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lundi, 08 novembre 2010

Coup de rabot

 

"Dans son acariâtre passage l'auto produit l'effet d'un coup de rabot sur la planche de la route d'où les piétons s'épivardent, recroquevillés en boule comme des copeaux, vers les bords et le fossé." (La Randonnée. 1932. Rougerie, 1978, p. 10)

 

 

mercredi, 27 octobre 2010

Sans thon, pas de sardines

"Haul on the signal halyard. Lower the keelson."

Our captain frantically waved to let go, and the next moment we were tossed bodily into the cataract. The boat heeled gunwale under, and suddenly, but the bowman kept his feet like a Blondin, dropped the boat-hook, and jumped to unlash the halyard; a wave buried the boat nose under and swamped me in my kennel; my heart stopped beating, and, scared out of my wits, I began to strip off my sodden clothes; but before I had half done the sail had been set; both men had miraculously fended the boat from a rock, which, by a moment's hesitation, would have smashed us in bits or buried us in the boiling trough formed by the eddy below it, and, with another desperate effort, we had slid from danger into smooth water.

Evidently, when washed overboard, he had grasped and become entangled in a trailing halyard.

A beat, a heart-beat musters all,
One heart-beat at heart-core.
It musters. But to clasp, retain ;
To see you at the halyards main --
To hear your chorus once again !

 

(When I bought a boat to bring hither I knew not the distinguishing term of a single halyard, save the "topping lift," and even that scant knowledge was idle, for I was blankly ignorant of the place and purpose of the oddly-named rope.)

And old Aaron Halyard paused, and blushed a little, as he remembered the embarrassing incident of that day.

samedi, 09 février 2008

Petite nuit II : sac-à-papier

" Maman, que veut dire schismatique, sac-à-papier, schlague ? qu'est-ce qu'un zouave ? le knout ? un jaunet ? des brodequins ? Elle suspend un instant la lecture, lève les yeux vers les petites filles, le knout est un fouet, finissez ce que vous avez dans l'assiette sinon je ferme le livre. "

(Marianne Alphant. Petite nuit. P.O.L., 2008, pp. 35-6)

 

Dans les souvenirs des premières lectures, les mots sur lesquels on bute, qui demeurent obstinèment opaques, ressortent de manière particulièrement vive. Ainsi, je me rappelle être resté pantois devant un Pouah ! tout à fait incompréhensible, au beau milieu de l'une des premières pages du premier "vrai" livre que je lus seul, Les Aventures de Jojo Lapin.

Pouah !


Sinon, ce passage du livre tout récemment paru de Marianne Alphant m'évoque, par son style, certains textes de Robert Pinget, en particulier les romans "monologiques" (Le Fiston), à moins qu'on n'y retrouve la voix toute en diaprures de Monsieur Songe (Du nerf). La piste Alphant-Pinget ne semble guère briller par son évidence, à moins qu'on ne pense au truchement de Beckett : après tout, Marianne Alphant fut, l'an passé, avec Nathalie Léger, commissaire de l'exposition Objet Beckett.

L'expression sac-à-papier est aussi, si l'on en croit Olivier, l'une des interjections distinctives de Tryphon Tournesol.

lundi, 04 février 2008

Perutz, Poitiers, saules, lentes dédicaces

Comme je voulais aborder l'écriture du (long, peut-être) texte que je veux consacrer à Petite nuit de Marianne Alphant, j'ai ouvert le document Word où j'écris certains textes avant de les publier dans l'un ou l'autre de mes carnétoiles, et j'y retrouve ces bribes, datées du 19 janvier dernier et jamais publiées / franchement oubliées :

19 janvier, déjà, minuit quinze, je ne m’endors pas du tout.

