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lundi, 02 avril 2007

Le Lys d'Or, mardi dernier, 1

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Vous ne croyez pas, tout de même ?

Oh, juste le temps d'attraper l'appareil. Elles sont sales, mais...

Le placement des cuillères, c'est savant.

...

Non seulement vous me faites tenir des propos imaginaires mais vous avez la goujaterie de ne pas répondre ?

Oui, elles sont sales, ces tasses.

...

Oui, je fais toujours ça. Vous savez, ici je vous invente.

 

84

There was once a wowser

Who had no Web browser.

Living close to the Loire

Was indeed so bizarre

For this Webbrowserless wowsering din dowser !

 

Lire Renaud Camus, ça donne la grosse tête

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Au moins personne ne risque de prendre le message de travers...

dimanche, 01 avril 2007

Fous d'avril

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Reçu ça hier. Sais qui c'est.

Wagon huppé

Samedi, 21 h 35. 

Cet enfant qui s'amuse, par une phrase d'une syntaxe complexe et parfaitement maîtrisée, à jouer sur la proximité des verbes pouvoir et puer au participe passé me fait penser à mon fils - peut-être à mon fils dans deux ou trois ans ?

Avis important

Contrairement à ce que s'imagine Zvezdo (dont Madame de Véhesse s'évertue (ou s'obstine) à prononcer le pseudonyme Zvedo), Aurélie et Astolphe Chieuvrou ne sont pas deux de mes hétéronymes. La première est une ancienne étudiante ; j'ai rencontré le second, personnage tourangeau mythique s'il en est, il y a quelque dix jours, ce qui fut narré dans ces carnets.

Comme j'ai plusieurs blogs, je ne signe jamais, sur chacun, que de mon nom d'auteur : ici, dans Touraine sereine, je signe toujours de mon prénom, de mon nom complet ou de mes initiales. Si je me permets - ce qui reste rare - une facétie dans la signature d'un commentaire, je fais toujours figurer un lien vers TS.

 

(Très narcissiquement, il ne glissa, dans les multiples liens, qu'un seul envoi externe.)

jeudi, 29 mars 2007

Collectivisme façon Ceauşescu

J'évoquais hier la renaissance du carnétoile de Simon. Ce dernier, toutefois, s'est empressé, en une image belle mais plutôt morbide, de rappeler qu'il s'agissait de derniers soubresauts. Oranginal est donc bel et bien au point de bascule.

Comme un malheur n'arrive jamais seul, je reçois aujourd'hui une invitation pour "le 4ème apéro-blog tourangeau". Quand on sait que Guillaume Lapaque a épaulé Adrien Soissons qui avait tenu et tient encore des propos diffamatoires à mon égard, jusqu'à me pousser à ne plus participer au métablog, cette "invitation" (lancée au moyen d'un "outil" hideux et spammoforme) est assez savoureuse. D'ailleurs, presque tous les blogueurs enthousiastes du premier apéro-blog ont fini par déserter le méta-blog de M. Lapaque, et les apéros aussi, puisqu'il n'y est question que de ses préoccupations à lui, de son goût pour les blogs clones, des "spécificités juridiques du podcasting" e tutti quanti.

mercredi, 28 mars 2007

Oranginal, suite

Pour ceux et celles qui persistent à penser que Simon a bel et bien arrêté de tenir son carnet de toile, sachez qu'il a poursuivi, au contraire, mais que les 60 notes publiées en un mois de prétendu silence se trouvent entre la "dernière" note, Ce blog est fini, et la pénultième, Picarde. Ces notes sont brèves, incisives, témoignent comme toujours, comme avant, du coup d'oeil et de l'esprit incisif de ce captivant jeune homme. Pour les lire sans avoir à les dénicher, il suffit d'ouvrir la note Picarde et d'avancer dans le temps en utilisant les flèches de circulation en haut de page (note précédente / page d'accueil / note suivante).

J'ai quelques scrupules à dévoiler le pot-aux-roses, d'autant que Simon semble être entré dans une nouvelle phase de son existence, ce qui signifie aussi un nouveau rapport à l'écriture. Il ne répond pas, semble-t-il, aux commentaires, mais sera certainement heureux de voir que ses lecteurs de naguère reviennent le lire sans le propulser d'emblée dans un jadis factice.

Peut-être va-t-il désormais distiller ses nouveaux billets en d'autres recoins secrets de son site...?

mardi, 27 mars 2007

Café de biais, Le Petit Mesclun

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Tours, 22 mars 2007.

lundi, 26 mars 2007

Café bu, Le Petit Mesclun

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dimanche, 25 mars 2007

10 propositions, dont 9 vraies (par Aurélie B.)

Vu qu' Astolphe ne semble aucunement pressé de livrer la solution de l'énigme, alors que cela nous empêche tous de dormir (n'est-ce pas ?), je livre à présent la réponse d'Aurélie au défi lancé il y a quelque temps.

Elle me fit parvenir ces 10 propositions il y a bientôt un mois, avec pour consigne de ne les mettre en ligne que fin mars. Il faut préciser aussi que les phrases (ou, au moins, la septième) s'adressent à moi, mais que tout le monde peut jouer. D'ailleurs je ne sais pas laquelle est mensongère...

