je ne me suis pas tenu à l’écart de ces “événements”

2)      je ne suis pas ignorant en matière de droits des demandeurs d’asile*

3)      je n’ai pas de leçon de civisme, d’humanisme ni de morale, ni surtout de militantisme, à recevoir de vous

4)      je n’ai jamais douté que les étudiants du collectif étaient capables d’être admis à leurs examens, et je ne vois pas où vous êtes allée pêcher une idée pareille

Je conçois que votre erreur et votre véhémence viennent en grande partie d’un malentendu ou d’une mauvaise interprétation de mes propos, qui, très partiels et partiaux, se prêtaient effectivement à cette mauvaise interprétation. J’espère que c’est plus clair maintenant.

 

* contrairement à moi, si vous me permettez un peu d'orgueil (et je pourrai vous expliquer en long, en large et en travers, pourquoi je maîtrise assez bien le sujet)…

** Non seulement il est interdit d’exprimer le moindre désaccord avec les dogmes le plus radicaux d’un mouvement d’extrême-gauche, sous peine d’être aussitôt soupçonné de fascisme, mais ne pas être en jeans troué revenait, de même, à être aussitôt étiqueté «anti-collectif».

*** La seule (mais importante) rectification que j’aimerais apporter à la note En quoi se perdre est relative à ma trop grande véhémence, qui est d’ailleurs directement responsable de la vôtre : évidemment, je pense que la préfecture a laissé pourrir la situation, selon une stratégie bien connue, en profitant d’ailleurs de la perche que lui a tendu le collectif. Une fois que presque tous les personnels et les étudiants, exaspérés par l’escalade des provocations du collectif, furent d’avis que cette occupation avait perdu une bonne part de sa légitimité, l’évacuation devenait possible.

Amiel et son journal

Que Philippe Lejeune et son site Autopacte soient remerciés de me permettre le copier-coller ci-dessous, qui démontre qu'il y a cent-cinquante-trois ans, pas un jour de moins, Henri-Frédéric Amiel s'interrogeait comme je ne cesse de le faire:

14 septembre 1852

 Je viens de feuilleter le cahier précédent de ce journal. L'ensemble m'a ennuyé. Ce parlage égotiste m'a paru efféminé, fastidieux, amollissant : il m'a pris trop de temps et de place. Puis il y a aussi trop de faits insignifiants. Cette vie virtuelle, ineffective, rentrée pour ainsi dire, m'a semblé dériver de la faiblesse, et prêter un oreiller à ma paresse d'action.

Pas sur mon blog...

... au jardin botanique.

mardi, 13 septembre 2005

Le triomphe de la page blanche

Un monde, c'est, de se taire. Qu'un monde naisse, et serions-nous là, au spectacle des vignes, des tubéreuses, des fortunes diverses?

Quel affront, parmi les rochers!

Partie de cartes au milieu des bruyères, brumes matinales carillonnant dans le parc.

Propos de garçonnet, 11

"Ce panneau, ça veut dire que la piste cyclable est finie et que les vélos doivent faire plus attention et rouler à moins de 300 kilomètres-heure."

Homage to a Firing Squad

Il y a déjà longtemps que je veux écrire une note au sujet de ce roman de Tariq Goddard, que j'ai lu à la fin juillet et qui m'avait été offert. C'est un roman qui doit beaucoup à la structure des récits de Faulkner et à d'autres innovations surtout expérimentées dans les années 1950-60 en France, sans compter l'influence évidente du cinéma indépendant américain dans ce type de narration. Pas d'immense surprise donc du point de vue de la structure ou des différentes révélations de l'intrigue, mais de vrais bonheurs d'écriture, avec aussi, ce qu'il faut noter, ce qui est tout à fait remarquable, le choix d’un sujet historique très risqué et traité d'une manière extrêmement singulière.

