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lundi, 30 janvier 2006

De l’art balistique des canapultes

Samedi, 17 h 30.

Mon fils, lorsqu’il joue avec son château fort (modèle réduit), persiste à dire canapulte, même lorsque nous le reprenons gentiment ; cela nous amuse, mais je pense que, dans son esprit, le mot “catapulte” n’a pas de sens étymologique identifiable, d’où cet apparentement probable à une série de mots mieux connus (canne à pêche, canard, que sais-je…)

De même, l’autre jour, il disait faire des trèfles au lieu de faire des tresses. Cela me passionne, car c’est justement sur ce genre de matériau verbal que Leiris a fondé les quatre volumes de La Règle du jeu, et Biély son Kotik Letaïev, un des livres qui m’ont le plus impressionné.

……………

En écoute : « Muhu » (Ernst Reijseger). Album Green Dolphy Suite, par le Double Trio (Enja Records, 1995)

dimanche, 29 janvier 2006

Diary, 11 juin 2002 (derniers extraits)

[...]

Vers cinq heures.

 

 

La journée pourrait s’écouler ainsi, à vaquer au quotidien oisivement et à écrire, reprenant le vieux lien entre écriture et oisiveté, entre texte et paresse. Pourtant, qu’il faut de volonté et d’énergie pour écrire un roman, même court. Paradoxes toujours.

 

A., de nouveau à plat ventre, pleurote. Joyeux dès que je lui lance une grimace. Attrape ! Attrape sa tortue-tambour, qui tinte du grelot. Essaie d’attraper en fait le socle violet de la pyramide de soucoupes (je me comprends). La pyramide de soucoupes est au premier étage de la maison (je me comprends), laissant le socle seul, au rez-de-chaussée, dans le parc.

 

Il fait exprès de s’espalaser, de s’affaler de tout son long sur le ventre, pour que j’aille m’occuper de lui. Rien que de très normal. A. est un enfant très sage. S’il ne l’était pas, vous croyez que, pendant qu’il joue, à onze mois, son père aurait le temps d’écrire autant ?

 

 

 

 

Des voitures s’arrêtent, se garent, repartent. Je guette C. d’une oreille, son retour du travail, du collège où elle enseigne le français. Collège dit sensible, et ce n’est pas un vain mot ; c’est même un euphémisme.

 

Les jours où C. travaille, vers l’heure du retour, je guette son retour. A., lui, se penchant puis se redressant, continue de balancer les inserts ronds (le rose et le jaune) à travers les barreaux du parc, tout ça d’un air canaille.

 

 Cela avance vite, un journal, mine de rien, cela avance.

 

Mine de rien, se pose alors la question du style.

A Boy and a Bicycle

C’est le titre d’un excellent court métrage (de 25 minutes environ) que Ridley Scott tourna en 1965. Je ne connais pas tellement les films de Ridley Scott, à l’exception de cette navrante idiotie qui a fait date (Alien) et de Thelma et Louise, que j’avais bien aimé. (Mes souvenirs en sont vagues.) Mais celui-ci donne furieusement envie d’en voir plus !

 

Tout est beau : plans d’une grande originalité, noir et blanc à la fois terne et lumineux, longs aplats de lumière pour détailler le décor, alternance de point de vue interne et de vision extérieure, voix off du seul personnage, collusion des images de la scène finale dans la bicoque du clochard et de celles qui ouvrent le film (chambre de l’adolescent)…

 

Pour résumer à grands traits l’intrigue innarrable d’A Boy and a Bicycle, je vois un lycéen qui s’éveille lentement en écoutant les bruits domestiques, part en bicyclette puis sèche les cours avant d’errer le long de la jetée, puis de pénétrer dans un lieu imprécis, bicoque de vagabond où il retrouve des objets familiers – ou qui lui paraissent tels.

 

Le soleil est cendreux, l’océan morose. Les rayons de la bicyclette sont le cercle où se perd la parole déglinguée de l’oisif.

16:30 Publié dans Tographe | Lien permanent | Commentaires (3)

Diary, 11 juin 2002 (autres extraits)

Il faudrait utiliser la maniabilité merveilleuse de cet outil pour travailler. En même temps, de façon hachée, soit je prends des notes (c’est du travail), soit j’écris (c’est du fragment).

