Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mercredi, 25 janvier 2006

Seuls pharaons

medium_vendredi_13_e.jpg

Antonio n’aime pas beaucoup Zool. Que cherche-t-il, par ici, du bout des doigts ? Zool le fureteur, grillon du foyer et folle du logis. Antonio lit tout ce que l’on écrit sur eux : l’un qui s’entoure de musiciens aussi reluisants que lui (c’est tout dire) pour mieux creuser la solitude de ses harmonies intimes, et l’autre qui se place seul face au piano pour mieux peupler le silence de figurines, de compagnons de débauche ; l’un qui, latin, distille les chaleurs, tandis que l’autre, saxon, propose ses carnavals glacés. Des foutaises ! un foutoir de notes ! remballe !

 

Zool aime bien Antonio. Peut-être serait-il plus juste de dire qu’il aime bien quand il croise le regard agacé d’Antonio. « Tiens, il a l’air énervé » semble-t-il dire, d’un regard innocent et plein d’incompréhension naïve. Zool est un musicien de verdure, et Antonio hume, à pleins poumons, l’air de la nuit profonde.

 

Je prête l’oreille à Zool ; la toile blanche qu’il tend aux trous du vent, pectinée à peine de douces mouchetures, je l’entends claquer, flotter, blanchir les ombres. Il va sinuant si près du sol que sa musique envoûterait les cimes.

 

Tandis que je pianote, je prends garde de ne pas éveiller de vieux démons, de ne pas cogner trop vivement, je veux que les touches se suivent de façon harmonieuse, comme si je jouais la partition prodigieusement délicate de Zool. Comme si je jouais, dans mon coin, avec Ira et Jeff, je veux que les armes reposent en paix, sans colère, je galère laborieusement pour mentir en mots, tandis que je pianote.

 

Je prête l’oreille à Antonio, farouche, bondissant, coloriste et sang de feu. Vous, Zool et Antonio, l’alpha et l’oméga, les deux frères que je n’eus pas, je tends les bras vers vous, dompte le lion mélancolique, tire gentiment l’oiseau de sa noirceur pantomime, et je les présente l’un à l’autre.

 

Qu’ils s’aiment vraiment, profondément, effrontément… qu’ils s’aiment ou non, ce sont mes seuls pharaons.

medium_vendredi_13_j.jpg

Propos de garçonnet, 20

Le saucisson de la cantine était extrêmement dur, aussi dur que de la chair de poule.

mardi, 24 janvier 2006

Clong

Mardi, deux heures de l’après-midi.

Il est presque dix heures du matin ; je me sers la première tasse de thé, et l’odeur du lapsang souchong, dans l’air frais de la grande pièce de vie que commencent à chauffer les rayons vitreux du soleil, me ramène onze ans en arrière, dans ma thurne rue d’Ulm, où la théière de lapsang souchong accompagnée de biscuits Speculoos (achetés au kilo au supermarché Ed) constituait mon habituel petit déjeuner.

J’avais même, l’été suivant (ou était-ce l’été 1994 que je m’attaquai à Féerie ?), composé le petit poème minimaliste suivant :

 

on buvait du lapsang souchong

clong la théière faisait clong

contre les mugs

 

Ce doit être mon premier thé fumé de l’année. Bonne année !

 

Ni amble ni trot...

Pauv’ minable !

Si l’on cherchait à retranscrire l’accentuation de cette exclamation lâchée, parfois, par gros temps, entre deux ennemis de misère, cela donnerait sans doute

pAUV – miNAble

.

le mi disparaissant sans bémol dans l’ombre du pauvre, à moins que l’on ne préfère, pour plus d’emphase, ne pas amuïr le e final de pauvre, ce qui permet à la voix courroucée de rebondir sur le début de minable :

Pauvre – MInable

.

.

Ni trot ni amble, est-il possible d’envisager d’autres situations, d’autres accrocs, d’autres accents ? [Il est, en ces lieux, des spécialistes de phonologie. Ce n’est pas mon cas.]

