lundi, 31 octobre 2011
Télégramme du roitelet
Aucune connexion pendant une huitaine. Le vert qui nous entoure, et les feuilles du lagerstroemia (tantôt rouges tantôt d'un vif orangé), tiennent lieu de toile. Retard insensé dans mon travail.
Reprendre, aussi le fouillis.
Demain retour Touraine.
16:27 Publié dans Hors Touraine | Lien permanent | Commentaires (0)
Exister est un plagiat : 25 et 48
25
The outward trade consists chiefly of coal and lime, in both of which the immediate district abounds.
Tu as souri, moi aussi – au prieuré de Serrabone.
When I turned again, Sherlock Holmes was standing smiling at me across my study table.
48
1986. Mois de juillet parfait, dans le Roussillon, à nous gaver d’abricots par kilos, avant un périple à Font-Romeu, puis un passage en Catalogne.
Peyrepertuse aussi ? Sans doute.
11:27 Publié dans Exister est un plagiat | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 30 octobre 2011
Exister est un plagiat : 23 et 50
23
J'avais passé les trois années précédentes à lire, avec passion, pas tout Dickens, mais presque. Les premiers me tombaient déjà des mains, mais j'en avais dévoré tant et plus. Cette année-là, étudiant de nouveau David Copperfield, pour l'agrégation désormais, j'ignorais que j'allais, ce faisant, lui faire mes adieux. Après, je n'avais plus la tête à ces gigantesques machines.
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------
50
Nicolas me tape la tronche contre un pilier. J'ai des crises de colite qui m'obligent à aller à l'infirmerie. Un autre énergumène encore, prénommé crois-je me rappeler Christophe, me fout un coup de boule. Ce n'est pas que j'aie la tête ailleurs, mais je ne suis pas vraiment en phase avec mes camarades.
L'année suivante, je lis Le Don paisible.
09:19 Publié dans Exister est un plagiat | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 29 octobre 2011
Exister est un plagiat : 24 et 49
24
Tous les soirs, tous les soirs veux-je dire où tu rentrais du collège, tu rentrais du collège après une première cellule de décompression en salle des professeurs, puis, jusqu’à l’heure du dîner et souvent aussi pendant le dîner, tu avais encore besoin de raconter par le menu, et d’en discuter avec moi, tout ce qui s’était passé d’anormal, c’est-à-dire d’habituel, et nous savons depuis, toi surtout, ce que veut dire « enseigner en banlieue ».
On écoute 2043, Sclavis, Creil City et Bojan Z. (que nous avons vu et entendu en quintette à Creil).
Malgré le brouillard, le ciel bas et lourd comme un couvercle, le soleil peut briller, et ce n’est pas une année facile.
Lors de la grève, le Courrier picard finit par titrer : « Du baume au cœur de Baumont ». (Sur la photo, je ne vois que toi tenir la banderole.)
Ciel bas et lourd. On écoute Ferré, on visite sillonne en tous sens la région.
En tous sens Senlis Amiens Esquennoy Laon Blérancourt Gerberoy.
Mais le sens nous échappe, c’est une très belle année quand même allez comprendre.
49
Pendant les jours de convalescence de la scarlatine, pendant que les charpentiers construisaient le toit au-dessus de la terrasse côté Campot, j’apprenais les verbes forts, et recopiai dans un cahier de brouillon les paroles d’une bonne quinzaine de chansons de Reinhardt Mey (que je ne connais plus, vingt-cinq ans plus tard, que très partiellement).
Quelques années plus tôt, mes grands-parents maternels m’avaient offert un double album Frédérik Mey à Bobino. Longtemps avant Beckett, peut-être sur un mode mineur, la dyade Frédérik/Reinhardt a constitué ma principale initiation au bilinguisme absolu absolument créatif.
Quelques années plus tard, à Varel, j’ai entendu des chansons du versant allemand que je ne connaissais pas. Je crois que son œuvre en français est plus intense, plus réussie. (Ce n’est pas vrai de Beckett, qui vibre avec autant d’intensité des deux côtés.) Il me semble que, de cet auteur-compositeur-interprète germano-français, je pourrais encore chanter de mémoire certaines chansons : Le politicien ? Le Vieil ours ? Deux kangourous devant la véranda ? Le formulaire ? Daddy Blue ?
Le passé simple est forcément parfait, le futur antérieur parfaitement forcené.
Ne cherchez pas : blême mêmoire.
12:10 Publié dans Exister est un plagiat | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 28 octobre 2011
Exister est un plagiat : 22 et 51
22
Was there a “secret” at Bly—a mystery of Udolpho or an insane, an unmentionable relative kept in unsuspected confinement?
51
It was not that the young man disliked her; on the contrary, he regarded her with a tender admiration, and he had not forgotten how, when his cousin had brought her home on her marriage, he had seemed to feel the upward sweep of the empty bough from which the golden fruit had been plucked, and had then and there accepted the prospect of bachelorhood.
18:00 Publié dans Exister est un plagiat | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 27 octobre 2011
Exister est un plagiat : 21 et 52
21
Cet été-là, en visitant le château de Castelnau, nous piquons un fou rire à cause du son & lumière.
52
Dans Cabaret Zap, je joue un rôle muet très secondaire, qui consiste à montrer au public des pancartes Applaudissez et Fermez vos gueules.
15:27 Publié dans Exister est un plagiat | Lien permanent | Commentaires (3)
mercredi, 26 octobre 2011
Exister est un plagiat : 20 et 53
20
Un soir, avec Sébastien, nous sommes allés voir Arizona Dream, au cinéma UGC.
Un autre soir, en rentrant aussi du cinéma, un molosse placide nous a barré la route ; nous ne savions que faire, et tout ce que j’ai trouvé à dire, c’est « C’est con, comme situation, ça ».
Je faux. J’ai tout faux. Ces deux anecdotes ont eu lieu pendant la première khâgne.
De même les promenades au Jardin botanique.
Mais alors, que s’est-il passé au cours de ma vingtième année ? Je ne me suis pas contenté, tout de même, à Talence, d’aller le mercredi matin, faire des prises de sang en me faisant un thé, de retour au studio, et en écoutant Le Chant du cygne de Manset ?
On n’a pas tous les jours vingt ans, d’accord, mais tous les jours de cette année-là, banalement, je m’apprêtais à avoir bientôt vingt ans. Et ça n’avait aucune importance. Il m’est arrivé de me projeter dans l’avenir, comme on dit, mais pas comme ça : devoir écrire une autobiographie rétrospective, en racontant deux fois chaque année ? mais ça ne tient pas debout… Pourquoi ce que j’ai écrit dans le §56, il y a trois jours, me semble-t-il suffire amplement (et même déborder) ? Tout cela n’est-il pas casse-berlon, indigeste ?
53
Pendant les premières semaines de cours, en hypokhâgne, je reviens le soir dans le petit studio de la rue Frédéric-Sévène, et j’écoute Je suis une guitare de Moustaki. (En faisant la vaisselle, un soir, le plan de ma première dissert de philo me vient d’un bloc, en écoutant une autre chanson de Moustaki.) Quand je rentre, j’ai souvent, outre mon cartable, un sac plastique rempli de nectarines un peu talées mais très goûteuses, que je me rappelle avoir acheté à des vendeurs du boulevard Victor-Hugo pour dix francs les trois kilos.