 

L'intrigue n'est pas simple. L'histoire se passe pendant la guerre d'Espagne, ou pour être plus précis, pendant la guerre civile opposant les républicains ou aux franquistes. Quatre jeunes soldats plus ou moins professionnels font un trajet en voiture, avec pour mission d'assassiner un homme politique célèbre et controversé, Don Rojo ; toutefois, comme aucun d'entre eux n'a jamais assassiné personne, et comme trois d'entre eux connaissent bien l'homme politique, et surtout sa très admirable fille, dont ils sont épris, la mission est compliquée - d'autant plus que Don Rojo lui-même qui attend dans sa demeure, tenté par le suicide.

 

Comme l'intrigue n'est pas simple, elle n'est pas aisée à résumer non plus, et le paragraphe qui précède ne rend pas totalement justice aux différents épisodes de cette nuit de narration brusque et ambiguë. Les différents chapitres ou sections du récit s'ouvrent sur des notations de lieu et d'heures extrêmement précises, à la manière d'un script. Tout le dénouement, dont le moins que l'on puisse dire est qu'il ne se résume pas à quelques pages vite bâclées, est passablement sanguinolent, mais sans que l'hémoglobine soit l'essentiel du propos.

 

Je ne pense pas que ce roman ait été traduit - ou, plus exactement, je n'ai pas retrouvé, sur le Web, de référence à une quelconque traduction, quoi que ce texte paru en 2002 ait été l'objet de nombreux éloges outre-Manche. Le mieux serait sans doute de donner quelques extraits de la prose dense de Tariq Goddard, mais je dois toutefois signaler ma seule réelle réserve à l'égard de l'écriture, dont plusieurs critiques semblent dire qu'elle repose sur une évidente économie de moyens, alors que, de mon point de vue, le romancier hésite constamment, de manière pas toujours satisfaisante, entre un style abrupt ou sec à la Hemingway et un style plus ample, à la Faulkner.

 

Il y a de véritables réussites dans le recours au monologue intérieur, comme dans ce passage du chapitre 11 :

“Unlike Ali, the captain was very much awake.  His blood was up and his heart felt like it was falling down a spiral staircase.  What was he doing here? The question was as belated as it was foolish.  This was what came of answering questions before they had even been posed properly; of thinking things would be easier to do when put on the spot.  Volunteering to kill the Don had been the most important thing he had ever agreed to do in his life, but, unfortunately to him, the moment of the impulse had already passed.  The captain glanced over at Ali, who seemed to be drifting between a coma and a trance.  The situation was becoming unnerving; what if the same thing was going through his friend's mind? But so what if it was? It was not the situation itself that was working away at them like a wound; it was what had brought them here."  (Tariq Goddard Homage to a Firing Squad.  London: Sceptre, 2002, page 198)

 

D'autres éléments du roman m'ont intéressé, à titre personnel, comme l'analyse extrêmement subtile du personnage de l'homme politique, qui n'est jamais véritablement au centre du récit mais qui est très chatoyant et, à certains égards, attachant. Le deuxième extrait que je cite ci-dessous a trait à l'obsession onirique de Don Rojo, qui me rappelle un certain nombre de pages très belles de Nuruddin Farah :

“For example, only a month earlier the Don had complained about the dreams he was experiencing.  He was, he claimed, suffering from a barren patch, with those dreams he could remember not being worth the effort of being dreamed of in the first place.  Salazar had had trouble concealing his delight.  Not only did he find the Don's habit of pontificating about his dreams at length unbearably pompous and dull, but the exercise drummed home the point that Salazar, if he had dreams (which he didn't), would have been able to make a much better job of holding forth on them than the Don did. More irritatingly, but still wholly true to form, the Don had rung Salazar a week later telling him that the situation was saved." (page 107)

Holocaust Day

Si vous lisez l'anglais, cet article-ci, démentiellement consternant, vous apprendra les projets actuels du gouvernement britannique, qui viseraient à supprimer Holocaust Day, afin de ne pas froisser certaines susceptibilités islamiques. L'idée de commémorer les exactions contre les palestiniens ou d'autres tentatives de génocide, pourquoi pas? Mais vouloir alléger les commémorations de la Shoah, voilà qui me semble aller à contresens: c'est plus de profondeur et de complexité historique qu'il faut pour adoucir les rancoeurs, pas ces petits rafistolages de complaisance.

