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jeudi, 16 juin 2011

Du finno-ougrien en milieu piscicole

Je veux bien que le finno-ougrien constitue une famille linguistique, mais quand on voit que la truite arc-en-ciel se dit Kirjolohi en finnois et Szivárványos pisztráng en hongrois, on aurait plutôt envie d'apprendre le finnois.

(Quoique.)

Truite arc-en-ciel. Aquarium du Val de Loire (Lussault-sur-Loire), 13 juin 2011.En cliquant sur l'image, vous accèderez encore à d'autres élucubrations. (Ses blogs ne lui suffisent pas, il faut qu'il déblatère sur FlickR. Mais oui.)


 

 

dimanche, 01 mai 2011

An (Irish) avant-gardener

Comme j’ai lu Changing Places au cours de la première semaine de vacances pascales, j’en copie ici un extrait, histoire d'en marquer le déroulé au fer vert. (Petit roman de David Lodge, bien écrit, drôle, très vain et passablement daté. Exploration poussive de la multigénéricité.)

En choisissant cet extrait, je pense à mon collègue Stephen (qui m’avait parlé du professeur Zapp lors d’un déjeuner le 1er avril), à Olivier Bab, à Renaud Camus (à son concept de tchernobylisation, notamment), et… à moi, qui suis censé être – aussi – spécialiste de lexicologie et d’humour britannique.

 

O’Shea is what you might call an avant-gardener. He believes in randomness. His yard is a wilderness of weeds and heaps of coal and broken play equipment and wheelless prams and cabbages, silted-up bird baths and great gloomy trees slowly dying of some unspecified disease. I know how they must feel.

(fin d’une lettre de Morris Zapp à sa femme, Désirée

Changing Places, 30ème réédition Penguin, 1991, p. 128)

dimanche, 27 février 2011

D'autres 27 février

Candes-Saint-Martin (Indre-et-Loire), 27 février 2007.Médiathèque François Mitterrand, à Tours : autoportrait et détail de la façadeEglise Saint-André. Sauveterre-de-Béarn, 27 février 2009.27-février 2010, HP 067

Quelques figures. Danse, danse avec ta jambe. Un chanoine, une tronche de jambon. Des chiffres (le parfait 1111). Une colonne sèche, la fumée remonte des souvenirs. Le chanoine contemple cinq chapiteaux, à la fois, vaillant petit prieur.

 

mardi, 14 décembre 2010

Un peu, mon neveu

Le Prix National de l'Euphémisme Journalistique vient de trouver son candidat favori.

En effet, après avoir expliqué que des députés finiens et des députés de la Ligue du nord s'étaient bagarrés dans l'enceinte du Parlement lors du vote de confiance, puis que l'incompréhension avait entouré le vote favorable à Berlusconi de certains élus de gauche, et qu'enfin tout cela se déroulait sur fond d'une enquête du parquet de Rome relativement à des voix "achetées" (et donc à un véritable système de corruption allant au-delà du clientélisme), l'envoyé permanent de France Infos à Rome a enchaîné en parlant de "climat un peu délétère".

vendredi, 10 décembre 2010

Mort d'un personnage.

Un autocar vénérable, jaune et gris, au terme de son parcours s'est garé au bord de la piste, et va faire demi-tour. Je ne peins palettes, je peins l'épaisseur. (Ce pourrait être l'aphorisme désignant au monde ébahi (ébaubi ?) la folie de mon père pour les palettes de chantier, bois dont il se chauffe ?? non !!bois dont il fait ni!!choirs pour les OISEAUX.) Et ce car à palindrome, alors ? Un dromadaire s'enfuit, trop hâtivement, comme s'il volait au-dessus de la ligne interminable du sable saharien. Car marocain à Tours (détail)Droit comme un i, Bernard soulève un peu la tête, mèche furibarde et regard en billes de loto. Il me fixe, il est fou. Car c'est une chose que je sais, car c'est un matin. Il n'y a pas le feu, écrit-il avec son stylo quatre couleurs (comme si les points de suspension...). Bernard est-il vraiment heureux de cartonner ? D'envoyer paître ? (L'accordéoniste se nomme Guy Klucevsek. L'accordéoniste se nomme Guy Klucevsek.) Alors, Bernard se ravise, change son fusil d'épaule, franchit le feu rouge sans regarder ni à droite ni à gauche ; il change aussi (M. Swann, le père, était agent de change.) de direction, et même de rythme de marche ; ne dirait-on pas qu'il change d'allure, et, qui sait (M. Swann, le père, était agent de change.) de taille, de démarche, au point qu'on pourrait finir par s'imaginer, que s'il faisait demi-tour (vénérable, jaune et gris), il n'aurait plus même cette rectitude (droit comme un i) et cette folie qu'il exsude par tous les pores. A quoi servent toutes ces ratures ? (Vous êtes fort comme un Turc.) Car marocain à Tours (détail)Bernard est au bord du cratère.