—— Fragments autobiographiques. En faisant des choix, même dans les années lointaines, on se rend compte qu’il y a tant de choses qu’on ne racontera pas : la quinzaine à Dungeness, huit jours à Madrid (l’émerveillement devant les Ribera), le séjour au mois de février dans une famille de Frise (à Varel), ou encore les deux méchouis de fin d’année, en terminale, chez le professeur de philosophie, à Saint-Lon-les-Mines. Si on racontait tout, ce serait insupportable, et même comme ça, déjà, on s’inquiète, n’est-ce pas indigeste, inintéressant, casse-pieds ?
15:47 Publié dans Exister est un plagiat | Lien permanent | Commentaires (1)
mardi, 25 octobre 2011
Exister est un plagiat : 19 et 54
19
Ce n’est qu’hier, seulement, que j’ai raconté douze journées partiellement imaginaires de ma dix-neuvième année. Qu’attend-on de moi ? que je recommence ? n’en ai-je pas assez fait ? n’ai-je pas déjà assez de paragraphes, de palimpsestes aux basques ?
Hein, que veut-on que je raconte ? Pourquoi tel regard noir me donne-t-il à penser que je n’ai pas assez parlé, dans ces pages, de ma famille ? Dois-je vraiment raconter cette journée du 14 février 1993 où nous avons enterré mon arrière-grand-mère, qui était atteinte depuis deux ans, la pauvre, de sénilité (elle si intensément là tout au long de mon enfance – ce regard absent !) ? Non.
Ou le 21 janvier, quand j’ai appris, par téléphone, la mort de ma grand-tante, Thérèse, la sœur aînée de ma grand-mère paternelle, pieuse et aveugle ? Pour cette fois-là, je me souviens précisément de toute la soirée, car C*** m’a raconté des choses très belles et très dures, sur ses deuils à elle.
La mémoire est une bête curieuse.
Et ce n’est pas un animal.
Ni un supplément d’âme.
Juste un ressort.
54
Novembre 1991. Il y a eu, ce mois-là, un des très rares week-end où je ne suis pas rentré chez mes parents. En un jour, tantôt sur le lit, tantôt dans l’un des confortables fauteuils orange mais recouverts d’un drap blanc, j’ai lu Vous m’avez fait former des fantômes, que mes parents m’avaient offert pour mes dix-sept ans.
Pas sérieux. Décembre. Avant le Nouvel An, j’ai écrit un texte en fragments, La Mort d’Hervé. Décembre. Avant. Un soir, au Jean-Vigo, cinéma avec Laurence (Lady for a Day de Capra).
Janvier et ses ardeurs. Coup de chauffe, malgré l’hiver bordelais : me voilà premier au concours blanc. Quelle blague. — Février. En dix-huit mots, je ne retiendrai rien. Si : L’Inquisitoire. Que je n’ai pas lu en un jour. — Mars. Je vais au cinéma avec Stéphanie, ris bruyamment, comme un gros rustaud (Delicatessen, revu depuis, trouvé mauvais). — Avril. Nos nouveaux cours de philosophie – sur l’esthétique, l’art et les questions de la représentation – sont un choc. — Mai. Tout le mois, je me gave de cerises, entre autres, et j’écris Sempiternel, quand je fus mort. — Juin. Tout est parti d’une passoire et d’un prétexte fallacieux, emprunter un Gaffiot je vous demande un peu. — Juillet. Est-ce fin juin que je lis Fiesta (The Sun Also Rises) de Hemingway – fancy a coupla drinks? — Août. J’écris des textes de chansons, le ridicule ne tue pas, et j’ai toujours très bien survécu. — Septembre. Les deux chansons qui marquent, à tout jamais pour moi, cette rentrée, sont Sacré géranium et L’Antéchrist. — Octobre. Faut l’accepter, c’est pas surprenant, tout de même, la vie, eh bien la vie n’est pas facile.
15:21 Publié dans Exister est un plagiat | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 24 octobre 2011
Exister est un plagiat : 18 et 55
18
Me voici au fragment 18, et à son fragment-miroir, le §55. J’allais avoir – cinq mois plus tard – dix-huit ans. C’était le 18 juin, dans le petit studio de la résidence Coppélia.
Le reste nous appartient.
(J’écris une autobiographie pudique.)
55
Puis-je imaginer douze jours précis de ma dix-neuvième année ? Allons, jouons – on n’est pas si loin de la fiction, après tout.
Le 19 novembre 1992, un jeudi, disons que nous avons, toi et moi, déjeuné au réfectoire du lycée Montaigne, puis discuté avec Cyril autour d’un café (ou d’un chocolat chaud). N’est-ce pas le jeudi que nous travaillions ensemble sur les versions latines, attablés à la planche à tréteaux qui servait de bureau, dans le studio de la résidence Coppélia ?
Le 19 décembre, un samedi, est, d’après certaines sources, le jour où est mort Louis Ducreux. (Une année en creux, douze journées à deux ?) Pour nous deux, c’était le départ pour les vacances en famille, chacun de son côté. (On sortait sans doute d’une semaine de concours blanc. Je me gavais de pralinés bon marché.)
Le 19 janvier 1993, un mardi, nous avons dû avoir, comme chaque mardi, cours de français (et de quoi d’autre ? aucun souvenir), puis le déjeuner, les révisions de vocabulaire latin dans la minuscule et ridicule bibliothèque du lycée Montaigne, puis le cours de latin de M. Robert.
Le 19 février, un vendredi, j’ai beau me creuser l’esprit – quoi ? pas l’once du début d’un quadrillage. N’est-ce pas dans ces eaux-là, juste avant les vacances d’hiver, que nous sommes tombés très malades, moi d’abord, puis toi, la différence étant que tu as traîné cette saloperie pendant toutes les vacances ?
Le 19 mars, aussi un vendredi (not a leap year, my dear), je sais que nous avons acheté Info Matin avant d’aller en cours, pris un café avec Edwige et Stéphanie, profité un peu des premiers rayons féroces du soleil printanier dans la rue Sainte-Catherine. Peut-être avons-nous traîné nos guêtres du côté de chez Aner, avant de prendre le bus.
Le lundi 19 avril, selon que c’étaient les vacances ou pas, nous avons pu nous écrire une longue lettre, chacun de son côté, ou alors, peut-être… quoi… un concours blanc… lectures, révisions… Mais enfin, tu sais très bien ce que nous faisions le lundi.
Le 19 mai, un mercredi, nous étions à Hagetmau. Tu fêtais tes vingt ans, j’étais là. Comment se fait-il que nous fussions en vacances si tard dans l’année ? quelque chose cloche. Est-ce que je confonds ? avec quoi ? Noël ? le 19 mai de l’année suivante (mais ça ne marche pas vraiment non plus) ? y avait-il un pont (Ascension) ? Toujours était-il que, je le sais, nous étions à Hagetmau le 19 mai 1993. Et puis non, suis-je idiot, nous avons fêté ton anniversaire dans le petit studio, avec une dizaine d’amis, nous serrant autour de la table à tréteaux, mangeant des pizzas (nous n’avions pas de quoi faire vraiment la cuisine dans le kitchenette, donc à plus de deux c’était compliqué) et buvant du cidre (sages années). Etaient là Hannelore, Anne-Laurence, Stéphanie et son copain de l’époque (Jérôme ?), Cyril bien sûr, Carine, Sébastien, Laurence. Le voisin d’en face, qui, avec sa pétasse, foutait souvent du barouf (alors que nous nada, niente), est sorti pour gueuler au moment où nos amis s’en allaient, c’était minuit je pense et on riait un peu fort, moment qui n’a pas duré plus de deux minutes – cette « sortie » inattendue (& quite unfair) t’a un peu gâché la fin de journée.