Merci à Livy d'avoir attiré mon attention sur cet article, dont j'ignorais tout. (Comme par hasard, l'article date du 11 septembre. Yuck!)

 

136 ans a posteriori

Le 13 septembre 1869 décédait à Québec un certain Edouard-Gabriel Plante, dont j'ignorais jusqu'à ce jour l'existence.

lundi, 12 septembre 2005

Rumeurs des villes - & - Murmures d’ailleurs

Les Tourangelles demoiselles
Suçotent entre elles des caramels
Elles sont sûrement un peu pucelles
En ce qui concerne l’amour charnel

 

J’écoutais, début 2001, à Beauvais, ne sachant pas que je vivrais un jour (et pour longtemps, qui sait…) à Tours, le double disque de Néry (La vie c’est de la viande qui pense…) d’où est tirée la chanson d’où est extrait le quatrain ci-dessus.

 

Je l’écoute moins souvent maintenant, presque jamais. De toute manière, je préfère le premier des deux CD, où se trouvent, entre autres, Un jour gris, chanson vraiment parisienne, Taxi!, chanson vraiment antiraciste, Les Amants, chanson vraiment vénusienne (ou du “jour de Vénus”), Toi et moi, chanson qui tangue aux soixante-treize temps de la brûlure érotique, mais je remarque à présent qu’il  a aussi de très beaux titres sur le deuxième CD, comme J’aime mon chien, hilarant et ironiquement cynophile, Chemins d’hiver, tendre et désabusé, “Tiens, l’hiver!”, polylogue saisonnier, et ces Tourangelles demoiselles que je côtoie et qui sont convaincues, à juste titre, que «les rillettes de Tours sont meilleures que celles du Mans».

 

Quel mépris ?

Comme j’ai parlé de la petite rivalité amusante qui oppose Tours, où les rillettes furent inventées, et Le Mans, où elles sont devenues tellement plus célèbres, j’aimerais signaler un autre élément, plus troublant, que nous, qui ne sommes pas Tourangeaux de souche, avons noté depuis notre arrivée, c’est l’apparent mépris dans lequel les habitants de Tours tiennent les Manceaux, qui ne trouvent pas grâce à leurs yeux : arriérés, incultes, les Manceaux seraient tout cela. Or (comme s’il était besoin de le préciser), cette supériorité n’a aucun fondement: le vieux Mans est largement aussi beau que le vieux Tours, et les imbéciles se comptent dans des proportions proches dans les deux villes, ainsi que dans l’ensemble du pays.


Si quelque autochtone pouvait m’affranchir sur ce point mystérieux, je lui en saurai fort gré. Cette animosité vient-elle d’un différend politique entre une ville traditionnellement à droite (ce qui se vérifie dans son actuelle coloration rose pâle), Tours, et l’assez anciennement communiste préfecture de la Sarthe (maintenant passée à droite, je crois (mais rien n’est moins sûr)).

Oxymores des gargotes tourangelles

J’ai choisi, comme déjà une autre fois, précédemment, de commander et déjeuner d’un Irish Welsh dans cette brasserie de la place Plumereau dont l’enseigne existe également dans de nombreuses autres villes françaises. Un Welsh rarebit, je sais ce que c’est (et d’ailleurs, ce n’est pas ce que servent ces tavernes, de par notre pays) ; un Irish Welsh, c’est comme un Basque breton, c’est plus délicat.

 

Ne nous plaignons pas, toutefois : la brasserie concurrente de celle-ci, qui se trouve sur cette même un rien touristique place, propose, dans la version anglaise, des raped carrots, c’est-à-dire des carottes violées.