“On n’arrête pas le regrès”

Je m’étais imaginé, il y a quelques années, en écoutant une communication de mon collègue Marc Chemali, que le titre de son étude consacrée à l’œuvre de Tolkien, « On n’arrête pas le regrès », était un jeu de mots qui se doublait d’un néologisme. Or, je découvre, feuilletant le Robert culturel, que ce terme (que le vérificateur orthographique de mon logiciel de traitement de texte ignore et souligne d’une minivague rouge) est attesté depuis 1907.

 

L’entrée est même illustrée d’une citation… de Barthes, évidemment.

 

Par ailleurs, une recherche rapide du terme regrès dans le moteur de recherche le plus hégémonique qui soit et dont le nom contient pas moins de deux g, en se limitant aux pages "en français", donne surtout, comme résultats, des pages en espagnol ou des pages françaises dont l'auteur fait une faute d'orthographe au pluriel de regrets !

 

Rien sur Barthes ni sur Tolkien !

Big William is watching you

Ce n'est guère intéressant, mais je voulais vous informer que ce carnétoile reçoit, depuis ce matin, vers quatre heures, des visites régulières d'une personne (ou d'un programme automatique?) connectée à un ordinateur de l'Université Technologique de Compiègne.

Mystère...

12:50 Publié dans Ex abrupto | Lien permanent | Commentaires (3)

Taux de chômage et thermomètre

medium_nq060124.gif
C'est comme ça en France aussi...

11:35 Publié dans Ex abrupto | Lien permanent | Commentaires (0)

Manhana de carnaval

Tours, 8 h 50.

Une journée qui commence bien...

Comme il fait froid, comme A. est enrhumé, je lui propose de l'emmener à l'école en voiture, ce que nous ne faisons jamais. Il accepte, après avoir tout d'abord déclaré qu'il préférait marcher comme d'habitude. Le temps d'installer le siège pour enfant, d'ouvrir les portes métalliques du garage, de sortir la voiture, de refermer les portes, de faire le trajet, de trouver une place de stationnement près du chantier, puis de faire les cent mètres restants jusqu'à l'école, cela prend plus de temps qu'à pied, mais bon... Je m'aperçois, au moment de détacher A. de son siège, que nous avons oublié de prendre son sac (qui ne lui sert à rien, il y a seulement des vêtements de rechange dedans - mais la force de l'habitude fait qu'on ne peut aller à l'école sans sac, n'est-ce pas?) ; nous repartons, revenons, nous garons (encore plus loin évidemment). Entre-temps, A. m'a répété au moins dix fois, sans ironie, que "c'est plus court, en voiture".

Une fois que je l'ai posé à l'école, je reprends la voiture, me disant que, tant qu'à faire, je vais aller, comme mardi dernier, place Paul Bert, faire les courses de boucherie. La boucherie est fermée, à partir d'aujourd'hui, pour congés annuels. J'ai oublié mon appareil photographique, alors que je voudrais publier, dans ce carnet, des images de l'église. L'étal du maraîcher ne me dit rien.

Je reprends la voiture, manque de me faire esbigner (comme dirait une collègue) par un groc en 4x4 qui ne sait pas lire les panneaux de priorité par flèches, rentre à la maison, dois ouvrir une bonne demi-douzaine de volets. À présent, la fin du paquet de copies d'analyse littéraire de troisième année m'attend.

Il n'y a rien de véritablement contrariant, dans tous ces épisodes dérisoires ; c'est peut-être ce rien qui est le plus agaçant.

45

Jadis, un serrurier de Vou

Devint complètement fou :

Il vit un champ de blef

Où poussait une clef.

(Pas glop ! Pas glop ! dirait Pifou.)