Le 19 juin, lendemain de nos noces de coton (précision pour tout autre lecteur que toi : j’emploie la formule rétrospectivement et au second degré), je ne pense pas que nous soyions restés à Talence (en général, nous rentrions chacun chez soi le week-end – tes parents ont mis du temps, pourrait-on résumer), et j’allais embarquer, à peine quelques jours plus tard, pour Paris, passer les oraux de Normale Sup’. (Je crois que les résultats d’admissibilité sont tombés le lundi 21.)
Le 19 juillet, un lundi, je n’ai évidemment pas la moindre idée d’où je pouvais me trouver. Si j’étais dans les Landes au moment d’écrire ces lignes, je farfouillerais sans vergogne dans notre correspondance amoureuse et j’aurais la réponse. Peut-être étais-je à Paris, pour mon stage à Radio France Internationale. (Mais non, je confonds, ça c’était en août 1992.) Peut-être avions-nous trouvé un moyen d’être, toi à Cagnotte, ou moi à Hagetmau. Ou pas. Ainsi se passaient les vacances, en plans, manigances, prévisions et subtiles programmations – cela nous a bien stimulés pour le permis de conduire. Il n’y avait pas d’internet, et je n’ai jamais été très fou du téléphone. Combien de lettres quotidiennes, longues de surcroît, nous écrivions-nous ? —— Attends, qu’ai-je écrit plus haut : « j’écris une autobiographie pudique ». Mince, un oxymore.
Le 19 août, même jeu.
Le 19 septembre (dimanche), ce devait être – même si, une fois que tu as fait ta rentrée en Licence de Lettres à Bordeaux, nous avons pris la nouvelle et bienheureuse habitude de rester à Talence un week-end sur deux – un dimanche à Cagnotte. Les dimanches d’hypokhâgne et de la première khâgne, je ne travaillais pas beaucoup, mais je me promenais, je lisais énormément, je faisais des bricoles afin de diminuer la masse de travail de la semaine suivante. Les trajets en train, etc., tout cela était indispensable pour rompre ce qui, sans cela, eût été monotone. Avec toi, en revanche, rien de tel, bien sûr.
Le 19 octobre (mardi), peut-être avais-je une khôlle d’allemand, de philosophie ou d’histoire. Cela arrivait. Toi, tu n’avais pas repris les cours. (Depuis quelques années, la rentrée universitaire est calée sur le calendrier de l’enseignement secondaire, mais nous avons connu, nous qui n’avons pourtant pas quarante ans, les rentrées à la fac juste avant et même juste après Toussaint.) Peut-être m’avais-tu rejoint quand même, je me rappelle que tu as fait croire à ton père, assez évasivement car tu n’as jamais aimé mentir, que tu devais y être pour la fac. Cette année-là, nous avons beaucoup déliré à cause de Gadoffre Gilbert (et non Gilbert Gadoffre).
15:11 Publié dans Exister est un plagiat | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 23 octobre 2011
Exister est un plagiat : 17 et 56
17
Se poursuit une existence banale d’adolescent qui veut se croire à part (et en souffre).
La philosophie est une profonde découverte. (Banal.)
Alors que j’aurais aimé sortir avec telle, telle ou telle, dont aucune même ne m’a jeté un regard, je repousse, certes gentiment, la déclaration courageuse et digne d’une camarade de classe, parce qu’elle ne me plaît pas. (Banal.)
Je fais du théâtre amateur, joue Théramène ultra-maquillé et tout en rose fluo dans une parodie de Phèdre, en fais des tonnes, et ça marche. (Banal.)
J’ai mon bac, échoue à deux doigts de la mention TB, ce qui m’agace. (Banal.)
Une semaine à Madrid. Tombe amoureux sans espoir. (Banal.) Ai oublié la fille en question trois semaines plus tard. (Banal.)
Avant de fêter mon dix-septième anniversaire, je suis pris dans un tourbillon enchanteur – qui s’appelle l’hypokhâgne. (Banal.) Ce n’est pas le défilé en toge avec des Gaffiot en chantant Vara tibi khâgna, mais le travail ; j’adore tout ce qu’on nous apprend. J’essaie d’avoir quelque distance vis-à-vis de mon propre enthousiasme.
(Mince, quoi, je voulais devenir journaliste. (Banal.))
56
Banalités de ma vingtième année : je khûbe, et je boutonne tellement sacrément que la dermato (dont les crèmes grasses et casse-pieds me passent par-dessus la tête) me met sous Roaccutane avec des prises de sang mensuelles, ça ne rigole pas. On ne va quasiment plus jamais passer la nuit dans la chambre de C***. Notre appartement, c’est le studio de Coppélia.
Et puis, du moins banal, peut-être ?
Je sèche tous les cours de philo. Le prof est un vieux dingue totalement irrécupérable. Six heures de gagnées, chaque semaine, pour le reste du travail : comme je passe la Licence d’anglais en parallèle de la préparation du concours de Normale Sup’, mais par télé-enseignement, ce n’est pas du luxe. (Je me souviens qu’indépendamment de la traduction, des cours de linguistique et de civilisation, ainsi que de quatre cours de littérature française des 19e et 20e siècles que j’avais choisis en option, le programme de littérature comportait pas moins de huit œuvres : deux pièces de Shakespeare, 1984, David Copperfield, Frankenstein – le reste devait être américain, curieux que je n’en ai aucun souvenir !)
Chronotope du printemps 1994 : l’après-midi, vers 5 heures, le parc Peixotto.
En juin, par une chaude soirée, alors que nous revenons du cinéma, je mets une pièce de deux francs (c’était ma pièce préférée) dans la fente d’un distributeur de boissons en très net dysfonctionnement, car, au lieu d’une, C*** et moi repartons avec huit ou neuf canettes (Orangina et Cherry Coke). Cette anecdote stupide a été, par la suite, prétexte à de nombreux fous rires.
L’après-midi du jour où j’apprends, par le Minitel, que je suis admis à l’E.N.S., je téléphone à C*** pour lui annoncer la mauvaise nouvelle (nous allons vivre séparés :
toutefois, dès octobre, je réussis à m’arranger, et je rentre une semaine sur deux à Bordeaux pour un week-end prolongé de cinq jours).
11:00 Publié dans Exister est un plagiat | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 22 octobre 2011
Exister est un plagiat : 16 et 57
16
Crise d’appendicite. Le médecin remplaçant met trois jours à comprendre. Opération. (Passé à deux doigts de la péritonite). C’est en novembre, je manque les cours trois semaines, pendant que notre professeur de français n’est pas remplacé. C’est en novembre, il fait beau, je passe six jours à l’hôpital, dont trois à n’avoir droit qu’à des tamponnages de coton humide sur les lèvres (c’est long). C’est en novembre, un ami m’apporte La Montagne magique, que je lis en quatre jours, sans aucune identification (je tiens à le dire) aux tuberculeux. Un autre ami, Christoph, vient me voir et je lui fais découvrir une planche géniale de Gai-Luron. L’infirmière laisse passer une bulle d’air dans la perfusion, la rattrape in extremis ; pendant le très bref incident, Christoph, avec qui je fais du théâtre et qui est très extraverti (plus que moi, au moins à l’époque), mime l’agonie, ou l’épouvante
Crise d’adolescence. Se caractérise par le désir totalement et grotesquement conventionnel d’être différent des autres. J’y arrive assez bien, c’est-à-dire bien grotesquement.