 

        Le seizième chapitre de Turlupin est parfaitement hilarant. Leo Perutz, dont le goût du roman historique – même déconstruit – me semblait un peu fade, sur les premiers chapitres, est maître dans l’art de faire dérailler progressivement, mais non sans une violence jubilatoire, un récit de prime abord anodin. (Il y a aussi la façon dont, subrepticement, « la danse de Toulouse », p. 104, me rappelle « la jambe de Poitiers », octobre 2003.)

        Autour du titre. D’emblée : Je crache des gauloiseries. Avant, il y eut turlupiner, dont je crus lire que l’expression française était « ça me turlupiline » (j’avais sept ans, mettons, ou huit). Turlupin était, nous apprennent les dictionnaires, un auteur de comédies vite populaire pour l’inanité de ses calembours en dessous de la ceinture (ou, en adaptant à la mode du dix-septième siècle, ses mots proches du haut-de-chausses). Le nom de Tirelupin, dans Gargantua, a fait couler beaucoup d’encre : les auteurs du Robert culturel y consacrent d’ailleurs un encart instructif.

        (Accessoirement, le lecteur vagabond finit par apprendre qu’en français du Québec et d’Acadie, la turlutte n’est pas ce qu’on pense. Cela dit, il n’est pas indifférent que le substantif turlupin soit encadré par turgescence et turlute.) Ça, c’était autour du titre. De pleines bouchées de mots crus...


 

Julio Gonzalez, Les saules (1925).


Pour tout compliquer, j'illustre ce billet au moyen d'une photographie de l'exposition "Julio Gonzalez en famille" [Julio Gonzalez. Les saules, 1925. (Ils n'ont pas l'air de saules, mais bon... la pâte prend l'ascendant...)].

dimanche, 13 janvier 2008

Utrillo, Blanchot, des mots...

Comme, saisi d'un doute soudain après avoir écrit "trilles vibrantes" dans le texte intitulé Omégalomanies trombonesques,  je vérifiais, dans le Robert culturel qui accompagne mes journées, le genre de trille, je pus constater, non seulement que, si trille est bel et bien masculin, j'ai d'illustres prédécesseurs dans l'erreur, les "claires trilles" de Rimbaud m'incitant à ne pas corriger le texte d'origine, mais aussi que le substantif masculin blanchon, dont l'encyclopédie des animaux d'Alpha confirme qu'il s'agit du jeune phoque, ne s'y trouve pas, alors même qu'il figure en légende sous la fève de mercredi dernier.

lundi, 03 décembre 2007

Pas sage piétonnier

Dans son entrée de journal du 7 décembre 2004, Renaud Camus emploie l'adjectif piétonnier dans son sens métaphorique seulement attesté en anglais :

Qu'il faut être laborieux et piétonnier, pour être convenable idéologiquement !

(R. Camus. Corée l'absente. Fayard, 2007, p. 619.)

 

Comme il vient de faire remarquer, suivant en cela Finkielkraut,  qu'il est fort dommage que la langue française n'ait pas d'équivalent de l'anglais congenial, on peut voir, dans ce calque hardi, une volonté assumée de mettre en valeur le "bon franglais"...!

dimanche, 25 novembre 2007

Palilalies de Huntington

Entre autres chantiers multiples, dans mes deux carnétoiles ou ailleurs affaissé dans l'écriture, il y a les Mots sans lacune, vieille et maigre rubrique de ce site-ci. Elle me revint sous la plume à l'heure même où je lus, hier soir, cette phrase :

Les murs ocre qui entourent le domaine et les toits qui dépassent d'eux ne me sortent pas plus de l'esprit que Coré l'absente ou Corée l'absente, ce qui prouve bien que l'architecture peut être un objet de battologie au même titre que la poésie, et qu'il existe une palilalie visuelle autant que langagière.

Renaud Camus. Corée l'absente. Paris : Fayard, 2007, p. 249.