False eyelashes made out of dead fly legs ? Unsavoury indeed. Bernard est au bord du cratère.

Reprenons autrement, voulez-vous ? Sur un banc, vers le fond du jardin, est assise une femme très âgée. Reprenons autrement, voulez-vous ? Bernard, furibard encore mais ayant changé de démarche, droit toujours mais comme un palindrome, se tient, droit toujours, au bord du cratère. Qu'est-ce qu'il vase. Il ne vacille pas. Il ne vacille pas. Penser à Anatole l'aide à tenir bon. D'où (parti de l'université, en pleine cité) peut-il se retrouver au bord d'un cratère ?

Reprenons autrement, voulez-vous ? Le scripteur, alignant des pattes de mouche sans saveur, a fini par se livrer différemment (Reprenons autrement, voulez-vous ?) à son petit jeu de collages, et choisit la phrase la plus proche (juste avant, juste après), de sorte que la référence à la suite de lettres (ORC, COR, ROC) n'est pas immédiatement (ni même médiatement) trouvable --Car marocain à Tours (détail)-- si j'ose risquer ce vilain adjectif. Tout de même, ils exagèrent. D'où ce cratère ? A quoi ces ratures ? Et ce palindrome près du dromadaire ? N'a-t-il pas l'air d'un Romain ? (Pourquoi voulez-vous qu'il soit étranger ?)

Fragments de mains, de bras soulevant les rideaux : le scripteur, les voyant, se ravise encore (comme Bernard, le fou, j'y songe), et trouve une échappatoire au triangle infernal que forment le palindrome, le dromadaire s'envolant au-dessus de la ligne de sable et l'ombre portée du feu tricolore. Il multiplie les couleurs, les flèches dans la marge du manuscrit, les ajouts et les ratures. Il écrit une phrase de cent quarante-trois mots (j'ai compté) pour décrire ces mouvements furtifs de bras, qui donnent plus de pesanteur à la démarche aérienne du dromadaire. Car marocain à Tours (détail)Puis, jetant un dernier regard au banc où la femme très âgée lit un vieux volume des Jalna (ce n'est pas un palindrome), il pose la pointe du stylo quatre couleurs sur la tête maintenant éméchée de Bernard (au bord du cratère), et le pousse d'une légère pichenette qui, le faisant vaciller, le condamne à ne plus fulminer.

Alors, le scripteur repose le stylo et inspire profondément, fermement décidé à se reposer au gré d'un vent léger, où flottent les senteurs vives des lilas blancs.

dimanche, 28 novembre 2010

Codicille aux "Kids"

Nada dérobe des lipsticks aux filles pas encore mortes pour que son amie Refka n'est plus l'air d'un rat. Sedhika air dans la brume tel un épervier. Ils ont tous l'appétit de vivre malgré tout et apprennent l'anglais dans l'espoir de s'en servir un jour prochain. Plus forts que tous, leur vies continuent à travers des cries, des rêves, de l'amour et des jeux. (Louise Bouillon)

 

Au vu de ce bref extrait, je crois surtout que les "kids" de Touraine devraient apprendre le français, mais bon...

Petit jeu : signalez les 3 fautes de français correspondant au programme de l'école élémentaire. Les francophones âgés de plus de 12 ans n'ont pas le droit de jouer ; ce serait trop facile. Un bonus à celle/celui qui trouvera la 4ème faute (d'orthographe) et qui rétablira la ponctuation.

samedi, 27 novembre 2010

De taie pas l'once

L'oreille est ce que la pile ose.

(En traversant le sens : on s'aide des mots comme de radeaux mal ajustés, pirogues qui prennent l'eau.)

 

Quand j'ai connu ta mère, elle dormait sur une limande. Maintenant, il lui faut une baleine. Et ça, c'est le dessus de lit, on ne la borde pas car on la repousse pour dormir. Mes cheveux sont en courte pointe.

 

Après la nuit, avec qui sa limande qui sa baleine, allongé, en chien de fusil ou assis comme à la Renaissance.       Au petit déjeuner, sans perte ni fracas, surtout laisser le bol s'taire.