1. Je suis née un jour d’élections présidentielles, à Bourges.

2. J’ai lu La Source Noire, de Patrick Van-Eersel, en décembre 2004.

3. J’ai peu de pages « Aurélie Barnabé » sur Google, mais j’en ai quand même.

4. J’ai eu 14,7/20 de moyenne au bac (L).

5. J’ai perdu ma dernière dent de lait sur le Ponte Vecchio, à Venise.

6. Je suis restée coincée dans les toilettes publiques sur le site du Péloponnèse, en Grèce.

7. Lorsque nous avons échangé nos premiers mots, vous m’avez humiliée.

8. J’ai vu le concert de Joan Baez, au printemps de Bourges, alors que j’étais au lycée.

9. J’avais six ans, quand j’ai pris mes premiers cours de solfège.

10. Mon frère est déjà passé à la télé.

Petit Faucheux, 22 mars 2007 : David elsewhere

medium_Cendrey.jpgCette fois-ci, je suis arrivé trop tard – mais quand même avec dix minutes d’avance – pour pouvoir m’asseoir derrière le photographe gesticulant (dont je devais m’apercevoir, quelque temps après, au cours du concert, qu’il a une odeur de sueur vraiment âcre, car il s’était assis sur une marche derrière ma place en bord d’allée, et, si je ne l’avais pas vu, mon attention fut attirée par une subite odeur de musc chaud que, me retournant, je ne manquai pas de lui attribuer).

J’ai rêvassé en lisant la liste impressionnante des invités du festival Europa Jazz du Mans, lu les vingt premières pages – décidément c’est une habitude – d’un curieux roman, Principes du cochon de Jean-Yves Cendrey.

 

N’ayant, ce me semble, jamais entendu d’enregistrement du saxophoniste David S. Ware, je partais sans a priori, si ce n’est que je possède (et aime) deux disques du pianiste Matthew Shipp, qui l’accompagne en ce quartette. Aussi m’attendais-je peu au choc de ce concert exceptionnel. Jamais, même lors du concert de la Mingus Dynasty, à l’automne dernier, ou de la soirée consacrée à l’Instant Composers Orchestra en 2005, je n’étais sorti d’un concert organisé par le Petit Faucheux dans un tel état d’enthousiasme entre douceur et transe.

Il est difficile de parler de musique – d’écrire, mettre en mots une telle expérience, surtout lorsque, comme moi, on n’a aucune espèce de compétence. Suffirait-il de dire que pas une seconde les musiciens n’ont donné l’impression de faire du remplissage ? Non, car, si c’est déjà énorme, là n’était pas l’essentiel.

Dès l’entrée dans la salle bondée, le sax ténor de David S. Ware nous accueillait, posé au centre de la scène, sur le devant, et de l’instrument émanait déjà un je-ne-sais-quoi de rêveusement cosmique. Lorsque les quatre musiciens sont arrivés, la stature de David S. Ware marquait déjà l’entrée dans un autre monde. Otherworldly, as the English say. Il boite fortement, se déplace avec difficulté, mais jamais ne renvoie l’image de quelqu’un de diminué : au contraire, il semble le plus fort, dans tous les sens de l’expression.

 

Le quartette a joué quatre morceaux, plus un bis à couper le souffle. David S. Ware a annoncé les noms des musiciens juste avant le premier salut, pendant que le trio de ses acolytes continuait, sur la quatrième composition, de se livrer à des dialogues périlleux et envoûtants. En quittant la scène cette première fois, il a lancé : As we come in peace we go in peace. Après le bis, il a lancé : Namasté ! namasté ! J’ai su qu’il n’y aurait pas de ter.

medium_David_S._Ware_by_John_Rogers.jpgOn pourrait dire – cela a dû être dit – que David S. Ware est un fils spirituel de Coltrane. Assurément, son jeu doit beaucoup au dernier Coltrane, celui des First Impressions et de Transition. Mais il y a là tout autre chose aussi : un désir de pousser plus avant certaines audaces ; un refus de l’élévation immédiate, de l’envol spirituel for the sake of it. Alors, on se dit que, si Coltrane jouait surtout sur les possibilités de l’air, David S. Ware joue de tous les éléments, et fait se rencontrer – dans son phrasé, dans ses déhanchements sonores – le feu et la terre, l’eau et l’air. Quelque bachelardien piqué de musicologie pourrait développer… Dans les influences, on sent aussi l’ombre bienveillante d’Ayler, mais à mille lieues des déconstructions savantes d’un Anthony Braxton (que j’admire aussi, dans un autre style).

Mais il ne faut pas parler du leader saxophoniste seul. Déjà, ses temps de jeu sont inférieurs à ceux du pianiste, du contrebassiste ou du batteur, ce qui ne signifie pas qu’il s’épuise plus vite (il n’en donnait aucunement l’impression, en tout cas) mais que les modulations de son sax poursuivent leurs résonances en ramifications dans le jeu des autres musiciens. Matthew Shipp est un pianiste fabuleux, autant dire de légende en dépit de son jeune âge : à l’aise dans une multitude de modes de jeu (art de la ballade, tripotages de harpe à l’intérieur du piano et plaqués véhéments entre autres), il ne cède jamais à la facilité, ni ne roule des mécaniques. Chaque note, chaque cluster, chaque proposition se trouve là pour donner consistance à l’univers en création, pour lancer le batteur, tendre une ligne à son leader, entrer avec le bassiste dans un dialogue de cordes.

Que dire, alors, du contrebassiste, William Parker ? Dans les modes de jeu avant-gardistes (archet sul ponticello ou à l’extrême altitude, avec étirement des cordes), son instrument rendait des sons d’une grande pureté, ce qui, chez bien des contrebassistes experts, ne va pas de soi. Même sous les furies emportées énergiques du ténor, il laissait entendre ses propres envols, concomitants mais jamais simplement supplétifs.