 

Saignements

Aujourd’hui, j’ai saigné trois fois du nez. Saignements subits de la narine gauche – comme aux grandes fatigues d’hypokhâgne – qu’il avait fallu cautériser, chez ce vieil oto-rhino dacquois féru de latin et de grec. Un jour de version latine – ces épreuves qui avaient lieu sur quatre heures un mercredi après-midi sur deux –, un saignement violent m’avait saisi, et j’avais dû, dans une posture incroyablement inconfortable, aller chercher le lavabo le plus proche, où le professeur était venu me chercher, plein d’une inquiète sollicitude, ayant suivi la trace des flaques de raisiné*.

Ce jour-ci, j’ai saigné à midi, dans mon bureau, à l’université, peu après avoir reçu un énième étudiant, seul heureusement et ne perdant pas la face, puis au restaurant, avec Irène, Arbor et F.F., enfin de retour à la maison, m’essuyant précipitamment avec le mouchoir vert vif de mon fils, que je venais de raccompagner de l’école maternelle, où la journée s’était bien passée, alors que la mienne, entre les diverses menues mais pénibles tâches et ces saignements, avait été, non consternante, mais terne, agréablement illuminée par le déjeuner avec trio d’amis.

 

 

* Souvenir peu exact de la tirade de Vautrin dans Le Père Goriot : « …aller verser mon raisiné sur le plancher de Maman Vauquer…»

20:20 Publié dans WAW | Lien permanent | Commentaires (8)

Il paraît pariétal : hommage aux Chimères domestiques d’Alain Prillard

Une paroi réfléchit vos pugnacités. Ne réfléchit rien. Une paroi, cela ne réfléchit pas.
Où, tout d’un coup, une sarabande s’esquisse. Un défoulement, débandade de petits trolls, folies et férocités.
Celui-ci se crispe, se baisse, se tord – troll comme une sucette fondue. Cet autre se démène, c’est la danse de saint Guy ; cet autre encore me fixe du regard, darde intensément les nuages de mon visage.
Qui croire dans cette diablerie ?

19:25 Publié dans BoozArtz | Lien permanent | Commentaires (0)

Epithalame pour Irène et Arbor

Donne, arc, notre île et l’est : trop rire, or noir.

Vacille, élégante, riant or noir, idéalement quelle unie étincelle : ah, brûle, arde, seul questionnement.

 

In kind homage to Jacques

  I have been half in love with easeful death.
It is sad that friends have been attacked by anonymous bastards on the Web are about to give up writing these beautiful texts of theirs, or at least that they will give up publishing them in their blogs.  This is what I mean: I was very sorry to read yesterday night in Jacques’ blog that he could no longer stand being dragged in the mud and that he would no longer take part in this beautifully creative activity known as literary blogging.
I don't know why exactly these words are coming out in English, or why I feel the need to express myself in this foreign tongue, with words that I have never fully made mine.  It is all the more surprising since Jacques himself never writes in English, and since we have always exchanged views and opinions in our native language.
Jacques is the author of the beautiful blog entitled Les mots ont un sens, one of the very few which triggered my own desire to create this very site. He is an admirable writer, and it is a shame that frustrated morons should have wounded him so deeply.  It is wrong to say, as a French proverb has it, that venom spit out by toads will never reach doves in their sanctified purity.  I have experienced this feeling of being slandered by incompetent lunatics, and I can only testify that it is often wounding, no matter how hard you try to dismiss false accusations and nonsensical serendipitous trash.
I can only imagine that Jacques will not change his mind now, that he has had it, that he is completely fed up with silly debates, that he is over and done with blogging, and I can very well understand its position, because, like him, I like writing and sharing my writing with others, but this is only one tiny part of my creative and noncreative life, so that I do not need (and neither does he) this activity to fill any kind of vacuum, unlike the two or three idiots who understand nothing and keep writing offensive sentences on the Web because there is no beauty, no joy, no happiness in their ludicrous lives. If the pleasure felt in blogging is tarnished by numerous mindless intricate arguments such as those created by the aforesaid idiots, the temptation to give up is great indeed, and I'm sure that Jacques will be very happy and busy and creatively lazy now that he has taken the decision not to go on with blogging.