Printemps. Je deviens « le plus jeune juré » du Prix du Livre Inter. Le jour des débats, je défends Guibert – dont je dévorerai ensuite tous les livres (même Les Chiens – vous imaginez, ça, vous, un puceau hétéro qui lit Les Chiens ???) – et Jean Rolin. C’est Pennac qui a le prix, il est très sympa, on discute beaucoup, il est très sympa. (Entrée pour le Dictionnaire des idées reçues : PENNAC (Daniel) – très sympa.)
Eté. Aux Etats-Unis, banlieue de Detroit, chez un couple de retraités, très gentils. Ils ont un chat énorme, Buff. J’apprends l’adjectif declawed, et, par la même occasion, qu’on peut être assez dégénéré pour faire dégriffer son chat. Me rappelle notamment avoir regardé, certains jours, trois épisodes différents de Bewitched sur trois chaînes différentes. Le tube de l’été, c’était Opposites Attract de Paula Abdul. L’odeur de l’année, c’était celle des nouveaux bâtiments de mon lycée, en 1ère et en Terminale – nous y avions cours de français et cours de mathématiques (aussi cours de latin et d’histoire en terminale). Dans l’avion, au retour des Etats-Unis, les autres ados exhibent leurs clichés, étalent le pognon familial. Moi, je vais retrouver mes parents.
57
L’hiver, parties effrénées de tarot dans les turnes du 3ème Rataud. Bonheur infini de ne pas en foutre une rame, après trois années de classes préparatoires. Bonheur, comme l’année d’après à Oxford, de dévaliser les rayonnages de la Bibliothèque, d’acheter et de lire des dizaines de poètes, tout à trac, sans système.
Je n’ai quasiment aucun souvenir du texte des Visionnaires – ni d’Architruc, que j’ai mis en scène pour quatre représentations à la salle Dussane. Axel jouait le rôle de Baga, moi celui du roi. A la demande de Pinget, nous avions supprimé le personnage de la Mort : Architruc succombe à une crise cardiaque. (Plus ou moins.) Odeur du lino de la salle Dussane, et des câbles électriques que j’ai fixés au sol avec des mètres et des mètres de scotch fort.
――――Je sais que j’aurais pu poursuivre dans le théâtre, je suis très heureux de ne pas l’avoir fait. Je lis et je traduis e. e. cummings, j’affiche certaines traductions sur la porte de ma turne, je n’ai conservé aucune de ces traductions, pourtant sous traitement de texte.
Juin, souvenir d’avoir regardé France-Ecosse dans la salle télé rue d’Ulm : le demi d’ouverture écossais ne se prénommait-il pas Gavin ?
Le jour où je quitte Paris, Cyril, qui est dans la capitale pour passer une fois encore les oraux de Normale Sup’, m’aide à trimbaler jusqu’à la gare Montparnasse mes six ou sept valises et sacs remplis de bouquins.
Et, l’été, nous passons, C*** et moi, une semaine formidable, chez Cyril, à Prigonrieux. Il a encore été collé, mais c’est un garçon d’une force morale impressionnante.
Puis il faut reprendre une année, C*** avec l’agrégation de lettres, moi partir pour Oxford, une année. En arpentant les rues, les parcs d’Oxford, le premier jour (un samedi), conviction absolue que ce ne sera pas facile, mais que ce sera une très belle année. (Mes convictions absolues ne m’ont jamais abusé. De même, j’ai toujours su que je ne m’enliserais pas à Paris. Ce n’est pas une ville où vivre.) C*** s’envoie des pages et des pages d’ancien français, et Le Lotissement du ciel.
15:29 Publié dans Exister est un plagiat | Lien permanent | Commentaires (2)
Faudrait-il
10 h --- publié à 12 h 30.
Il y a de plus en plus souvent des bugs ou des pannes d’affichage sur les blogs Haut&Fort. Cette semaine, je suis allé cinq jours à l’université, comme à l’époque où j’étais directeur. Pannes d’affichage. Il faudrait. Cela m’inquiète, et je me dis que je devrais faire des sauvegardes par rubriques. Il faudrait. Avant de partir, je voudrais aussi achever la mise en fiches de Patrimony et Letting Go. Et il faudrait anticiper encore un peu sur l’autobiographie. Il y a du soleil. Parties de Cocotaki ™ et de Croque-Carotte ®. Soleil, vétérinaire. Il faudrait. Il faudrait. Il faudrait.
12:28 Publié dans Questions, parenthèses, omissions | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 21 octobre 2011
W.M. 22 : from the English WP, and in English
A great fellow was Henry Wood,
Conduct symph'nies, indeed he could :
When faced with Tchaikovsky
He would never offski
Or sing carols by Will'm Horwood.
12:50 Publié dans Old-School Limericks, Wikimericks | Lien permanent | Commentaires (0)
Exister est un plagiat : 15 et 58
15
Sur ma calculatrice Texas Instruments (une vraie poubelle, nous dirait l’année d’après le professeur de mathématiques, qui exigea une Casio), il y avait un jeu d’échecs. Le mois de juin 1989, j’alterne entre ce jeu et les chansons de Brel.
En juillet, je passe trois semaines à Malvern, chez Stuart.
Je deviens dingue de cricket – ça ne m’est jamais vraiment passé.
En septembre, Christoph et moi nous passionnons pour la langue de Montaigne.
Janvier et février d’avant, j’écris, je ne sais quoi.
58
— Ada de Nabokov.
——— Oxford, Londres, Cambridge, allers-retours incessants.
————— (Mes amis se nomment Jean-Pascal, Rob, Ted, Julie, et Gavin (Gavin Best).)
——————— Trois gigantesques cuites.
————————— Des heures et des heures de cricket.
——————————— Une folle virée au Portugal (par Tordesillas et Salamanque).
————————————— 24 heures dans la vie d’un faune.
——————————————— Le goût du pain beurré, au réfectoire, à Ulm.
————————————————— Années insensées.
12:29 Publié dans Exister est un plagiat | Lien permanent | Commentaires (1)
jeudi, 20 octobre 2011
Exister est un plagiat : 14 et 59
14
La seule fois de ma vie où j’ai fait du canoë, c’était avec mon père, à Escource, lors d’une réunion estivale des Verts. Etait-ce vraiment en juin 1988 ? je crois que oui, car, si j’ai souvent confondu ces deux événements, c’est bien en juillet 1989, après mon année de seconde, que mon père et moi avons passé un week-end dans les Pyrénées, sous la tente, après avoir gravi le chemin de la Mâture, pour une réunion de la SEPANSO.
En juin 1988, j’ai sauvé un petit merle tombé du nid, que j’ai nourri avec de la pâtée pour chat et des lombrics que j’allais chercher à la pelle dans le tas de fumier. Je l’ai surnommé Grandgousier, et, un matin, après deux semaines, peut-être, de ce régime fortifiant, il a quitté sa cage à tire d’ailes, profitant du moment où j’ouvrais la porte.
C’est juste avant, ou juste après, qu’il y avait eu cette journée à Escource.