 

Pour le substantif battologie, le Robert culturel propose une citation, tout à fait réjouissante d'ailleurs, de Raymond Queneau, alors que, pour palilalie, la définition n'est pas accompagnée :

PALILALIE. n.f. < 1908, A. Soques ; du grec palin "de nouveau" et lalein "parler", cf palikinésie >

Pathol. Répétition involontaire d'un ou de plusieurs mots, observée dans la maladie de Parkinson et dans d'autres maladies du système nerveux.

 

Il se trouve que, sans être involontaire, la palilalie (du simple rabâchage au style itératif) est une figure essentielle de l'écriture de Renaud Camus, notamment dans les Eglogues (au secours, Madame de Véhesse !), mais plus généralement dans le reste de l'oeuvre. Ainsi, les pages 229 à 241 de Corée l'absente en présentent plusieurs cas ; par exemple : "Il a fait toute la journée un temps magnifique. Il a fait toute la journée un temps magnifique. Je croyais avoir facilement le vertige, mais Pierre est bien pire que moi." (p. 229)

samedi, 15 septembre 2007

Pas loin de l'échevin gisait un cheval mort...

Just for the record : "des éparvins gonflaient ses jambes hérissées de longs poils" (Théophile Gautier, à en croire le Robert culturel). Le mot ne mérite donc pas de figurer au projet inabouti, presque abandonné, des Mots sans lacune, si ce n'est que son doublon paronymique, épervin, lui, n'est illustré d'aucune citation.

 

- Au secours ! Mon maître est tombé dans le ravin !

- Qu'est-ce donc ? Son cheval aura des éparvins...

(fragment d'un dialogue oublié d'un dramaturge méconnu)

samedi, 12 mai 2007

L’École des fanes *

(De retour du marché.)

― Je voudrais deux bottes de carottes, s'il vous plaît.

― Je vous coupe les fanes ?

 

(Cela n'est pas un fragment des Satires de Lucilius.)

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Au demeurant, ce billet est publié dans la catégorie Mots sans lacune, car le Robert culturel ne donne aucune citation littéraire pour ce beau nom de fanes. Alors, en vrac :

« Le paysan laboure un champ de raves. Le diable vient réclamer son feuillage. Le paysan lui donne les fanes. Méfiant, le diable vient le soir observer, par une fente entre les poutres de l'izba, ce que complote le paysan, qui se fait une soupe de raves, qu'on appelle borchtch en russe, un régal de gourmets, de couleur mauve et rose. » (René Laurenceau. Nègres blancs.)

 

Les fanes d’orichalque au vent tintinnabulent

Des femmes enfiévrées sortent de tes chansons

Elles vont sans me voir comme des somnambules

Sur les pas du flûteur de la rue Vaucanson

(Robert Vitton. "Elégie pour un élégiaque". In Encres vagabondes, 1990.

 

« La poésie, qui détruit les frontières. Reconstruit les murailles qui nous encerclent, celles qui protègent du froid et des sottises. La poésie des dépravés, des arracheurs de pavés qui bravent les idées préconçues. La poésie des acharnés des rimes, ceux qui triment en terminaison de vers pour toute existence. Les autres, verre à la main, s’abreuvent des femmes et courbent les fanes dans des alexandrins étriqués. Et ceux qui ne comprennent rien. Je les envie. » (Falmar. Introduction, 27 janvier 2007)

 

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* Le titre du billet, hautement (et oncques bassement) calembouresque, est un hommage à ceux de mes lecteurs qui goûtent les jeux de mots (et je songe en particulier à Fuligineuse, Aurélie et Simon). Or, je me suis rendu compte, en cherchant sur la Toile des occurrences du mot fanes (au pluriel), que de nombreux internautes prétendûment francophones écrivent ainsi le féminin du substantif franglais fan ! Pas de quoi s'éventer !!! (Les pales du ventilateur tournent toujours.)

mardi, 10 avril 2007

La caféine n'est pas dans les bulles (mais dans les bulots, allez savoir...)