 

Pas parce : autres exemples

Ce n’est pas parce que tu as une fleur de lys sur ton habit que tu dois régner aussi longtemps que Louis XIV.
******


Ce n’est pas parce que les papillons s’envolent vers de nouveaux pays chauds que les libellules doivent rester.
******


Ce n’est pas parce que le cheval est loin que le ruban est un garçon.
******


 

lundi, 23 janvier 2006

Vendredi 13, laisse en pas

 

Le chien traîne avec lui sa laisse, mais il a dû remiser son maître quelque part dans les recoins sombres du parc du Musée des Beaux-Arts. Un homme d’une quarantaine d’années le regarde passer, d’un air amusé. Cet homme, que je guette depuis une heure et demie, et que j’ai filé jusqu’à ce point de rencontre habituel, semble épier, de son côté, une jeune femme, peut-être une étudiante déjà bardée de diplômes. Le quadragénaire allume une cigarette en observant le chien d’un air maintenant goguenard. Puis il prend quelques notes dans un carnet tout en scrutant les moindres détails du visage et de l’accoutrement de la jeune femme. Je la regarde à mon tour.

 

Deux policiers à cheval, un homme et une femme, passent, demandent à un vieux de déplacer son véhicule, qui mord largement sur une place réservée aux invalides. L’un des chevaux, beau et bai, esquisse un hennissement que la cavalière a tôt fait d’adoucir, d’une tape douce mais stricte. Le vieux dégage. Les flics se taillent. Ma proie, la jeune femme et moi poursuivons notre manège. L’absent tarde à venir, pour forclore le quadrille.

 

Le chien délaissé frôle la pierre de la cathédrale avant de filer vers la rue Colbert.

 

Dans une semaine, au Salon d’Information des Lycéens, tu verras Jean Germain, l’actuel maire de Tours, se retourner au moment de frôler le stand que tu occupes, et lancer, goguenard, à un homme qu’il vient de saluer : « C’est sûr, on ne sait plus quoi faire à l’UDF, maintenant… ».

 

 

 

) Droits réservés texte et photographie.
Image prise le 1er octobre 2005, place de Châteauneuf. (

Les Trois Glorieuses

« Nos trois jours, c’est une horreur… »

 

En 1830, Pierre-François Lacenaire tournait, en sa tête, sa conversion ironique.

Je crois aux dieux du Nil et de l’Euphrate,
Ciboule, oignon, dieux qu’on mangeait tout crus ;
Je crois aux Dieux de Platon, de Socrate ;
Je crois encore aux dieux de Mélitus ;
Je crois aux Dieux du bonhomme Tibère,
A tous les Dieux du vieux pays latin,
A tous les Dieux qui ravagent la tere,
Je crois au Dieu de Constantin.

 

.

 

Je me nourrissais, pour ma part, d’abats jetés aux chiens, emplissant mes bajoues à la manière de la grenouille du fabuliste.

 

 

Comme un mauvais moine, en 1830, je dépérissais. Mais le glas, au clocher de la collégiale, me retrouva, vagabond, nu comme un ver.

Le démon de l’association

De la table du déjeuner, une longue giclée d’orange sanguine atteignit le plancher, en parquet flottant. Peu s’en fallut que les grosses gouttes rosées ne tâchassent mon chandail (qui s’en serait remis) ou l’une des innombrables copies d’examen qui jonchaient la table, hâtivement repoussées pour permettre au tâcheron de se sustenter. L’image de ces gouttes vastes et violentes, que j’essuyai d’un coup de chiffon vigoureux, fit naître devant mes yeux quelques réminiscences de Kill Bill, vu tout récemment. En dépit de l’inévitable distanciation que provoque le mélange grossier d’humour décalé et de parodie propre à Tarantino, la violence de ce film demeure, et m’a choqué, sans doute comme pour C., qui avait pris à cœur certaines scènes de Casino : dans ce cas précis, le génie de Scorcese avait fait, de mon côté, passer la pilule.