Je pense que c’est à treize ans, aussi, que j’ai écrit, sur des feuilles à carreaux de petit format, une sorte de roman d’anticipation inspiré autant par Giono que par Robert Merle, et que j’avais intitulé Une rose au jardin de la mort. Même à l’époque, je trouvais ce titre très cucul-la-praline, mais il me semblait ne pas pouvoir en choisir un autre. C’est dans ce texte-là, je crois (mais ne peux vérifier – le manuscrit a dû en être perdu), que j’ai changé le nom de l’héroïne pour la rebaptiser Lirena. Je me revois en train d’écrire les divers chapitres de ce roman inachevé, à mon bureau. Je revois très bien aussi les blocs de papier brouillon que mon père avait ramenés de je ne sais où et sur lesquels j’avais commencé à écrire une autre œuvre, assez utopique également, vaguement robinsonienne, et tout autant passée depuis longtemps à la trappe, Voyage en Cétonie.
(L’été suivant, à presque quinze ans donc, juste après le fameux week-end en vallée d’Aspe, j’avais entrepris un autre roman, très vite avorté celui-là : Les Lagopèdes. Pour le coup, j’en suis certain, il y avait un personnage féminin qui se prénommait Lirena. --- Je m'en avise à présent, c'est lors du week-end en vallée d'Aspe que j'ai entendu pour la première fois la plaisanterie sur le fromage de l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours. Pagaie.)
Pour en revenir à l’autre roman, Une rose au jardin de la mort, je sais qu’il m’est arrivé, pour l'écrire, de m’isoler même le dimanche, quand mes grands-parents maternels nous rendaient visite avec mon arrière-grand-mère. C’est cette année-là, aussi, je pense, que j’ai enregistré, à son insu, une conversation avec mon arrière-grand-mère, qui était une extraordinaire raconteuse. Elle tricotait, assise dans un fauteuil, sur la terrasse, une belle après-midi ensoleillée d’automne, et je l’écoutais, lui posais des questions.
59
Aujourd’hui, 20 octobre 2011, Frédéric a trente-cinq ans.
Même les jeunes vieillissent. Nous nous perdons de vue. C’est triste.
En 1997, j’ai joué le rôle du jeune homme dans Lorsque cinq ans seront passés de Lorca, mis en scène par mon autre ami Frédéric (que je perds un peu moins de vue).
J’ai préparé le concours de l’agrégation, ai été reçu deuxième (et mon beau-père de m'appeler Poulidor pendant des mois après ça).
Le 26 juin, C*** et moi étions à Beauvais, pour chercher un appartement – nous avons emménagé, aidés par mes beaux-parents, aux alentours du 15 août.
Les deux Frédéric ont été les premiers hôtes, l’un après l’autre, puis très régulièrement, dans notre F4 de la rue du 51ème Régiment d’Infanterie. Ce nom de rue claquait assez bien, au vu de la situation, car je n’ai dû mon passage du statut d’élève de l’Ecole Normale Supérieure à celui de doctorant et d’allocataire moniteur (et donc la possibilité de vivre avec C*** à Beauvais, où elle avait été nommée titulaire dans un collège pourri) qu’à des prorogations incessantes de mon service militaire, tandis que le plus âgé des deux Frédéric (le metteur en scène de Lorca, pas celui du 20 octobre) venait souvent nous voir car il était, à cette époque-là, objecteur de conscience au Mans, et, pour le dire sans ambages, sans un rond.
Je pense que je pourrais raconter avec une infinité de détails nos premiers mois à Beauvais, septembre par exemple : nos visites dans la région le week-end, les premières semaines de cours de C*** avec les banlieusards déchaînés, les promenades, l’achat de la Fiat Punto, mes voyages hebdomadaires à Paris (le mardi ou le jeudi, je crois) par la ligne ultra-lente qui permettait, au départ de Beauvais, de rallier la gare du Nord en 1 h 15 en moyenne, le séjour du Frédéric manceau au moment du Festival des Cathédrales, etc. Il y aurait là tout un livre. La fixation photographique ferait un chapitre à elle seule, la vie dans l’appartement un autre, et les textes que j’écrivais sur le Macintosh Performa 475 (la suite de Féerie, la traduction de Spicer, les premières recherches pour mon DEA) encore un autre chapitre.
10:41 Publié dans Exister est un plagiat | Lien permanent | Commentaires (1)
mercredi, 19 octobre 2011
Exister est un plagiat : 13 et 60
13
Il m’est impossible de me rappeler si j’ai eu la scarlatine avant ou après mon douzième anniversaire. Il m’est impossible de raconter les souvenirs précis de mon séjour d’un mois à Francfort, en août 1987, chez Tim, ni sa venue en juin dans les Landes.
60
Il m’est impossible de raconter comment, le 12 juillet au soir, chez Frédéric, à Douai, nous avons pris la Fiat Punto et sommes allés célébrer le titre de champion du monde dans des embouteillages monstres, et au milieu des concerts de klaxon.
19:50 Publié dans Exister est un plagiat | Lien permanent | Commentaires (1)
W.M. 21 : from the French WP, but in English
The man yclept Barnaby Rudge
'S overly fond of chocolate fudge.
Cries out : -- What the dickens !
If you count my chickens
Before they're hatched, I won't budge.
05:35 Publié dans Wikimericks | Lien permanent | Commentaires (0)
mardi, 18 octobre 2011
D'ici peu
Quand je serai venu à bout d'Exister est un plagiat, je soufflerai mes 37 bougies, et je pourrai, non seulement me consacrer à la mise en forme du livre, mais aussi revenir à Dubuffet, aux mines, sans me mettre la rate au court-bouillon pour les perroquets. (Oyez, oyez, goupil !)
19:00 Publié dans Aphorismes (Ex-exabrupto) | Lien permanent | Commentaires (0)
Même caché par un platane
18:40 Publié dans Indignations, Moments de Tours, Zestes photographiques | Lien permanent | Commentaires (0)
W.M. 20
Une dame d'Albi
(Où l'on joue au rugby)
Aime Les Hauts de Hur-
levent, aussi Ben Hur,
Et también Nicholas Nickleby.
13:51 Publié dans Wikimericks | Lien permanent | Commentaires (0)
Exister est un plagiat : 12 et 61
12
En classe de cinquième, je me suis mis à écouter avec passion, tous les soirs, le hit-parade de la station de radio locale Acqs 95. L’émission se nommait Star Max et était présentée par le dénommé Yohann (Johan ? Yoan ? il aurait fallu que je demande à mes grands-parents maternels à l’époque, car l’un d’eux l’avait eu comme élève à Saint-Pierre-du-Mont). L’essentiel des chansons ou des tubes qui étaient diffusés étaient, comme il se doit, de la plus pure variétoche, ou du post-disco synthétisé comme il en fleurissait dans ces années-là (milieu des années 80). Je crois que cette passion agaçait mes parents, qui ont été assez gentils pour ne pas le montrer, et surtout assez habiles pour ne pas s’y opposer – la métaphore du lâchage de lest est, à mon avis, la meilleure pour désigner l’équilibre précaire entre principes pédagogiques, autoritarisme et permissivité démagogique. De fait, cela ne dura que deux ans ; il me semble qu’à la fin de la quatrième, déjà, j’étais passé à autre chose.