 

dimanche, 21 novembre 2010

Feignant de s'étonner

Comme C. a écrit, dans un mail qu'elle m'a envoyé (oui, on peut travailler dans le même bureau, at home, et s'envoyer des mails - la vie moderne), faignasse, j'ai voulu vérifier si cette orthographe était acceptée, en alternative à feignasse.

Et là, stupeur ! j'ai toujours cru que fainéant, étant courant voire soutenu, était le terme originel, et que feignant, adjectif ou nom familier, en était la corruption ou l'altération. (Peut-être me suis-je vu confirmer cela, à une certaine période très germaniste de mon existence, par le fait que fainéant se dit Taugenichts en allemand...) Or, après vérification, feignant est attesté dès la fin du XIIème siècle ; il s'agit bien du participe présent de feindre (le feignant = celui qui feint de travailler). Et fainéant, donc ? Nettement postérieur, c'est ce mot qui est une altération, selon une rationalisation erronée attribuant à feignant l'étymologie "faire néant".

 

[ J'adore ces phases, dans l'histoire d'une langue, où des semi-érudits (dans mon genre) pleins de bonne volonté ont pensé corriger et simplifier une langue, semant en fait un bazar insensé. (Exemple : l'invention du verbe burgle en anglais, dérivation inverse de la plus belle eau.) ]

 

Si j'ai pu me laisser duper, c'est tout d'abord que l'étymologie de fainéant est tout à fait transparente (et pour cause : il s'agit d'une réinterprétation, un peu comme les étymologies à la Heidegger), mais aussi (surtout ?) qu'entre un terme courant et un terme familier, on a tendance à penser que le mot familier est une corruption du mot plus "noble". Pan dans les dents !

(Et c'est là un sujet bien choisi, qui tombe bien, bien-tombant, pour un dimanche pluvieux de novembre, à l'heure de la sieste !)

 

lundi, 08 novembre 2010

Résister au sublime

Vallée de l'Escandorgue, Hérault. 7 août 2010.

 

       Clive kept on because the shrinking and apprehension were precisely the conditions – the  sickness – from which he sought release, and proof that his daily grind – crouching over that piano for hours every day – had reduced him to a cringing state. He would be large again, and unafraid. There was no threat here, only elemental indifference. There were dangers of course, but only the usual ones, and mild enough; injury from a fall, getting lost, a violent change of weather, night. Managing these would restore him to a sense of control. Soon human meaning would be bleached from the rocks, the landscape would assume its beauty and draw him in; the unimaginable age of the mountains and the fine mesh of living things that lay across them would remind him that he was part of this order and insignificant within it, and he would be set free.

Today however, this beneficent process was taking longer than usual. He had been walking for an hour and a half and was still eyeing certain boulders ahead for what they might conceal, still regarding the sombre face of rock and grass at the end of the valley with vague dread, and still pestered by fragments of his conversation with Vernon. The open spaces that were meant to belittle his cares, were belittling everything: endeavour seemed pointless. Symphonies especially: feeble blasts, bombast, doomed attempts to build a mountain in sound. Passionate striving. And for what? Money. Respect. Immortality.

 Amsterdam, III, iii

Coup de rabot

 

"Dans son acariâtre passage l'auto produit l'effet d'un coup de rabot sur la planche de la route d'où les piétons s'épivardent, recroquevillés en boule comme des copeaux, vers les bords et le fossé." (La Randonnée. 1932. Rougerie, 1978, p. 10)

 

 

Salut

"Ce matin, les lourds menhirs de Lagatjar n'arrivant pas à temps pour maîtriser notre escadron-vapeur, nous voilà déjà loin de l'ample salut de mon camarade Ping-Ping, le fossoyeur ancien qui vit tant de Camarétois partir pour le pays littéraire d'Hamlet."

(Saint-Pol Roux. La Randonnée. 1932. Rougerie, 1978, p. 8)

 

Vendredi soir, aussi, encore, je me trouvais au Petit Faucheux. Marc Ducret, embarqué entre Hamlet et bitumaisons, était encore mieux qu'égal à lui-même ; les compositions jouées par l'ensemble Cairn, en revanche, m'ont ennuyé - trop d'avant-gardisme, ou deviens-je vieux con plus regardant ?

vendredi, 05 novembre 2010

Prolepse II : paysage de l’âme & intime requête

Occasionally, as the train gathered speed and they swung further away from London, countryside appeared and with it the beginnings of beauty, or the memory of it, until seconds later it dissolved into a river straightened to a concreted sluice or a sudden agricultural wilderness without hedges or trees, and roads, new roads probing endlessly, shamelessly, as though all that mattered was to be elsewhere. As far as the welfare of every other living form on earth was concerned, the human project was not just a failure, it was a mistake from the very beginning.