Parution simultanée

Viennent de sortir des Presses Apollinaire

les deux opuscules suivants:

Un beau vers

et

Quelques mots du faux Tourangeau,

 

destinés respectivement à VS et VP.

 

Ils devraient être expédiés

à leurs destinataires et dédicataires

demain,

à condition que le maître des lieux retrouve leurs adresses...

Le Lude

Hier, à l'occasion de l'une de nos régulières visites à la grand-mère de C., qui habite La Flèche, nous avons revu le château du Lude, que nous avions visité avec cette même grand-mère et la mère, décédée en 2001, de C., en août 1994, par une belle canicule.

 

Hier, il faisait bon, une chaleur d'été finissant, agréable. Le château présente quelques atouts indéniables, à commencer par son parc, l’admirable muraille qui le ceint, le grand portail aux tourelles massives, par lequel on n'entre pas. La chapelle est médiocre, avec une écurie tout aussi terne, mais la visite du château est très intéressante, j'en avais gardé un très bon souvenir, à tel point que j'ai dû demander à la guide (une espèce d'excentrique maigrissime et qui récitait sa leçon sans nécessairement la comprendre) si les fresques représentant l'arche de Noé étaient déjà visibles il y a onze ans ; elles n'ont été, de fait, redécouvertes qu'en 1998.

Le château est encore habité, sert de résidence secondaire, mais les descendants, propriétaires, semblent un peu plus cultivés ou un peu moins sots (à l'exception d'un goût douteux en matière de portraits de famille) que ceux de la famille de Luynes, dont je m'étais plaint il y a quelques jours. On n’échappe pourtant pas à tout un laïus sur l'âge des enfants, les loisirs de la comtesse, et toutes autres fariboles aristocratiques pour épater le visiteur, qui, d'ailleurs, ne manque jamais de s'esbaubir. Nous aurions préféré plus de détails sur les trois magnifiques tapisseries de Flandre, ou sur les deux portraits, superbes, du duc et de la duchesse d'Orléans, portraits qui se trouvent dans la salle de bal et qui rendent magnifiquement hommage à ces deux héros ambigus des Mémoires de Saint-Simon ; à titre personnel, j'aurais aimé être certain que les trois croûtes attribuées sans hésitation par la guide à François Boucher n'étaient pas des copies, car ces toiles exposées dans le grand salon sont d'une maladresse technique très étonnante de la part de leur auteur présumé. Si quelque lecteur de ce blog en sait plus long sur ce sujet, je suis avide de renseignements.

 

Il y aurait bien d'autres remarques à faire sur certaines des splendeurs ou des beautés offertes au regard en ce château du Lude, et le mieux, une fois encore, n’est-il pas d'en recommander la visite ? Cette note est publiée sous deux catégories contradictoires, Sites et lieux d'Indre-et-Loire et Hors Touraine, mais c'est que, sans s'être en Touraine à strictement parler, ce château en est voisin. De plus, quoiqu'il ait été construit au bord du Loir, c’est un château qui s'apparente aux célèbres et si touristiques « châteaux de la Loire ».

 

Place des Joulins (face à moi)

De la fenêtre de mon bureau, à l'université, une fois ouvert les stores, ou, pour mieux dire, les volets roulants, je vois, par-delà les jardinières de géraniums qui bordent l'affreuse passerelle de béton, la très belle façade de briques claires qui nous fait face, place des Joulins. La nuit dernière, j'ai fort peu dormi ; après une soirée de lecture, j'ai eu envie d'écrire, mais je me suis retrouvé sans réelle inspiration face à l'écran de l'ordinateur de C. et m'étant couché à presque une heure, j'ai tourné dans le lit comme un affolé, et j'ai été réveillé à cinq heures et demie par une pluie battante, sans pouvoir me rendormir, et finalement totalement réveillé par les gueulantes du petit groupe de débiles qui passent presque tous les matins de la semaine à six heures et demie par notre rue.

