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samedi, 28 janvier 2006

Calgary

[En écoute : « Bosnia », de Mark Dresser, par le Double Trio (album Green Dolphy Suite. Enja, 1995. ENJ 9011-2 – un disque fétiche qui depuis longtemps m’accompagne).]

 

*******

 

Le Magazine littéraire du mois de février publie une partie de la fin inédite de Gros-Câlin, roman de Romain Gary qu’il publia sous le pseudonyme d’Emile Ajar (avant le coup de jarnac que constitua La Vie devant soi). Je n’ai pas lu ce roman, et ne prétends donc pas donner mon avis sur la version publiée, dont cette fin inédite n’est qu’une variante. Mais ce qui est patent, à lire ces quelques pages, c’est que cela ne va pas changer mon opinion, formée il y a longtemps en bâillant, que Romain Gary n’était pas un grand écrivain. Que de pauvreté ! que de fades redites !

 

Je crains que certains des lecteurs de ce carnet n’avalent leur chapeau, ne bondissent au plafond, avant de m’expliquer 1) pourquoi j’ai tort 2) qu’ils ne remettront plus les pieds en Touraine sereine*.

 

Soyons clairs : je ne demande qu’à avoir tort. Dois-je donner sa chance à Gros-Câlin, ou à tout autre Ajar/Gary ?

 

 

* … auquel cas je me prosterne et retirerai cette fâcheuse note**.

** Evidemment, ne l’écoutez pas : il n’en fera rien.

Diary, 11 juin 2002 (extraits)

11 juin 2002

[...]

10 h 20

 

Un des éléments fatigants, plus que fascinants, du journal intime (ou pas intime du tout d’ailleurs : celui-ci ne l’est guère, pour le moment) est l’accentuation, ou le déséquilibre. J’imagine soudain un lecteur qui, ouvrant la version publiée de ce texte, lisant la première entrée, en conclurait que le dénommé Guillaume Cingal (pour peu qu’il publie sous son nom) ne s’intéresse qu’au football et à Renaud Camus. Alors que, si ces deux centres d’intérêt sont ce matin très représentés dans mon existence immédiate, et donc dans mes écrits à la minute, ce ne sont justement nullement des centres, mais plutôt des intérêts marginaux, des périphéries d’intérêt si l’on risque cette expression.

D’ailleurs, il suffit de connaître un peu l’œuvre du seul écrivain dont il a été question jusqu’à présent (Renaud Camus, donc) pour comprendre que la juxtaposition Camus/football a quelque chose de sarcastique, de surprenant, d’abrupt ; c’est presque un paradoxe, si ce n’est que l’œuvre de Renaud Camus est elle-même pétrie de paradoxes.

 

Avertissement : il ne sera guère question, a priori, de football et de Renaud Camus.

(La présence d’un avertissement marque à quel point ce journal n’est pas intime : il est entièrement tourné vers le lecteur.)

 

16 heures

Après avoir donné le biberon à A., je pianote à côté de lui, qui est assis dans sa chaise haute, harnaché, jouant et redécouvrant son petit ours en plastique qu’il ne va tout de même, selon toute probabilité, pas tarder à envoyer valdinguer (ça y est !). Comme à l’accoutumée, quoique rassasié, il se montre peu concentré juste après le biberon ou le repas et réclame pas mal d’attention, ce que, tout en écrivant, je suis à même de faire. La cause officieuse de l’achat de l’ordinateur portable se voit déjà confirmée dans sa pertinence.

Il ralote parce qu’il n’a plus rien à portée.

Le dictionnaire de Word2000 refuse le verbe raloter, tant mieux, il faut s’inscrire contre le dictionnaire, parfois…

Devoir sans cesse intervenir auprès d'A. hache le style.

Ne pas oublier d’enregistrer régulièrement.

Vais-je en être réduit à l’exercice du quotidien dans le diary ?

M’adressant à des lecteurs qui ne me connaissent pas, il faudrait repréciser tout le contexte, qui je suis approximativement, ce que je fais, mon passé, ma vie familiale, privée, publique etc. Pénible. Impossible.

A. joue avec la ceinture de sécurité de sa chaise haute.

Dans le parc !

Grand merci à Arbor...