Dans les vape(ur)s, ou évaporé tout le jour, voici que je ne m'endors pas du tout. Pas faute d'essayer pourtant ; ce doit être les quatre ou cinq verres de Coca sans bulles que j'ai bus, et me voici, gros malin, à pianoter, patraque, mais pas du tout endormi (un sacré mal de dos quand même). Et à me plaindre aussi, pour faire bon poids.

Il y a quelque temps, j'avais "séché" lamentablement devant un groupe d'étudiants de 1ère année, en leur parlant de crustacés, de crevettes et de... bulots. Pédagogiquement, c'était irréprochable : je pris l'exemple des bulots comme exemple de vocabulaire qu'il n'était pas nécessaire d'apprendre par coeur, et pour rappeler mon petit laïus sur l'apprentissage autobiographique du vocabulaire (késako ? ah, ah, je vous tiens éveillés, moi aussi). Or, le mot bulot (sa traduction), je m'aperçus que je ne le (la) connaissais pas. Non que je l'eusse connu et que je l'oubliasse à cet instant devant mes étudiants médusés : je ne l'avais jamais su. Bien évidemment, à la première pause qui me permit de me rendre dans mon bureau, je vérifiai la traduction de bulot au moyen d'un dictionnaire bilingue. Le mot que je lus alors, s'il paraît familier, n'avait, à mon humble avis, jamais croisé mon regard : un bulot se dit whelk.

Hier, voulant raconter cette histoire à mes parents, je ne retrouvai pas ce satané whelk. Vérification derechef, et whelk de nouveau. Comme ma mère pensait n'avoir jamais rencontré ce mot, je m'amusai à chercher, sur la grande Toile, certaines occurrences, que je collai dans un fichier Word, ce qui me permet de vous dire que l'on trouve ces bulots anglomorphes dans des textes de John Buchan, R. Cadwallader Smith, de H.G. Wells, de John Ward, de W.W. Jacobs,  de Saki, de George MacDonald, d'Annie Allnut Brassey (whoever that is), de John St. Loe Strachey, de Charlotte Yonge, dans un drame en vers d'Alfred Lord Tennyson himself, dans le volume 159 du magazine Punch, dans la traduction de l'Iliade par Cowper (au livre II), et même, tenez-vous bien, dans King Lear (mais sous forme de verbe). Tout ceci mériterait un détour par l'OED, mais bon... je vais aller voir si le Coca renonce et baisse la garde.

samedi, 10 février 2007

Rhubarbe et séné, 1

Ayant malencontreusement fait une petite faute d'orthographe dans un récent commentaire sur le blog de Tinou, je me suis lancé dans quelques recherches qui m'ont fait découvrir des sites inconnus, voire insoupçonnés. En effet, j'ai écrit : "Ah, ça fait du bien, de se passer rhubarbe et senné..." Or, une rapide vérification dans n'importe quel dictionnaire m'aurait permis de corriger : "Ah, ça fait du bien, de se passer rhubarbe et séné..."

Mon erreur vient du fait que, comme d'autres, cette expression m'est connue de source orale, et principalement par la chanson de Brassens, Lèche-cocu. Petit tour par les plates bandes de Dame Google. Première stupéfaction : la plupart des sites, et notamment les plus populaires (Paroles.net, Paroles Mania), donnent une version incomplète de la chanson, où la strophe en question n'apparaît pas. J'ai fini par trouver le texte complet, que je connais (deux années d'immersion de Brassens, entre 91 et 93, ont suffi pour que je connaisse la quasi totalité des chansons sur le bout des dents), sur un site russe "consacré à la musique française" (mais, en fait, à la chanson française, ce qui n'est pas la même chose). Merci, amis russes, plus que jamais j'ai l'âme slave ! (Parenthèse à l'intérieur de la parenthèse : le site russe est peut-être le seul à donner le texte intégral de 90 chansons de Gérard Manset, car ce dernier a fait fermer tous les sites qui s'étaient arrogés ce droit.)