 

Ces quatre ou cinq gouttes d’orange sanguine venaient clore, en point d’orgue, un repas fruste mais délicieux qui avait pour charnière trois œufs sur le plat ; il se trouve, pensais-je en faisant la vaisselle et en regardant, pour une énième fois, la reproduction de l’une des versions de la Vierge de Munch qui est collée à l’un des carreaux au-dessus de l’évier, que j’avais écrit, adolescent, un mauvais poème dont l’image principale était l’analogie, pour un prisonnier devenu anorexique et anémique, entre le jaune d’œuf servi à la cantine et le sang de son crime.

 

La carte postale qui représente cette Vierge peinte en 1895, achetée en 1998 à Paris lors de la grande exposition consacrée au Fauvisme en Europe, a longtemps orné l’un des côtés de l’étagère de bois blanc fabriquée par mon grand-père maternel, et qui servit, dans notre appartement puis notre maison de Beauvais, de séparation entre salon et salle à manger.

 

La vaisselle faite, j’écrivis les quelques bribes de phrase qui devaient me rappeler l’essentiel de ce billet à l’encre rouge (celle dont j’usais pour corriger les copies d’examen que n’avaient pas effleuré les gouttes de jus sanguin), puis, la cartouche faisant flic, à l’encre verte.

 

 

………

En écoute (en boucle) : « Rag » de Julien Jacob (album Cotonou. Wrasse Records, 2005. WRASS 138)

… vissée …

 

« Comment pardonner à Dieu que celui qui fut si vif et si gai ne soit plus ? Plus jamais les sourires de Marcel Pagnol, plus jamais ses rires, plus jamais ses joyeuses histoires. On me l’a enfermé dans une boîte, une affreuse boîte que des vivants indifférents ont vissée, une terrible boîte, et mon innocent dedans, une longue boîte, et des poignées de terre sur la boîte, et on a descendu la boîte avec des cordes, sans trop de ménagements descendue et déposée au fond d’un trou d’argile, sa dernière humble demeure. » (Albert Cohen. Carnets 1978. “Folio”, pp. 49-50)

 

 

Une autre Ermengarde

Fille de Robert Ier d'Auvergne, épouse de Eudes II le Champenois, Ermengarde d'Auvergne mourut en 1042.

Littéral

22 janvier.

À l’aube.



Terni par les pensées,
Vaincu par l’amertume,
Vertèbres bleues coincées
Contre un infect bitume,

Le mot mort déshabille
Un instant son carnage,
Et tel Rouletabille
Sur les flots d’os surnage.

Elle a pourri, la fleur ;
Ses pétales sont gris.
Délacée la couleur,
Les miroirs sont aigris.

Contemple sans remords
Les lettres du mot mort.

 


 

44

Un jeune homme fringant d'Assay

De ce blog avait plus qu'assay :

" S'il rouvre ses derricks

À mauvais limericks,

La gueule je vais lui cassay."

 

Anything goes (Cole, Caratini, Lazarus…)

Je crois que je n’aime guère la voix, ou le chant de Sara Lazarus.

Quel nom, pourtant !

Ce n’est pas tout ; l’habit ne fait pas le moine, ni la mine et la silhouette la grande chanteuse.

 

Le disque de standards de Cole Porter qu’elle a enregistré avec le Patrice Caratini Jazz Ensemble est un peu décevant. Qu’est-ce à dire ?

Ce sont souvent des airs que j’aime ; les orchestrations sont remarquables, de talent et d’originalité. Il me faut conclure que c’est la chanteuse qui gâche un peu le tout ; elle ne chante pas mal, mais d’une façon qui ne me plaît pas trop.

 

Les moments de splendeur sont assez nombreux pour faire de ce disque un opus au-dessus du commun. Pour n’en citer que quelques-uns : le final d’Anything goes ; la version dédoublée de Get out of town, avec une intro composée par Caratini, Quitte la ville ; les voltes survoltées qui parcourent la ligne mélodique de What is this thing called love ; enfin, le plus mémorable, peut-être, est cette version longue, langoureuse, ralentie, désarticulée, de My heart belongs to Daddy, à mille lieues des pépiements de midinette auxquels les interprètes réduisent généralement cette partition.