If anyone was to blame it was Vernon. Clive had travelled this line often in the past and had never felt bleak about the view. He couldn't put it down to chewing gum, or a mislaid pen. Their row of the evening before was still sounding in his ears, and he worried that the echoes would pursue him into the mountains and destroy his peace. And it was hardly just a clash of voices he still carried with him, it was growing dismay at his friend's behaviour, and a gathering sense that he had never really known Vernon at all. He turned away from the window. To think, only the week before he had made a most unusual and intimate request of his friend. What a mistake that was, especially now that the sensation in his left hand had vanished completely. Just a foolish anxiety brought on by Molly's funeral.

Amsterdam, III, i

jeudi, 04 novembre 2010

Prolepse, I : adjectifs toponymiques, avaler la ciguë

His proper business in life was to work, to finish a symphony by finding its lyrical summit. What had oppressed him an hour before was now his solace, and after ten minutes he put out the light and turned on his side: there was always work. He would walk in the Lake District. The magical names were soothing him: Blea Rigg, High Stile, Pavey Ark, Swirl How. He would walk the Langstrath Valley, cross the stream and climb towards Scafell Pike and come home by way of Allen Crags. He knew the circuit well. Striding out, high on the ridge, he would be restored, he would see clearly.

 

 He had swallowed his hemlock, and there'd be no more tormenting fantasies now. This thought too was comfort, so that long before the chemicals had reached his brain, he had drawn his knees towards his chest, and was released. Hard Knott, Ill Bell, Cold Pike, Poor Crag, Poor Molly…

 

Amsterdam, I, ii

mardi, 02 novembre 2010

Rôti, lampes

She thinks of how the newly buried remain all night in their graves, after the mourners have recited prayers, laid down wreaths, and returned to the village. After the wheels have rolled away over the dried mud of the road, after the suppers have been eaten and the bedcovers drawn down; after all that has happened the grave remains, its flowers tossed lightly by the wind. It is frightening but not entirely disagreeable, this cemetery feeling. It is real; it is all but overwhelmingly real. It is, in its way, more bearable, nobler, right now, than the beef and the lamps. She descends the stairs, walks out onto the grass.

(Michael Cunningham. The Hours. Picador USA, p. 165)

vendredi, 15 octobre 2010

Merle-pie (Thierry Beinstingel)

Merle-pie

 

La première fois qu'on voit l'oiseau, passant en rase-mottes au-dessus des rosiers pour disparaître à l'ombre d'un buisson, on a la vision d'une pie en négatif: la tête blanche au lieu d'être noire, mais la même redingote de chef d'orchestre pour le reste des plumes. Les pies, on les connaît cependant. Des effrontées. Pas le genre à passer en coup de vent pour aller se cacher. Plutôt à se poser devant vous, l'œil brillant de colère, le cou déjeté, grattant furieusement le gazon, caquetant, semblant dire : on est chez nous, on vous tolère tout juste. Rien ne les dérange, ni la voiture, ni les mouvements, ni les bruits. La vue du chat les met en rage. Mais ce sont de bonnes gardiennes : pas une fois elles n'auront permis à un corbeau de s'installer dans le jardin. Ce n'est pas négligeable, ils sont nombreux à tourner dans le coin à la recherche d'un nid à occuper, d'un arbre à coloniser. Si on les laisse venir, c'est fini, ils appellent leurs copains, la famille, et ce sont des croassements à n'en plus finir, une ambiance de Toussaint et de pluie incessante à vous foutre le cafard pour le restant de vos jours. Les pies sont hargneuses mais plus discrètes : commérages brefs, chacun chez soi.

 

On revoit le volatile plus tard, toujours de façon fugitive, éclair blanc et noir d'un vol rapide, vite caché dans le fouillis des branches. C'est un oiseau craintif d'abord. On insiste pour l'observer, mais même l'immobilité derrière la vitre le fait fuir. Et puis il s'habitue au fil des jours et du printemps chantant qui s'avance, fait éclater les bourgeons, pousser les jonquilles et les primevères. Un matin, il reste perché sur un rameau devant la fenêtre, à découvert. On a le temps de l'observer : la tête d'une mouette, toute blanche avec un bec jaune, la redingote de la pie, mais comme trop grande pour lui, l'allure et la dimension d'un merle. L'oiseau ne ressemble à rien de connu. On consulte des livres, Internet. On se rend à la bibliothèque. On fouille dans les encyclopédies. Pie-grièche ? Pinson ? Pic épeiche ? Non, vraiment, il ne ressemble à rien. Et puis on oublie, on passe à autre chose dans la valse des jours.