Détour par mon sacro-saint Robert culturel. Pour résumer, le terme séné désigne soit la pulpe des gousses de la casse, soit la plante légumineuse elle-même (du genre cassia ou casse). On m'indique aussi le séné d'Europe ou faux séné, qui appelle l'entrée baguenaudier. (C'est trop beau, on se croirait dans les textes du Mimosa de Ponge.) Le Robert culturel de citer vaillamment un bref extrait de La Cousine Bette (Balzac, toujours lui) : "Je vous passe la casse, passez-moi le séné." Cette locution littéraire serait apparue pour la première fois sous la plume de Marmontel, en 1761.

Retour aux vertes prairies de la gueuse Google. Je livre en vrac, mais moins que la satanée googleuse.

" Quoi? vous ne croyez pas au séné, ni à la casse, ni au vin émétique? " (Don Juan, III, 1).

CASSE. n. f. XIVe siècle. De l'ancien provençal cassa, « grande cuillère », « récipient, casserole », du latin médiéval cattia, « creuset, cuiller à pot ». Récipient, plat. Une casse en terre allant au four. TECHN. Instrument allant au four, en forme de bassin, de poêlon, utilisé dans les savonneries, les fonderies, etc. Casse de verrier, sorte de cuiller qui sert à enlever les impuretés à la surface du verre en fusion. (source : site du Patrimoine de France)

" On m'a pris occupant dans une affaire pour les deux parties. C'est un peu léger ; mais, dans certains cas, la chose se fait à Paris, les avoués s'y passent la casse et le séné. Cela ne se fait pas à Mantes. M. Bouyonnet, à qui j'avais rendu déjà ce petit service, poussé par ses confrères, et stimulé par le procureur du Roi, m'a trahi... Vous voyez que je ne vous cache rien. Ce fut un tollé général. J'étais un fripon, l'on m' a fait plus noir que Marat. On m'a forcé de vendre ; j'ai tout perdu." (Balzac. Le Cousin Pons, VII.)

"Nourrice de mon cœur, je suis ravi de cette rencontre, et votre vue est la rhubarbe, la casse, et le sené qui purgent toute la mélancolie de mon âme." (Le Médecin malgré lui. III, 3.)

 

On pourra également lire, avec profit, une épigramme de M. de Voltaire à Frédéric II, une explication détaillée des diverses références de Lèche-cocu sur le site Analyse Brassens. Dans une note ajoutée à L'Epidémie française, satire anonyme de 1790, on trouve une citation qui mêle le sens littéral, herboriste, et le sens figuré : "Il abandonna la casse et le séné pour faire une révolution par ses phrases."

Ce tour d'horizon ne serait pas complet si je ne citais pas une consoeur blogueuse, Animula Vagula, qui employa, il y a bientôt deux mois, l'expression se passer rhubarbe et séné (sans faute d'orthographe, elle) dans un commentaire à sa note Du côté du Salon d'Automne.

Bien... avec tout ça, je n'ai pas même commencé d'explorer les potentialités sémantiques et les richesses étymologiques de ces expressions. Ce n'est pas bien grave. Je pourrai toujours y revenir (d'où le "1" qui clôt le titre de ce billet). Ce que je peux expliquer, en revanche, c'est pourquoi j'avais imaginé d'orthographier ce terme, séné, avec deux n : sans aucun doute par analogie avec le henné.

 

Scène 1

Un salon bourgeois. Le mari est au téléphone, la femme commence tout juste à se maquiller. 

MARI - Allô, Casse-Auto 2000 ? Oui, je vous téléphone pour savoir si vous avez des rétroviseurs de R19 et des appuie-têtes de Peugeot 304 ?

(Borborygmes incompréhensibles à l'autre bout du fil.)

Comment ? Oui ? Il vaut mieux que je vous passe ma femme. C'est elle qui sait ça. (À sa femme) Oh, chérie, je te passe la casse, passe-moi le henné.

 

Tout ça pour ça ? Non, quand même pas...

mardi, 30 janvier 2007

Sans sandow

De l'érotisme (sportif) à petit budget... 