Enfin, quoi qu’il porte, à peu près, mon prénom, j’ai été moins convaincu par le batteur, Guillermo E. Brown, plus enclin – à de rares moments toutefois – à la débauche gratuite, voire au m’as-tu-vuisme. Il faut dire, à sa décharge, qu’on aurait l’air vite pâle à côté de tels lascars, mais aussi que, dans tous les moments de dialogue (soit avec le bassiste soit – moment d’anthologie du troisième morceau – avec le pianiste, en litanies et répons), il livrait sa partie avec justesse et brio.

 

Aucune photo tourangelle pour accompagner ces quelques paragraphes ? *  Il faudra que je me jette à l’eau (de toilette) et ose aborder le photographe pour lui proposer de m’en envoyer quelques-unes, moyennant paiement, à mon adresse électronique. Pour ce qui est de vous faire découvrir la musique de ce quartette, il me suffit de vous conseiller d’aller l’écouter en concert s’il passe près de chez vous, ou d’en acheter les disques.

 

* La photographie en noir et blanc de David S. Ware

qui illustre ce billet a été publiée par John Rogers sur FlickR.

Nico Nu me dit que je suis relax

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samedi, 24 mars 2007

Carnaval de Tours

Voici la première phrase du prospectus vantant les mérites du Carnaval de Tours :

Notre ville s'endort petit à petit dans son conformisme et sa langueur naturelle que d'aucun appel « art de vivre ».

 

J' veux dire, quoi, si on s' contrebranle d'écrire correctement le français pass' que c'est vrai c'est confaurmyste de savoir distinguer un nom (appel) d'un verbe (appellent)*, eh bien on n'écrit rien du tout et on ne fait pas de site Web, bande de tocarnavaleux !

 

* pour ne rien dire du -s manquant à "d'aucuns". Remarquez, peut-être que le G.O. chargé du Carnaval n'est autre que Juan Asensio... ça expliquerait...

Quatre-vingtième anniversaire de ma grand-mère maternelle

Qui se serait commis, hier soir, entre cinq heures moins le quart et six heures moins vingt, à glisser l’œil par la vitre – c’est façon, et maladroite encore, de dire – voire à se hasarder dans cette Ardoise, petit bistrot calme de la rue Berthelot, y eût assisté à la rencontre – pas loin d’être aussi improbable que celle d’un parapluie et d’une machine à coudre sur une table de dissection – entre l’auteur de ces lignes et le désormais mythique Astolphe Chieuvrou, dont justement il ne faudrait pas, au prétexte qu’il est mythique, inférer qu’il s’agit d’un être chimérique, car, de fait, je l’ai rencontré hier, et nous avons gentiment discuté autour d’un bon verre de Chinon, dans cette Ardoise sinon déserte mais toutefois enfumée par la tabagie du patron, avant de nous quitter, rue Berthelot toujours, sur un trottoir noyé de bruine, Astolphe s’en allant au cinéma Les Studios et moi rentrant dans mes pénates.

mercredi, 21 mars 2007

10 propositions, dont 9 vraies (par Astolphe Chieuvrou)

Astolphe Chieuvrou a fini par relever le défi des dix propositions... Voici, chers lecteurs, ce qu'il soumet à votre sagacité. Une seule phrase est fausse.

1- Je possède la collection complète de Fluide Glacial, depuis le premier numéro, en 1976, jusqu'à ce jour.

2- J'ai vu en concert, au cours de la même soirée, Carlos, Marie-Paule Belle et Patrick Topaloff en 1979.

3- Je n'ai pas le permis de conduire, que je suis parvenu à rater lors de mon glorieux service militaire en 1988, pas plus, du reste, que ne l'ont mon père, ma mère, mon frère ni ma sœur.

4- J'ai fondé le Front Hurluberlu de Libération du Morier (FHLM), qui a revendiqué un attentat auprès de la mairie de Joué-lès-Tours en 1989.

5- J'ai descendu, assis à l'arrière d'une blanche automobile, une grande avenue déserte de Lisbonne en 1991, en saluant d'un geste auguste la foule massée de part et d'autre pour voir passer le pape Jean-Paul II.

6- J'ai lancé un appel sur les ondes en 1993 en faveur de la reconnaissance de la paternité tourangelle en matière de rillette face à l'inique usurpation mancelle.

7- J'ai effectué l'escalade en solitaire, par sa face septentrionale et par temps pluvieux, du grand terril de Loos-en-Gohelle (Pas-de-Calais) en 1994.

8- J'ai été chaudement félicité, lors la soirée électorale du second tour des cantonales de 1998 à l'hôtel de ville de Tours, par un vieux militant socialiste qui tenait absolument à me consoler après ma « défaite plus qu'honorable face au candidat de la droite ».

9- J'ai contribué à la libération de la députée kurde Layla Zana des geôles turques en 2004.

10- Je n'ai jamais vu la Méditerranée mais suis régulièrement invité à Toulon par un couple d'amis expatriés en Provence.

mardi, 20 mars 2007

Tout ça se tasse, 5

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lundi, 19 mars 2007

Détruire dit-elle (Duras, dis-je)

Elle se calme.

Il a pris le le livre, le sien à lui, il l'ouvre. Il ne lit pas.

Des voix arrivent du parc.

Elle sort.

Elle vient de sortir.

Il ferme le livre.