... pour A) les Carolingiens, l'âge des Vikings, les cathédrales, Marco Polo ; B) le Moyen-Âge, la guerre de Cent Ans, le Quattrocento, le siècle d'or espagnol, l'Angleterre d'Elisabeth ; C) les Provinces Unies, Louis XIV, Pierre le Grand, le siècle des Lumières, l'Amérique ; D) la Révolution française, le Printemps des peuples, la Belle Epoque, les années folles, le dernier épisode ; E) la Terre fut, Néanderthal, Cro Magnon, les Vallées fertiles ; F) les Premiers Empires, le siècle de Périclès, la pax romana, les conquêtes de l'Islam.

 

Sans Arbor, rien de possible, même pas les aliens à ***.

 

Sinon, j'aime bien Nicolas Sarkozy.

13:00 Publié dans Ex abrupto | Lien permanent | Commentaires (2)

Rue de la Fourbisserie

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Neigeux, fourbu, j'amorce une neuve série, avec une vue de Neuvy - la rue de la Fourbisserie.

vendredi, 27 janvier 2006

Arroumégueur

Que dis-je ? j’arroumègue…

Arrouméguer (orthographe non garantie puisque non fixée) est un verbe gascon, qui mériterait de figurer, en tant que régionalisme, avec les helvétismes et belgicismes des dictionnaires de langue française. Je ne connais rien de plus réussi, du point de vue de Cratyle et de la concordance entre le signifiant (rythme et sonorités) et le signifié, que ce verbe, qui ne se traduit pas réellement en langue d’oïl, n’a pas d’équivalent strict : quand on arroumègue, on râle, on rumine, on rouspète, on fulmine, on fait preuve de mauvaise volonté – un peu tout cela en même temps… que ne désigne que le verbe arrouméguer.

 

Le gascon est le parent pauvre des dictionnaires de langue française. Les rares mots dont les lexicographes précisent qu’ils viennent du « Sud-Ouest » (ce qui, du point de vue de l’étude des différents dialectes occitans, n’a aucun sens) sont en fait franchement languedociens ou tolosans, et totalement inconnus de par mes contrées natales.

 

Alors, j’arroumègue, j’arroumègue… contre les lexicographes.

Petit Mesclun

Le croustillant de queue de bœuf, accompagné de quelques verres de Chinon Olga Raffault 2003, au Petit Mesclun, est délicieux.

 

Cela méritait d’être écrit.

Fauteuils de Juliette Gassies

Qu’est-ce que j’ai bien pu écrire de si affreux, sur les nageuses de Juliette Gassies, qui ait pu dérouter l’artiste ? J’écris ces lignes sans accès à la Toile, ni, du coup, aux archives de ces carnets.

Toujours est-il que le galeriste des Bons Enfants m’a raconté aujourd’hui qu’il lui avait laissé entendre que c’était de l’humour…

Je n’avais pas vraiment aimé ces nageuses, assurément, mais l’artiste ne me laisse pas indifférent, loin de là : la nouvelle série, de trois fauteuils, nous a totalement séduits, C. et moi.  Cette série joue sur un faux bichromatisme bleu/rouge, qui se décline, en fait, en infinies nuances de perspective et de coloris. Entre deux fenêtres de salon, face à la lumière vitrée, ce fauteuil rouge, de trois quarts, rend admirablement.

Aux Bons Enfants, à Tours, c’est, demain, le dernier jour pour fouiner dans les nombreux petits formats qu’exposent différents artistes. Mention spéciale pour Carole Boissière, dont la série de six teraku est confondante de maîtrise, de terreuse et ferrugineuse beauté.

********************

 

P.S.: Vérification faite, voici ce que j'écrivais le 9 décembre : "Le galeriste défend avec maestria la série des nageuses, qui est de Juliette Gassies, je crois. Pour moi, c'est quasiment irregardable. Et il y a pire encore."

C'était assez méchant, en effet. À les revoir auprès de ces beaux carrés représentant les fauteuils, les nageuses sont, tout de même, regardables. Mais ce goût pour de fades silhouettes n'est pas ce qu'elle fait de mieux, je le maintiens. Il faut comprendre la phrase "il y a pire encore" comme suit : dans la note du 9 décembre, je ne parle que des artistes qui m'ont plu.