La place des Joulins, qui, de la rue des Tanneurs, conduit au coeur du vieux Tours, est très jolie, avec ses façades sobres, classiques, la petite bicoque médiévale du bistrot Aux Trois Pucelles, le saule pleureur qui verse ses hanches de branches dégingandées par-dessus le bitume glacial ou dévastateur du trottoir. L'été, malgré le trafic presque incessant de la rue, cette placette est très agréable, en particulier lorsque le café des Joulins offre ses larges fauteuils où se vautrer, avec un demi ou un de ses sandwiches maison tout à fait surprenants et délicieux.

Il y a aussi les trois magnolias seigneuriaux, le passage du temps et des demoiselles, l'observation des promeneurs, de douces discussions avec les jeunes patrons, très gentils et sagaces, avec leur petit garçon joueur et espiègle.

La pluie tombe, fine et suave, sur la place des Joulins. Il faut tout de même se mettre au travail.

119 ans déjà !

Connaissez-vous La grand-mère Bretagne, conte dit par Marc'harit Fulup le 12 septembre 1886 à Plouaret, recueilli et traduit par François-Marie Luzel?

Je passe.

dimanche, 11 septembre 2005

Il y a 102 ans tout juste...

... naissait Adorno.

Autoportrait au kalanchoë

 

Plus que lui, en effet, le kalanchoë a l'air expressif.

Il y a cinquante mois

En ce 11 septembre, la plupart pensent à d'autres événements que celui ici célébré. Moi, je lève mon verre aux cinquante mois de mon fils, né le 11 juillet 2001.

samedi, 10 septembre 2005

« Je rêvais corne de taureau»: essai d'herméneutique apocryphe

Le commentaire nocturne de Simon, lu ce matin à l'aube, me laisse rêveur ou continue de me poursuivre (j'écris ces mots à l'encre, le samedi matin [3 septembre, NB], neuf heures et demie, mon fils, « directeur des petits », jouant à faire la classe à ses peluches).

 

J'ai recherché dans nos maintes bibliothèques (un de mes désirs, jusqu'ici en aucune de nos demeures assouvi, serait de rassembler tous les ouvrages dans une seule pièce) mon exemplaire de L'Âge d'Homme, un vieil exemplaire de poche, jauni et usé, à couverture noire, que je me rappelle avoir lu l'hiver 1996 à Oxford, une de mes années les plus boulimiques de lectures (dans la foulée, j'avais lu, entre autres lectures marquantes, tout Rabelais, la superbe trilogie de Céline, le superbe premier roman de Thomas Wolfe, Troilus and Criseyde de Chaucer, etc.).

C'est un livre qui m'a énormément plu. Je ne m'étais plongé, jusque-là que dans le versant le plus «verbal», ou lexical, ou verbonirique, de Leiris, et j'appréhendais L'Âge d'Homme, n'aimant guère, à l'époque, le genre autobiographique (mais m’étant bien rattrapé depuis), et nourrissant encore de fortes réticences idéologiques à l'égard de la métaphore tauromachique.

N'ayant pas retrouvé le livre, l'ayant lu il y a bientôt dix ans, que je ne me rappelle pas la phrase que tu cites, Simon, n'a rien qui doive étonner. Ce doit être la première phrase de l'extrait étudié en classe, plutôt que l'incipit du roman, non ?

 

Ce qui est le plus mémorable, pour moi, dans ce livre, c'est le long et magnifique développement sur la vision enfantine (ou préadolescente, comme diraient nos amis les sociologues et pédopsychiatres) des rapports entre l'homme la femme, aussi entre le fils et la mère, sous l'angle du mythe de Judith et Holopherne, élevé par Leiris au rang de «mythe personnel».