(Détruire dit-elle, p. 14)

 

Pourquoi ai-je été déçu par Détruire dit-elle. Il fut un temps où je n'aimais pas Duras, sans l'avoir lue. Ce temps est de longtemps révolu. En fait, j'avais beaucoup aimé Moderato cantabile et plus encore Un barrage contre le Pacifique, vers mes quatorze ans, puis je m'étais éloigné de Duras, ne la comprenant pas. Donc quand j'écris que je ne l'avais pas lue quand je ne l'aimais pas, c'est faux. Plutôt je l'avais lue mais refusais de me rappeler l'avoir lue et aimée. (Oui, c'est aussi compliqué que du Duras.)

Le dernier Duras que j'ai lu, avant Détruire dit-elle, ce sont ces exquis Petits chevaux de Tarquinia, un roman splendide, retenu, ténu & chantant. J'ai dû lire ça il y a un an et demi, deux ans et demi peut-être. C'était l'été, on ruisselait. (Trois ans et demi ?)

Depuis longtemps je me suis réconcilié avec Duras, mais ce fut long. Il a fallu passer par Pinget, Beckett en anglais, Gertrude Stein, par Isou aussi, et même peut-être qui sait par Breyten B. Alors je me dis que j'ai le droit de m'avouer déçu par Détruire dit-elle. Puis aussi je n'écris quasiment jamais le moindre mot de tous ces livres que je lis et que je lis même en me disant que je vais écrire quelque chose à leur sujet dans ce carnétoile et finalement je n'écris rien s'empilent les livres lus et même parfois cornés ou ornés d'une ou plusieurs feuilles de très petit format (A6, je dirais) où se trouvent des notes prises en vue de ces textes que je n'écris jamais dans ce carnétoile.

Les bouts de papier volants sont des feuilles A4 coupées en quatre, ça doit donc être du A6 oui.

Je n'ai encore rien dit de Détruire dit-elle. Je n'ai encore rien dit de ma déception en lisant Détruire dit-elle. Pourtant tout avait bien commencé. J'ai lu les trente ou quarante premières pages avant le concert de jazz de mardi soir. Séduit, porté par le rythme de cette histoire qui se dessinait.

Le soir, après le concert, avant la nuit, j'ai poursuivi. D'esquissée l'histoire prenait des contours plus précis. Le lendemain soir (après trop d'heures de minutes peut-être consacrées à autre chose, d'autres lectures, d'autres occupations (ce texte n'est-il pas aussi destiné au théâtre en ce qu'il faudrait le lire d'un trait?)), j'ai lu les quarante dernières pages, ce quadrille infernal de sentiments qui finit par aboutir à un quinconce inextricable. Et là déçu. Déçu si ça se trouve par trop de distance prise avec cette histoire (oui il aurait fallu lutter contre le sommeil mardi et ne pas repousser à mercredi la fin du roman) ou si ça se trouve parce que trop bizarres ou trop anticonformistes dans leurs désirs leur façon d'exprimer leurs désirs ces personnages n'ont pas su me toucher. J'ai eu aussi, sur la fin, le sentiment que l'écriture tournait plus à vide.

L'écriture de Duras a ceci de magique qu'elle est infiniment fragile et solide. De sa fragilité naît sa solidité, son pouvoir d'envoûtement. Mais une répétition de trop, une virgule qui se pose comme une goutte de rosée trop lourde sur une toile d'araignée, et terrible c'est le dessaisissement.

Toutefois les dernières pages, sur la musique, sont très belles.

Il y a la période majestueuse d'introït : "Avec une force incalculable, dans la sublime douceur, elle s'introduit dans l'hôtel." (Il me semble qu'une grande part du charme de cette phrase repose sur l'usage du déterminant la, plutôt qu'une, choix plus convenu, plus aisément compréhensible aussi.

Puis la période ramassée : "La musique recommence, cette fois dans une amplitude souveraine." (p. 136)

Enfin le recours au rythme binaire, en point d'orgue : "La voici en effet, fracassant les arbres, foudroyant les murs." (ibid.)

 

Avec ça je ne sais toujours pas pourquoi j'ai été déçu par Détruire dit-elle. Qu'importe quoi.

samedi, 17 mars 2007

JPO & les révoltés à deux balles

Je suis énervé. Très. Je viens de passer cinq heures à l'université pour l'accueil de lycéens dans le cadre des Journées Portes Ouvertes. Nous avons eu des échanges positifs, constructifs. J'ai fait part de mon enthousiasme pour les filières où j'enseigne (anglais et L.E.A.). J'ai rencontré des lycéens intéressés par mes informations au sujet des bases de données et de la documentation électronique, mais aussi, bien sûr, par les enseignements dispensés. C'était un travail bénévole et fatigant, mais plein d'aspects positifs.

Mais voilà... Avant de partir, j'ai vu que, sur les grilles de la passerelle, des étudiants (probablement de l'UNEF, vu que ce "syndicat" (it's more of a syndicate actually, but well...)) a aussi placardé sa petite propagande stérile anti-entreprises un peu partout dans le hall d'entrée) avaient accroché une gigantesque banderole qui proclame fièrement : "ICI PROCHAINEMENT OUVERTURE D'UNE ANNEXE DE L'ANPE".

Ainsi, ce ne sont plus les élitistes de l'E.N.A. ni les privilégiés des grandes écoles qui peuvent se permettre de cracher sur la fac en colportant l'idée fausse qu'elle serait une "usine à chômeurs". Pas besoin d'eux, non. Nos vaillants petits insurgés bourgeois s'en chargent tout seuls. Imaginent-ils seulement le nombre de lycéens qui, sincèrement motivés par leur choix de filière, viennent à l'université dans l'intention d'y travailler sérieusement ? Imaginent-ils le découragement inutile que de telles formules, aussi cyniques que mensongères, peuvent faire naître chez les lycéens, ou chez leurs parents ?