14:20 Publié dans BoozArtz | Lien permanent | Commentaires (6)

Chanson bas

Composé en marchant, rue de l'Anguille,

jeudi vers trois heures.

 

Vous n'êtes plus personne

Que le vent abandonne

Que la marée moissonne

Que le feu désarçonne

 

Vous n'êtes éperdu

De ce malentendu

De n'avoir étendu

Vos bras vers l'inconnu

 

Que l'orage résonne

Vous n'êtes plus personne

Que la peur emprisonne

Que ma bouche fredonne

 

Lalala lala lalalalala

Lalalalala

Lalalalala

 

jeudi, 26 janvier 2006

Hommage à Richard (Au vent la lettre II)

Namibie...

Algie...

Corolle infinie ?

Encore la Namibie.

 

La nostalgie du balanin.

 

Lit 1101

Ne nous méprenons pas. Le texte publié hier dans ce même livre de comptes, ce louvre de contes, ce havre de lave, n’était pas pur jeu d’égotisme. Il est bon, je pense, de lire Le Livre des mines comme un tout. Après l’échec du carnet dédié à l’écriture de fictions interactives, je procède par mélange et alternance. Tous les jours, à l’heure du dîner filial, se publie, toujours programmé à l’avance, un billet qui ajoute son sédiment de phrases au Livre.

 

Il est, imberbe, défiant les cieux, prêt à livrer, pour chacune des images de son adolescence, un poème en prose. Il reste au lit ; ce lit est à moi.

 

Tragique coup de tonnerre...

... dans la blogosphère : le Vrai Parisien, styliste fin et humoriste implacable, annonce l'arrêt de son carnet. Je vous invite à le découvrir, si ce n'est déjà fait, et, dans tous les cas, à déposer vos hommages parmi les commentaires.

Chariots colorés

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La flèche de Zénon arrive-t-elle au but ?

mercredi, 25 janvier 2006

Compte de mots

[14 h 40. Ce billet est le premier, du Livre des mines, que j’écrive ailleurs qu’à la table du salon ; je suis au bureau baigné de soleil. Il fait chaud derrière les vitres. La plupart de ces textes ont été conçus en déplacement, déambulant. Puis écrits au salon.]

 

 

Ce livre est à moi, cette sale mine est à moi, ce style est à moi, cette énumération longue, lourde et laborieuse, est à moi, ce stylo et ce clavier sont à moi, avec lesquels j’écris des masses de mots. Ce livre est à moi, cette voix est à moi, et dans le miroir le matin cette mine est à moi. Ces lèvres sont à moi, se fendillent légèrement, s’ourlent ou rentrent dans la carapace ; c’est alors que j’ai l’air d’une cistude. Ces lèvres sont à moi, et ce livre est à moi. Ce carnet est à moi, cette plage est à moi, noyée par le soleil, baignée par les embruns. Ce silence est à moi, ce tapotis clapotant des doigts dictant les dix ou cent dix lignes à l’écran est à moi, oui, ce livre est à moi, il ne fait que commencer.

 

Cette danse est à moi, cette abondance est mienne. Cette voix est à moi, ces mélopées, ces vélocités, ces dégueulandos sont à moi. Ces plaintes sont à moi, ces rayons de soleil me transperçant la joue sont à moi de toute éternité, et si la voix vitreuse est à moi, je survis.

 

Ce diable est à moi, ce diable c’est moi, ce monologue est à moi, cette furieuse envie d’écrire n’est à personne d’autre. Cette danse est mienne, abondance de moi roulant mon abdomen dans les draps. Ce lit est à moi, ce lieu est à moi, ce regard de vampire et d’amant posé sur toutes choses.

Je lève, vainqueur, la conque au-dessus de ma tête. Plein dans le mille, ce livre est à moi, à nul autre.