 

Un matin, au moment où l'on sort la voiture du garage, le fils dit : il est là, dans les rosiers. Occupé à fouiller la terre de son bec jaune, il ne pense pas à s'enfuir, ou plutôt, comme les autres, il s'est habitué, il sait qu'ici il ne craint rien quand le chat reste à l'intérieur et ce fainéant de matou ne sort plus guère. Vite, l'appareil-photo. Plus tard on envoie les clichés à la Ligue de protection des oiseaux. On me répond deux jours plus tard, à la manière de l'obstétricien qui pénètre dans la chambre de la jeune accouchée : c'est un mâle, un merle ! On me précise qu'il est atteint de leucysme, un défaut de pigmentation dû à une mauvaise synthétisation de la mélanine contenue dans les plumes et qui provoque cet albinisme partiel. Il paraît que c'est assez fréquent chez les turdidés, mais que le spécimen qui hante mon jardin est particulièrement étonnant avec sa répartition homogène, bien marquée et symétrique entre les zones blanches et noires.

 

On le revoit deux jours plus tard dans le crépuscule propice aux ébats des merles. Il y en a toujours un de perché au faîte d'un toit et qui lance ses trilles incessants dans un ciel épuré des averses de l'après-midi. C'est l'heure tranquille où la pesanteur du travail se laisse choir comme un paquet de linge à laver. On s'accoude à la fenêtre ouverte, désœuvré. Les autres mâles restent au sol, se chamaillent, plastronnent comme de jeunes hommes aux abords d'un bistrot, parlant de foot et de filles. L'albinos est là, sensiblement plus gros que ses frères en livrée noire. Il en impose, roule des mécaniques. À l'ombre des buissons, une merlette couve peut-être ses œufs, futurs petits oisillons en redingote de pie.

 

(Thierry Beinstingel. Bestiaire domestique. Paris : Fayard, 2009, pp. 159-62)

dimanche, 10 octobre 2010

Rapidité humaine

Je cherche à déterminer si l'expression la Rapidité humaine a une quelconque réalité langagière, et plus je répète les mots rapidité humaine, rapidité, la Rapidité, moins ces mots ont de sens, plus me paraît bizarre, curieux, invraisemblable presque, ce mot de rapidité, rapidité, rapidité, rapidité... Plus me paraît, inversement, normaux, banals, sans insolite, les mots de prestesse, agilité, vélocité, hâte, précipitation, vitesse et même (sans rapport autre que sonore) prestance.

 

(10 h 10 le 10.10.10.)

lundi, 20 septembre 2010

Travaille dur

Comme j'arrive très tôt au travail, longtemps avant elle, je dépose sur le bureau de Christiane une sorte de haïku hétéromètre et tri-rimant :

attention cafetière allumée

Bonne matinée

GC

 

Tout en conduisant, j'ai pris 17 photos "de traviole", pour ma série des Guingois du lundi. À cette occasion, j'ai appris l'existence (et les usages) de l'adjectif (?) américain (??) catawampus.

Guingois du lundi (Driving to work) 015   Zou, en salle 63. C'est pas loin, mais / Mon bon café refroidit.

 

dimanche, 23 novembre 2008

Bardes gallois

(the opening of a new hall in the art gallery ; the prize-giving at an eisteddfod)

[...] She was hoping for something more personal, something more toothsome.

(Diary of a Bad Year, p. 191)

 

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Elle se retira dans une maison religieuse, sur le prétexte de changer d'air. (La Princesse de Clèves)

(Cf ce que Renaud Camus écrit, sur "hors de pair" et "hors pair". In Le Royaume de Sobrarbe.)

 

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Nor less these lays are yours but more,
  In memory of the Eisteddfod floor
  You flooded with a choral throng
  That poured God's praise a whole day long.

(From : A Celtic Psaltery, by Alfred Perceval Graves, 1917)

 

...................... Aussi .......................... : "Rabbit is good, very good," the ancient quavered, "but when it comes to a toothsome delicacy I prefer crab." (Jack London. The Scarlet Plague.)