Car une telle formule est mensongère. Dans une filière comme L.E.A., par exemple, 90% des titulaires du master 1 obtiennent un C.D.I. sous neuf mois. En anglais, l'obtention de la licence d'anglais ouvre bien des portes, et pas seulement celles de l'enseignement...

Alors, que veulent-ils, les tenants syndicalistes de la politique du pire ? Eh bien, comme l'an dernier, quand ils ont bloqué les universités contre l'opinion de la majorité des étudiants, car la majorité des étudiants voulaient reprendre les cours mais se faisaient fermer le bec par des petits dictateurs en herbe comme Adrien Soissons dès qu'ils voulaient énoncer, en A.G., un avis contraire à la doxa unefiste. S'ils ne veulent pas faire évoluer l'université vers plus de démocratie, que veulent-ils ? Ce qu'ils veulent, c'est s'approprier le pouvoir, faire parler d'eux dans les médias. Améliorer le niveau de vie des étudiants, participer à l'élaboration de contenus pédagogiques plus appropriés, tout cela, ils s'en contrefichent. Tout ce qui compte, pour eux, c'est de pouvoir montrer en tous lieux, et en toutes circonstances, leur terrible pouvoir de racolage tapageur et surtout de nuisance. Lamentable.

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Enfin, j'aimerais finir sur une note plus positive et remercier ici les étudiants et étudiantes de deuxième et troisième année qui se sont donnés bien du mal aujourd'hui. Certains convoyaient les lycéens d'une salle à l'autre et leur faisaient visiter les lieux essentiels (bureaux, bibliothèque, labos de langue), d'autres répondaient à leurs questions. Un petit groupe a proposé plusieurs représentations d'extraits d'une pièce de Martin Crimp. D'autres ont dansé (danses celtiques, si j'ai bien compris (j'étais enfermé en salle 50)). Tous et toutes ils ont renseigné sans relâche les lycéens. Merci à eux de porter si haut le flambeau, au mépris des petits nihilistes salonnards.

14:50 Publié dans Indignations | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : Ligérienne

vendredi, 16 mars 2007

Retape

Nouveau bâtiment des Tanneurs, suite. 

Pour répondre à Denis (que (depuis le temps que cela doit se faire) je pourrais bien retrouver un de ces quatre pour visiter l'exposition actuelle des Archives départementales (non?)), je vais raconter ma petite séance de cette après-midi, un cours d'une demi-heure dans le cadre de l'accueil d'élèves de Terminale des lycées Jean-Monnet et Grandmont.

Après mon cours de grammaire-traduction L.E.A., j'ai eu le privilège de faire partie des premiers enseignants à essuyer les plâtres (tout métaphoriquement) du nouveau bâtiment, en donnant un petit cours de grammaire, traduction et analyse littéraire, et ce dans la salle 6, qui est, de fait, très lumineuse, et dotée d'un très grand tableau blanc. Toutefois, pour un bâtiment qui vient d'être achevé et sera inauguré demain, il est inquiétant de constater qu'une des plaques du plafond s'était déjà détachée, laissant voir les fils électriques... Donc, le ménage aura été fait, oui, mais ce bâtiment déjà très béton pas beau aura l'air décrépit en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, tout ça parce qu'on continue de construire avec des matériaux merdiques, laids, dérisoires, éphémères.

Pendant que je gesticulais face à une quinzaine de lycéens, je voyais, de l'autre côté de l'un des pans de verre qui entourent la porte de la salle, Simon, Charlotte et Marlène m'observer en se gaussant.

jeudi, 15 mars 2007

Nouveau bâtiment des Tanneurs

Voici quelques images volées, ce matin, dans le nouveau bâtiment du site principal de l'université, rue des Tanneurs. Voyant l'accès, jusque là en travaux, enfin ouvert, je n'ai pu résister à l'appel de la curiosité. Heureusement que cette aile du site reste encore déserte, car je devais avoir une drôle de mine, à traquer les ombres dans ce lieu où ne manque qu'une ultime couche de ripolin, et quelques derniers coups de balai (à suivre je suppose d'ici après-demain, pour la Journée Portes Ouvertes).

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"La blogosphère, c'est de la balle"

Un site dont je ne suis pas certain de comprendre la stratégie ni la fonction, Rapidactu.com, archive le double des notes de ce carnétoile. Dois-je m'en réjouir ou m'en courroucer, droit d'auteur oblige ?

Une recherche de l'expression "Sous Souchon" dans le célèbre métamoteur binoclard renvoie, avant toute référence à la chanson de Vincent Baguian, vers Touraine sereine. Baguian s'en réjouirait-il ou s'en courroucerait-il ?

mercredi, 14 mars 2007

Petit Faucheux, 13 mars 2007

Cédric Piromalli / Patrice Grente / Pascal Le Gall

John O' Gallagher Trio

Huit heures et demie.

Je me suis assis derrière le photographe. À chaque fois, si je le peux, je m'assieds derrière le photographe, toujours le même photographe, qui gesticule, couvre son colossal objectif avec son écharpe ou son pull, et se contorsionne parfois à même le sol. Et lu trente pages de ce livre laconique acheté l'après-midi même. Lu en entendant le murmure des voix et la rumeur monter, comme arrivaient les spectateurs. D'ordinaire, je ne lis, ni n'écris. Me contente de regarder, observer aux alentours, écouter, ou quand je ne suis pas seul discuter. Ce soir lisant, je m'imaginais la scène en fonction de mes observations des autres fois. Devais être d'autant moins loin du compte que ce sont toujours peu ou prou les mêmes habitués ici. Une agglomération de 200.000 habitants, et toujours dans la salle de jazz de 200 places plus ou moins les mêmes visages.