Seuls pharaons

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Antonio n’aime pas beaucoup Zool. Que cherche-t-il, par ici, du bout des doigts ? Zool le fureteur, grillon du foyer et folle du logis. Antonio lit tout ce que l’on écrit sur eux : l’un qui s’entoure de musiciens aussi reluisants que lui (c’est tout dire) pour mieux creuser la solitude de ses harmonies intimes, et l’autre qui se place seul face au piano pour mieux peupler le silence de figurines, de compagnons de débauche ; l’un qui, latin, distille les chaleurs, tandis que l’autre, saxon, propose ses carnavals glacés. Des foutaises ! un foutoir de notes ! remballe !

 

Zool aime bien Antonio. Peut-être serait-il plus juste de dire qu’il aime bien quand il croise le regard agacé d’Antonio. « Tiens, il a l’air énervé » semble-t-il dire, d’un regard innocent et plein d’incompréhension naïve. Zool est un musicien de verdure, et Antonio hume, à pleins poumons, l’air de la nuit profonde.

 

Je prête l’oreille à Zool ; la toile blanche qu’il tend aux trous du vent, pectinée à peine de douces mouchetures, je l’entends claquer, flotter, blanchir les ombres. Il va sinuant si près du sol que sa musique envoûterait les cimes.

 

Tandis que je pianote, je prends garde de ne pas éveiller de vieux démons, de ne pas cogner trop vivement, je veux que les touches se suivent de façon harmonieuse, comme si je jouais la partition prodigieusement délicate de Zool. Comme si je jouais, dans mon coin, avec Ira et Jeff, je veux que les armes reposent en paix, sans colère, je galère laborieusement pour mentir en mots, tandis que je pianote.

 

Je prête l’oreille à Antonio, farouche, bondissant, coloriste et sang de feu. Vous, Zool et Antonio, l’alpha et l’oméga, les deux frères que je n’eus pas, je tends les bras vers vous, dompte le lion mélancolique, tire gentiment l’oiseau de sa noirceur pantomime, et je les présente l’un à l’autre.

 

Qu’ils s’aiment vraiment, profondément, effrontément… qu’ils s’aiment ou non, ce sont mes seuls pharaons.

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Propos de garçonnet, 20

Le saucisson de la cantine était extrêmement dur, aussi dur que de la chair de poule.

mardi, 24 janvier 2006

Clong

Mardi, deux heures de l’après-midi.

Il est presque dix heures du matin ; je me sers la première tasse de thé, et l’odeur du lapsang souchong, dans l’air frais de la grande pièce de vie que commencent à chauffer les rayons vitreux du soleil, me ramène onze ans en arrière, dans ma thurne rue d’Ulm, où la théière de lapsang souchong accompagnée de biscuits Speculoos (achetés au kilo au supermarché Ed) constituait mon habituel petit déjeuner.

J’avais même, l’été suivant (ou était-ce l’été 1994 que je m’attaquai à Féerie ?), composé le petit poème minimaliste suivant :

 

on buvait du lapsang souchong

clong la théière faisait clong

contre les mugs

 

Ce doit être mon premier thé fumé de l’année. Bonne année !

 

Ni amble ni trot...

Pauv’ minable !

Si l’on cherchait à retranscrire l’accentuation de cette exclamation lâchée, parfois, par gros temps, entre deux ennemis de misère, cela donnerait sans doute

pAUV – miNAble

.

le mi disparaissant sans bémol dans l’ombre du pauvre, à moins que l’on ne préfère, pour plus d’emphase, ne pas amuïr le e final de pauvre, ce qui permet à la voix courroucée de rebondir sur le début de minable :

Pauvre – MInable

.

.

Ni trot ni amble, est-il possible d’envisager d’autres situations, d’autres accrocs, d’autres accents ? [Il est, en ces lieux, des spécialistes de phonologie. Ce n’est pas mon cas.]

“On n’arrête pas le regrès”

Je m’étais imaginé, il y a quelques années, en écoutant une communication de mon collègue Marc Chemali, que le titre de son étude consacrée à l’œuvre de Tolkien, « On n’arrête pas le regrès », était un jeu de mots qui se doublait d’un néologisme. Or, je découvre, feuilletant le Robert culturel, que ce terme (que le vérificateur orthographique de mon logiciel de traitement de texte ignore et souligne d’une minivague rouge) est attesté depuis 1907.

 

L’entrée est même illustrée d’une citation… de Barthes, évidemment.