A. joue avec ses cubes, le jaune avec insert rond (pommier) et le rose avec insert rond (cochon). Il emboîte très bien ces inserts ronds (les plus faciles du lot : il y a des formes plus biscornues, tarabiscotées, des canards en forme de canard etc.)

Il faudrait aussi que j’en profite pour lancer des chantiers d’écriture plus ambitieux, mon « roman » en anglais par exemple. Ou Mar Yann. Il faudrait…

A. joue avec son bavoir « À nous l’an 2000 » et sa tortue-tambour. Par quel hasard un enfant né en juillet 2001 se retrouve-t-il avec un pareil rossignol, vieux tissu célébrant l’an 2000 et bradé sans doute en supermarché (c’est C. qui avait acheté ce bavoir) ?

 

[...]

 

A., qui s’était rétamé à plat ventre, s’est rassis tout seul. Le dictionnaire de Word2000 ne refuse pas rétamer, qui doit avoir un sens concret, technique, que j’ignore mais devine.

A. geignote. (Refusé !)

Je suis allé lui redonner ses cubes.

Temps de chien (Nganang)

 Temps de chien s'inscrit dans une tradition africaine clairement balisée : il y est question d'un quartier populaire et misérable, Madagascar, situé dans les faubourgs de Yaoundé, et de la vie de ses habitants. Les thématiques habituelles du roman suburbain s'y trouvent : misère, alcoolisme, mélodrames hauts en couleur, corruption politique. C'est, par ailleurs, un conte philosophique ; on y trouve un narrateur candide et observateur, dont le regard s'affine progressivement jusqu'à devenir cynique. Pris entre ces deux traditions (réalisme social, conte philosophique), Nganang ne tranche jamais, ce qui fait la force de son livre.
   En donnant la parole à un chien, Nganang prenait de nombreux risques, mais le roman évite les écueils en ne sombrant jamais ni dans l'anthropomorphisme, ni dans des jeux linguistiques faciles. Tout en accordant une grande importance à la palabre, Nganang ne multiplie pas les “indigénismes”. Tout, dans l'écriture, est question de dosage : à cet égard, ce livre est un modèle.
   Bref, Temps de chien, qui avait tout, a priori, pour être un roman raté, est un roman merveilleusement réussi.


 

Le narrateur est un être à part, à l'identité indéterminée ; il erre et déambule dans les “sous-quartiers” ; il vit dans un monde où la violence politique fait incessamment irruption… Autant le dire, et malgré les différences majeures séparant ces deux livres, Temps de chien fait penser à La Route de la faim de Ben Okri. Certes, il manque la dimension imaginaire et épique, si caractéristique du romancier nigérian, mais Nganang développe la même approche des questions politiques. Ainsi, dans le premier chapitre, la scène du suicidaire appelle la comparaison : même regard pseudo-objectif, même mythification. Mimi Minor rappelle Madame Koto. Mboudjak est, comme Azaro, partagé entre l'identification au “Nous” de la foule et l'aventure en solitaire : “Mes aboiements embaumaient le chaos des hommes. Je ne savais plus ce que je disais. J'étais pris dans le mouvement, moi aussi.” (p. 64). Ainsi, le texte, vertueux et voltairien, tombe incidemment dans le délire, dans la parole folle, les “étiennements bancals” (p. 71). Le discours policé de Mboudjak, chien philosophe et observateur cynique, est sans cesse gagné par une langue subversive et envahissante.
   Le discours canin se développe alors dans l'interstice périlleux qui sépare, d'un cheveu, la raison de l'exubérance. Romancier, le chien Mboudjak voudrait se garder des mots, notamment de ceux de Panthère, un vieillard palabreur et hâbleur. Pari-paradoxe difficile à tenir :


Je recherchais dans la viande du monde la dureté de l'os, la partie la plus sûre du festin de la vie, et il faisait danser ses hallucinations dans la rue. Réaliste, il me fallait être: réaliste. Et il inventait visiblement la réalité des choses selon sa convenance! Un manipulateur du réel, le petit vieux était. Mais voilà: bia boya alors? Avec ce petit vieux, oui, surtout avec lui, la cour du bar de mon maître devenait une natte de paroles, un entrecroisement de commentaires, un bouillonnement d'emphases, une explosion continuelle de superlatifs, un perpétuel défi de grandeur, oui: une somme de mille folies s'entrechoquant. (p. 110)