 

À coup sûr, Caratini connaît la musique, et ses solistes sont des musiciens dignes d’éloge et d’intérêt : le saxophoniste ténor Stéphane Guillaume (impressionnant sur Just one of those things), le pianiste (Alain Jean-Marie), le cor (François Bonhomme), le tromboniste (Denis Leloup), j’en passe… À signaler la présence discrète mais efficace de mon histrion préféré, le génial guitariste Marc Ducret.

 

…………………………

 

En écoute : « Miss Otis regrets » (Patrice Caratini Jazz Ensemble with Sara Lazarus. Anything goes. Le Chant du monde, 2002. 274 1142)

Vendredi 13, morsure de l’aube

 

Distillant quelques attentats sonores, au moyen d’une corne de morse… Connaissez-vous la corne de morse, cet instrument lapon taillé et façonné dans une défense de morse, qui produit un son suraigu et porte (erronément) le nom de corne (morse-horn en anglais) ?

Devant la cathédrale, avec Attila, le glabre de mes joues à tout jamais dévasté, j’essayai quelques notes maladroites sur cet instrument curieux, maintenant fabriqué en bois, mais de manière à imiter le son originel de la défense. J’attaque les premières mesures de Round ‘Bout Midnight, mais je m’attire les foudres de la police montée.

J’attends en vain Abbey Lincoln, qui m’a posé un lapin.

 

medium_hc1905-1906.jpg

Jeux de garçonnet, 4 : réminiscences de Beckett ?

[jouant avec des coquillages]

Ce volcan, il s’appelle Patag ; et celui-là, Godo.

dimanche, 22 janvier 2006

Renaud Lagorce expose au Cub’ Ink

Il y avait aussi des encres calligraphiant des silhouettes (d’Isabelle Genty), et un buste accompagné quatre photographies chromatiques (de Marie-José Laflaquère), mais j’étais venu faire un tour au magasin Cub’ Ink (21, rue Néricault Destouches, à Tours) pour voir les nouvelles images de fluides de Renaud Lagorce. Je ne fus pas déçu, même s’il n’expose que huit grandes photographies argentiques, collées sur aluminium.

 

medium_affiche_renaud_lagorce.jpg

L’artiste lui-même, dont C. m’a offert une petite œuvre en décembre, m’avait téléphoné pour m’avertir qu’il exposait, et j’avais relayé l’information sur ce carnet de toile.

 

Le travail de Renaud Lagorce est très particulier, à la limite du kitsch d’après C. Je suis, pour ma part, tout à fait séduit, sous le charme. Il met en image des fluides colorés, selon une technique qui m’échappe. La seule réticence que j’ai en ce qui concerne l’œuvre offerte, c’est son encadrement dans une ardoise de couleur beige foncé, qui se lie mal à la vue du fluide.

 

En revanche, les cadres d’aluminium des huit œuvres exposées au Cub’ Ink mettent au mieux en valeur ces fluides qui paraissent, selon l’angle ou l’humeur, fumerolles, nuées, radiographies, fleurs de poésie.

 

Lecteurs de la région, allez-vous faire une idée par vous-mêmes…

… le glacier descend-il de sa rimaye…

« Depuis quand le torrent coule-t-il, le glacier descend-il de sa rimaye, la montagne s’élève-t-elle à trois mille mètres, depuis quand le soleil brille-t-il ? Par datations désormais exactes, le savoir répond à ces questions concernant ma perception, ensuite la nourrit et enfin la renverse. » (Michel Serres. L’Incandescent. Paris : Le Pommier, 2003 ; rééd. Livre de Poche, 2005, p. 14)

 

Hormis le célèbre poème par rimes homophones de Clément Marot, et peut-être une scène arrachée au Cyrano de Rostand, le son [rimaj] ne m’évoquait rien, et sans doute pas ce terme de géologie, qui figure bel et bien dans les dictionnaires, et dont le Robert culturel fait remonter l’origine (savoyarde) à 1870, et qui est dérivé du latin rima, la fente.