 

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Ces jours-ci, je travaille autour de Naipaul, et je creuse la poésie de Meredith, dont on célèbrera le centenaire de la mort en 1909 (en mai, je crois). Dans un beau poème de George Meredith, ce matin, j'ai découvert le substantif ouzel. D'après l'OED : "The (European) blackbird, Turdus merula. More fully (Eng. regional) black ouzel. Now arch. and regional." (C'en est fini du centon dominical.)

lundi, 25 février 2008

Quatre vies, palettes... quatre violons

« Autrefois, on disait octante, mot plus régulier que quatre-vingt, qui est une expression barbare. » (Maurice Lachâtre. Nouveau Dictionnaire Universel [1881]. p. 1190)



 

Tout comme je suis sûr d’avoir déjà lu, dans un autre livre, évoquer le Trille du diable de Giuseppe Tartini – que joue le jeune Federico au cinquième chapitre de Sankt-Petri-Schnee – , je pense n’avoir jamais entendu jouer cette œuvre. Curieusement, le Robert des noms propres (édition 1983, dernier tome, p. 3057) cite plusieurs œuvres de musique de chambre du même compositeur, mais c’est ce Trille du diable, apparemment son coup d’essai, qui est passé à la postérité.

La même édition du Robert des noms propres ignore tout de Leo Perutz, qui fut, de fait, (re)découvert en France dans les années 1980. J’ai grandi près de Tartas ; un dimanche sur deux, quand nous allions en famille voir mes grands-parents à Saint-Pierre du Mont, nous passions près de la papeterie en nous bouchant le nez. Le seul Perutz qui ait droit à une entrée du prestigieux dictionnaire est Max Ferdinand Perutz, Prix Nobel de Chimie 1962. Toujours sur la même double page 3056-7, est reproduite une scène érotique de la Tombe des Taureaux, à Tarquinia : ici même, il y a de cela quelques étés, je lisais Les Petits chevaux de Tarquinia.


 

Brefs feuilletages : je connaissais Tapiès, Tao Chi et Tanguy, mais pas Rufino Tamayo (né en 1899 à Oaxaca). Son guitariste rouge (« Le Chanteur », 1951, Musée National d’Art Moderne, Paris) ressemble à une contrebasse – ses dents à un râtelier de piano – sa main à la pince de Belzébuth.



Michel-Ange et Henry Miller ont tous deux vécu quatre-vingt-neuf ans. Cela, je l’ai appris ce matin.

 

 


[ 13 février 2008 ] 

dimanche, 13 janvier 2008

Utrillo, Blanchot, des mots...

Comme, saisi d'un doute soudain après avoir écrit "trilles vibrantes" dans le texte intitulé Omégalomanies trombonesques,  je vérifiais, dans le Robert culturel qui accompagne mes journées, le genre de trille, je pus constater, non seulement que, si trille est bel et bien masculin, j'ai d'illustres prédécesseurs dans l'erreur, les "claires trilles" de Rimbaud m'incitant à ne pas corriger le texte d'origine, mais aussi que le substantif masculin blanchon, dont l'encyclopédie des animaux d'Alpha confirme qu'il s'agit du jeune phoque, ne s'y trouve pas, alors même qu'il figure en légende sous la fève de mercredi dernier.

vendredi, 11 janvier 2008

Le monde (S'approprier) : Leçon 1

Que tout le jour ait fait grise mine, à se rafraîchir même, ce n'est rien. Neige, non. Une matinée dans les papiers, les prospectus, les affiches, mais aussi : les logiciels (ah !) ! Heureusement qu'au téléphone j'ai aussi pu évoquer les articles de Lyn Hejinian. D'aucun (oui, au singulier, pourquoi pas) a fumé un pétard à Chargé, ça ne s'invente pas. Qui d'autre m'a aussi, forme noble de péril, informé de l'existence de son blog. Au Juanita Banana (trop sombre, trop techno, trop branchouille), la cuisine est savoureuse, quoiqu'elle hésite entre trop d'horizons. Neige, non. On n'a pas réussi pour autant à passer entre les gouttes. L'écoute-bébé réagit aux avions. Bientôt fini de lire Neige, qui me laisse sur ma faim, sans doute parce que les nombreuses imperfections de la traduction gâchent mon plaisir. Des photographies argentiques de Londres, nébuleuses comme les souhaits prononcés sur les ronds-de-sorcière, emmènent la cadence. Ah, le finale du Nonett Nr 2 de Hanns Eisler... Bientôt fini tout bientôt. Neige, nom.