 

Réalisme garder : c'est le mot d'ordre. Mais, quand le matériau vire au désordre, ‘on va faire comment, alors?’ (c'est la traduction, proposée en note dans le roman, de “bia boya alors?”).
   Se méfier des discours ne signifie pas, pour autant, abandonner le style. Au contraire. Nganang invente une palette étonnante de variations stylistiques, de l'usage immodéré et savoureux des notes (qui deviennent par instants partie intégrante du récit, cf p. 78) à la construction d'échos secrets :
Des rires fusèrent ci et là. Parfois une voix admiratrice crissait. Je n'y prêtais pas attention. Je me voyais nu dans la rue. Ma maîtresse, elle, devait être aux nues. Elle avait sa vengeance sur tous ceux-là qui jamais n'avaient vu en elle rien d'autre qu'une vendeuse de beignets, me disais-je. (p. 103)
 

   Temps de chien pose, comme tous les grands romans africains, la question de la fiabilité des signifiants. Perdu, au début du livre II, dans les sous-quartiers, Mboudjak cherche son maître, Massa Yo. Un coq lui apprend alors qu'il y a “des milliers de Massa Yo dans Yaoundé, et que lui seul en connaissait déjà six” (p. 189).
   De façon plus intéressante, lors d'une altercation entre une femme et un vendeur d'arachides, les mots du lexique sont réduits (ou élevés?) à un sens performatif, sans aucun rapport avec leur signifié :


“ — Toi, tu es une bordelle de ton état, dit le vendeur d'arachides.
­— Energumène, dit la femme en sevrant son gosse pour mieux répondre.
— Bordelle !  dit encore le vendeur d'arachides.
— Abracadabra !  dit la femme.
— Bordelle ! ” insista le vendeur d'arachides.
Et l'autre sortit le mot du siècle : “Anticonstitutionnellement ! ” (p. 221)


 

Le mot du siècle n'est pas seulement le plus long du dictionnaire : il prend un tout autre écho dans un contexte de dictature…!
   Nganang multiplie ainsi les scènes à mi-chemin du burlesque et de la satire politique, comme lors de la tentative de suicide d'une femme sous un bus à l'arrêt (pp. 204-206), ou du retournement de situation invraisemblable qui permet à un homme pourchassé par tous de devenir “le miraculé du marché” (pp. 228-229). Le roman se termine pourtant sur une note forte, puisque c'est l'assassinat de Takou, gamin des rues et fils du Docta, par le Commissaire, qui donne le signal de l'émeute, “main de rage” (p. 293) et “rumeur régicide de la rue” (p. 295). La dimension mythique, que l'on croyait bannie du récit, prend alors le relais pour s'imposer et donner a posteriori tout leur sens à plusieurs scènes-clefs du livre. Ainsi, les personnages, miteux ou pathétiques, sont transfigurés le temps de l'émeute, en particulier le Docta, devenu père “soudain avec la mort de ce gamin qui lui avait été jadis abandonné” (p. 286).


 

    Temps de chien est un grand roman critique, tant du point de vue de la satire politique — toujours judicieuse, jamais appuyée —  que de la liberté laissée au lecteur : de nombreuses pistes restent ouvertes, et c'est au lecteur, in fine, d'opter pour le point de vue “réaliste” — maintes fois réaffirmé, quoique de façon ambiguë —  ou pour une lecture plus idéologique. En des temps où le roman contemporain s'abîme souvent dans un collage superficiel saluant “la fin des idéologies”, c'est faire œuvre salutaire que de proposer, comme Nganang, un livre de cette trempe, qui n'est ni un pamphlet ni une belle coquille vide.

 

 

NGANANG, Patrice. Temps de chien. Paris, Le Serpent à plumes, 2001, 304 pp.

(Article originalement publié en 2001 sur le site Exigence Littérature.)