Si mes souvenirs sont bons, l’émission du lundi était consacrée aux entrées et aux meilleures progressions de la semaine, ainsi qu’à un jeu grâce auquel je remportai un jour quinze maxi 45 tours (c’est la seule fois que j’ai gagné quoi que ce soit dans un jeu). Les émissions du mardi au vendredi étaient consacrées à la diffusion des chansons dans l’ordre inverse du classement : de la 61e à la 80e place le mardi, et ainsi de suite jusqu’aux vingt premières places le vendredi, de sorte que j’essayais de noter, sur des feuilles de papier, le classement, au fur et à mesure qu’il était annoncé. Ma principale difficulté consistait à comprendre les noms des artistes et les titres des chansons, pour une bonne majorité anglophones. Je n’ai commencé à apprendre l’anglais qu’en classe de quatrième (en LV2), ce qui, associé à la prononciation (je m’en rends compte rétrospectivement) approximative du susnommé Yohann, ne me rendait pas la tâche très facile. Il se trouve que le jeu du lundi se déroulait par téléphone, mais qu’il y avait un autre jeu, par voie postale, qui consistait à tenter de deviner les 5 premières places : pour ce faire, il fallait orthographier les noms des artistes de manière à peu près compréhensible. Je ne peux m’empêcher de songer que, dans la mesure où je n’étais certainement pas le seul à envoyer des propositions de classement truffées de fautes, l’animateur devait, en lisant ces tombereaux, se dire soit qu’il avait un anglais pourri, soit que les auditeurs étaient à côté de la plaque. (Et, avec un anglais impeccable, il aurait sûrement été plus mal compris encore, de moi tout le premier.)
Peut-être certains ne se trompaient-ils guère, dans la mesure où, en cette époque brontosaurienne d’avant Internet, il y avait des magazines spécialisés – comme Top 50, je crois – dans lesquels on devait pouvoir suivre plus précisément les « artistes ».
L’exemple qui me revient en mémoire est celui d’un Britannique (là, c’est moi qui reconstruis, car j’ai encore la chanson en tête et l’accent est probablement gallois ou irlandais – peut-être mancunien, mais j’en doute), dont, à entendre Yohann, j’avais reconstruit le nom de la façon suivante : Fibol Sharky. (Le tube était A Good Heart, un sirop pas permis.) L’année d’après, je crois, mes parents ramenèrent de Bristol une compilation de tubes : il y avait, dans l’une des cassettes, une autre chanson de cet artiste, et je pus alors lire le nom du chanteur : Feargal Sharkey. Je ne sais absolument pas comment se prononce ce que je pense, depuis lors (mais pas depuis ce moment de mon adolescence – ma compétence en anglais n’en était pas là), être un pseudonyme (feargal : gamine, faut avoir peur ou avoir peur de la fille / sharkey = dragueur), mais ce qui est sûr, c’est que, si j’avais entendu Fibol, l’animateur de radio devait insister trop sur la deuxième syllabe. Feargal, cela doit rimer avec une version affaiblie de Cingal, voire avec le goéland (seagull) – non ?
61
Déménagement. Camionnette que je manœuvre.
Mai. La maison que nous avons achetée, entre la signature du compromis de vente et la vente proprement dite, se trouve ouverte à tous les vents, un jour que ma sœur, de passage, avait voulu la voir. (À l’agence, je fais un esclandre contre la propriétaire – un autre agent immobilier a oublié de refermer la maison. Le directeur de l’agence, qui était quelqu’un de très bien – une exception dans le métier –, téléphone devant moi à la vendeuse, à qui il doit expliquer (fermement) que, le compromis signé, elle ne peut pas continuer à faire visiter dans l’espoir d’obtenir un meilleur prix.) Juillet.
Déménagement. Juillet. Début juillet.
Pelures d’oignon oubliées dans un tiroir de la cuisine de l’appartement.
Pelures d’oignon n’empêche point reversement de la caution.
De la camionnette sortent nos meubles. Je manœuvre. Pour les encombrants, notre ami F., perdu de vue depuis que nous vivons à Tours, me donne un sacré coup de main.
Robinetterie à refaire. Cumulus à changer.
Maison d’ouvrier, mitoyenne, petites briques picardes. Nid. Tout le monde s’imagine qu’on a acheté un taudis. Nid.
Tout le monde. (Quand mes parents découvrent la maison, plus tard, s’avouent agréablement surpris.) Le couple qui tenait l’agence s’appelait Paillette. Leur fils avait pris un pet au casque (accident de moto). Tout le monde. Briquettes picardes.
Je manœuvre. Nid. Déménagement.
Manège. Odeur si particulière, douce, de cette maison. Odeur que nous retrouvons à chacun de nos retours.
La chambre avec ses placards immenses.
Nid. La chambre.
Beauvais, juillet.
Villette, Dhaenens, Baillière, Jolivier, tout un passé enfoui, fait de visages, de noms et de discussions. Tout un passé enfoui. Ne peut pas remonter.
C’est à nous de creuser.
(Tout un passé enfoui. Nid.)
C’est à nous de creuser.
Je manœuvre.
10:01 Publié dans Exister est un plagiat | Lien permanent | Commentaires (1)
lundi, 17 octobre 2011
Exister est un plagiat : 11 et 62
11
Curieux comme cette partie de mes souvenirs d’enfance ne fait guère appel à des souvenirs d’écolier, alors qu’à cette époque-là (et cela même avant de lire Pagnol (ce devait être l’été 85)) je voyais constamment la vie d’écolier comme le centre d’intérêt principal de mon existence. (Je crois avoir, plus tard ou même cette année-là (je n’en suis plus sûr à cause de la mort de mon arrière-grand-mère paternelle, dont je ne sais plus si elle intervint après cette « œuvre »), commencé d’écrire une autobiographie dont l’essentiel était constitué par mes journées/années d’écolier.)
Et, pour ma onzième année, encore, j’aurais envie de raconter les soirées passées – en juillet – à jouer au badminton avec Tim, à Francfort. En quelques heures, en ne parlant que peu l’allemand (j’allais entrer en cinquième et n’avais donc commencé que depuis un an), j’étais devenu très ami avec Tim, de deux ans mon aîné et le fils du l’ex-correspondant de mon père. Cette amitié devait sans doute beaucoup à la soudaine possibilité de jouer longtemps, durablement, avec un camarade : badminton, jeux de société, tout y passa. (Une qui a bien dû s’emmerder, lors de ce séjour allemand, ou plutôt lors de la petite semaine à Francfort, c’est ma mère.)
Alors, pourquoi ne pas raconter la vie d’écolier, ou les longues après-midi d’automne ou d’hiver dans le bois à Cagnotte ? L’Allemagne ou la Tunisie apportent-elles plus d’exotisme narratif, plus de variété ? N’y a-t-il pas un risque, dont je m’aperçois depuis quelques jours, de céder au contraire, en choisissant de tels épisodes saillants, à la monotonie stylistique d’un album de photographies feuilleté nonchalamment, d’un œil distrait, le menton semi-somnolent, sans se fouler ?
Puisque l’objectif est de publier à terme les textes de ce projet dans l’ordre arithmétique – alors que leur ordre d’écriture aura épousé des cercles concentriques de plus en plus rapprochés du centre (à l’inverse du galet jeté dans l’étang) – il sera amusant de voir quel effet ces éventuels soubresauts stylistiques, souvent dus à la fatigue et à la précipitation (je n’ai qu’une dizaine de minutes à consacrer à l’écriture du double fragment quotidien), feront dans la trame globale de l’ouvrage.
Il n’en demeure pas moins que les notes en miroir se répondent bizarrement, un peu comme les coups mal emmanchés d’une partie de badminton ficelée de traviole, ou se dressent chichement, comme des tiges dans un toit.