…………

RIMAYE – Crevasse marquant le départ de l’écoulement glaciaire, entre la roche et le névé ou entre un névé et le glacier qui l’alimente. Mur de rimaye.

…………

 

Poursuivant ma quête de ce surprenant étymon inconnu de moi, rima, je découvre un autre verbe rimer, terme propre aux locuteurs du Sud-Ouest (tiens, jamais entendu ça, pourtant), ainsi :

 

…………

Se rimer. S’irriter, s’échauffer, par suite du contact de la peau avec la sueur, l’urine. Ce bébé a les cuisses rimées.

…………

… le miracle de la transsubstantiation…

 

Je parle ici des mines classiques, de celles faites de graphite qui sont la moelle épinière des crayons courants. Mais il y a aussi celles des crayons de couleur, d’une pâte plus tendre et plus grasse et quasi argileuse ; celles des crayons Conté, rêches, bruyantes sur le papier, et qui sont d’authentiques charbons ; celles enfin de cette répugnante invention qu’on appelle « crayon-encre », qu’il faut humecter avant de s’en servir, et qui laissent sur la langue un petit goût amer, sur les lèvres des traces violacées, teinte chimique entre toutes, emblématique des évêques, en raison peut-être des étranges réactions qu’opèrent entre terre et ciel les grands princes de l’église, chefs de ces immenses laboratoires de pierre où est censé s’accomplir tous les jours le miracle de la transsubstantiation.

 

 

Michel Leiris. “Perséphone”. In Biffures (La Règle du jeu I). Paris : Gallimard, 1948. Réédité en « L’Imaginaire », 1975, pp. 107-108.

L’alexandrin le plus court

J’avais lu, il y a déjà quelque temps, que Perec se vantait d’avoir écrit l’alexandrin le plus court de la langue française :

 

WWWW

 

 

Il se trouve que j’ai fait mieux :

 

??

 

 

(Ces remarques sont données sans aucune vérification préalable des recherches poussées qui auraient été faites sur le sujet, et sans consultation de la Toile…)

Sonnet fatrasie

Composer des sonnets est assez ridicule ;

Mais enfin, je le suis en bonne compagnie.

Par l'espace infligée à l'oiseau qui le nie

Est, dans mon souvenir, plus que vos édicules.

 

Placé petitement au haut d'un monticule

Et laissant lentement me gagner l'agonie,

Je compose ces vers, non sans quelque ironie,

Conscient d'accomplir ce qu'ici j'articule.

 

Est-ce un brouillard furtif qu'en ces mots j'entrevois ?

La trace d'un feu mort m'avait laissé sans voix,

À pêcher dans les eaux troubles de la Ténèbre

 

Et comme je connais le pas feutré des morts

(Ici, vous attendiez, pour la rime, funèbre),

Je laisse les tercets vibrer sur leurs ressorts.

 

Vendredi 13, un attentat facial

Suite de 4.

 

medium_le_miroir_de_moi_v_13_janvier_4.jpg

 

 

J’attendais. Ma face s’est muée progressivement en bouillie de carton, en phrases livresques – et je ne savais plus à quel saint me vouer.

 

Saint Attila, protégez-moi, mes cheveux ne repoussent pas.

 

Voyez cette figurine qui m’empoisse les yeux, ces caractères rouges qui m’empâtent la langue. À quel saint me vouer, dans quel antre devenir ermite, dans quelle gangue attendre ma métamorphose ?

 

À la crise de vers succéda l’image, douce et cruelle, de la chrysalide.