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--- Dis, tu le connais, toi ?

--- Pas du tout.

--- Tout le monde le connaît pas du tout.

 

************** 

Ce mercredi matin, les phrases d'hier soir recopiées, je veux tracer quelques signes pour fixer ce concert dans ma mémoire. J'étais déçu. Pas parce que ça n'était "pas bien", ou parce qu'un des deux sets était mauvais, non. Pour des raisons différentes, chaque set m'a laissé sur ma faim.

medium_Grente.JPGLe plus mémorable, sans doute, restera le trio du pianiste Cédric Piromalli, du contrebassiste Patrice Grente (voir photo ci-contre) et du batteur Pascal Le Gall. Le directeur du Petit Faucheux nous avait annoncé un trio de musique improvisé "plutôt radical" : on n'a pas été déçus du voyage ! En effet, les trois compères ont démarré à fond de train, tintamarre et charivari. Je comprends que d'aucuns aient pu ou puissent trouver ça inaudible, insupportable. Pour ma part, pendant le premier tiers du morceau unique joué (et qui a duré dans les cinquante minutes), je ne cessais de penser aux trois adjectifs suivants : féroce, terrible, jubilatoire. D'autres adjectifs venaient parfois s'embusquer (sauvage, ravageur ou forcené, par exemple), mais je retiendrai ces trois-là.

medium_Piromalli.JPGEn fait, ça ne s'est apaisé en decrescendo qu'une ou deux minutes avant la fin, mais, tout le temps, c'était saccadé, follement bruyant, tout en étant d'une très grande variété, tant dans les modes de jeu que dans la "mélodie" jouée (je ne suis pas certain que le terme de mélodie soit très approprié ici, mais baste...)

Piromalli (voir photo ci-contre) est un pianiste remarquable, qui, s'il a su montrer qu'il maîtrisait les facettes les plus classiquement virtuoses de son instrument, a surtout joué des poings, du dos des mains, brutalisant avec doigté son Steinway qui, tout en se demandant ce qui lui arrivait, déployait une vraie palette d'harmonies tumultueuses. (Voyez, je trouve quand même d'autres adjectifs.)

D'où alors vint ma déception ? du peu de résistance de mes oreilles, tout simplement. C'était trop intense, trop long, par rapport à la sursonorisation, travers de l'époque & surtout défaut récurrent du Petit Faucheux. À la pause (entr'acte ? entre-deux-sets ? mi-temps ?), j'ai mis trois bonnes minutes à me remettre les acouphènes en ordre de marche. Peut-être suis-je vieux jeu, un vieux râleur monotone, mais je ne vais pas au concert par hâte ardente de rapprocher le moment où je devrai porter un sonotone.

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Pour ce qui est de la deuxième partie, elle était, quoique plus colorée, plus chromatique, franchement frustrante. John O' Gallagher est certainement un excellent saxophoniste, qui n'est pas sans rappeler Steve Lacy (ce qui, pour moi, est un compliment), mais il n'a rien à raconter. Rien de rien à dire. Toutes ses interventions se ressemblaient, et son phrasé toujours identique a fini par faire fuir la plupart des spectateurs avant même la fin du set. C'est dommage, d'ailleurs, car Jeff Williams est un très bon batteur, pas très inspiré, malheureusement, par la soupe fadasse de son leader.

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Seul le contrebassiste, inconnu de moi, s'en tire with flying colours. Il s'appelle Masa Kamaguchi, ne doit pas être bien vieux, a déjà un CV long comme le bras, et sait (qu'il accompagne, métronome aux effets imprévus, ou qu'il parte en cavalier solitaire) faire ce qu'O'Gallagher a jeté aux orties : raconter, de ses cordes tendues, une histoire. Si Patrice Grente avait, au cours de la première partie, montré tout ce que l'on peut faire, en frénésie, d'une contrebasse, jusqu'à faire tomber son archet à trois mètres de lui et à manquer chuter lui-même, Masa Kamaguchi a, de ses doigts seuls, distillé des notes tenues, retenues, subtilement relâchées, toujours au point d'équilibre et jamais loin du point de rupture. Un musicien à suivre...

mardi, 13 mars 2007

La littérature est-elle dangereuse ? [5] : Juliet/Beckett & lambeaux de discours direct

******************** Tout va par deux

 

Voici ce que j’ai noté, en totale anarchie, au cours de la séance, et avant de partir écrire Onze ans après. Ce que j’écris est en Times 10. Ce que j’ai noté de l’intervention de François Bon (que j’ai préféré écouter sans être rivé au clavier cette fois (…)) est en Times12.

Il y a très peu de monde : jour de rentrée ? atelier déplacé du jeudi au lundi ? Moi, j’étais absent aux séances 3 et 4, dont François Bon redit le plus grand bien. (Il nous en a envoyé, dans la nuit, des morceaux choisis.) La salle 80 est hérissée de pieds de chaises, car elles sont toutes renversées, par paquets de deux, sur les tables. On a dû chasser deux pauvres étudiants qui finissaient un devoir (concours blanc ?)

 

******************** Par maints et par vaux

 

Oralité, ce qui remonte, ce qui traverse le texte et n’est pas narratif.