 

Par ailleurs, une recherche rapide du terme regrès dans le moteur de recherche le plus hégémonique qui soit et dont le nom contient pas moins de deux g, en se limitant aux pages "en français", donne surtout, comme résultats, des pages en espagnol ou des pages françaises dont l'auteur fait une faute d'orthographe au pluriel de regrets !

 

Rien sur Barthes ni sur Tolkien !

Big William is watching you

Ce n'est guère intéressant, mais je voulais vous informer que ce carnétoile reçoit, depuis ce matin, vers quatre heures, des visites régulières d'une personne (ou d'un programme automatique?) connectée à un ordinateur de l'Université Technologique de Compiègne.

Mystère...

12:50 Publié dans Ex abrupto | Lien permanent | Commentaires (3)

Taux de chômage et thermomètre

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C'est comme ça en France aussi...

11:35 Publié dans Ex abrupto | Lien permanent | Commentaires (0)

Manhana de carnaval

Tours, 8 h 50.

Une journée qui commence bien...

Comme il fait froid, comme A. est enrhumé, je lui propose de l'emmener à l'école en voiture, ce que nous ne faisons jamais. Il accepte, après avoir tout d'abord déclaré qu'il préférait marcher comme d'habitude. Le temps d'installer le siège pour enfant, d'ouvrir les portes métalliques du garage, de sortir la voiture, de refermer les portes, de faire le trajet, de trouver une place de stationnement près du chantier, puis de faire les cent mètres restants jusqu'à l'école, cela prend plus de temps qu'à pied, mais bon... Je m'aperçois, au moment de détacher A. de son siège, que nous avons oublié de prendre son sac (qui ne lui sert à rien, il y a seulement des vêtements de rechange dedans - mais la force de l'habitude fait qu'on ne peut aller à l'école sans sac, n'est-ce pas?) ; nous repartons, revenons, nous garons (encore plus loin évidemment). Entre-temps, A. m'a répété au moins dix fois, sans ironie, que "c'est plus court, en voiture".

Une fois que je l'ai posé à l'école, je reprends la voiture, me disant que, tant qu'à faire, je vais aller, comme mardi dernier, place Paul Bert, faire les courses de boucherie. La boucherie est fermée, à partir d'aujourd'hui, pour congés annuels. J'ai oublié mon appareil photographique, alors que je voudrais publier, dans ce carnet, des images de l'église. L'étal du maraîcher ne me dit rien.

Je reprends la voiture, manque de me faire esbigner (comme dirait une collègue) par un groc en 4x4 qui ne sait pas lire les panneaux de priorité par flèches, rentre à la maison, dois ouvrir une bonne demi-douzaine de volets. À présent, la fin du paquet de copies d'analyse littéraire de troisième année m'attend.

Il n'y a rien de véritablement contrariant, dans tous ces épisodes dérisoires ; c'est peut-être ce rien qui est le plus agaçant.

45

Jadis, un serrurier de Vou

Devint complètement fou :

Il vit un champ de blef

Où poussait une clef.

(Pas glop ! Pas glop ! dirait Pifou.)

 

Pas parce : autres exemples

Ce n’est pas parce que tu as une fleur de lys sur ton habit que tu dois régner aussi longtemps que Louis XIV.
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Ce n’est pas parce que les papillons s’envolent vers de nouveaux pays chauds que les libellules doivent rester.
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Ce n’est pas parce que le cheval est loin que le ruban est un garçon.
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lundi, 23 janvier 2006

Vendredi 13, laisse en pas

 

Le chien traîne avec lui sa laisse, mais il a dû remiser son maître quelque part dans les recoins sombres du parc du Musée des Beaux-Arts. Un homme d’une quarantaine d’années le regarde passer, d’un air amusé. Cet homme, que je guette depuis une heure et demie, et que j’ai filé jusqu’à ce point de rencontre habituel, semble épier, de son côté, une jeune femme, peut-être une étudiante déjà bardée de diplômes. Le quadragénaire allume une cigarette en observant le chien d’un air maintenant goguenard. Puis il prend quelques notes dans un carnet tout en scrutant les moindres détails du visage et de l’accoutrement de la jeune femme. Je la regarde à mon tour.