Elle s'arrêta devant un sandow accroché au mur, prit les poignées de l'appareil entre ses mains fines et pourtant nerveuses, raidit les extenseurs de caoutchouc et, pendant cinq minutes, affola Marc Vanel par des attitudes insensées, des exercices difficiles, des gymnastiques éblouissantes auxquelles se prêtait son corps assoupli.

(Félicien CHAMPSAUR. Homo-Deus, ou le satyre invisible, 1924, p. 299)

 

(Il est temps de reprendre, selon son principe, le projet des Mots sans lacune.)

dimanche, 24 décembre 2006

Pynchattemites

Lectures au fauteuil... Je ne connaissais pas le substantif catamite.

Honte à moi, peut-être. Page 154 d'Against the Day, l'énorme roman récemment paru de Thomas Pynchon : "But inwardly, deep inside, "he remained the catamite of Hell, the punk at the disposal of all the denizens thereof, the bitch in men's clothing."

Après une rapide recherche, je découvre que ce terme se traduirait assez bien par giton. Je pense toutefois ne l'avoir jamais rencontré auparavant. D'après la WP anglophone, il viendrait de l'étrusque catmite, qui serait lui-même une déformation du nom grec Ganymède. (Ah, il serait tentant, tout de même, de traduire par "le ganymède des Enfers", avec un g minuscule.)

Les chercheurs spécialisés dans l'histoire de l'homosexualité et de ses perceptions pourront s'informer aussi auprès de Rictor Norton, qui cite un bref article publié dans le Post-Angel (!) en 1701. Pour ma part, je m'interroge sur l'éventuelle parenté entre le latin catamitus et le français chattemite. Pure coïncidence, à en croire le Robert culturel, qui réduit ce substantif (également adjectif ("des manières chattemites")) à la composition par juxtaposition de chatte et de mite, nom ancien du chat.

(Aussi... c'est le terme qu'emploie Brendan Rau, dans sa traduction récente de la 61ème Elégie de Catulle, comme équivalent de concubinus. (L'immarcescible (quoiqu'il doive être mort depuis lurette) Maurice Rat choisit "favori", qui me paraît faible. Non, vraiment, il faut préférer giton.) D'après l'irréprochable Concordance des Oeuvres de Shakespeare, ce mot n'apparaît jamais dans les pièces ni les poèmes du Barde. En revanche, on trouve, à l'acte IV du Sejanus de Ben Jonson, un très beau distique qui se clôt par catamite :

He is, with all his craft, become the ward

To his own vassal, a stale catamite

 

Un giton rassis ? Je vous en donnerai, du quignon, de la flûte...

Dans un ordre d'idées légèrement différent, ce terme se retrouve, assez logiquement, dans maintes traductions de textes fondateurs des Pères de l'Eglise (ouh la, triple génitif, faudrait éviter ça...), comme dans la version que donne C.L. Cornish du De Utilitate Credendi de Saint Augustin. Aussi faudrait-il préciser que Saint Augustin employait lui-même catamitus : "Nonne cernis, ut Catamitum Bucolicorum, cui pastor durus effluxit, conentur homines interpretari, et Alexim puerum, in quem Plato etiam carmen amatorium fecisse dicitur, nescio quid magnum significare, sed imperitorum iudicium fugere affirment; cum sine ullo sacrilegio poeta uberrimus videri possit libidinosas cantiunculas edidisse?".

Bien. Assez de vaine érudition.)