J’ai amené Charles Juliet. Montre Rencontres avec Samuel Beckett. Parle de Lambeaux. Dans ce texte restreint sur Beckett…

Le mot du jour est restreint. Est-ce sur, l’écrivain, l’influence du train ? L’entrée dans la langue française se fait, pour Beckett, avec ce vocabulaire restreint. Juliet, passage du silence contraint à l’écriture du silence.

Quatre rencontres. Neuf ans s’écoulent entre la première et la quatrième.

Juliet publie déjà son journal, mais s’interdit de parler de sa rencontre avec Beckett tant que l’écrivain est vivant.

Deux mecs qui ne parlent pas : le dispositif d’écriture de Juliet est intéressant (notation précise des propos de Beckett).

François Bon raconte son dernier voyage en train à Lille, face à un type qui trimbalait des rats dans une cage verte et orange fluo. Il parle aussi d’un vieux cousin mort depuis longtemps, coupures de journaux, notices de médicaments, etc. Dans quel livre a-t-il parlé de ce parent ? Je n’ose demander.

Le rapport du dialogique au narratif est inversé par rapport à la logique ordinaire. Les rencontres sont brèves et la parole rare : c’est cela qui fait exister l’écriture.

 

Il faut donc raconter une ou plusieurs rencontres importantes avec quelqu’un de marquant (et pas forcément célèbre).

Technique, forme du texte : cf la manière abrupte dont le narrateur de la Recherche entre en rapport dialogique avec une multitude d’interlocuteurs.

Nombreux extraits des Rencontres avec Samuel Beckett.

Poème de Morand sur Proust, ‘Ode à Marcel Proust’, 1915.

 

******************** La main du diable (Un échec)

 

Après la présentation de la séance par François Bon, je suis allé dans mon bureau, dont les volets roulants, par un miracle étonnant, étaient restés ouverts, ce qui fait que j’ai écrit le texte Onze ans après, au crépuscule puis dans la suie, face à la passerelle faiblement éclairée. De ce texte, Onze ans après, j’ai livré, illico, à huit heures du soir, la première mouture, puis je suis retourné en salle 80 où ça grattait sec, et me suis remis au texte. Disons-le tout net : la consigne de ce jour m’a profondément embarrassé, car, contrairement à la plupart des fois où je me suis trouvé en situation de contrainte, j’ai mis beaucoup de temps à trouver un sujet. Ensuite, une fois le sujet trouvé, je me suis embarqué dans l’écriture en ne parvenant aucunement à restituer la voix du portraituré rencontré, Hugo A. J’ai raturé, repris, modifié, même écrit un paragraphe encore plus mauvais dont je me suis rendu compte, juste avant la lecture à haute voix, qu’il n’était « insérable » nulle part dans mon texte. J’avais déjà modifié pas mal de choses au texte publié à huit heures du soir, mais pas comme il faudrait : dans le détail et non dans la trame. Alors, pas du tout convaincu, j’ai lu mon texte qui, ça tombe bien, n’a pas convaincu François Bon – même s’il a pris de fort élégantes pincettes pour me le dire. Pour ma part, ce n’est pas tant le côté suranné (« plus France que Proust », a dit F.B.*) qui me gêne que le côté mou de ce texte ; je n’ai pas su trancher, et c’est un texte au mitan, oui, grassouillet. Du coup, ce mardi matin, je prends le parti, après un nouveau toilettage, d’instiller polyphonie pour de bon, avec insertion / injection de phrases hugoliennes.

 

*Ah oui : François Bon a aussi parlé d'une traduction de Henry James qui aplatirait ou raterait (je ne sais plus) ce qui fait le génie de James. Cela dit, même en mauvaise traduction, je prends la référence à James comme un compliment, vu ma grande frustration face à ce texte dont je ne sais que faire. Dans la discussion qu'il a eue avec une étudiante qui prépare un travail de master 1 sur Danielle Collobert, F.B. a raconté que Jérôme Lindon avait, à l'époque, refusé de publier Meurtres, qui lui paraissait trop directement inspiré de / calqué sur l'écriture de Beckett. Pour ma part, même si le texte de R., une autre étudiante, était très réussi, j'ai trouvé qu'il était trop directement inspiré de / calqué sur l'écriture de Duras. (Ou de François Bon, peut-être ?)

Onze ans après, remanié

   Je l’ai rencontré plusieurs fois, quand j’allais passer quatre ou cinq jours d’affilée à Cambridge, chez cet ami que je perds aussi de vue maintenant. Jean-Pascal m’avait présenté la ribambelle de ses amis, et parmi eux Hugo.

    Hugo s’appelait en fait Hugues, mais il régnait, autour de son vrai prénom, un parfum d’interdit. You go first, right ? Lui, contrairement à nous autres, était lecteur pour une durée de cinq ans, et finissait sa thèse. Il était donc sensiblement plus âgé que nous, et avait plus ou moins claqué la porte au nez des siens, Parisiens. N’avait-il pas choisi le lectorat à Cambridge comme d’autres, il n’y a pas si longtemps, choisissaient de s’embarquer sur un baleinier ou la légion étrangère ? That’s one goal now.