A Novella Fuck You

Je viens de retrouver, dans les fichiers de notre antépénultième ordinateur, ou plutôt sur une disquette, le texte d’un bref roman amorcé puis avorté, inspiré par les écrits les moins abordables de Gertrude Stein. Cette novella, qui s’intitule A Novella Fuck You, fut écrite en quelques jours de désoeuvrement, en janvier 2003. (Je constate avec amusement, d’ailleurs, que la date de dernière modification du fichier est le 29 janvier 2003 ; cela ne s’invente pas.)

 

Je publierai les brefs chapitres de cette novella, chaque matin à sept heures, puis, si l’humeur m’en reprend, en écrirai la suite.

 

 

Propos de garçonnet, 21

Le château de Fleur d'Amande a été construit par Winnicott puis Louis XIV, et le château de Fleur de Yaourt par un bandicoot lapin et par Marco Polo.

samedi, 28 janvier 2006

Mon inculture une fois encore prise en faute

J'avais trouvé si beau le pseudonyme Lidoire Martin, qu'arbore sobrement l'auteur du carnétoile Atours de Tours, que je n'avais pas pensé à en vérifier les possibles significations. Eh bien ! Saint Lidoire fut évêque dans ces parages dans les mêmes eaux que le plus célèbre saint Martin.

Lidoire est un prénom exceptionnel, d'autant que s'y entendent la Loire, le doigt de Dieu, le lit si cher à mon coeur (va te coucher, Guillaume).

Eric Meunié 1 : Eric Meunié

J’ai commencé ma lecture (je ne suis pas très prolixe en ce moment : seulement cinq livres en même temps) de Poésie complète, que viennent de publier les éditions Exils.


Ce n’est pas très bien écrit, mais le principe est saisissant.


Ainsi, comment traduire, en anglais ou en n’importe quelle autre langue, la première phrase du fragment 528 :

« Si je continue de cette façon, je vais me briser en deux irrémédiablement (avec diable au beau milieu). » (p. 24)

 

 Eric Meunié. Poésie complète. Paris : Exils, 2006.

Zauberflöte

La neige fond, aux marches du minuscule escalier de pierre, et la Flûte s’enchante.

Arabesques d’harmonies – vivacités des bois, solennités des cordes. Ce n’est pas, de Mozart, l’opéra que je préfère ; pour être franc, je le connais mal. En matière d’opéra, mes grands maîtres ont nom Richard Strauss, Benjamin Britten, et Amadeus tout de même… !

 

Je parlais d’opéra il y a huit jours (stricto sensu : vendredi), au Salon d’Information des Lycéens, avec un collègue du département de musicologie, que je n’avais jamais rencontré et qui s’était étonné, après une petite dizaine de minutes de bâtons rompus, que je fasse une plaisanterie sur le basson et le contrebasson. Pourtant, je ne connais pas un traître mot de musique ; c’est dire si les pauvres musiciens professionnels et professeurs doivent se sentir isolés pour que l’un d’entre eux se trouve réagir de manière aussi enthousiaste en découvrant au moins un semi-néophyte parmi… leurs collègues de l’université.

 

Bien ; je sacrifie à la célébration du 250ème anniversaire etc., mais à ma façon. Dans le même temps, Restif de la Bretonne, mort il y a deux siècles, et surtout Samuel Beckett, né il y a cent ans, passent dans l’ombre, leurs enchantements au fond des cernes, et leur spectrographie au comble.

 

 

.............................

Bon ; je ne me lasse pas des amusements habituels à la représentation opératique, à savoir que, dans ce cas précis, le chœur des Trois Dames chante et vante la splendeur du « superbe jeune homme », qui se trouve être le ténor d’un physique médiocre qui interprète Tamino. (Mais il chante très bien.)

J'ajoute que les Trois Dames prononcent l'allemand, dans les passages non chantés, comme trois vaches paraguayennes.

Je m'en tiens là. Regardons la suite sans bouder notre plaisir.

46

Dit un vieux de Neuvy le Roi :

" Le maréchal de Villeroy

N'aime pas la reine

Et moins la Touraine.

En cela il défie le roi. "

 

Théâtre de blancheur

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À Tours, le 28 janvier, pas besoin d'être fort en théâtre pour avoir la rue blanche.