Pour ce qui est de la métaphore tauromachique, c'est elle qui (pour résumer à la serpette et dans mon vague souvenir) préside à une forme de révélation du sens de l'écriture pour Michel Leiris : écrire s'apparente à l'art du torero, qui risque tout en esquivant au dernier moment la corne, il ne tue qu'après avoir emporté le sujet dans sa danse ; inversement mais complémentairement, toute écriture ne se conçoit qu'on miroir de la propre mort du sujet qui écrit, dans ce risque permanent que constitue la mort du sujet. Pour citer André Clavel, auteur de la notice consacrée à Michel Leiris, dans le second tome du Dictionnaire des littératures de langue française (Paris : Bordas, 1984, p. 1272), on y «voit se déployer la chorégraphie tragique d'une tauromachique intime menacée par la corne acérée de la mort».

Ma réticence originelle à l'égard de cette métaphore provenait bien sûr de mon hostilité vis-à-vis de la corrida, qui me semble être particulièrement immorale, mais surtout de mon agacement à l'égard de ces écrivains qui, ayant célébré la corrida, offraient aux imbéciles et snobinards aficionados une forme de caution intellectuelle, phénomène dont, d'ailleurs, deux chansons populaires au moins se sont fait l'écho en en dressant la critique. La première est de Brel (Les toros), la seconde est de Renaud (Olé).

Mais j'ai fini par accepter, plus ou moins, cette métaphore, au nom de mon admiration pour l'écrivain mais aussi parce qu'elle a un sens très profond, très juste, et que ce que dit ici Leiris de l'écriture et de la littérature est source de méditation et d'inspiration.

 

Je reviens (avant un dernier mot sur le lien que je perçois, une fois encore, en ce carnet incessamment noirci (enfin... j'écris à l'encre bleue et le blog est sur fond vert) et le modèle leirisien) à la phrase «je rêvais corne de taureau». Je ne vois pas en quoi cette phrase est insensée; je n'ai pas le contexte en tête, ni le texte sous les yeux, mais il me semble que c'est une variation linguistique, certes déroutante mais d'une grande beauté, à partir de la phrase plus commune

Je rêvai d'une corne de taureau.

Ou :

J'ai rêvé d'une corne de taureau.

Ou :

Je rêvai de cornes de taureau.

 

Tout d'abord, par l'imparfait, cette phrase donne une profondeur temporelle inhabituelle au fait de rêver : le rêve imprègne la vie, c'est une impression qui n'est pas fugace et qui est vécue pleinement, qui ne se distingue pas de l'existence. Ensuite, par l'absence d'articles et l'emploi du verbe rêver comme d'un transitif direct: ainsi, voici l'objet porté au rang étrange d'image vague, ou de généralité abstraite. Tout cela est l'objet d'un pari, de ma part (confiance en l'exactitude de la citation par Simon, lectures de ces six mots hors de tout contexte assuré, etc.), mais je gage que cette phrase entre en résonance avec l'allégorie de la tauromachie et le caractère non transitoire du rêve.

 

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Voici à présent le dernier mot, ou le dernier paragraphe de cette note, relatif à ce que dit, toujours dans la notice citée plus haut, André Clavel: «Au bout du compte, l'autobiographie leirisienne est une autobiologie : la vie n'explique pas l'oeuvre, c'est l'oeuvre qui, après coup, constitue le tissu du vécu.»

Suit une phrase ou Clavel abuse de l'homophonie je/jeu, puis ceci: «la méthode est toujours restée la même : déclin des noms du dictionnaire en y introduisant des ferments aléatoires capables de recomposer, sur l'Autre Scène, des syntaxes inouïes.»

Je n'ai même pas de scrupule à me réclamer, partiellement (car la rigueur de Leiris, cruellement, me fait défaut), d'une telle esthétique.

 

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J'ajoute oralement une seule phrase à ce texte manuscrit daté de samedi dernier, moi qui me trouve en ce moment même (vendredi 9 en fin d’après-midi) à mon bureau, où je viens de le dicter; il s'agit de la première mouture, car je compte corriger quelques petites coquilles une fois rentré chez moi [c’est fait, NB].