mercredi, 09 janvier 2008

Grand-tante Finesse tape fesse

effet instantané des asperges

Sur la table à tréteaux rouge où se trouve, parmi quelques autres entassements, le vieil ordinateur composite et bruyant, assis sur une chaise cannée – ou faut-il, comme pour les gâteaux, dire cannelée ? – de métal rouge, ayant monté et dévalé dix fois d’affilée les seize marches de l’escalier de bois, j’écris ces quelques lignes, tandis que se téléchargent, sur le vieil ordinateur composite, bruyant et lent, les photographies fades de ces deux derniers jours. Le ronronnement de l’ordinateur couvre presque le son des touches qui claquètent.

effet instantané des asperges

Soudain, l’ordinateur – ou plutôt, son ventilateur depuis si longtemps bruyant – a cessé de ronronner bruyamment, et l’on peut de nouveau apprécier les roucoulades des tourterelles turques depuis longtemps oublieuses du Bosphore, le passage d’une charrue sur le chemin vicinal, le frottement des feuilles, les rayons de soleil brûlants contre les vitres. Dans le Magazine littéraire acheté ce matin chez Caldéra, j’ai lu ce matin même l’article consacré aux deux nouvelles parutions de Roubaud, dont – enfin ! – la nouvelle branche du ‘Projet’. Sous Word, les tirets semi-cadratins s’effectuent automatiquement du moment qu’on laisse une espace de chaque côté du mot ou du groupe de mots à placer entre tirets, mais en revanche

effet instantané des asperges

, il faut ajouter les signes de ponctuation autres, comme les points d’interrogation ou d’exclamation, après coup, sinon la saisie automatique se défile et, laissant en plan le typographe amateur, ne lui offre, pour tout potage, qu’un maigre tiret de rien du tout, à peine un trait d’union, rien de bien folichon. (Je devrais écrire, se dit-il, quelques phrases sur Stefano Bollani ou sur l’album étrange et étrangement beau du trio de Sophie Courvoisier, Ocre.)

effet instantané des asperges

Il n’en fait rien. Roucoulent les tourterelles, la caravane passe. Utrillo peignit les maisons grises délabrées de Montmagny, et moi je rature. Aujourd’hui ce serait la Sainte Famille, mais le calendrier de la banque ne suggère que la saint Roger. L’ombre du petit pot de verre, sur le coffre des vinyles, est à elle seule la chorégraphie de ce jour d’été. Je ne sais toujours pas pourquoi j’ai laissé ouvert mon exemplaire de Degrés à la page 204, près de l’ordinateur composite et bruyant, mais le Magazine littéraire est posé plus près encore, et je sais dans quel but (

effet instantané des asperges

) je l’ai déposé là : il est impossible de savoir qui rédigé les très brèves notices qui « résument », à cheval sur les pages 46 et 47 de cet exemplaire du centenaire (janvier 2008), chacun des ouvrages importants de Simone de Beauvoir, mais il est certain que ce(tte) sagouin(e) ne connaît pas le français. Voyez plutôt le résumé (très erroné également, à ce que m’en dit ma compagne, qui a lu ce roman) des Belles images, publié en 1966 : « Ce roman, dédicacé à Claude Lanzmann, décrit les sentiments d’une femme qui réalise qu’elle a été flouée par la vie. Une critique acerbe de l’hypocrisie de notre éducation. »

Peut-être le roman est-il dédié à Claude Lanzmann, mais il y a fort à parier qu’il a été « dédicacé » à beaucoup d’autres lecteurs, y compris par de tout autres personnes que Simone de Beauvoir (e.g. : à ma chère tantine suffragette, son petit Aymeric). De même, que l’on puisse collaborer à un magazine littéraire et ne pas savoir que « réaliser », au sens de « percevoir » « s’apercevoir » « se rendre compte », est un anglicisme qui sent le cuir, c’est inquiétant. (Au demeurant, cela n’a pas semblé gêner tellement les trois traducteurs d’Istanbul d’Orhan Pamuk, non plus, ni l’éditeur Gallimard : le texte français d’Istanbul est parsemé de ces réaliser laids et contresémantiques.) Enfin, on aimerait savoir à quel nous collectif peut bien renvoyer l’expression « notre éducation » : est-ce le système éducatif français qui est hypocrite, ou l’éducation d’une génération, voire, si on le prend au sens strict, l’éducation des journalistes du Magazine littéraire ? (C’est bien possible, en effet : pour écrire aussi mal, il faut que l’éducation laisse à désirer.)