62
Je me rappelle ce toit dans lequel étaient fichées, lancées vers le haut, des tiges de fer dont la fonction principale était, comme sur tous les autres toits de cette ville tunisienne, d’éviter la taxation puisque, si tige il y avait, la maison n’était pas achevée (et, de fait, aucune maison, ou presque, n’était, du coup, achevée, toutes attendant, assez babéliennement, une troisième ou un quatrième étage), ce toit sur lequel, tous ces jours d’août brûlants, nous déjeunions et dînions, et où nous côtoyâmes, pas longtemps, un mouton bien gras et bien laineux qui fut égorgé puis mangé le soir du mariage de notre ami M., dont les noces nous avaient conduits dans cette ville de Tunisie dont on a, à l’hiver dernier, beaucoup entendu parler lors de la révolution qui a mis à bas le régime du dictateur Ben Ali, lui qu’en cet été 2000 nous voyions, photographié ou peint, sur tous les murs, dans le moindre recoin du moindre souk populaire – pas trop dans le souk du centre ville, destiné aux touristes (à qui, sans doute il serait malséant de donner à voir le culte de la personnalité dans toute sa triste hideur), mais partout ailleurs – et donc, dans cette ville, dans ce quartier aux rues non bituminées de cette ville tunisienne, sur ce toit qu’alternativement je serais tenté de nommer le toit du mouton, ou le toit de la tante (car M. avait une tante d’onze ans plus jeune que lui, dix-sept ans, très belle (comment tu parles de ma tante, toi ? avait-il dit en rigolant (mais pas seulement)), qui, invitée avec sa mère, branche pauvre de la famille, pour trimer lors du mariage, résidait donc, si mes souvenirs sont bons, dans une piécette attenante à ce fameux toit), lieu qui a la particularité de m’évoquer des souvenirs très précis (trous d’aération, étente à linge, repas de demi-thon très pimenté) tout en n’ayant plus, in my mind’s eye, de topographie aisément descriptible, puisque, comme la longue parenthèse relative à la très jeune et très belle tante de M. me l’a montré, je ne vois plus bien comment s’y accrochait la cahute des deux demi-esclaves (la tante et sa mère). Sur ce toit, un soir, tu as hasardé le rituel du henné. Et es tombée enceinte moins de deux mois après.
19:19 Publié dans Exister est un plagiat | Lien permanent | Commentaires (0)
Malchanceux
13 octobre 2011
Nous en avons vu, des oiseaux pliés en plein vol. Icare encore. Gouache, aquarelle, brûlure et cendre, le regard des marcheurs se tournait du côté du moulin -- du moulin sur la rivière Floss, au moins, et au mois d'avril (le plus cruel mois). Sa manie de clore des phrases emberlificotées par des parenthèses ne l'a pas quitté, je renonce, dit la correctrice, à ce que je crois savoir. Au moins, et au mois d'avril. Avril, le plus cruel mois, je me rengorge, moulin, battre des ailes ce n'est pas rien... phrases brutes, emberlificotées, je m'embrouille, n'avance à rien. Oiseaux, donc, et vagues.
Oiseaux imprécis, écrasés, au vol brisé brutalement, oiseaux pliés en plein élan. On revoit le volatile plus tard, toujours de façon fugitive, au bord de la Loire, et même plus à l'abri du vent, en échappant aux bourrasques, se réfugier dans les salles vastes du Château de Tours (que l'on a saisi combien de fois par une imagination mécanique ?), bref se réfugier et revoir là aussi le volatile... mais plié en plein élan, pilé. Elle, donc, elle (pas Christelle, Anne, encore une nouvelle figure, encore un énième ectoplasme (qu'est devenu Bernard ?)) revoit, après avoir cherché à effacer de sa mémoire, et même de son passé, les explosions, les événements traumatisants, elle revoit le volatile, capté en miroir, prisé en relief, pris dans son regard, c'est terrible. Phrases embrouillées. Qu'est devenu Bernard ? Qu'est devenu Bernard ?
Anne (ce n'est que la première partie de son prénom composé, elle a le regard sûr, elle a marché longtemps avec les autres, leur périple le long du fleuve n'est pas rien, on pourrait s'y perdre, s'égarer (qu'est devenu Bernard ?)) revoit, car elle vit une longue file d'oiseaux qui volaient haut dans le ciel, en un vol rassemblés, un vol d'oiseaux traversant le ciel. Oiseaux, donc, regard sûr, vision précise, aucun flou, et vagues. Près de ce gouffre qui s'ouvre dans le sol (et qui ne rappelle pas le moulin sur la Floss, plutôt une bouche de métro - Charing Cross ?), elle voit cette file d'oiseaux, qui lui rappelle encore le mythe d'Icare. Icare encore. Elle évoque Bernard, et s'aperçoit qu'il est près d'elle, était-il aussi dans le château, près de la bouche de métro ? Bernard ne sourit pas, il a l'air figé dans son élan, et, comme il n'a pas levé le regard, il devient progressivement évident (pour Anne, pour personne d'autre) que c'est le colonel Sanders qu'il remarque.
Oiseaux pliés en plein élan. Revoir le volatile. Il sauta par la fenêtre au risque de se rompre les os. Au tableau noir (vert sombre, en fait, comme tous les tableaux noirs), la main a tracé les mots Icarus et Icarean, ainsi que les mots Zero at the bone et, plus mystérieusement : OS > OISEAU. Anne ajoute, dans ses notes : What's in a bird ?. Sachez-le, le tableau n'était pas noir, c'était un tableau blanc, et les mots avaient été, non tracés, mais inscrits au feutre rouge. (J'avais même plaisanté : out of the blue écrit en rouge.) Icare, tombé du ciel, out of the blue, écrasé par une bagnole. Remythification ? Qu'est devenu Bernard ? Il a disparu, encore, de sorte qu'Anne se demande si ce n'était pas une hallucination. Elle revoit le volatile, sa rétine le porte. Peut-être s'est-il brûlé à votre rétine, il faudrait ajouter les mots oeuf et oeil, toujours en rouge, puis effacer le tableau, et avec les inscriptions effacer le passé, les événements traumatisants, les tragédies, les incendies, les explosions. Faire qu'Icare atterrisse. (Utopie.) Faire qu'Icare vole. Icare, Icare. Icare encore. Icare (son vol achevé, ailes pas brûlées, intactes) est seul sans être à l'écart. Oh, arrête...
Oh, arrête. Oh, arrête ? Non, reprenons, plutôt. Reprenons mieux, de plus haut. De plus haut ? De haut ? (Au moment où Icare, splosh, flop, plouf, n'atterrit pas, amerrit, trouve sa tombe.) Anne se dit qu'elle a failli tomber de haut en voyant le diptyque dérangeant de Sacha Ketoff. Un malaise larvé. Tout a failli tomber à l'eau, dit-elle à Bernard qui la regarde, plus près qu'elle de la sorte de gouffre, bouche de métro, croix sans partage. Une angoisse larvée. Avec le nom de Sacha Ketoff, se dit Bernard (ectoplasme, nouveau masque du scripteur ?, s'interroge en marge la correctrice lassée de corriger les agaçantes parenthèses emboîtées et passant à l'ennemi (à la place du tableau noir gras de sueur il faudra fixer des couleurs, tel mot en rouge par exemple), participant elle-même de l'embrouillamini (phrases emberlificotées)), on pourrait commencer une série de poèmes acrostiches, 11 vers pour 11 lettres à l'initiale. Et si c'était des hendécasyllabes... Comme si elle lisait dans ses pensées, pense-t-il, Anne lui parle alors de carrés. Il comprend vite qu'il s'agit des oiseaux de Ketoff, pas de son projet. La chute dans la mer, dit-elle, ajoute-t-elle, entend-il, est comme une petite carie douloureuse mais marginale, dans le coin inférieur droit du tableau.