    Étonnamment séduisant, et – à sa façon – raffiné, Hugo n’était en rien poseur. Un jour, nous discutions, tous les trois, avec Jean-Pascal, à la table crasseuse d’un bar de college, et Hugo, de façon tout à fait caractéristique, s’était assis en dehors du cercle formé au départ par la table et les trois chaises. Comme ça, non ? Tout aussi caractéristique, sa façon de nous encourager à reprendre une pinte, à ses frais, une Murphy’s, je dirais, tout en laissant quasi imbue la sienne. Il se contentait d’y tremper les lèvres, et discutait avec feu, riait, fronçait les sourcils, parfois les trois à la fois, puis, de son profil acéré, nous lançait des phrases ambiguës, tout en oubliant consciencieusement de boire. C’est une violence. Puis, entre deux paroles enflammées, deux rires, deux froncements, il se levait, comme nous partions, et vidait en deux fois une bonne part de la pinte jusque là délaissée. Let’s go lads, et le jus noir abandonné.

    Il me semble qu’une autre fois, au début d’une soirée qui fut la plus arrosée de mon existence – avec les conséquences que l’on imagine –, je le vis jouer, avec une élégance rare, au baby-foot. Trois à rien quand même (l’accent sur à et quand, je pense). J’ignorais que l’on pût s’adonner à ce jeu, et même s’y donner, d’une façon qui fleure autant le gentleman. Hugo était autant fait pour les envols de l’imagination que pour l’atmosphère feutrée des clubs les plus select. Tu es sûr que ça va, Guillaume ?

    Il y eut aussi, peut-être la dernière fois que nous nous vîmes, son détachement dans ce punt infâme que nous avions loué à six et dont seul il se débrouillait, piroguier expert de ces bords presque gallois. Il faisait beau et frais, sur la Cam. Je m’énervais après tout le monde. Mais après lui, impossible.

    Ma mémoire persiste à me tendre de curieuses perches et à évoquer une possible rencontre, l’année suivante, ou même celle d’après, à Paris (pour sa soutenance de thèse ?). Pourtant, aucune image, aucun son précis ne me vient de cet épis od e pourtant ultérieur, s’il a bien eu lieu. Hugo, à Paris, cela ne se pouvait. Ce devait être Hugues : ce fantôme imposteur n’aura pas laissé de traces dans ma mémoire vive.

    Je vois ça d’ici, toi avec tes frasques.

lundi, 12 mars 2007

Onze ans après

Je l’ai rencontré plusieurs fois, quand j’allais passer quatre ou cinq jours d’affilée à Cambridge, chez cet ami que je perds aussi de vue maintenant. Jean-Pascal m’avait présenté la ribambelle de ses amis, et parmi eux Hugo.

Combien de fois suis-je allé à Cambridge ? On dira trois. À chaque séjour peut-être je voyais Hugo trois ou quatre fois. Et que m’importent ces chiffres ? Je ne sais.

Hugo s’appelait en fait Hugues, mais il semblait régner, autour de son vrai prénom, un parfum d’interdit. Lui, contrairement à nous autres, était lecteur pour une durée de cinq ans, et finissait sa thèse. Il était donc sensiblement plus âgé que nous, et avait plus ou moins claqué la porte au nez des siens, Parisiens. N’avait-il pas choisi le lectorat à Cambridge comme d’autres, il n’y a pas si longtemps, choisissaient de s’embarquer sur un baleinier ou partent pour la légion étrangère ? Si je raconte tout ça, c’est que sa vie paraissait nimbée de tant de demi-secrets, mais sans afféterie.

Étonnamment séduisant, Hugo n’était pas poseur. Ses excentricités verbales et sociales étaient d’une totale sincérité. Un jour, nous discutions, tous les trois, avec Jean-Pascal, à la table crasseuse d’un bar de college, et Hugo, de façon tout à fait caractéristique, s’était assis en dehors du cercle formé, au départ, par la table et les trois chaises. Tout aussi caractéristique, sa façon de nous encourager à reprendre une pinte, à ses frais, une Murphy’s, je dirais, tout en laissant quasi imbue la sienne. Il se contentait d’y tremper les lèvres, discutait avec feu, riait, fronçait les sourcils, parfois les trois à la fois, et, de son profil acéré jamais détendu, nous lançait des phrases si ambiguës qu’elles prenaient valeur de sentences, tout en oubliant consciencieusement de boire. Puis, entre deux paroles enflammées (« C’est une violence » ou « on te verra avec tes frasques »), deux rires, deux froncements, il se levait, comme nous partions, et vidait en deux fois une bonne part de la pinte jusque là délaissée.

Il me semble qu’une autre fois, au début d’une soirée qui fut la plus arrosée de mon existence – avec les conséquences que l’on imagine –, je le vis jouer, avec une élégance rare, au baby-foot. J’ignorais que l’on pût s’adonner à ce jeu, et même s’y donner, d’une façon qui fleure autant le gentleman. Hugo était autant fait pour les envols subits et violents d’imaginations fébriles que pour l’atmosphère feutrée des clubs les plus select.

Il y eut aussi, peut-être la dernière fois que nous nous vîmes, son détachement somptueux dans ce punt infâme que nous avions loué à six et dont seul il se démenait, en rameur expert, piroguier de ces bords presque gallois. Il faisait beau et frais, sur la Cam. Je m’énervais après tout le monde. Mais après lui, impossible.

Ma mémoire persiste à me tendre de curieuses perches et à évoquer une possible rencontre, l’année suivante, ou même celle d’après, à Paris (pour sa soutenance de thèse ?). Pourtant, aucune image, aucun son précis ne me vient de cet épisode pourtant ultérieur, s’il a bien eu lieu. Hugo, à Paris, cela ne se pouvait. Si ça se trouve, c’était Hugues, et ce fantôme imposteur n’aura pas laissé de traces dans ma mémoire vive.