Dans tout cela, je me suis éloigné de Thomas Pynchon, dont le volumineux roman toujours m'attend, sur le fauteuil.

lundi, 11 décembre 2006

Vitraux de Truyes, 2

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Trois mauvais moines contemplaient, avec une tendresse de parade, le vitrail où dansait l'hostie, un ovale presque imperceptible que désirait ardemment effacer le cercle de feu. Face au calice, Saint Martin, de profil, semblait moins les menacer que ces trois scrutateurs austères, drapés de rouge et coincés entre la chasuble bleue du saint et la crosse d'or de l'évêque, une sorte d'image-miroir de leurs propres faux-semblants. La grisaille de la pierre n'est pas plus funeste que le fond de mon coeur.

lundi, 23 octobre 2006

Prêtre et curé

Il y a quelques jours, je racontais à un ami quelques anecdotes relatives à une famille d'ultracatholiques qui vit dans le voisinage, et lui dis notamment que nous voyions souvent "un curé venir chercher les enfants". Pour répondre à son regard étonné, j'ai aussitôt précisé que j'entendais par là un homme d'église en soutane, et me suis aperçu, en y repensant, que je semble faire, entre prêtre et curé (de manière tout à fait inconsciente (et surtout infondée)), une distinction sémantique fondée sur l'habit seul, au point, d'ailleurs, de ne pouvoir employer le mot "curé" si je croise, dans la rue, un prêtre en habit civil.

(Il y a aussi toutes les connotations péjoratives du nom curé, pour un qui, comme moi, vient d'une famille bougrement anticléricale : école des curés, boniment de curé, bouffer du curé, etc.)

mercredi, 13 septembre 2006

Fontanelles du spectateur

                                " Les éléments sont avec moi : il grêle. Une main aux ongles durs pianote sur mes fontanelles. " (E. Chevillard. Au spectacle.)

dimanche, 25 juin 2006

Besancenot, à toute biture

Le postier populiste, sur France 3 : "la campagne présidentielle a démarré, à toute biture". Le même, plus tard : "on est mal barrés".

Dans la foulée, je lui suggère de se lever en se grattant les couilles, ce qui pourrait aussi lui apporter les suffrages de quelques dizaines de praticiens de ce noble sport (au rang desquels évidemment, je me trouve, quand ça démange).

À toute biture...! Je ne connaissais, comme variante argotique d'à toute vitesse, que le très san-antoniesque "à toute vibure" (65 occurrences dans Google), ou, plus répandu, "à tout berzingue" (641 pages trouvées), que j'emploie fréquemment (mais pas quand je passe à la télé).

Vérification faite, Google ne recense, pour "à toute biture" , que quinze occurrences. En trois mots, Besancenot a rappelé 1) qu'il parlait une langue dénuée de tenue 2) que sa langue de bois à lui se mâtinait de gueule de bois (une bonne biture, une bonne cuite, hein, ça fait pas de mal, hein, les copains...) 3) qu'il était un vrai mec (car dans biture, il y a hure).

lundi, 30 janvier 2006

Osanore encore

Osanore est cette béance entre la page 1222 (O.S.) et la page 1223 (OSCABRION) du Robert culturel (tome III). Pourtant, le Littré, à la page 2948, fait suivre l'adjectif (sans la citation de Corbière) de deux autres termes tout aussi absent du Grand Blanc, OSAR et OSCABRELLE.

mardi, 24 janvier 2006

“On n’arrête pas le regrès”

Je m’étais imaginé, il y a quelques années, en écoutant une communication de mon collègue Marc Chemali, que le titre de son étude consacrée à l’œuvre de Tolkien, « On n’arrête pas le regrès », était un jeu de mots qui se doublait d’un néologisme. Or, je découvre, feuilletant le Robert culturel, que ce terme (que le vérificateur orthographique de mon logiciel de traitement de texte ignore et souligne d’une minivague rouge) est attesté depuis 1907.

 

L’entrée est même illustrée d’une citation… de Barthes, évidemment.

 

Par ailleurs, une recherche rapide du terme regrès dans le moteur de recherche le plus hégémonique qui soit et dont le nom contient pas moins de deux g, en se limitant aux pages "en français", donne surtout, comme résultats, des pages en espagnol ou des pages françaises dont l'auteur fait une faute d'orthographe au pluriel de regrets !