Reprenons (en avril, mois cruel, prends la file). Elle a une dent contre moi, pense Bernard. Reprenons de plus haut. Le volatile fugitif n'est pas l'oiseau plié en plein élan et fixé par Sacha Ketoff, qui n'est pas non plus Icare. D'Icare, il faudrait (acrostiche ou pas) étendre, s'interroger sur les prophéties, le labyrinthe. La bouche de métro n'est pas la bouche d'ombre n'est pas l'écume des vagues (ni des jours). L'un des onze styles (le onzième) est même qualifié de « sibyllin ». Oiseaux, et vagues. Vision précise, regard sûr, etc. (qu'est devenu Bernard, pense Bernard). La correctrice n'en peut plus. Anne, désorientée, constate que les oiseaux meurent, sont écrasés (on entend le craquement atroce de leurs os), pliés en plein élan, fouettés en plein vol (et pour la danse, j'ai mis «pirouettes» (c'est mauvais)), que l'homme-oiseau, l'enfant-oiseau, s'est brûlé les ailes trop près du soleil, que l'utopie est impossible, le retour en arrière illusoire. Meredith (qui doit son prénom à un autre George romancier de l'ère victorienne, un homme-plume) ne sera pas the highest high flier, l'apogée, la prunelle de leurs yeux, l'échelon le plus abouti de la reproduction des élites.
Bernard s'intéresse beaucoup au théâtre et nous recommande vivement une première de Gilles Bouillon. Il faut être fou. Anne passe outre. Envoie un pigeon ou un SMS. Anne s'intéresse beaucoup au théâtre et nous recommande vivement une première de Claire Diterzi. Pourquoi pas. Mais le message n'est pas passé, la Sibylle était aphone, le pigeon n'était rien d'autre, finalement, qu'un oiseau urbain malchanceux.
13:25 Publié dans Entre Baule et Courbouzon | Lien permanent | Commentaires (2)
dimanche, 16 octobre 2011
Exister est un plagiat : 10 et 63
10
Au début de l’été 1984, marqué par la première victoire (que je ne vis pas) de l’équipe de France de football dans une compétition internationale (l’Euro), mes grands-parents maternels m’emmenèrent à Paris, via Loches et Versailles (& étape à Fontainebleau au retour). Nous avons passé une semaine dans le petit appartement qu’occupait alors, à Vincennes, avec son compagnon, ma tante. J’ai de nombreux souvenirs précis de ce séjour, et notamment d’avoir été ébloui, fasciné par l’univers du métro : les noms des gares en grandes lettres blanches sur fond bleu, le compostage, les lignes dont le trajet est en partie à ciel ouvert, les escalators… Avec mes grands-parents, nous déjeunions chaque jour au restaurant, ce qui était tout à fait nouveau pour moi.
Je me souviens très bien du musée Grévin – absolument pas de Carnavalet (que j’ai revu en 2009 – rien ne m’a rien rappelé).
Au mois d’août – ma sœur se trouvait près de Hambourg dans la famille de sa correspondante – mes parents ont hébergé une prof de français américaine qui encadrait (de très loin) un groupe de lycéens américains résidant chez des hôtes payants. Originaire de l’Iowa et maîtrisant assez moyennement le français, elle se prénommait L’Louise (je n’invente rien), et, malgré son patronyme, n’avait aucune espèce de rapport avec Isabella Archer. Son séjour, qui a laissé un souvenir assez ambigu car, quoique souvent exaspérante par sa sottise, L’Louise était très gentille, a essaimé en une multitude de souvenirs, phrases, situations, mimiques. (Ce fut, au demeurant, un très bel été.)
63
Ce n’est pas à Paris, mais à la maternité de Beauvais, le 11 juillet 2001, à dix heures moins dix, en soirée, qu’est né Alpha.
Le 11 août, ce n’est pas à Paris, mais à Dax, lors du concours landais des fêtes, que Jean-Pierre Rachou est mort en piste.
Ce n’est pas à Paris, mais à New York, le 11 septembre… [compléter la phrase à votre guise]
Ce n’est pas à Paris que j’ai soutenu ma thèse, le 9 novembre, mais à Dijon.
(Je garde le reste pour moi, ou pour plus tard – le deuxième récit de cette même année.)
12:23 Publié dans Exister est un plagiat | Lien permanent | Commentaires (3)
W.M. 19 : Georgios le diadoque
dédié à Sébastien Doubinsky et à ses non-haïkus
A vingt-cinq ans Georges de Grèce
N'était encor que diadoque :
Si ce non-limerick vous strèce
Retournez fissa au padoque !
Bien que le titre de ce quatrain d'inspiration wikimerickienne puisse faire penser à un nom de Gormiti, je vous garantis qu'il n'en est rien.
06:10 Publié dans Versikipédia, Wikimericks | Lien permanent | Commentaires (1)
samedi, 15 octobre 2011
Exister est un plagiat : 9 et 64
9
Au mois d’avril, notre classe de CM1 s’est rendue, pour une quinzaine, en classe de neige à Jézeau, dans les Pyrénées. Ce n’était pas la première fois que j’allais à la montagne, où mes parents nous emmenaient chaque année, pendant une semaine, aux vacances de février. En revanche, c’était la première fois que j’allais passer aussi longtemps loin de ma famille. Je me rappelle l’angoisse de ne pas savoir faire mes lacets (mon grand-père maternel m’a appris peu avant le séjour, au pied du mur en quelque sorte), et je me souviens que ma mère, dans sa première lettre, m’écrivit, entre autres recommandations : « essaie de mettre ton pantalon à l’endroit ; c’est plus confortable, comme ça, tu sais ». (J’avais huit ans, et en raison de mon année d’avance, il s’agissait certes d’une exagération, mais d’une inquiétude vaguement légitime.)
Lors de cette quinzaine, qui s’est transformée, par la force des choses (du temps), en classe verte, j’ai appris le mot mortadelle – et j’en ai goûté pour la première fois.
Lors de cette quinzaine, nous vivions dans un centre d’hébergement spécialisé dans l’accueil des classes. Il y avait, avec nous, une classe de CM2 de Villeneuve-de-Marsan, et une dizaine de trisomiques que l’on nous apprit, par euphémisme métonymique, à nommer enfants de Lourdes.
Un soir, lors d’une des nombreuses parties de football que nous avons disputées au fil de la quinzaine, j’ai failli marquer un but. (Cela était suffisamment rare pour mériter d’être souligné.) ―――Pas mal de coupures de courant…
64
Au mois d’avril, Alpha, âgé de neuf mois, avait appris à se déplacer en trotteur, ce qui était, pour lui, source d’extase et d’hilarité. Des photographies de la même époque le montrent aussi en train de jouer avec la télécommande du magnétoscope, ou en train de chercher à enfoncer joyeusement la chaînette en plastique de sa tétine dans le nez de mon grand-père paternel (à Saintes). Nous avons commencé à nous rendre avec lui à la médiathèque de Beauvais, avec arrêt (prolongé, souvent) à l’espace réservé aux (petits) enfants.
Peu après, il apprenait à se mettre debout tout seul.
Il y avait, non loin de chez nous, à Beauvais, une grande place de terre battue, la Place du Jeu-de-Paume (où un de nos amis, languedocien d’origine, jouait, avec des « collègues », à la balle au tambourin), et un parc arboré assez vaste, le Parc Kennedy.
Pas mal de journées sont passées… Pas mal de journaux sont parus…
17:46 Publié dans Exister est un plagiat | Lien permanent | Commentaires (3)