Cure de mots (1111)

Le Livre, cette librairie pas vraiment curieuse – ce serait curieux d’écrire cela ; qu’elle est curieux. Les deux libraires forment un couple intrigant, curieusement assorti – peut-être. Mais la librairie est, tout simplement, une vraie librairie. C’est peut-être cela, le plus curieux : que cela existe encore.

Ici, on ne veut pas de curieux.

Cette formule ambiguë, pourraient se l’approprier, en des sens différents, Laurent, le libraire sec du Livre, et ses inverses, les marchands de soupe des supermarchés et des FNAC. En des sens différents.

Calgary

[En écoute : « Bosnia », de Mark Dresser, par le Double Trio (album Green Dolphy Suite. Enja, 1995. ENJ 9011-2 – un disque fétiche qui depuis longtemps m’accompagne).]

 

*******

 

Le Magazine littéraire du mois de février publie une partie de la fin inédite de Gros-Câlin, roman de Romain Gary qu’il publia sous le pseudonyme d’Emile Ajar (avant le coup de jarnac que constitua La Vie devant soi). Je n’ai pas lu ce roman, et ne prétends donc pas donner mon avis sur la version publiée, dont cette fin inédite n’est qu’une variante. Mais ce qui est patent, à lire ces quelques pages, c’est que cela ne va pas changer mon opinion, formée il y a longtemps en bâillant, que Romain Gary n’était pas un grand écrivain. Que de pauvreté ! que de fades redites !

 

Je crains que certains des lecteurs de ce carnet n’avalent leur chapeau, ne bondissent au plafond, avant de m’expliquer 1) pourquoi j’ai tort 2) qu’ils ne remettront plus les pieds en Touraine sereine*.

 

Soyons clairs : je ne demande qu’à avoir tort. Dois-je donner sa chance à Gros-Câlin, ou à tout autre Ajar/Gary ?

 

 

* … auquel cas je me prosterne et retirerai cette fâcheuse note**.

** Evidemment, ne l’écoutez pas : il n’en fera rien.

Diary, 11 juin 2002 (extraits)

11 juin 2002

[...]

10 h 20

 

Un des éléments fatigants, plus que fascinants, du journal intime (ou pas intime du tout d’ailleurs : celui-ci ne l’est guère, pour le moment) est l’accentuation, ou le déséquilibre. J’imagine soudain un lecteur qui, ouvrant la version publiée de ce texte, lisant la première entrée, en conclurait que le dénommé Guillaume Cingal (pour peu qu’il publie sous son nom) ne s’intéresse qu’au football et à Renaud Camus. Alors que, si ces deux centres d’intérêt sont ce matin très représentés dans mon existence immédiate, et donc dans mes écrits à la minute, ce ne sont justement nullement des centres, mais plutôt des intérêts marginaux, des périphéries d’intérêt si l’on risque cette expression.

D’ailleurs, il suffit de connaître un peu l’œuvre du seul écrivain dont il a été question jusqu’à présent (Renaud Camus, donc) pour comprendre que la juxtaposition Camus/football a quelque chose de sarcastique, de surprenant, d’abrupt ; c’est presque un paradoxe, si ce n’est que l’œuvre de Renaud Camus est elle-même pétrie de paradoxes.

 

Avertissement : il ne sera guère question, a priori, de football et de Renaud Camus.

(La présence d’un avertissement marque à quel point ce journal n’est pas intime : il est entièrement tourné vers le lecteur.)

 

16 heures

Après avoir donné le biberon à A., je pianote à côté de lui, qui est assis dans sa chaise haute, harnaché, jouant et redécouvrant son petit ours en plastique qu’il ne va tout de même, selon toute probabilité, pas tarder à envoyer valdinguer (ça y est !). Comme à l’accoutumée, quoique rassasié, il se montre peu concentré juste après le biberon ou le repas et réclame pas mal d’attention, ce que, tout en écrivant, je suis à même de faire. La cause officieuse de l’achat de l’ordinateur portable se voit déjà confirmée dans sa pertinence.

Il ralote parce qu’il n’a plus rien à portée.

Le dictionnaire de Word2000 refuse le verbe raloter, tant mieux, il faut s’inscrire contre le dictionnaire, parfois…

Devoir sans cesse intervenir auprès d'A. hache le style.

Ne pas oublier d’enregistrer régulièrement.