Des chiens aboient sous le soleil, sans raison apparente, et comme chaque nuit aussi ; c’est la grande nouveauté

effet instantané des asperges

de ces vacances. Je me rappelle avoir lu Degrés ici un été, peut-être 2004 ou 2005, mais je ne me rappelle plus où j’avais déniché cet exemplaire aux pages non coupées, probablement d’origine : achevé d’imprimer le 8 janvier 1960, soit 4 jours après la mort accidentelle d’Albert Camus, dont j’ai rêvé cette nuit, recroquevillé sous mon manteau. (Je n’ai pas lu une ligne de Giono, ni d’Albert Camus, depuis l’adolescence.) Degrés ne m’a pas vraiment plu ; j’ai trouvé qu’il sentait un peu trop l’atelier, sans compter que le charme suranné du cadre scolaire des années 1950 nuit grandement aux prétentions du roman à une quelconque modernité. Quand on songe que Butor n’était pas loin de commencer à concevoir les volumes II et III de son Génie du lieu… Quand on songe

effet instantané des asperges

à son génie, on ne peut manquer de désirer lire le dernier volume paru du ‘Projet’ de Roubaud. Degrés se déroule au long de 380 pages. Au centre précis du récit, à la page 198, il est question de papier vert, rose et jaune. Couleurs. Au quart du parcours, un adolescent révolté retarde sa brouille avec le père haï pour une sombre histoire de timbres du Liban. Je me rappelle avoir « tiqué » – l’été 2004 ou 2005, donc – en lisant le patronyme d’un des personnages, M. Bonnini, dont l’épouse, aux trois quarts de Degrés, semble aller mieux. (Mais il n’est plus question (effet

instantané des

asperges) de papiers de couleurs variées.

lundi, 17 décembre 2007

nineteen lines of a recollection

Heurteloup postal

 

 

                   (a recollection) this was after

                   such an inter

                   national flight In my cl

                   ouds //this wasVcl

                   ear water (a recl

                   ection) treading on my shr

                   oud –s– it’s the taming of the shr

                   ew the wandering j

                   ew the turn of the scr

                   ew;ew-nawh-whet:maintenant ça colle

                   said the toddler (a recolle

                   ction) so as I was saying in my clo

                   uds there was water and blood clo

                   ts of birds wounded –they say they fly–

                   /they’re between wingsVthat’s/

                   Victory with fly

                   ing col

                   ours (a recol

                   lection).

dimanche, 16 décembre 2007

1880 - Paulinaaaggle

The Gates of Paradise est un site consacré à la poésie visuelle. Il y a là de quoi s'égarer des heures durant, en planchant sur la Toile. (I know I have.)

À titre d'exemples, je vous recommande le projet Gaaagle (a gag, en anglais, est un baîllon) et les poèmes visuels de Komninos Zervos.

thalia's carnage

 

Illustration : thalia est, tout comme Komninos Zervos, australienne d'origine grecque ; elle compose des poèmes visuels à partir des signes sténographiques conventionnels (shorthand alphabet).

 

vendredi, 14 décembre 2007

Librocubicularists all of 'em !

 ............... I often read in bed but I'm not a librocubicularist.

(Si je lis au lit, je n'ai rien, pour autant, d'un librocubiculaire.)

16:04 Publié dans Words Words Words | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Anglais

jeudi, 06 décembre 2007

La Ruse du Professeur Maupas

L’opération ne se passait pas mal, quoique, dérangé par les va-et-vient impétueux d’une bourvonne, le professeur Maupas fût quelque peu cardilophe. Ce brave homme, issu d’une famille d’experts (il avait une sœur psychiatre et un demi-frère halgorologue), était, de toute évidence, taraudé par quelques souvenirs impromptus et indésirables : le matin même, il avait omis de jacavarer avant de quitter le foyer conjugal, non sans quelques gargodontes suscités par son étourderie légendaire. Bref, le patient avait bien de la chance d’être inconscient, car il se fût, sinon, légitimement affolé.
 
« Grégory, les ciseaux 16/18 » ordicta-t-il à son assistant. Il s’irrita en voyant que cet olibrius viliesque, qui avait dû avoir ses diplômes dans une pochette-surprise, ou une année de grèves estudiantines, lui tendait une sorte de phalancodre.
 
Plus tard, tandis qu’en salle de réveil l’opéré revenait à lui, le professeur Maupas se rendait au Petit Patrimoine, où il savait ne pas trouver ce gorsoir de novembre qu’il avait tant aimé. En manquant glisser dans une ploud, il repensa à un giclement inopportun qui  s’était produit lors de l’opération ; même ce grand expert au cœur bien accroché ne put réprimer un frisson.