 

Deux policiers à cheval, un homme et une femme, passent, demandent à un vieux de déplacer son véhicule, qui mord largement sur une place réservée aux invalides. L’un des chevaux, beau et bai, esquisse un hennissement que la cavalière a tôt fait d’adoucir, d’une tape douce mais stricte. Le vieux dégage. Les flics se taillent. Ma proie, la jeune femme et moi poursuivons notre manège. L’absent tarde à venir, pour forclore le quadrille.

 

Le chien délaissé frôle la pierre de la cathédrale avant de filer vers la rue Colbert.

 

Dans une semaine, au Salon d’Information des Lycéens, tu verras Jean Germain, l’actuel maire de Tours, se retourner au moment de frôler le stand que tu occupes, et lancer, goguenard, à un homme qu’il vient de saluer : « C’est sûr, on ne sait plus quoi faire à l’UDF, maintenant… ».

 

 

 

) Droits réservés texte et photographie.
Image prise le 1er octobre 2005, place de Châteauneuf. (

Les Trois Glorieuses

« Nos trois jours, c’est une horreur… »

 

En 1830, Pierre-François Lacenaire tournait, en sa tête, sa conversion ironique.

Je crois aux dieux du Nil et de l’Euphrate,
Ciboule, oignon, dieux qu’on mangeait tout crus ;
Je crois aux Dieux de Platon, de Socrate ;
Je crois encore aux dieux de Mélitus ;
Je crois aux Dieux du bonhomme Tibère,
A tous les Dieux du vieux pays latin,
A tous les Dieux qui ravagent la tere,
Je crois au Dieu de Constantin.

 

.

 

Je me nourrissais, pour ma part, d’abats jetés aux chiens, emplissant mes bajoues à la manière de la grenouille du fabuliste.

 

 

Comme un mauvais moine, en 1830, je dépérissais. Mais le glas, au clocher de la collégiale, me retrouva, vagabond, nu comme un ver.

Le démon de l’association

De la table du déjeuner, une longue giclée d’orange sanguine atteignit le plancher, en parquet flottant. Peu s’en fallut que les grosses gouttes rosées ne tâchassent mon chandail (qui s’en serait remis) ou l’une des innombrables copies d’examen qui jonchaient la table, hâtivement repoussées pour permettre au tâcheron de se sustenter. L’image de ces gouttes vastes et violentes, que j’essuyai d’un coup de chiffon vigoureux, fit naître devant mes yeux quelques réminiscences de Kill Bill, vu tout récemment. En dépit de l’inévitable distanciation que provoque le mélange grossier d’humour décalé et de parodie propre à Tarantino, la violence de ce film demeure, et m’a choqué, sans doute comme pour C., qui avait pris à cœur certaines scènes de Casino : dans ce cas précis, le génie de Scorcese avait fait, de mon côté, passer la pilule.

 

Ces quatre ou cinq gouttes d’orange sanguine venaient clore, en point d’orgue, un repas fruste mais délicieux qui avait pour charnière trois œufs sur le plat ; il se trouve, pensais-je en faisant la vaisselle et en regardant, pour une énième fois, la reproduction de l’une des versions de la Vierge de Munch qui est collée à l’un des carreaux au-dessus de l’évier, que j’avais écrit, adolescent, un mauvais poème dont l’image principale était l’analogie, pour un prisonnier devenu anorexique et anémique, entre le jaune d’œuf servi à la cantine et le sang de son crime.

 

La carte postale qui représente cette Vierge peinte en 1895, achetée en 1998 à Paris lors de la grande exposition consacrée au Fauvisme en Europe, a longtemps orné l’un des côtés de l’étagère de bois blanc fabriquée par mon grand-père maternel, et qui servit, dans notre appartement puis notre maison de Beauvais, de séparation entre salon et salle à manger.

 

La vaisselle faite, j’écrivis les quelques bribes de phrase qui devaient me rappeler l’essentiel de ce billet à l’encre rouge (celle dont j’usais pour corriger les copies d’examen que n’avaient pas effleuré les gouttes de jus sanguin), puis, la cartouche faisant flic, à l’encre verte.

 

 

………

En écoute (en boucle) : « Rag » de Julien Jacob (album Cotonou. Wrasse Records, 2005. WRASS 138)