Vais-je en être réduit à l’exercice du quotidien dans le diary ?

M’adressant à des lecteurs qui ne me connaissent pas, il faudrait repréciser tout le contexte, qui je suis approximativement, ce que je fais, mon passé, ma vie familiale, privée, publique etc. Pénible. Impossible.

A. joue avec la ceinture de sécurité de sa chaise haute.

Dans le parc !

Grand merci à Arbor...

... pour A) les Carolingiens, l'âge des Vikings, les cathédrales, Marco Polo ; B) le Moyen-Âge, la guerre de Cent Ans, le Quattrocento, le siècle d'or espagnol, l'Angleterre d'Elisabeth ; C) les Provinces Unies, Louis XIV, Pierre le Grand, le siècle des Lumières, l'Amérique ; D) la Révolution française, le Printemps des peuples, la Belle Epoque, les années folles, le dernier épisode ; E) la Terre fut, Néanderthal, Cro Magnon, les Vallées fertiles ; F) les Premiers Empires, le siècle de Périclès, la pax romana, les conquêtes de l'Islam.

 

Sans Arbor, rien de possible, même pas les aliens à ***.

 

Sinon, j'aime bien Nicolas Sarkozy.

13:00 Publié dans Ex abrupto | Lien permanent | Commentaires (2)

Rue de la Fourbisserie

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Neigeux, fourbu, j'amorce une neuve série, avec une vue de Neuvy - la rue de la Fourbisserie.

vendredi, 27 janvier 2006

Arroumégueur

Que dis-je ? j’arroumègue…

Arrouméguer (orthographe non garantie puisque non fixée) est un verbe gascon, qui mériterait de figurer, en tant que régionalisme, avec les helvétismes et belgicismes des dictionnaires de langue française. Je ne connais rien de plus réussi, du point de vue de Cratyle et de la concordance entre le signifiant (rythme et sonorités) et le signifié, que ce verbe, qui ne se traduit pas réellement en langue d’oïl, n’a pas d’équivalent strict : quand on arroumègue, on râle, on rumine, on rouspète, on fulmine, on fait preuve de mauvaise volonté – un peu tout cela en même temps… que ne désigne que le verbe arrouméguer.

 

Le gascon est le parent pauvre des dictionnaires de langue française. Les rares mots dont les lexicographes précisent qu’ils viennent du « Sud-Ouest » (ce qui, du point de vue de l’étude des différents dialectes occitans, n’a aucun sens) sont en fait franchement languedociens ou tolosans, et totalement inconnus de par mes contrées natales.

 

Alors, j’arroumègue, j’arroumègue… contre les lexicographes.

Petit Mesclun

Le croustillant de queue de bœuf, accompagné de quelques verres de Chinon Olga Raffault 2003, au Petit Mesclun, est délicieux.

 

Cela méritait d’être écrit.

Fauteuils de Juliette Gassies

Qu’est-ce que j’ai bien pu écrire de si affreux, sur les nageuses de Juliette Gassies, qui ait pu dérouter l’artiste ? J’écris ces lignes sans accès à la Toile, ni, du coup, aux archives de ces carnets.

Toujours est-il que le galeriste des Bons Enfants m’a raconté aujourd’hui qu’il lui avait laissé entendre que c’était de l’humour…

Je n’avais pas vraiment aimé ces nageuses, assurément, mais l’artiste ne me laisse pas indifférent, loin de là : la nouvelle série, de trois fauteuils, nous a totalement séduits, C. et moi.  Cette série joue sur un faux bichromatisme bleu/rouge, qui se décline, en fait, en infinies nuances de perspective et de coloris. Entre deux fenêtres de salon, face à la lumière vitrée, ce fauteuil rouge, de trois quarts, rend admirablement.

Aux Bons Enfants, à Tours, c’est, demain, le dernier jour pour fouiner dans les nombreux petits formats qu’exposent différents artistes. Mention spéciale pour Carole Boissière, dont la série de six teraku est confondante de maîtrise, de terreuse et ferrugineuse beauté.

********************

 

P.S.: Vérification faite, voici ce que j'écrivais le 9 décembre : "Le galeriste défend avec maestria la série des nageuses, qui est de Juliette Gassies, je crois. Pour moi, c'est quasiment irregardable. Et il y a pire encore."