 

Rien sur Barthes ni sur Tolkien !

dimanche, 22 janvier 2006

… le glacier descend-il de sa rimaye…

« Depuis quand le torrent coule-t-il, le glacier descend-il de sa rimaye, la montagne s’élève-t-elle à trois mille mètres, depuis quand le soleil brille-t-il ? Par datations désormais exactes, le savoir répond à ces questions concernant ma perception, ensuite la nourrit et enfin la renverse. » (Michel Serres. L’Incandescent. Paris : Le Pommier, 2003 ; rééd. Livre de Poche, 2005, p. 14)

 

Hormis le célèbre poème par rimes homophones de Clément Marot, et peut-être une scène arrachée au Cyrano de Rostand, le son [rimaj] ne m’évoquait rien, et sans doute pas ce terme de géologie, qui figure bel et bien dans les dictionnaires, et dont le Robert culturel fait remonter l’origine (savoyarde) à 1870, et qui est dérivé du latin rima, la fente.

…………

RIMAYE – Crevasse marquant le départ de l’écoulement glaciaire, entre la roche et le névé ou entre un névé et le glacier qui l’alimente. Mur de rimaye.

…………

 

Poursuivant ma quête de ce surprenant étymon inconnu de moi, rima, je découvre un autre verbe rimer, terme propre aux locuteurs du Sud-Ouest (tiens, jamais entendu ça, pourtant), ainsi :

 

…………

Se rimer. S’irriter, s’échauffer, par suite du contact de la peau avec la sueur, l’urine. Ce bébé a les cuisses rimées.

…………

… le miracle de la transsubstantiation…

 

Je parle ici des mines classiques, de celles faites de graphite qui sont la moelle épinière des crayons courants. Mais il y a aussi celles des crayons de couleur, d’une pâte plus tendre et plus grasse et quasi argileuse ; celles des crayons Conté, rêches, bruyantes sur le papier, et qui sont d’authentiques charbons ; celles enfin de cette répugnante invention qu’on appelle « crayon-encre », qu’il faut humecter avant de s’en servir, et qui laissent sur la langue un petit goût amer, sur les lèvres des traces violacées, teinte chimique entre toutes, emblématique des évêques, en raison peut-être des étranges réactions qu’opèrent entre terre et ciel les grands princes de l’église, chefs de ces immenses laboratoires de pierre où est censé s’accomplir tous les jours le miracle de la transsubstantiation.

 

 

Michel Leiris. “Perséphone”. In Biffures (La Règle du jeu I). Paris : Gallimard, 1948. Réédité en « L’Imaginaire », 1975, pp. 107-108.

mercredi, 18 janvier 2006

Étendons le Robert culturel

Depuis que j’ai acquis le Dictionnaire culturel en langue française (Le Robert, 2005), que Simon, à défaut du monde entier, m’envie, je suis titillé en constatant que de nombreuses entrées ne sont, bien évidemment, illustrées d’aucune citation. J’ai le projet – certes dément – de trouver, au fil du temps, des citations pour chacun des mots de la sorte lacunaires. Eh oui ! Le Robert culturel est long d’à peine dix mille pages. Est-ce assez ?

Tombant par hasard sur l’entrée minivague, je m’amuse à imaginer ce que pourrait être la citation correspondante (donnée en italiques et sans nom d’auteur, bien sûr) :

Avec la nomination de Dominique Perben à un poste important, c’est, disparue depuis les années 1960, la minivague qui fait son grand retour.

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Naturellement, l’idée serait de trouver des textes d’auteurs connus ou moins connus, et d’aider, à titre tout à fait bénévole, toute l’équipe d’Alain Rey et les lexicographes des décennies à venir, dans leur entreprise. Je crée, à cet effet, une nouvelle catégorie, « Mots sans lacune », afin de ne plus alourdir la catégorie Words Words Words.

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P.S., suite au commentaire de Fuligineuse (ci-dessous) : cela ne va pas durer.