C'était assez méchant, en effet. À les revoir auprès de ces beaux carrés représentant les fauteuils, les nageuses sont, tout de même, regardables. Mais ce goût pour de fades silhouettes n'est pas ce qu'elle fait de mieux, je le maintiens. Il faut comprendre la phrase "il y a pire encore" comme suit : dans la note du 9 décembre, je ne parle que des artistes qui m'ont plu.

14:20 Publié dans BoozArtz | Lien permanent | Commentaires (6)

Chanson bas

Composé en marchant, rue de l'Anguille,

jeudi vers trois heures.

 

Vous n'êtes plus personne

Que le vent abandonne

Que la marée moissonne

Que le feu désarçonne

 

Vous n'êtes éperdu

De ce malentendu

De n'avoir étendu

Vos bras vers l'inconnu

 

Que l'orage résonne

Vous n'êtes plus personne

Que la peur emprisonne

Que ma bouche fredonne

 

Lalala lala lalalalala

Lalalalala

Lalalalala

 

jeudi, 26 janvier 2006

Hommage à Richard (Au vent la lettre II)

Namibie...

Algie...

Corolle infinie ?

Encore la Namibie.

 

La nostalgie du balanin.

 

Lit 1101

Ne nous méprenons pas. Le texte publié hier dans ce même livre de comptes, ce louvre de contes, ce havre de lave, n’était pas pur jeu d’égotisme. Il est bon, je pense, de lire Le Livre des mines comme un tout. Après l’échec du carnet dédié à l’écriture de fictions interactives, je procède par mélange et alternance. Tous les jours, à l’heure du dîner filial, se publie, toujours programmé à l’avance, un billet qui ajoute son sédiment de phrases au Livre.

 

Il est, imberbe, défiant les cieux, prêt à livrer, pour chacune des images de son adolescence, un poème en prose. Il reste au lit ; ce lit est à moi.

 

Tragique coup de tonnerre...

... dans la blogosphère : le Vrai Parisien, styliste fin et humoriste implacable, annonce l'arrêt de son carnet. Je vous invite à le découvrir, si ce n'est déjà fait, et, dans tous les cas, à déposer vos hommages parmi les commentaires.

Chariots colorés

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La flèche de Zénon arrive-t-elle au but ?

mercredi, 25 janvier 2006

Compte de mots

[14 h 40. Ce billet est le premier, du Livre des mines, que j’écrive ailleurs qu’à la table du salon ; je suis au bureau baigné de soleil. Il fait chaud derrière les vitres. La plupart de ces textes ont été conçus en déplacement, déambulant. Puis écrits au salon.]

 

 

Ce livre est à moi, cette sale mine est à moi, ce style est à moi, cette énumération longue, lourde et laborieuse, est à moi, ce stylo et ce clavier sont à moi, avec lesquels j’écris des masses de mots. Ce livre est à moi, cette voix est à moi, et dans le miroir le matin cette mine est à moi. Ces lèvres sont à moi, se fendillent légèrement, s’ourlent ou rentrent dans la carapace ; c’est alors que j’ai l’air d’une cistude. Ces lèvres sont à moi, et ce livre est à moi. Ce carnet est à moi, cette plage est à moi, noyée par le soleil, baignée par les embruns. Ce silence est à moi, ce tapotis clapotant des doigts dictant les dix ou cent dix lignes à l’écran est à moi, oui, ce livre est à moi, il ne fait que commencer.

 

Cette danse est à moi, cette abondance est mienne. Cette voix est à moi, ces mélopées, ces vélocités, ces dégueulandos sont à moi. Ces plaintes sont à moi, ces rayons de soleil me transperçant la joue sont à moi de toute éternité, et si la voix vitreuse est à moi, je survis.

 

Ce diable est à moi, ce diable c’est moi, ce monologue est à moi, cette furieuse envie d’écrire n’est à personne d’autre. Cette danse est mienne, abondance de moi roulant mon abdomen dans les draps. Ce lit est à moi, ce lieu est à moi, ce regard de vampire et d’amant posé sur toutes choses.

Je lève, vainqueur, la conque au-dessus de ma tête. Plein dans le mille, ce livre est à moi, à nul autre.